B. CRÉER ENFIN LES CONDITIONS DE L'ÉQUILIBRE BUDGÉTAIRE DE FRANCE COMPÉTENCES

1. Un budget de France compétences en déficit

En 2023, les ressources de France compétences se sont élevées à 12,9 Mds d'euros, en contraction de 14 % par rapport à 2022. Ces recettes n'ont pas pu équilibrer le montant total des emplois qui a atteint 14,7 Mds d'euros. En 2024, le déficit de France compétence serait ramené à 1 Md d'euros grâce à des ressources en hausse de 6 % et à une stabilité des dépenses. Celle-ci est notamment possible grâce à une réfaction des dotations aux régions au titre du fonctionnement des centres de formation d'apprentis (CFA) (- 50 millions d'euros) et au ralentissement de la dépense au titre du compte personnel de formation (CPF).

Source : Documents budgétaires et réponses de la DGEFP et de France compétences aux questions de la rapporteure

En outre, depuis 2022, France compétences engage des mesures de régulation des dépenses d'apprentissage par une révision de niveaux de prise en charge (NPEC) des contrats sur la base des coûts de formation observés dans les CFA. Ainsi, une première baisse de 2,7 % des niveaux de prise en charge a été engagée à l'été 2022, pour une économie estimée à 210 millions d'euros en année pleine. Puis une seconde baisse de 5 % de ces niveaux est intervenue en septembre 2023, pour une économie estimée à 570 millions d'euros. Une nouvelle révision des NPEC est intervenue en juillet 2024 en ciblant les niveaux de qualification 6 et 7. Cette mesure devrait se traduire par une économie de 120 M€ en année pleine. Il convient également de noter que la commission finance propose un amendement prévoyant que le financement des formations dispensées par les CFA est limité à 90 % du NPEC pour les qualifications de niveau 6 et à 80 % pour les formations de niveau 7.

2. Équilibrer le budget de France compétences en réduisant l'abondement du PIC par le biais du fonds de concours de l'opérateur

Ces mesures proactives de jugulation des dépenses ne suffisent pas à financer l'apprentissage sans le soutien de l'Etat par la voie de subventions. C'est pourquoi, le PLF pour 2025 prévoit d'allouer 2,06 milliards d'euros à l'établissement. Malgré cela, France compétences devrait rester déficitaire en 2025 à hauteur de 464 millions d'euros.

La rapporteure constate que, cette année encore, la réforme de l'apprentissage de 2018 n'a pas trouvé son équilibre budgétaire. Un meilleur emploi des moyens de France compétences doit être une des priorités du Gouvernement.

La commission réitère donc sa position exprimée lors des exercices précédents. Il n'apparait pas souhaitable que l'opérateur contribue au financement du plan d'investissement dans les compétences (PIC) destiné à la formation des demandeurs d'emploi alors que le financement de ses missions premières n'est pas assuré. Le PLF pour 2025 prévoit que France compétences consacre, comme l'an passé, 800 millions d'euros (en AE) à la formation des demandeurs d'emploi, par l'intermédiaire d'un fonds de concours.

Il convient de rappeler que l'établissement devrait contribuer au financement du PIC à hauteur de 8 milliards d'euros sur la période 2019-2024. En parallèle, les déficits cumulés de France compétences devraient s'élever à 10,5 milliards d'euros fin 2024.

Contribution de France compétences au financement du PIC

 

2019

2020

2021

2022

2023

LFI 2024

Total

En millions d'euros d'AE

1 532

1 581

1 632

1 684

795

800

8 024

Source : France compétences

La commission a adopté un amendement n° II-638 proposé par la rapporteure et réduisant les crédits de la subvention accordée à France compétences de 398,5 millions d'euros. En parallèle, la totalité du fonds de concours au titre du PIC doit être supprimée - pour 800 millions d'euros -, ce qui permettra à l'opérateur de retrouver l'équilibre budgétaire grâce, en outre, à une régulation des dépenses de CPF (voir ci-après).

3. Poursuivre la régulation des dépenses du compte personnel de formation

L'enveloppe budgétaire que France compétences consacre au titre du CPF devrait, selon l'opérateur, être contenue aux alentours de 2 Mds d'euros en 2024 grâce à la participation obligatoire au financement par le bénéficiaire - enfin mise en oeuvre par un décret du 29 avril 2024 - et l'encadrement du financement des permis de conduire.

Il ressort des travaux de la rapporteure qu'au sein des actions de formations financées par le CPF, les actions de formation d'accompagnement et de conseil dispensées aux créateurs ou repreneurs d'entreprises (ACRE) demeurent particulièrement concernées par des abus. Ces actions ACRE ne concourent pas au passage d'une certification ou d'un examen mais sont éligibles de droit à la prise en charge par le CPF en vertu de l'article L. 6323-6 du code du travail. Contrairement aux actions de formation sanctionnées par les certifications et habilitations, elles n'ont donc pas à faire l'objet d'une inscription au répertoire national des certifications professionnelles ou au répertoire spécifique.

Les dépenses au titre des actions ACRE ont connu une consommation exponentielle sur la période 2021-2022 jusqu'à atteindre 415 millions d'euros par an. Des campagnes de régulation ont donc été menées afin de contenir à 125 millions d'euros cette dépense en 2023 - dont 97 % relevait du budget de France compétences. Les prévisions indiquent que France compétences devrait financer pour 2024 un montant similaire de 125 millions d'euros d'actions ACRE.

Les mesures de régulation entreprises ne peuvent toutefois aller plus loin en raison des dispositions légales prévoyant l'éligibilité automatique au CPF des actions ACRE. La rapporteure estime que cette éligibilité de droit n'est pas justifiée alors qu'elle provoque des effets d'aubaine ; certaines offres de formation, refusées à l'enregistrement des répertoires nationaux, sont éligibles au CPF par ce biais.

La commission, par un amendement n° II-639, soutient donc la suppression de cette éligibilité légale des actions ACRE. Ces formations resteraient éligibles au CPF dans le cadre de certifications et un report de 50 % des dépenses vers les actions certifiantes présentes au catalogue MonCompteFormation est à anticiper. En définitive, outre la garantie d'un niveau accru de qualité des formations, cette mesure permettrait une économie de 62,5 millions d'euros en année pleine pour le budget de France compétences, selon les estimations de la Caisse des dépôts et consignations.

L'équilibre de France compétences est ainsi atteignable en 2025 grâce à la mise en extinction du financement du PIC par l'opérateur, combinée à la suppression de l'éligibilité de droit au CPF des actions de formation pour la création ou la reprise d'entreprise.

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