TRAVAUX EN COMMISSION
Audition de
M. François Durovray, ministre délégué
chargé des transports
(Mercredi 30 octobre 2024)
M. Jean-François Longeot, président. - Mes chers collègues, nous ouvrons ce matin le cycle traditionnel des auditions budgétaires avec M. François Durovray, ministre délégué auprès de la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, chargé des transports.
Monsieur le ministre, il s'agit de votre première audition devant notre commission depuis votre prise de fonctions, le 21 septembre dernier. Outre l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2025, dans un cadre budgétaire très contraint, cette réunion est l'occasion de nous présenter les priorités de votre ministère, ainsi que votre feuille de route pour les transports. Vous vous êtes déjà plié à cet exercice la semaine dernière devant nos homologues de l'Assemblée nationale et je ne doute pas que mes collègues auront de nombreuses questions à vous poser sur la manière dont vous entendez mener votre plan d'action, tout en résolvant l'équation budgétaire à laquelle vous êtes soumis.
Alors que l'année 2024 entérinait une dynamique positive en faveur des transports, à la suite de la remise du rapport du Conseil d'orientation des infrastructures (COI) et de l'annonce du plan d'avenir pour les transports en 2023, le PLF pour 2025 marque un certain retour en arrière, en prévoyant une baisse des crédits, notamment pour l'entretien et la modernisation des infrastructures de transport massifié, les aides au verdissement du parc automobile, ou encore les crédits alloués aux mobilités durables par le fonds vert. Cette situation soulève de vives inquiétudes auprès des élus locaux et de nos concitoyens, car le secteur des transports est essentiel pour le développement des territoires et les mobilités quotidiennes des Français, tout en étant un levier primordial pour atteindre nos objectifs climatiques.
Avant de céder la parole à nos trois rapporteurs budgétaires pour détailler les dispositions et crédits prévus dans le PLF pour 2025, je souhaite aborder trois sujets d'actualité qui ont directement trait au modèle de financement des infrastructures de transport.
Premièrement, comme vous le savez, Élisabeth Borne avait annoncé en février 2023 vouloir dégager 100 milliards d'euros d'ici à 2040 afin de financer une « Nouvelle donne ferroviaire ». Ce montant devait être destiné aux opérations de régénération, de modernisation, mais aussi de développement du réseau, notamment pour permettre la réalisation des services express régionaux métropolitains (Serm), à un moment où un choc d'offre de transports collectifs est plus que jamais nécessaire dans les territoires. Néanmoins, les sources de financement, la part de chacun des acteurs - État, SNCF, collectivités territoriales et Union européenne - dans cet effort collectif et la ventilation précise des dépenses restent floues.
Vos récentes annonces ont laissé planer le doute quant à votre volonté de reprendre à votre compte cette promesse du précédent gouvernement. Le 3 octobre dernier, vous avez déclaré souhaiter, pour les infrastructures les plus lourdes, une feuille de route qui « n'impacte pas le budget de l'État comme il l'a fait auparavant ». L'annonce du lancement prochain d'un plan national dédié au déploiement de cars express a accentué la crainte d'une renonciation à l'objectif d'investir 100 milliards d'euros dans les infrastructures ferroviaires. Pourtant, vous avez également indiqué que cette ambition resterait bien la feuille de route du Gouvernement.
Monsieur le ministre, allez-vous réellement acter l'engagement de consacrer 100 milliards d'euros d'investissements au transport ferroviaire dans les quinze prochaines années ? Si oui, quelles pistes envisagez-vous pour consolider le financement de ce plan et le mettre à l'abri des contraintes budgétaires qui pèsent aujourd'hui sur l'État ? Faudrait-il mettre davantage à contribution les modes polluants, selon vous ?
Dans le prolongement de cette question, le financement des infrastructures de transport repose à l'heure actuelle pour l'essentiel sur les fonds de concours de l'Agence de financement des infrastructures de transport (Afit France), dont les ressources, comme vous le savez, sont marquées par une forte incertitude.
Le PLF pour 2025 ne remédie pas à cette situation, puisqu'il prévoit une baisse de 900 millions d'euros des ressources de l'Afit France en 2025 par rapport à 2024, notamment due à une nette baisse des recettes affectées au titre de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). Monsieur le ministre, quels seront les principaux postes de dépense et les modes de transport touchés par cette évolution ? Allez-vous revoir à la baisse le financement de certains grands projets d'infrastructures déjà en cours, comme celui du tunnel ferroviaire sur la ligne Lyon-Turin ?
Je souhaite également faire un point sur les récents contentieux rencontrés avec les sociétés concessionnaires d'autoroute (SCA) sur les recettes de l'Afit France. D'une part, les SCA refusent de s'acquitter depuis 2021 de la contribution volontaire exceptionnelle, ce qui représente un manque à gagner de l'ordre de 60 millions d'euros par an. En mars dernier, le juge administratif a rejeté la requête des SCA qui contestaient les titres de perception émis par l'Afit France : où en est-on de ce dossier et à quelle échéance les SCA régleront-elles les sommes réclamées ?
