SOMMAIRE

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L'ESSENTIEL 5

I. MALGRÉ UNE CRISE DU POUVOIR D'ACHAT, UNE FORTE BAISSE DES CRÉDITS DE LA MISSION « OUTRE-MER » DANS UN CONTEXTE DE REDRESSEMENT DES FINANCES PUBLIQUES 7

A. UN CONTEXTE SOCIO-ÉCONOMIQUE PARTICULIÈREMENT TENDU DANS CERTAINS TERRITOIRES ULTRAMARINS QU'IL EST IMPÉRATIF DE PRENDRE EN COMPTE 7

B. PROGRAMME 138 - LA NÉCESSITÉ DE MAINTENIR UN SOUTIEN DURABLE AU TISSU ÉCONOMIQUE DES OUTRE-MER 9

C. UNE IMPRESSIONNANTE BAISSE DES CRÉDITS DU PROGRAMME 123 11

II. LOGEMENT EN OUTRE-MER : PRÈS DE HUIT ANS APRÈS LA LOI ÉROM, DES SIGNAUX ENFIN ENCOURAGEANTS NE CACHANT TOUTEFOIS PAS DES RÉSULTATS TRÈS INSUFFISANTS 13

A. UNE POLITIQUE DU LOGEMENT EN OUTRE-MER DONT LES EFFETS PEINENT ENCORE À SE FAIRE SENTIR 13

B. AU-DELÀ DES NÉCESSAIRES CRÉDITS, L'ENGAGEMENT D'ACTEURS NOUVEAUX DU LOGEMENT OUTRE-MER 17

TRAVAUX EN COMMISSION 21

· Audition de M. François-Noël Buffet, ministre auprès du Premier ministre, chargé des outre-mer (Mercredi 20 novembre 2024) 21

· Examen en commission (Mercredi 27 novembre 2024) 36

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES 43

LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES 45

LA LOI EN CONSTRUCTION 47

L'ESSENTIEL

La commission des affaires économiques du Sénat, suivant la recommandation de sa rapporteure pour avis, s'est prononcée en faveur des crédits de la mission « Outre-mer » du projet de loi de finances (PLF) pour 2025.

Le budget de la mission « Outre-mer » est proposé à hauteur de 2,8 milliards d'euros (Mds€) en autorisations d'engagement (AE) et 2,5 Mds€ en crédits de paiement (CP) pour 2025, en diminution respectivement de 12,5 et 8,9 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2024.

Ces baisses s'inscrivent dans un contexte d'effort de réduction de la dépense publique, mais aussi et surtout en pleine crise du pouvoir d'achat en Martinique, et plus généralement dans un moment de fortes tensions socio-économiques dans bon nombre de territoires ultramarins. Si la rapporteure pour avis assume et soutient un exercice budgétaire particulièrement complexe, elle partage également les inquiétudes exprimées par de nombreux acteurs, et jusqu'au ministre chargé des outre-mer lui-même, concernant certaines baisses de crédits qui peuvent légitimement interroger. L'heure est à la mobilisation en faveur des outre-mer, même si cette mobilisation ne saurait se résumer à une addition de crédits budgétaires.

Ainsi, la rapporteure a souhaité rappeler l'importance du soutien au tissu économique des outre-mer, alors même que des mesures en projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) et en PLF font craindre son érosion. C'est par l'activité économique que les territoires ultramarins créeront davantage de richesses et donc de prospérité, cette activité doit dès lors continuer à être fortement soutenue, au regard des handicaps structurels auxquels font face ces territoires pour la plupart insulaires. Aussi, la commission a adopté sur proposition de la rapporteure un amendement visant à augmenter les crédits dédiés au « prêt développement outre-mer » (PDOM), outil efficace de soutien aux TPE et PME ultramarines.

