II. UNE RÉGULATION DES DÉPENSES TROP DYNAMIQUES EN FAVEUR DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE ET DE L'ACCOMPAGNEMENT DES MUTATIONS ÉCONOMIQUES
A. FREINER LES DÉPENSES D'ALTERNANCE SANS METTRE EN PÉRIL LA VOIE DE L'APPRENTISSAGE
1. Le succès fulgurant de l'apprentissage à un coût devenu trop élevé pour les finances publiques
Depuis la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, le nombre de contrats d'apprentissage a augmenté spectaculairement jusqu'à atteindre près de 850 000 contrats en 2023. Cette réussite a toutefois été rendue possible par des efforts de financement importants ayant atteint, à compter du 1er juillet 2020 et la mise en place d'une aide exceptionnelle dans le cadre du plan de relance, des montants considérables. Selon le « jaune » budgétaire relatif à la formation professionnelle, annexé au PLF 2025, la dépense nationale en faveur de l'apprentissage (Opérateurs de compétences, État, collectivités locales, autres organismes, ménages) s'élèverait à 15,3 Mds d'euros en 2023.
Dépense nationale en faveur de l'apprentissage et nombre de contrats conclus
Source : Commission des affaires sociales, DGEFP, jaune budgétaire Formation professionnelle
Le programme 103 porte ainsi les crédits destinés à compenser les exonérations liées à l'apprentissage dont le montant a atteint 1,7 Md d'euros en LFI pour 2024. Le PLF pour 2025 prévoit une réduction de 400 millions d'euros de cette dépense en répercussion d'une diminution, annoncée par voie réglementaire par le Gouvernement, de l'exonération de cotisations sociales dont bénéficient les apprentis pour la part de leur revenu inférieure à 79 % du Smic. La rapporteure a souhaité pérenniser cette réduction de dépenses par un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale adopté par le Sénat, visant à abaisser au niveau de la loi le plafond maximal de cette exonération à 50 % du Smic.
2. Bien calibrer la nécessaire réduction de l'aide aux employeurs d'apprentis
Le régime de cumul entre une aide exceptionnelle la première année et l'aide unique versée jusqu'à la troisième année du contrat a été mise en extinction à partir du 31 décembre 2022. Toutefois, le nouveau régime demeure encore très favorable en prévoyant une aide aux employeurs d'apprentis d'un montant de 6 000 euros versée au titre de la première année.
Évolution des différentes modalités des aides en faveur des employeurs d'apprentis
Du 1er janv. 2019 au 31 déc. 2022 |
Du 1er juillet 2020 au 31 déc. 2022 |
Du 1er janv. 2023 au 31 déc. 2024. |
|
Principes de l'aide |
Aide unique pour les employeurs. Versée les 3 premières années du contrat. |
Aide exceptionnelle Versée la 1ère année du contrat (remplace dans ce cas l'aide unique) À partir de la 2e année du contrat, l'aide unique s'applique toujours. |
Aide financière aux employeurs d'apprentis qui se substitue à l'aide unique. Versée uniquement au titre de la 1ère année du contrat |
Formation éligible |
Diplôme inférieur ou égal au niveau 4 (bac) |
Diplômes de niveau inférieur ou égal au niveau 7 (bac+5) |
Diplômes de niveau inférieur ou égal au niveau 7 (bac+5) |
Entreprises éligibles |
Pour les seules entreprises de moins de 250 salariés |
Moins de 250 salariés sans condition. Plus de 250 salariés et s'engageant à respecter un taux minimal de contrats favorisant l'insertion |
Moins de 250 salariés sans condition. Plus de 250 salariés et s'engageant à respecter un taux minimal de contrats favorisant l'insertion |
Montant |
4 125 € la 1ère année 2 000 € la 2e année 1 200 € la 3e année |
5 000 € pour les mineurs 8 000 € pour les majeurs |
6 000 € dans toutes les situations (sauf en cas de rupture du contrat) |
Source : Commission des affaire sociales
Le montant crédité des dépenses de l'Etat liées à cette aide s'élève ainsi à 3,9 Mds d'euros (AE) en LFI pour 2024. En PLF 2025, il est proposé de restreindre cette enveloppe à 3,24 Mds d'euros (-16,73 %). Tout en calculant cette économie sur l'hypothèse d'une aide aux employeurs abaissée uniformément à 4 500 euros, le Gouvernement n'a pas confirmé si cette diminution serait in fine retenue ni quelles autres modalités de limitation pourraient s'appliquer. En tout état de cause, la rapporteure note que le nombre cible de contrats d'apprentissage conclus au 31 décembre 2025 reste identique à l'effectif de 2024 (849 291), ce qui, de fait, tire un trait sur la promesse présidentielle du million d'apprentis d'ici 2027.
La commission estime que l'aide uniforme de 6 000 euros accordés à presque tous les employeurs d'apprentis représente un coût budgétaire trop important et soutient donc la diminution de cette enveloppe. Toutefois, cette diminution ne peut se faire sans risque de casser la dynamique de l'apprentissage et sans risque de moins bien accompagner les apprentis
Dans certains secteurs, freiner brutalement l'apprentissage risquerait de mettre à mal une voie historique de formation aux métiers.
C'est pourquoi, la commission a adopté un amendement de la rapporteure n° II-636 visant à augmenter de 320 millions d'euros la ligne budgétaire attribuée à l'aide dans le but de porter à 5 000 euros - contre 4 500 euros - le montant de cette aide. Dans les entreprises de plus de 250 salariés, l'aide ne s'appliquerait pas aux niveaux de formation égaux ou supérieurs à bac +3 conformément à un amendement proposé par la commission des finances.
3. La suppression de l'aide pour les contrats de professionnalisation
Entre le 1er janvier 2023 et le 1er mai 2024, une aide financière de 6 000 euros maximum était octroyée au titre de la première année du contrat de professionnalisation. Cette aide, financée à hauteur de 273 M € en LFI pour 2024, a été mise en extinction par le décret du 21 février 2024 portant annulation de crédits. En conséquence, seul un reliquat de 29 millions d'euros serait prévu pour 2025 au titre des contrats en cours de validité.