N° 148 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2024 |
AVIS PRÉSENTÉ au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2025, |
TOME II TRANSPORTS |
Par MM. Stéphane DEMILLY, Olivier JACQUIN Sénateurs |
(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Longeot, président ; M. Philippe Tabarot, premier vice-président ; Mmes Nicole Bonnefoy, Marta de Cidrac, MM. Hervé Gillé, Rémy Pointereau, Mme Nadège Havet, M. Guillaume Chevrollier, Mme Marie-Claude Varaillas, MM. Jean-Yves Roux, Cédric Chevalier, Ronan Dantec, vice-présidents ; M. Cyril Pellevat, Mme Audrey Bélim, MM. Pascal Martin, Jean-Claude Anglars, secrétaires ; Mme Jocelyne Antoine, MM. Jean Bacci, Alexandre Basquin, Jean-Pierre Corbisez, Stéphane Demilly, Gilbert-Luc Devinaz, Franck Dhersin, Alain Duffourg, Sébastien Fagnen, Jacques Fernique, Fabien Genet, Éric Gold, Daniel Gueret, Mme Christine Herzog, MM. Joshua Hochart, Olivier Jacquin, Didier Mandelli, Damien Michallet, Louis-Jean de Nicolaÿ, Saïd Omar Oili, Alexandre Ouizille, Clément Pernot, Mme Marie-Laure Phinera-Horth, M. Bernard Pillefer, Mme Kristina Pluchet, MM. Pierre Jean Rochette, Bruno Rojouan, Mme Denise Saint-Pé, M. Simon Uzenat, Mme Sylvie Valente Le Hir, MM. Paul Vidal, Michaël Weber. |
Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 324, 459, 462, 468, 471, 472, 486, 524, 527, 540 et T.A. 8 Sénat : 143 et 144 à 150 (2024-2025) |
CHAPITRE IER
LES CRÉDITS CONSACRÉS
AUX
TRANSPORTS AÉRIENS
Réunie le 27 novembre 2024, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, suivant son rapporteur, Stéphane Demilly, a émis un avis favorable aux crédits relatifs aux transports aériens inscrits au projet de loi de finances pour 2025, sous le bénéfice de l'adoption de trois amendements en faveur de la décarbonation du secteur.
Pour la commission, la trajectoire de modernisation des outils du contrôle aérien français et de ses méthodes de travail est salutaire. Toutefois, les mesures catégorielles prises en faveur des contrôleurs aériens, qui devraient coûter 100 millions d'euros par an financés directement par le secteur, sont particulièrement élevées.
Elles interviennent dans un contexte d'intensification de la pression fiscale sur le transport aérien, notamment à travers la hausse du tarif de solidarité sur les billets d'avion envisagée par le Gouvernement. Pour la commission, cet effort fiscal est excessif et pourrait grever la trajectoire de décarbonation du secteur. De surcroît, le soutien de l'État à destination de la filière aéronautique diminue, contrairement aux promesses du Président de la République en juin 2023.
La commission estime dans ces conditions indispensable de contrecarrer cet effet de ciseau et propose donc d'inciter davantage les compagnies aériennes à acheter des carburants d'aviation durables et de relever les crédits budgétaires destinés à la décarbonation de la filière à la hauteur de la trajectoire définie en 2023 par le Président de la République.
I. UNE MODERNISATION DU CONTRÔLE AÉRIEN FRANÇAIS PAYÉE AU PRIX FORT PAR LE SECTEUR
A. DANS UN CONTEXTE DE DYNAMISME DU TRAFIC, LE CONTRÔLE AÉRIEN FRANÇAIS POURSUIT SA MODERNISATION
Source : DGAC
Passagers France en rapport à 2019
Le rattrapage du trafic aérien à la suite de sa diminution lors de la crise sanitaire se poursuit. En juin 2024, il a atteint 97 % de son niveau de 2019. Toutefois, sa structure s'est transformée : si le trafic international a dépassé de 2 % son niveau de 2019 en juin 2024, le trafic intérieur s'est stabilisé à environ 80 % de son niveau d'avant-crise.
Cette augmentation des circulations engendre une hausse des recettes perçues par l'administration chargée du contrôle aérien, la Direction générale de l'aviation civile (DGAC). Celle-ci est en effet financée par les taxes et redevances versées par le secteur aérien, qui dépendent du niveau de trafic.
Source : DNSA
Le contrôle aérien français souffre cependant depuis plusieurs années d'un niveau de performance insuffisant. Selon le dernier rapport d'activité du service chargé de la navigation aérienne, « La France est le pays qui génère le plus de retards en Europe » : 7,4 millions de minutes de retard en 2023 au total, ce qui équivaut à 2,31 minutes de retard moyen par vol.
Les principales causes de ces retards sont les mouvements sociaux à l'échelle nationale (réforme des retraites...) au cours du premier semestre 2023 (40 %), le manque d'ouverture de secteurs lors des pics de trafic (20 %), les réductions de capacité de contrôle (17 %) et les mauvaises conditions météorologiques (16 %).
Ces performances décevantes sont dues à deux facteurs :
- d'une part, les technologies utilisées par les contrôleurs aériens sont obsolètes ;
- d'autre part, l'organisation du travail des contrôleurs aériens est inefficiente.
L'administration a donc entamé depuis plusieurs années un programme de modernisation de ses programmes de gestion du trafic. Après une décennie de dérapages des coûts et de retards que le Sénat avait dénoncés, le déploiement opérationnel des nouveaux systèmes « 4 Flight » et « Coflight » a commencé et devrait se poursuivre jusqu'en 2026. Pour la commission, l'achèvement de l'installation trop tardive de ces systèmes est salutaire, mais il est d'ores et déjà nécessaire d'investir dans les nouvelles technologies appelées à les remplacer dès la décennie 2030.
En outre, l'administration chargée du contrôle aérien a entrepris de moderniser ses méthodes de travail. En effet, à l'heure actuelle, son organisation trop rigide a pour effet un déficit de contrôleurs lors des pics de trafic, ce qui engendre des retards. En outre, les contrôleurs aériens ont recours à une pratique opaque : les « clearances ». Ce sont des réductions d'effectifs par rapport à ceux prévus sur le tableau de service décidées par le chef de service visant à une réduction du temps de présence au travail des contrôleurs par rapport à leur service théorique. Au-delà des problèmes de performance qu'elle engendre, cette pratique a été mise en cause dans un rapport du bureau d'enquêtes et d'analyses pour la sécurité de l'aviation civile (BEA). L'insuffisance des effectifs de contrôleurs liée aux clearances a en effet contribué à la survenue d'un incident grave de sécurité le 31 décembre 2022 à l'aéroport de Bordeaux-Mérignac.
L'administration a donc prévu de déployer des systèmes de « badgeage » et de vérification biométrique de la présence sur site des contrôleurs entre l'hiver 2025 et la fin de l'été 2026. La commission accueille favorablement cette évolution qui devrait mettre fin à une situation inacceptable.
Le contrôle aérien français projette également de réorganiser son emprise géographique, sur le modèle de ses homologues européens, en réduisant le nombre de tours de contrôles et de centres d'approche afin de reconcentrer ses moyens humains et avoir une gestion plus active des effectifs en fonction du niveau de trafic. Ce processus exige néanmoins de mener une concertation avec les territoires concernés.