Par ailleurs, afin de sécuriser les ressources de l'Afit France, nous avons voté en loi de finances initiale pour 2024 l'instauration d'une taxe sur l'exploitation d'infrastructures de transport de longue distance. Pourriez-vous faire un point sur la première année de recouvrement de cette nouvelle taxe ? En particulier, j'aimerais savoir si les 600 millions d'euros de recettes prévus ont bien été perçus et si, outre les SCA et les grands aérodromes, d'autres gestionnaires d'infrastructures de transport, dans les secteurs ferroviaire, fluvial et maritime, ont été touchés.
Enfin, je souhaite aborder les critiques formulées par la Cour des comptes au sujet de l'Afit France depuis de nombreuses années, réitérées dans un rapport de décembre 2023.
La Cour fustige le caractère fluctuant et incertain des recettes de l'agence, à rebours de la prévisibilité nécessaire aux investissements en matière d'infrastructures de transport, et le manque de lisibilité de la politique d'investissement de l'État sur ce sujet. Surtout, elle critique le fait que l'Afit constitue un outil permettant chaque année au Gouvernement de s'affranchir du contrôle parlementaire pour plus de la moitié de ses dépenses relatives aux transports. Certes, le Parlement peut se prononcer sur les montants de fonds de concours attribués à chaque programme budgétaire, mais l'absence de visibilité sur le budget prévisionnel de l'Afit France au moment de l'examen du PLF ne facilite pas cet exercice. La Cour déplore également la pratique récurrente des reports de crédits d'une année sur l'autre, sur laquelle les parlementaires n'ont aucune prise.
Monsieur le ministre, il me semble que le contexte d'incertitude budgétaire que nous connaissons doit aussi conduire à une réflexion sur le contrôle exercé par le Parlement en matière d'investissement dans les infrastructures de transport. A minima, un renforcement des informations mises à disposition du Parlement sur ce sujet lors de l'examen du budget serait opportun.
Aussi, j'aimerais savoir comment vous appréhendez cette question. Quel regard portez-vous sur les recommandations de la Cour des comptes s'agissant de l'Afit France, notamment la proposition de compléter le projet annuel de performance de la mission « Écologie » d'un état des concours financiers de l'État en faveur de l'investissement dans les transports ? Cette proposition permettrait à tout le moins d'avoir une vision consolidée des financements prévus chaque année, qu'ils proviennent de crédits budgétaires, de fonds de concours de l'Afit ou encore d'autres fonds ou sources de financement.
Monsieur le ministre, je ne serai pas plus long et vous cède la parole pour répondre à ces questions liminaires. Je laisserai ensuite intervenir nos trois rapporteurs pour avis sur les crédits relatifs aux transports : Philippe Tabarot, sur les crédits relatifs aux transports ferroviaires, fluviaux et maritimes ; Olivier Jacquin, pour ceux relatifs au transport routier ; enfin, Stéphane Demilly, sur les crédits relatifs au transport aérien.
M. François Durovray, ministre délégué auprès de la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, chargé des transports. - Je vous remercie de me donner l'occasion d'échanger avec vous sur les enjeux budgétaires de 2025, mais aussi sur les projets que je souhaite mener en priorité à la tête de ce ministère.
Je suis avant tout un élu local. Je suis d'ailleurs toujours à la tête d'un conseil départemental, institution d'échange et de compromis. Je crois savoir que votre commission a également cette culture du compromis sur les sujets essentiels qui sont de sa compétence, qui concernent la vie quotidienne de nos concitoyens. Cela nécessite d'avoir une vision de long terme qui dépasse bien souvent les mandats que nous ont confiés les électeurs.
Le secteur des transports est essentiel à plus d'un titre. Il représente une part importante du budget de nos concitoyens. Par ailleurs, il est au coeur de l'enjeu écologique, les mobilités constituant 32 % des émissions de gaz à effet de serre (GES), un taux constant depuis plus de vingt ans : c'est à la fois un tiers des problèmes, mais aussi un tiers des solutions, sachant que nous arrivons à un moment où la technologie va permettre, je l'espère, de réduire l'empreinte carbone des mobilités.
Ensuite, il ne faut pas oublier que les mobilités rassemblent les femmes et les hommes et contribuent à une meilleure connaissance de l'autre et à la paix entre les peuples. Elles participent donc du mieux vivre ensemble.
