B. PROGRAMME 138 - LA NÉCESSITÉ DE MAINTENIR UN SOUTIEN DURABLE AU TISSU ÉCONOMIQUE DES OUTRE-MER
Le programme 138 « Emploi outre-mer » a pour finalité selon le projet annuel de performance (PAP) pour 2025, d'assurer le développement économique des territoires ultramarins et la création d'emplois dans les outre-mer9(*).
Ce programme, qui représente près des deux tiers du total des crédits de la mission, devrait connaître pour 2025 une variation positive de ses AE, de 3,81 %, comme de ses CP, de 3,43 %. Cette augmentation est en réalité due à l'évolution positive des crédits de l'action 1 « Soutien aux entreprises », qui mobilise à elle seule plus de 1,6 Md€ (en AE=CP), sur les 2,8 Mds€ de la mission.
Il s'agit donc de dépenses constatées, et non pilotables, sauf à directement faire évoluer les dispositifs d'exonérations existants, comme le prévoit l'article 6 du PLFSS pour 2025, tel que déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale. À ce titre, et sans préjuger de l'issue finale du texte10(*), la rapporteure souhaite rappeler la nécessité, au regard des enjeux spécifiques des territoires ultramarins, de préserver les dispositifs d'exonérations de charges, qu'ils soient généraux ou spécifiques aux outre-mer.
De plus, une mission d'inspection11(*) portant spécifiquement sur les dispositifs dits « Lodeom » doit rendre ses conclusions en novembre 2024. Pour la rapporteure, c'est à la lumière de ces conclusions qu'une discussion avec les acteurs concernés pourrait le cas échéant s'engager, sans agir dans la précipitation, comme le précédent gouvernement a pu le faire à l'occasion du PLF pour 2024 en réformant le régime d'aide fiscale à l'investissement productif, sans consultation préalable, ce à quoi le Sénat s'était alors opposé.
La refonte des dispositifs d'exonérations
de charges sociales
figurant à l'article 6 du PLFSS
L'article 6 du PLFSS prévoit de réformer les dispositifs de droit commun d'exonérations de charges sociales pour les entreprises. Cette réforme, appelée à s'étaler sur plusieurs années, impactera logiquement les entreprises ultramarines. De plus, elle affectera de façon indirecte les dispositifs spécifiques d'aides aux entreprises ultramarines, ceux-ci étant basés, pour leur calcul, sur les plafonds des aides de droit commun. En audition, le ministère a estimé l'incidence à 100 M€ au titre des exonérations générales et 80 M€ au titre des exonérations spécifiques. Auditionnée par la rapporteure, la Fédération des entreprises d'outre-mer (Fedom) avance un impact total compris entre 200 et 265 M€12(*).
Par ailleurs, cet article entend habiliter le Gouvernement à réformer par ordonnance les dispositifs spécifiques aux territoires ultramarins, les dispositifs « Lodeom ». Ces exonérations, dont le coût est d'environ 1,5 Md€ pour l'Etat, visent à soutenir l'activité économique en outre-mer en réduisant le coût du travail pour les employeurs13(*).
Recommandation n° 2 : Préserver les aides générales et spécifiques de soutien à l'emploi et à la compétitivité des entreprises ultramarines et ne réfléchir à d'éventuels ajustements que de manière concertée avec les acteurs économiques concernés.
Si les crédits affectés aux actions 2 et 3 n'évoluent peu voire pas, il n'en va pas de même pour l'action 4 « Financement de l'économie » qui connaît une baisse très sensible de ses crédits, de plus de 71 % en AE et de plus de 75 % en CP. Si la rapporteure souscrit à la nécessité de réaliser un effort budgétaire dans le cadre du redressement des comptes de la France, elle souhaite néanmoins alerter sur deux économies envisagées, qui portent sur des montants modestes à l'échelle du programme et de la mission, mais néanmoins stratégiques.
Premièrement, au sein de l'action 2 « Aide à l'insertion et à la qualification professionnelle », elle observe une forte baisse de la subvention pour charge de service public de Ladom, alors même que celle-ci, en pleine mutation, se voit chargée de déployer de nouveaux dispositifs de continuité territoriale, et singulièrement d'aide au retour des ultramarins dans leur territoire d'origine, actés en PLF 2024. La subvention inscrite en PLF pour 2025 s'établit à 6,28 M€ en AE et en CP, en baisse de plus d'un tiers par rapport aux crédits 2024, qui s'établissaient à 9,9 M€. 70 à 80 % des frais de fonctionnement de l'agence étant constitués du paiement des salaires, Ladom estime qu'une telle baisse la conduirait à supprimer environ 40 postes, un ordre de grandeur confirmé en audition par la DGOM. Au regard de l'importance de la mission s'attachant à la continuité territoriale, la rapporteure considère que la baisse envisagée doit être corrigée.
Recommandation n° 3 : Stabiliser pour 2026 la subvention pour charge de service public de Ladom (amendement 1).
Secondement, au sein de l'action 4, si la baisse des crédits est spectaculaire, elle est en partie le résultat de la non-reconduction d'amendements budgétaires ayant porté les crédits ouverts de 23 à 35 M€ en AE pour 2024. Néanmoins, on note une baisse significative des montants alloués au prêt de développement outre-mer (PDOM), qui passerait de 10 M€ en AE pour 2024 à 2,4 M€ pour 2025. Ce prêt, accordé par Bpifrance depuis 2017, vise à financer le besoin en fonds de roulement des entreprises. Dans sa contribution écrite, la Fedom souligne l'important effet levier de cette aide, de l'ordre d'un pour trois, effet levier également souligné par la DGOM lors de son audition. En tout état de cause, il s'agit d'une dépense particulièrement productive, bien que modeste à l'échelle de la mission, et qui ne saurait être inférieure à son niveau de 2024.
Recommandation n° 4 : Augmenter les crédits destinés au financement des PDOM (amendement 2).
* 9 Et cela via les exonérations de charges sociales, la prise en charge de dispositifs de qualification professionnelle des actifs ultramarins et spécifiquement des jeunes et l'accompagnement des entreprises et spécifiquement celles relevant de l'économie sociale et solidaire.
* 10 L'article 6 a été supprimé au cours de l'examen du texte à l'Assemblée nationale.
* 11 Mission d'inspection commune de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l'inspection des finances (IGF).
* 12 Il est à noter que, si la réforme des dispositifs d'allègements généraux et spécifiques de charges en faveur des entreprises venait à aboutir, les crédits de l'action 1, et donc de facto de l'ensemble de la mission, afficheraient une forte baisse pour le budget 2026.
* 13 Il existe trois régimes en fonction de la taille et du secteur d'activité de l'entreprise, permettant une exonération totale de charges patronales, pouvant atteindre 2 Smic, et des exonérations dégressives jusqu'à des seuils différents, pouvant aller jusqu'à 3,5 Smic.