F. UNE AIDE MULTILATÉRALE MOINS IMPACTÉE

Les crédits multilatéraux du programme 110 diminuent en crédits de paiement, passant de 1,49 milliard d'euros à 1,03 milliards d'euros, mais les autorisations d'engagement passent de 611 millions d'euros à 1,378 milliard d'euros, portés par la 21ème reconstitution du fonds AID de la Banque mondiale, pour lequel la France contribuera en 2025 à hauteur de 1,25 milliard d'euros, conformément à la négociation achevée en décembre 2024. L'AID est l'instrument principal d'intervention multilatérale dans les pays les plus pauvres, couvrant un large éventail de financements, de l'intervention dans les pays en crise au développement des pays les moins avancés, avec un accent particulier sur le renforcement des institutions, le renforcement de la stabilité macroéconomique, les politiques sectorielles et les projets d'infrastructures.

En revanche, il est proposé à titre exceptionnel, malgré l'engagement déjà pris par la France en 2023, de revoir le calendrier de décaissement de la contribution de la France au Fonds vert pour le climat. Ainsi, aucun crédit budgétaire ne sera versé sur le programme 110 au titre du Fonds vert en 2025, ce versement étant décalé d'un an (ainsi que le paiement prévu en 2026 au titre du programme 110). Néanmoins, la part du versement portée par le programme 384 (142 M€) sera quant à elle payée en 2025, conformément au calendrier initial.

Par ailleurs, le ministère des finances a indiqué avoir diminué de nombreuses « petites contributions » à des fonds multilatéraux. En effet, en période d'augmentation forte des crédits, la France avait accepté les sollicitations de nombre de ces fonds, avec toutefois des participations mineures ne permettant pas d'avoir un réel effet sur l'orientation des dépenses.

Au total, la relative préservation des crédits multilatéraux par rapport aux crédits bilatéraux donnera une coloration davantage multilatérale à l'aide française, à rebours des préconisations de longue date du Parlement, soucieux de donner à notre pays davantage de contrôle de sa politique de solidarité internationale.

G. UN ÉLOIGNEMENT CROISSANT PAR RAPPORT AUX DISPOSITIONS DE LA LOI DU 4 AOÛT 2021

Bien que ce ne soit pas l'effet recherché mais seulement la conséquence de l'austérité imposée à la mission « Aide publique au développement », l'ensemble de ces évolutions budgétaires ont pour effet de rendre l'aide française plus multilatérale et moins concessionnelle, ce qui va à l'encontre des efforts menés au cours des dernières années pour rendre l'aide française, précisément, plus bilatérale et plus concentrée sur les pays les plus pauvres, lesquels sont les premiers destinataires des prêts bonifiés et surtout des dons.

Plus globalement, c'est l'ensemble des grands axes de la loi du 4 août 2021 qui est mis à mal, alors que les décisions du CICID et du Conseil de développement de 2023 les avaient déjà fortement transformés : l'horizon des 0,7 % du RNB consacrés à l'APD, la priorité aux dons et celle accordée au bilatéral, tout comme la croissance des fonds transitant par les OSC, font ainsi les frais des restrictions budgétaires.

En revanche, une création importante de la même loi du 4 août 2021 est préservée et même renforcée : le programme 370, qui collecte les sommes issues de la vente des biens mal acquis pour les reverser aux pays concernés sous la forme de projets de développement. En 2024, il avait été alimenté pour la première fois avec l'ouverture de 6,1 millions d'euros issus de l'affaire « Obiang », le fils du président de la Guinée-Équatoriale. En 2025, un montant de 140,3 millions d'euros devrait être inscrit sur ce programme 370 en provenance de la vente de biens confisqués à Rifaat al-Assad, oncle du président Syrien.