J'ai beaucoup insisté depuis ma nomination sur l'enjeu que représentent les transports pour ceux qui n'en ont pas. Il s'agit de ma première priorité. Mes propos sur les cars express ont été parfois caricaturés. Je ne veux bien évidemment pas abandonner le train. Je considère que l'on doit développer tous les modes de transport, mais force est de constater qu'au cours des dernières années, dans notre pays, on a bien équipé les villes avec des tramways et des réseaux de transports publics qui sont efficaces et sur lesquels on doit évidemment continuer à progresser. On a par ailleurs relié les grandes villes françaises avec des réseaux de longue distance. En revanche, on ne s'est pas beaucoup occupé des transports entre les centres et leurs périphéries. Résultat : 15 millions de Français sont en précarité de mobilité. En outre, 10 millions d'entre eux effectuent chaque jour plus de 50 kilomètres pour aller travailler, pour un coût moyen de 500 euros par mois, sans solution alternative à la voiture.
Nous devons donc offrir des solutions de mobilité à ceux qui n'en ont pas, des solutions s'appuyant sur des techniques connues, de transport ferroviaire ou routier. Aujourd'hui, la route est pleine de voitures ! Il faut mettre plus de monde sur la route, mais dans moins de véhicules, qui pourraient en outre être motorisés différemment. Cela nous permettrait de traiter la question écologique, en réduisant fortement les émissions de GES grâce au covoiturage, aux bus ou aux trains, mais également la question du pouvoir d'achat, les collectivités développant des abonnements pris en charge pour moitié par les employeurs, ce qui peut permettre de diviser par dix le coût de la mobilité. C'est enfin une question de démocratie et d'égalité entre les citoyens.
Ma deuxième priorité, c'est la décarbonation des transports. À ce sujet, nous devons nous appuyer sur toutes les solutions existantes - plan vélo, place du piéton, électrification du parc de véhicules -, sans exclusive aucune. Les objectifs que nous assigne l'Union européenne d'ici à 2035 nous obligent à réfléchir rapidement à la question des poids lourds et des transports publics : il y a encore des interrogations sur leur électrification, et je n'ai pas d'opinion arrêtée sur ce sujet. Peut-être devons-nous remettre l'ouvrage sur le métier à cet égard.
J'étais récemment à Toulouse, où j'ai pu évoquer la décarbonation de l'aviation. Sachant que la France produit aujourd'hui plus de 50 % des avions dans le monde et que le secteur représente 3 % des émissions de GES au plan international, nous avons un rôle fondamental à jouer à l'avenir si nous parvenons à accompagner efficacement l'évolution de cette filière, à travers notamment le développement de l'électrique et, un jour, de l'hydrogène ainsi que des carburants aériens durables, notamment les carburants de synthèse.
Ma troisième priorité concerne les infrastructures existantes. Nous avons devant nous un énorme travail de régénération de l'ensemble des réseaux - routiers, ferroviaires, fluviaux, ou même aéronautiques. Le COI a établi un diagnostic très précis, même s'il a un peu laissé de côté la question de l'adaptation au changement climatique. Nous avons ainsi récemment assisté à des phénomènes climatiques extrêmes qui sont venus mettre nos infrastructures à rude épreuve, particulièrement dans les départements du Rhône et de la Loire. Ce sujet mériterait d'être mieux expertisé par le COI.
J'en viens au budget 2025. Les crédits de l'Afit France sont en baisse par rapport à 2024, mais en hausse par rapport à 2023. Ils nous permettront de réaliser l'an prochain la totalité des engagements de l'État, mais ils n'autoriseront pas d'ouvrir de nouveaux chantiers.
Nous avons la responsabilité de faire en sorte que 2026 ne ressemble pas à 2025. Aussi, je vous propose d'organiser, au début de l'année prochaine, une conférence nationale sur le financement des mobilités. Matignon m'a donné son accord pour l'organisation de cette conférence, qui doit aboutir à une feuille de route de nature à nous éviter les affres de l'annualité budgétaire qui sévit aujourd'hui, « yo-yo » particulièrement mortifère pour le financement des infrastructures : les acteurs du secteur ont besoin de visibilité et de lisibilité sur plusieurs années.
Manifestement, la trajectoire retenue requiert plus de financements, mais l'argent public se raréfie. Aussi, nous devons nous interroger sur les outils juridiques et financiers qui nous permettront de mobiliser davantage de crédits affectés pour faire face à ce mur d'investissements, sachant que la ressource de la TICPE va baisser à mesure de l'électrification du parc automobile, baisse estimée par l'État à 13 milliards d'euros à l'horizon 2030. C'est un risque pour le financement de nos infrastructures, pour le budget de l'État et pour celui des collectivités : rien ne serait pire que de fermer les yeux sur cette évolution prévisible. Toutefois, plusieurs solutions alternatives existent ; je veux en citer trois.
Il y a tout d'abord l'affectation à la mobilité des certificats d'économies d'énergie (C2E). Aujourd'hui les obligés sont, pour moitié, des acteurs liés à la mobilité, comme TotalEnergies ou Engie. Or la mobilité ne récupère que 6 % des C2E, parce qu'il est plus compliqué de réduire la consommation dans ce secteur que, par exemple, dans le bâtiment. Avec Catherine Vautrin et Agnès Pannier-Runacher, nous souhaitons explorer cette voie.