De même, les crédits affectés à la continuité territoriale et à l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (Ladom) ne semblent pas être à la hauteur des engagements pris à l'occasion du comité interministériel des outre-mer (Ciom) de juillet 2023, et de la réforme engagée à l'occasion du PLF pour 2024. Aussi, la commission a adopté, sur proposition de la rapporteure, un amendement visant à maintenir un haut niveau d'intervention de l'État en 2025, pour lutter contre le risque d'une assignation géographique des français ultramarins. Il en va du respect de la parole donnée et du lien de confiance entre les territoires ultramarins et l'État.

Enfin, souhaitant approfondir la problématique du logement, et à la veille du déploiement d'un troisième plan logement outre-mer (Plom), la rapporteure a salué le travail mené sur la question du marquage « régions ultrapériphériques » (RUP), tout en appelant à la poursuite des efforts autant en matière d'adaptation des normes que de production et de réhabilitation de logements. Elle a également voulu mettre l'accent sur l'accroissement des interventions d'acteurs désormais importants pour le logement en outre-mer, à l'instar de l'Agence nationale de l'habitat (Anah), de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) ou encore d'Action logement.

La mission « Outre-mer » est loin de regrouper l'ensemble des crédits budgétaires à destination des outre-mer, disséminés au sein de 32 missions1(*). Rassemblant pour 2025 14 % des AE, la mission « Outre-mer » est la deuxième mission la plus importante2(*).

Selon le document de politique transversale annexé au PLF pour 2025 dédié aux outre-mer, l'effort global en faveur des outre-mer s'élèverait, pour 2025, à 19,38 Mds€ en AE et 21,07 Mds€ en CP, en diminution respectivement de 4 et 3 % par rapport à 2024. En y ajoutant les dépenses fiscales, estimées à 5,22 Mds€, l'effort total serait de 24,60 Mds€ en AE et 26,29 Mds en CP.

Crédits budgétaires demandés (en Mds€)

AE

CP

19,38

21,07

dont mission « Outre-mer »

2,78 (14 %)

2,55 (12 %)

Dépenses fiscales en faveur des outre-mer (en Mds€)

5,22

Effort global de l'État en faveur des outre-mer (en Mds€)

24,60

26,29

Variation avec le PLF 2024

- 7,69 %

- 7,14 %

Source : commission des affaires économiques,
d'après le document de politique transversale « Outre-mer »

I. MALGRÉ UNE CRISE DU POUVOIR D'ACHAT, UNE FORTE BAISSE DES CRÉDITS DE LA MISSION « OUTRE-MER » DANS UN CONTEXTE DE REDRESSEMENT DES FINANCES PUBLIQUES

A. UN CONTEXTE SOCIO-ÉCONOMIQUE PARTICULIÈREMENT TENDU DANS CERTAINS TERRITOIRES ULTRAMARINS QU'IL EST IMPÉRATIF DE PRENDRE EN COMPTE

Les territoires ultramarins font depuis longtemps face à des difficultés structurelles, justifiant des interventions spécifiques :

· un taux de chômage structurellement plus élevé qu'en Hexagone, notamment celui des jeunes ;

· un taux de pauvreté, même calculé localement, élevé, allant de 16 % à La Réunion à 42 % à Mayotte, en passant par 21 % en Martinique ou encore 19 % en Nouvelle-Calédonie. En Hexagone, il est de 15 % ;

· des situations d'enclavement internes, surtout en Guyane, proches de l'intolérable, affectant jusqu'à la scolarisation des enfants3(*), rejoignant le besoin plus général de vastes investissements publics4(*) ;

· des services essentiels parfois mal assurés, comme l'approvisionnement en électricité5(*), ou encore la problématique de la distribution de l'eau et de son assainissement6(*) ;

 

Taux de chômage (en %)

 

2trim. 2021

2e trim. 2022

2e trim. 2023

2e trim 2024

Guyane

12,9

13,1

13,5

19,1

La Réunion

16,7

18,8

18,6

16,8

Guadeloupe

19,5

18,4

19,4

15,6

Martinique

14,7

13,8

10,6

14,3

Mayotte7(*)

30

34

37

NC

· une problématique structurelle de manque de logements, de vacance de ces logements ou encore, pour environ 150 000 d'entre eux, de leur insalubrité.

