C. TRANSPORTS MARITIMES : L'INDISPENSABLE PROTECTION DU PAVILLON FRANÇAIS

1. Des mécanismes de soutien à l'emploi maritime revus à la baisse

La situation actuelle des finances publiques conduit à restreindre les dispositifs d'allégement de cotisations sociales destinés à tirer les conséquences, sur l'emploi, de l'exposition des entreprises de transport maritime à une concurrence internationale particulièrement vive.

Sur le plan social, les entreprises de transport maritime bénéficient à ce jour :

- de l'exonération des charges patronales, réservée jusqu'en 2016 aux entreprises de transport de passagers battant pavillon français et soumises à la concurrence internationale, puis étendue par la loi du 20 juin 2016 pour l'économie bleue47(*) (loi « Leroy ») à toutes les entreprises du secteur en situation de concurrence internationale ;

- et du soutien aux entreprises d'armement maritime (SEAM), mis en place en 2022 pour trois ans (soit jusqu'à la fin de 2024) pour soutenir l'emploi du secteur (versement direct, chaque semestre, aux entreprises éligibles, du montant des cotisations salariales dont elles doivent s'acquitter (part ENIM, CSG-CRDS).

Parallèlement à l'extinction du SEAM, dont le PLF pour 2025 tire les conséquences sur les crédits du programme 205 (affaires maritimes, pêche et aquaculture), l'article 7 du PLFSS pour 2025 revient à la situation antérieure à la loi de 2016 en recentrant sur le seul transport de passagers les exonérations de cotisations patronales prévues par l'article L5553-11 du code des transports.

Traduction par le PLF pour 2025 (programme 205 - affaires maritimes, pêche et aquaculture) des dispositions relatives aux cotisations sociales des entreprises de transport maritime

Au sein du programme 205, la baisse des crédits de l'action 03 - Innovation et flotte de commerce (80,7 M€ en AE et CP soit -23,3 % par rapport à 2024) traduit deux évolutions combinées :

- d'une part, les mesures inscrites à l'article 7 du PLFSS ;

- d'autre part, l'extinction du SEAM.

Les crédits destinés en 2025 à l'exonération des cotisations patronales (dispositif d'aide à la flotte de commerce) représenteront 59,86 M€ en AE et CP, soit :

- l'exonération complète des cotisations patronales dont continueront à bénéficier les entreprises de transport de passagers ;

- l'exonération des seules cotisations « vieillesse et prévoyance » pour les autres entreprises (situation antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2016-816 du 20 juin 2016 pour l'économie bleue).

Malgré l'extinction du soutien à l'emploi maritime (SEAM), des crédits sont inscrits à cet effet au PLF pour 2025 (13,83 M€ en AE et CP) pour couvrir le second semestre de l'année 2024. Ils représentent donc de manière logique la moitié des crédits de 2024.

Ces mesures interviennent alors que le transport maritime est confronté à d'importantes pressions sur les coûts :

- en raison d'une situation internationale instable, qui a contraint les armateurs à modifier les itinéraires pour éviter le canal de Suez (10 à 12 jours de navigation supplémentaire entre l'Asie et l'Europe), avec des conséquences évidentes en termes de surcoûts (carburant, primes d'assurance contre les risques de guerre...) ;

- du fait du poids financier de la transition écologique du secteur : selon Armateurs de France, 90 % de la flotte devra être renouvelée du fait des règlementations européennes et internationales sur les émissions de GES des navires. Les besoins de financement en vue du renouvellement des navires de la flotte de commerce sous pavillon français s'élèveraient, dans les dix prochaines années, à 1,5 à 2 Mds€ par an (l'équipement d'un navire de croisière ou d'un ferry en dispositif de raccordement électrique coûterait par ailleurs 1 M€ à 1,5 M€).

Tout en comprenant la logique de ces dispositions compte tenu de la situation des finances publiques, le rapporteur observe que le développement du pavillon français suppose de soutenir l'emploi des marins français et implique une stabilité du cadre juridique qui l'encadre.

Le rapporteur alerte en outre contre les risques plus particulièrement induits par ces mesures sur la compétitivité :

- des navires câbliers, qui doivent répondre à une très forte demande et dont l'importance est majeure pour notre souveraineté ;

- et des navires dédiés aux énergies marines renouvelables (« EMR »), marché émergent et prometteur où le recours à des pavillons tiers aurait des conséquences regrettables.

2. La taxe au tonnage, condition de la compétitivité des armateurs français

Sur le plan fiscal, les armateurs peuvent choisir (option décennale) le mécanisme d'imposition forfaitaire selon le tonnage des navires, prévu par l'article 209-0 B du code général des impôts (entreprises dont le chiffre d'affaires provient pour 75 % au moins de l'exploitation de navires armés au commerce), en lieu et place de l'impôt sur les sociétés, indexé quant à lui sur les bénéfices.

L'objectif de la « taxe au tonnage », instaurée en 2003, est de protéger la compétitivité des armateurs français : de fait, un dispositif comparable s'applique à 86 % de la flotte maritime mondiale et à la plupart des États membres de l'Union européenne48(*).

Dans le cadre des mesures de redressement des comptes publics mises en oeuvre par le projet de loi de finances, l'article 12 du PLF pour 2025 institue pour les deux prochaines années une taxation exceptionnelle sur le résultat d'exploitation des grandes entreprises de transport maritime (taux fixé à 9 % pour 2025 ; à 5,5 % pour 2026). L'article 12, qui ne remet pas en cause le mécanisme de la taxe au tonnage, vise donc à appliquer aux armateurs l'équivalent de la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises prévue par l'article 11, pour un rendement attendu de 500 M€ en 2025 et 300 M€ en 2026.

La contribution exceptionnelle créée par l'article 12 définit un seuil élevé (chiffre d'affaires supérieur à 1 Md€) qui « flèche » de facto le groupe CGA-CGM (Compagnie maritime d'affrètement - Compagnie générale maritime), fleuron français du secteur, troisième entreprise mondiale de transport maritime.

L'article 12 du PLF conduit le rapporteur à exprimer deux convictions fortes :

- d'une part, si la participation des entreprises françaises de transport maritime à l'effort de redressement des finances publiques auquel l'article 11 du PLF soumet les entreprises assujetties à l'IS n'est pas contestable, cette contribution doit rester exceptionnelle ;

- d'autre part, alors que ce régime fiscal, considéré par certains de manière erronée comme une niche coûteuse et injustifiée, s'est inscrit dans le débat politique des derniers mois, qu'il s'agisse de la campagne électorale de juin 2024 ou du débat budgétaire à l'Assemblée nationale, la taxe au tonnage doit absolument être préservée, car elle contribue à la compétitivité du pavillon français.


* 47 Loi n° 2016-816 du 20 juin 2016 pour l'économie bleue.

* 48 22 États membres sur 27.

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