Ensuite, une partie des quotas carbone pourrait être affectée à la mobilité. L'Union des transports publics et ferroviaires (UTPF) et le Medef n'y sont pas hostiles.
Enfin, nous devrons être attentifs à la fin des concessions autoroutières, entre 2031 et 2036. L'Autorité de régulation des transports (ART), ainsi que le sénateur Hervé Maurey, qui a beaucoup travaillé sur cette question, préconisent de s'assurer que ces concessions seront rendues aux Français en bon état et de préparer l'avenir du réseau autoroutier. C'est une opportunité pour le financement de nos infrastructures, puisque nous pourrons flécher une partie des péages payés par les Français vers des objets de mobilité, routiers ou ferroviaires.
J'ai également l'intention de réunir la conférence sur le financement des Serm, initialement prévue au mois de juin dernier. J'espère que les débats budgétaires qui s'ouvrent permettront d'éclairer le sujet et que nous aurons l'occasion, lors de cette conférence de financement, de tracer une voie avec les collectivités pour lancer les 24 Serm d'ores et déjà labellisés, en fonction d'un calendrier qui ne sera évidemment pas le même pour tous.
Je souhaite également que voie le jour la stratégie nationale fluviale amorcée par mon prédécesseur. C'est un bel enjeu, puisque nous avons la chance d'avoir un réseau dense et sous-utilisé. La capacité des fleuves est trois à quatre fois supérieure à leur utilisation actuelle. Nous mettons en valeur l'axe Seine, structuré autour du port du Havre. J'espère que la stratégie nationale fluviale nous permettra d'enclencher une dynamique similaire pour l'axe Rhône-Saône, depuis Marseille jusqu'à Lyon. Il y a enfin l'axe Rhin, ou Est, depuis les ports étrangers jusqu'à Strasbourg - je souhaite m'emparer de ce sujet -, ainsi que l'axe Seine-Nord, cher à Franck Dhersin, qui doit faire l'objet de travaux, les crédits étant sécurisés dans le budget 2025.
Il ne vous a pas échappé que mon ministère est désormais rattaché à celui de la décentralisation et du partenariat avec les territoires. Le Premier ministre a ainsi voulu montrer que les infrastructures relient avant tout des territoires et des hommes, au-delà des enjeux écologiques, sociaux ou financiers.
M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs aux transports ferroviaires, fluviaux et maritimes. - Monsieur le ministre, je voudrais avant tout apporter deux précisions. Tout d'abord, Hervé Maurey et la commission des finances ne sont pas seuls à avoir travaillé sur les concessions autoroutières : notre commission a également des propositions à vous faire. Ensuite, je me réjouis de l'organisation en février de cette conférence sur le financement des Serm, puisque son principe même résulte d'une initiative du Sénat.
Dans un contexte budgétaire dégradé, il est légitime que le Gouvernement cherche à réduire le déficit public. Nous abordons ce PLF, comme d'habitude, dans un esprit de responsabilité.
Le Gouvernement a entrepris de lever de nouvelles recettes, notamment la contribution exceptionnelle sur le bénéfice des grandes entreprises ; il serait bon de savoir si la SNCF sera affectée par cette contribution. Ce serait d'autant plus inquiétant que ses bénéfices sont actuellement fléchés vers un fonds de concours visant à financer le réseau ferroviaire, en se substituant au moins partiellement à l'État. N'oublions pas non plus la contribution demandée aux grandes entreprises du transport maritime. Je ne vous cache pas que nous sommes inquiets pour la SNCF, dont la situation n'est pas des plus florissantes. Le Gouvernement propose aussi, par amendement, d'augmenter le tarif de solidarité sur les billets d'avion, pour 1 milliard d'euros - mon collègue rapporteur Stéphane Demilly l'évoquera également. Le PLF prévoit en outre de réduire l'affectation de TICPE à l'Afit France d'environ 900 millions d'euros.
En clair, il y aura plus d'impôts sur les transports et moins de recettes fléchées vers leur financement ! L'esprit de responsabilité qui nous guide exige que je vous mette en garde : attention à ne pas trop charger la barque, sinon elle coulera, et les recettes avec. Nous ne pourrons de toute façon pas nous permettre une nouvelle année blanche en 2026.
L'ART m'a indiqué qu'il manquait environ 700 millions d'euros cette année pour régénérer et moderniser le réseau ferroviaire. Réduire les dépenses d'investissement, en diminuant les moyens de l'Afit France et de SNCF Réseau, est un raisonnement à courte vue, qui mènera à une paupérisation du réseau et à une chute des recettes fiscales que les circulations ferroviaires engendrent.