À ces difficultés nombreuses, vient se surajouter un coût de la vie structurellement plus élevé qu'en Hexagone, notamment en Martinique et en Guadeloupe. Dans sa contribution écrite, l'Insee indique, se fondant sur les données de l'enquête de comparaison spatiale de 2022 qu'« en moyenne sur l'ensemble des produits, il est plus élevé de l'ordre de 40 % pour la plupart des départements et régions d'outre-mer (Drom) et de 30 % à Mayotte. Dans tous les Drom, les écarts de prix sont plus élevés pour les produits alimentaires que pour les autres produits. L'écart de prix sur les produits alimentaires est récurrent, au moins depuis la première enquête de comparaison spatiale réalisée en 1985. » L'institut explique par ailleurs qu'« en une dizaine d'années, l'écart de prix des produits alimentaires s'est accru aux Antilles et à La Réunion et est resté à peu près stable en Guyane. À Mayotte, il a augmenté entre 2015 et 2022 ».

Face à cette situation, une mobilisation contre la vie chère a commencé en septembre 2024 en Martinique, aboutissant à un protocole d'accord le 16 octobre signé par l'ensemble des parties prenantes8(*). Il contient diverses mesures, dont certaines trouvent une traduction en PLF à l'instar de la suppression de la TVA sur les produits essentiels, et qui doivent, selon les mots du ministre, aboutir à des baisses de prix de l'ordre de 20 % début 2025. La rapporteure tient ici à souligner la grande implication et la grande responsabilité dont ont fait part tous les acteurs. Le protocole doit maintenant s'appliquer et inspirer les autres territoires ultramarins, et des contrôles doivent être organisés. La délégation sénatoriale aux outre-mer a lancé une mission flash sur la vie chère dont le ministère pourrait se nourrir des recommandations dans le cadre de l'organisation d'un « Oudinot de la vie chère ».

Recommandation n°1 : Dans le cadre de l'« Oudinot de la vie chère » annoncé par le ministre, prendre pleinement en compte les recommandations issues des travaux du Sénat.

C'est dans ce contexte particulièrement complexe que les arbitrages du PLF 2025 devront s'effectuer, sans jamais perdre de vue l'impérieuse nécessité d'apporter des réponses très concrètes aux problématiques des Ultramarins, au risque de voir s'accroitre les mouvements de mécontentement dans différents territoires.

La mission « Outre-mer » se divise en deux programmes, le programme 138, relatif au soutien à l'emploi en outre-mer, et le programme 123, visant à améliorer les conditions de vie des Ultramarins.


* 1 Et, en leur sein, 105 programmes budgétaires.

* 2 Loin derrière la mission « Enseignement scolaire » (34 %) et devant la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » (10 %).

* 3 Comme l'a souligné Marie-Laure Phinera-Horth lors de l'audition du 7 novembre 2024 du ministre chargé des outre-mer devant la délégation sénatoriale aux outre-mer, il devient urgent d'entamer les travaux de construction d'une piste entre Apatou et Papaichton, au moment où le niveau du fleuve Maroni est tellement bas qu'il ne permet plus aux enfants de pouvoir se déplacer pour se rendre à l'école.

* 4 Lors de l'audition du 20 novembre 2020 du ministre chargé des outre-mer devant la commission des affaires économiques, Frédéric Buval a souligné que l'hôpital de la Trinité, en Martinique, attend depuis 17 ans sa reconstruction.

* 5 Annick Petrus a souligné, lors de la même audition, le caractère urgent de régler la problématique des coupures d'électricité à Saint Martin, qui empoisonnent la vie des Saint-Martinois et hypothèquent la vocation touristique de l'île.

* 6 La Martinique connaît des dizaines de coupures d'eau par an.

* 7 Source : Enquête emploi.

* 8 État, collectivité et acteurs économiques

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