Une aide importante à l'Ukraine

La stratégie de soutien de la France à l'Ukraine mobilise différents canaux multilatéraux et européens auxquels la France contribue. Le soutien bilatéral de la France à l'Ukraine a consisté jusqu'à début 2024 en prêts mixés (crédit export garanti et prêt du Trésor), des prêts concessionnels et des Fonds d'études et d'aide au secteur privé (FASEP). L'AFD a été sollicitée dès le début de la guerre pour une première opération en mars 2022, renouvelée en novembre, sur le fondement d'un mandat ad hoc, l'agence ne disposant alors pas de mandat d'intervention dans le pays. Au total, l'AFD a ainsi octroyé et décaissé 400 M€ de financement budgétaire en appui aux dépenses sociales liées aux services publics en Ukraine (éducation, santé, transferts sociaux, retraites, etc.).

En décembre 2023, l'AFD a obtenu un mandat d'intervention officiel, centré sur l'appui aux collectivités locales et les financements non-souverains, qui lui permettra d'octroyer 400 M€ de prêts et 50 M€ de subvention sur la période 2024-2027. Afin de limiter l'exposition aux risques du bilan de l'Agence, l'octroi de prêts dans des géographies au profil de risques similaires devra être réduit en parallèle.

Depuis, l'AFD a signé le 7 juin 2024 l'accord intergouvernemental d'établissement d'une agence pour le groupe AFD, à l'occasion de la visite en France du Président ukrainien. Trois semaines après, l'AFD a ouvert le 1er juillet un bureau à Kyiv, co-localisé avec Expertise France.

Sur le plan opérationnel, trois missions de prospection réalisées entre la fin 2023 et le printemps 2024 ont permis d'identifier plusieurs pistes d'intervention pour l'AFD à court et moyen termes.

Au niveau du Groupe, Expertise France (EF) et Proparco sont actifs depuis respectivement 2006 et 2019 dans le pays. Le mandat confié à l'AFD permet donc aux trois entités d'être présentes en Ukraine et de déployer une vaste palette d'instruments financiers et techniques en soutien à la résilience du pays et à sa trajectoire de convergence européenne.

EF bénéficie d'une présence historique en Ukraine, qui se traduit notamment par des programmes de coopération technique bilatérale, des jumelages et une intervention continue dans le secteur de la justice via le programme européen PRAVO Justice. Dans le contexte de la guerre et de la candidature ukrainienne à l'adhésion à l'Union européenne, EF a considérablement renforcé ses activités dans le pays. Le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères lui a notamment confié à 14,5 M€ pour positionner la coopération technique française en réponse aux besoins de l'Ukraine (programme mAIDan).

Le Groupe concentre son intervention autour de deux axes stratégiques : soutien à la résilience et à la reconstruction ; soutien à l'intégration européenne. En 2024, le portefeuille d'EF comprend 15 projets nationaux et 3 projets régionaux pour un montant total de plus de 50 M€ répartis sur 6 secteurs : (i) santé et protection sociale, (ii) état de droit et justice, (iii) gouvernance locale et décentralisation, (iv) innovation et soutien au secteur privé, (v) gouvernance économique et financière, (vi) défense et sécurité.

Afin de répondre aux besoins des partenaires ukrainiens, EF joue un rôle d'ensemblier en mobilisant de l'expertise publique et privée française, de la maitrise d'ouvrage déléguée pour les chantiers de reconstruction et de réhabilitation, ainsi que de l'expertise en gestion de subventions à destination des OCS ou du secteur privé. Par ailleurs, l'agence recherche des synergies se positionne comme facilitatrice de la coopération décentralisée. Enfin, EF construit des partenariats avec d'autres agences de coopération des États-membres, afin de rechercher un effet de levier sur les financements français et européens.

EF compte à présent 43 personnes en Ukraine et l'Agence déploiera également une douzaine d'experts techniques internationaux pour appuyer les institutions ukrainiennes.

Proparco a par ailleurs investi, en 2023, 20 MD de dollars dans le fonds d'investissement Horizon Capital IV pour appuyer le secteur privé ukrainien, notamment les secteurs de la nouvelle économie.

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