Nos collectivités territoriales, que vous connaissez bien, sont soumises à une règle d'or budgétaire : elles ne peuvent emprunter que pour financer des dépenses d'investissement, et non des dépenses de fonctionnement. Il me paraît discutable que l'État choisisse le chemin inverse : financer son train de vie en réduisant ses investissements pour la décarbonation des mobilités.
Pour éviter cet écueil, ne pourriez-vous pas, monsieur le ministre, flécher davantage les contributions fiscales assises sur les transports vers le financement du report modal ? Ne serait-il pas pertinent d'affecter certaines recettes à l'Afit France, notamment une part des produits de la TICPE et du tarif de solidarité sur les billets d'avion ? Il me semble que c'est une question de justice.
Par ailleurs, les collectivités territoriales, auxquelles vous demandez de nombreux efforts, doivent financer les Serm. On leur demande souvent beaucoup, mais tout de même, les élus locaux ne sont pas des magiciens. Il me paraît nécessaire de leur permettre d'augmenter le plafond du versement mobilité (VM) et de débloquer des possibilités de VM additionnel si ces recettes sont fléchées vers les Serm. Le Gouvernement donnera-t-il un avis favorable à d'éventuels amendements allant dans ce sens ?
J'en arrive aux transports fluviaux et aux ports, sur lesquels j'aurai quelques questions à vous poser.
Tout d'abord, pourriez-vous nous dire un mot de la stratégie nationale fluviale en cours d'élaboration ? Quels en seront les principaux axes ? Prévoyez-vous des évolutions pour inciter davantage les chargeurs à recourir au mode fluvial, notamment à travers l'« aide à la pince » ? Il était question que ce dispositif, qui bénéficie au transport multimodal, soit maintenu à hauteur de 47 millions d'euros par an jusqu'en 2030 : le projet annuel de performance annexé au PLF pour 2025 ne comporte cependant pas d'information précise quant à son maintien ou non. Pourriez-vous nous éclairer sur ce point ?
Ensuite, l'actualisation du contrat d'objectifs et de performance de Voies navigables de France (VNF), voilà un peu moins d'un an, a conduit à définir une ambitieuse trajectoire d'investissements dans le réseau pour la période 2023-2032, établie à plus de 4 milliards d'euros. La diminution des ressources de l'Afit France, proposée dans ce PLF, aura-t-elle une incidence sur cette trajectoire ?
Concernant les ports maritimes, de grands armateurs ont récemment décidé de ne plus desservir ceux du Havre et de Marseille-Fos avec leurs porte-conteneurs géants à partir de février 2025 : quelles conclusions faut-il en tirer pour l'attractivité des grands ports maritimes français ? La stratégie nationale portuaire, publiée en 2021, avait fixé d'ambitieux objectifs de hausse de parts de marché de nos grands ports maritimes pour le fret : où en est-on de cet objectif et ne faudrait-il pas, trois ans après, dresser un premier bilan de cette stratégie ?
M. François Durovray, ministre délégué. - D'emblée, je précise que j'ai bien eu connaissance des excellents travaux menés par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable sur les concessions autoroutières. En ce qui concerne les conférences de que j'ai évoquées, je confirme qu'il y en aura deux : la conférence de financement sur les Serm, prévue à l'initiative du Sénat dans la loi n° 2023-1269 du 27 décembre 2023 relative aux services express régionaux métropolitains, et une conférence plus large sur le financement des mobilités et des infrastructures.
Dans le cadre du PLF pour 2025, et dans des conditions encore à déterminer, la question du VM sera sans doute posée par les assemblées et regardée avec intérêt par le Gouvernement. Nous savons que les régions doivent faire face à des enjeux financiers lourds, qui concernent d'abord le financement de l'offre ferroviaire qu'elles assurent. Pour ce qui est des Serm, l'État s'est engagé à hauteur de 700 millions d'euros. L'engagement des collectivités et le véhicule le plus adapté devront être abordés lors de la conférence de financement. Des discussions se tiennent aujourd'hui avec Régions de France sur le sujet. Il faudra voir de quelle façon ce débat peut prospérer dans le cadre du PLF.
Sur l'évolution du VM pour les autorités organisatrices de la mobilité (AOM), je me permets de resituer ce débat dans le cadre d'un bilan plus large de la loi d'orientation des mobilités (LOM), qui reste à faire. La LOM avait déterminé des autorités organisatrices de premier rang, communautés de communes ou communautés d'agglomération ; à défaut, les régions pouvaient prendre la compétence. Cinq ans après, on constate une prise en main assez différenciée de cette compétence d'un territoire à l'autre, avec notamment de grandes disparités entre le sud et le nord de la Loire.
J'ai le sentiment que les communautés de communes ou d'agglomération qui se sont saisies de cette compétence n'ont pas la capacité, financière ou d'ingénierie, de proposer une offre à la hauteur des aspirations de nos concitoyens. Je souhaite donc que l'on travaille à une évolution du VM qui prenne en compte une association des territoires. Des modèles juridiques permettent d'associer les métropoles avec les agglomérations périphériques, les régions avec les métropoles et les agglomérations. Des syndicats mixtes ont commencé à se développer à Bordeaux, en Bretagne ou à Strasbourg, et je sens un intérêt grandissant de nombreux territoires. L'avantage est de pouvoir lever un VM additionnel ; le Gouvernement étudie la possibilité pour le syndicat de percevoir ce VM additionnel sur l'ensemble de son périmètre, alors que ce n'est possible actuellement que dans les communes de moins de 100 000 habitants. J'espère que le Sénat se saisira de cette question.
Vous m'interrogez sur la SNCF. Mes services m'ont indiqué que, vraisemblablement, l'entreprise publique ferroviaire ne serait pas concernée par le prélèvement sur les sociétés dont le chiffre d'affaires est supérieur à un milliard d'euros, au motif que la SNCF a des déficits fiscaux importants. Je vous invite néanmoins à être vigilants lors des débats du PLF, car il pourrait y avoir des incidences sur son contrat de performance.
J'en profite pour répondre à une question du président Longeot sur la taxe sur l'exploitation d'infrastructures de longue distance. La loi de finances initiale pour 2024 avait fixé un rendement de 600 millions d'euros et l'on s'attend à récolter finalement 575 millions d'euros, 125 millions versés par Aéroports de Paris, et le reste par les sociétés concessionnaires d'autoroutes. Ce montant estimatif est donc très proche des prévisions.
Je termine sur les enjeux de stratégie fluviale et de financement de VNF. Les crédits inscrits aujourd'hui pour l'Afit France permettent d'assurer le programme de cet organisme. Néanmoins, les besoins sont supérieurs et j'attends que la conférence de financement aborde cette question. Le président par intérim de VNF souhaite d'ailleurs une révision du contrat d'objectifs et de performance (COP), signé avec l'État.
Je suis pour ma part ouvert à cette révision, compte tenu des enjeux. La stratégie nationale fluviale, qui sera dévoilée au début de l'année prochaine, permettra, je l'espère, de traiter à la fois la régénération et la maintenance d'un réseau qui, je le répète, est très dense. Vous n'êtes pas sans savoir que VNF est engagé dans un programme ambitieux de modernisation de ses écluses, de nature à optimiser la gestion et à améliorer la qualité du service dû aux usagers. La gestion du réseau fluvial recouvre également des enjeux de préservation de la biodiversité. Les fleuves relient aussi les territoires et les hommes, ce qui justifie une association des collectivités territoriales via une contractualisation avec VNF.
Il y a enfin le défi du transport de marchandises. J'ai observé comme vous le positionnement de certains armateurs, qui regardent plus vers le nord que vers l'Hexagone. C'est évidemment une source de préoccupation pour le ministre que je suis, alors même que nous disposons d'une situation géographique exceptionnelle et qu'à mes yeux, le port du Havre devrait être le port de Prague. Il ne faut pas que les marchandises venant de toutes les parties du monde arrivent dans les ports d'Anvers ou de Rotterdam, pour ensuite essaimer dans toute l'Europe par la route ou, mieux, par le fer. À partir de Marseille et du Havre, nous pourrions irriguer tout le continent en connectant mieux les ports au fer.
Nous constatons une orientation plutôt positive sur les flux de marchandises, mais la dynamique de croissance observée à l'étranger est encore plus forte. Plutôt que de rattraper notre retard, nous le creusons. La stratégie nationale fluviale doit mettre un coup d'arrêt à cette tendance.
M. Olivier Jacquin, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs aux transports routiers. - Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur cinq points relatifs au volet du PLF pour 2025 consacré aux transports routiers et, plus généralement, à votre feuille de route sur cette thématique.
Mes premières questions portent sur le plan national de cars express que vous avez annoncé pour le premier semestre 2025. Lors de votre audition à l'Assemblée nationale la semaine dernière, vous avez rappelé que la route demeurerait, de loin - même en doublant la part modale du ferroviaire -, le mode de transport majoritaire ; le développement de services de cars express constitue donc un levier intéressant pour massifier le trafic routier et en réduire le coût environnemental.
Le déploiement de lignes de cars express, le plus souvent via des voies dédiées, devra s'accompagner d'une réflexion approfondie sur la conciliation des usages et le partage de la route, en intégrant la montée en puissance des mobilités douces. Surtout, il importe de réfléchir à l'articulation de ces services de cars express avec l'offre de transport ferroviaire et les réseaux cyclables à haut niveau de service, afin d'éviter toute concurrence néfaste avec ces modes de transport plus durables. Comment envisagez-vous cette articulation et le champ de pertinence de l'offre de cars express ?
À compter du 1er janvier 2025, la totalité des autobus et autocars renouvelés par les collectivités territoriales dotées d'une flotte de plus de vingt véhicules devra être à faible émission. Comment allez-vous accompagner les AOM qui souhaiteront mettre en place des lignes de cars express dans l'acquisition de matériels peu polluants ? L'idée d'un prêt à taux zéro vous semble-t-elle pertinente ?
Ma deuxième interrogation concerne les aides à l'acquisition de véhicules propres, dont les crédits baissent de plus de 500 millions d'euros dans le PLF 2025 par rapport à 2024 ; le Gouvernement vient d'annoncer que cette diminution serait portée à 700 millions d'euros par amendement. Ne craignez-vous pas d'envoyer un très mauvais signal au secteur et de donner un coup de frein à la transition vers l'électrique ?
Le Gouvernement souhaite cibler davantage les ménages modestes : allez-vous revoir les paramètres du leasing social afin de toucher les ménages les plus précaires et les plus dépendants de la voiture, notamment en zone rurale ?
Le développement du marché de l'occasion faciliterait l'accès de nombreux Français aux véhicules électriques. Or l'électrification des flottes d'entreprises, levier significatif pour alimenter ce marché, peine encore à se déployer. En outre, depuis cette année, les personnes morales ne peuvent plus bénéficier du bonus écologique pour acquérir un véhicule électrique. Là encore, n'y a-t-il pas un problème de cohérence et de temporalité ? Envisagez-vous des évolutions ?
Sur un tout autre sujet : le véhicule intermédiaire a-t-il un avenir selon vous ?
Le Gouvernement s'était engagé à mobiliser 250 millions d'euros chaque année dans le cadre du plan vélo et marche 2023-2027, avec l'objectif de disposer de 100 000 kilomètres d'aménagements cyclables sécurisés d'ici à 2030. Pourtant, en 2024, le fonds mobilités actives, qui soutient les collectivités territoriales dans leurs projets de création d'itinéraires cyclables, a été gelé : alors que les lauréats du septième appel à projets « aménagements cyclables » auraient dû être annoncés au printemps dernier, les collectivités territoriales, qui sont plus de 400 à avoir candidaté, sont sans réponse de l'État. L'avenir n'est guère plus rassurant, puisque, si j'en crois les annexes du PLF, aucune autorisation d'engagement n'est prévue pour le plan vélo en 2025. Faut-il y voir une volonté du Gouvernement d'éteindre progressivement le plan vélo ?
Cela serait d'autant plus étonnant que vous avez annoncé le lancement d'une mission sur la lutte contre les violences routières à la suite du dramatique accident qui a coûté la vie à un jeune cycliste il y a quinze jours : si on ne peut que saluer cette initiative, comment pourrions-nous protéger plus efficacement les cyclistes tout en mettant un coup d'arrêt à la réalisation d'aménagements cyclables par les collectivités ?
Mon troisième point concerne le financement des services de transport par les AOM situées en espace peu dense. La loi conditionne la possibilité de lever le VM pour les AOM locales au fait d'organiser des services réguliers de transport public de personnes. En pratique, de nombreuses AOM de petite taille ne disposent pas de bases fiscales suffisantes pour lever le VM, quand bien même elles rempliraient les critères pour le faire.
Monsieur le ministre, je m'adresse au président de département que vous êtes, qui plus est d'un département comportant de nombreuses communes rurales : êtes-vous prêt à avancer sur la question du VM en zone peu dense, par exemple en élargissant la définition du « transport régulier de personnes » aux lignes de covoiturage ou de transport à la demande ? Ne faudrait-il pas évaluer précisément le nombre d'AOM ne disposant pas de bases fiscales suffisantes pour lever le VM et prévoir pour elles une ressource dédiée leur permettant de mettre en place des services de mobilité ?
Mon quatrième point concerne l'écotaxe sur les poids lourds, mise en place par une ordonnance de 2023, en application de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience. Depuis le 1er janvier 2024, les régions susceptibles de subir un report significatif de trafic de poids lourds du fait de l'instauration d'une écocontribution sur un territoire limitrophe peuvent mettre en place une écotaxe sur les poids lourds. Néanmoins, à ce stade, seule ma région, Grand Est, a manifesté son souhait de recourir à cet outil, sur les portions de réseau routier national qui vont être mises à sa disposition en application de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite loi 3DS.
Monsieur le ministre, vous avez souligné ces dernières semaines la nécessité de dégager de nouvelles recettes pérennes pour financer les infrastructures de transport. Quel regard portez-vous sur l'idée d'ouvrir à l'ensemble des régions volontaires la possibilité de mettre en place une écotaxe sur les poids lourds ?
Mon cinquième point a trait à la préparation de la fin des concessions autoroutières, qui s'étalera de 2031 à 2036 principalement. Où en sont les travaux sur la définition du bon état des biens restitués ? Allez-vous enfin lancer les assises des autoroutes, promises depuis plusieurs années par le Gouvernement, pour réfléchir collectivement à l'avenir du modèle concessif et à ses futurs paramètres ?
Hervé Maurey vient de rappeler dans un récent rapport d'information sur l'avenir des concessions autoroutières certaines conclusions de la commission d'enquête sénatoriale de 2020. Avez-vous identifié des recommandations dont vous pourriez vous inspirer ?
Enfin, le président Longeot vous a interrogé sur le contentieux en cours avec les concessionnaires et les fameux 60 millions d'euros annuels qu'ils refusent de payer. Où en sommes-nous ?
M. François Durovray, ministre délégué. - J'ai déjà répondu sur certains points dans mon propos liminaire.
Les cars express visent à réduire le nombre d'usagers de la voiture et non du train. Il s'agit d'une offre de mobilité à développer là où le ferroviaire n'est pas adapté. Le Mass Transit n'est plus le même qu'il y a quelques années. Certaines offres ferroviaires, comme la Draisy, permettent une desserte fine du territoire et de mettre du train là où l'on ne pensait plus en mettre. Mais le car est aussi une solution de mobilité rapide, peu coûteuse et écologique.
Il n'appartient pas au ministre de déterminer les lignes. Dans mon rapport à la présidente d'Île-de-France Mobilités (IDFM), j'ai considéré que la mise en place de cars express était intéressante à partir de 400 trajets quotidiens et que les voies réservées étaient nécessaires sur 10 % des parcours : on peut donc créer les lignes avant d'aménager les voies et de construire les gares routières.
En revanche, il appartient au ministre de mettre en place le cadre juridique et économique adapté. Les deux volets du VM permettent aux collectivités d'amorcer la pompe. À mon sens, un rehaussement du VM devrait servir à financer de l'offre supplémentaire et non la gratuité, et permettre de travailler sur la problématique des déplacements domicile-travail, qui n'est pas suffisamment traitée sur certains territoires. En outre, le VM étant un impôt de production payé par les entreprises, un dialogue est nécessaire pour prendre en compte les demandes des acteurs économiques locaux.
Pour soutenir l'acquisition de véhicules peu polluants, trois dispositifs existent : le bonus-malus, la prime à la conversion et le leasing social. Ce dernier a rencontré un grand succès l'an dernier, mais présente quelques effets de bord qu'il convient de limiter pour conserver sa vocation sociale. Je travaille donc avec mes collègues Agnès Pannier-Runacher et Olga Givernet pour reformater le dispositif en 2025. Les crédits budgétaires sont en baisse, mais nous allons mobiliser les certificats d'économies d'énergie. Je considère qu'il faudra tenir compte du type de véhicule concerné - notamment de son poids - et des avancées technologiques des constructeurs automobiles. Par ailleurs, l'État n'a pas vocation à subventionner les foyers qui ont les moyens de financer leur passage à l'électrique.
Je serai attentif à quatre sujets : tout d'abord à l'électrification des flottes automobiles, car les entreprises achètent moins de véhicules électriques que les particuliers et leurs flottes constitueront le marché de l'occasion de demain.
Ensuite, les dispositifs d'aide doivent aussi concerner le marché de l'occasion, car 85 % des Français achètent d'occasion.
Le sujet du rétrofit, solution adaptée pour les véhicules utilitaires - mais pas seulement - mérite également d'être consolidé.
Enfin, la prime à la conversion pourrait changer de nom et cibler les personnes qui résident en dehors des zones à faibles émissions (ZFE), mais doivent s'y rendre pour leur travail.
Depuis le 21 septembre, le Gouvernement travaille à la modification de certains éléments des lettres plafonds, dans des délais extrêmement courts. Alors que le VM n'est affecté qu'à des transports réguliers, j'ai proposé qu'on s'appuie sur les syndicats mixtes de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dits syndicats SRU, ce qui répondrait à votre préoccupation et permettrait, dès lors qu'il existe un service régulier, de créer aussi des services non réguliers - c'est en cours d'expertise. Je ne sais pas si nous serons en mesure de traiter ce sujet dans le PLF pour 2025, mais je suis très attentif à cette question : bien entendu, on ne va pas mettre des bus à haut niveau de service en milieu rural, il faut y trouver d'autres solutions de mobilité, notamment à travers le covoiturage.
La Collectivité européenne d'Alsace (CEA) a voté à l'unanimité le principe d'une écotaxe et, en tant que ministre, je suis en appui pour que cela se passe le mieux possible, notamment pour voir comment en exonérer certains acteurs économiques. D'autres collectivités sont intéressées par ce dispositif qui permet de faire contribuer les usagers, d'éviter les phénomènes de déport et de générer des recettes, mais qui pose aussi quelques difficultés que je ne méconnais pas, notamment pour les transporteurs routiers.
Je souhaite que le nouveau modèle des concessions autoroutières soit « encapsulé » dans la conférence nationale sur les mobilités, car c'est une des modalités de financement des mobilités de demain. C'est un sujet très populaire, mais potentiellement inflammable. Nous devons être capables de poser collectivement le bon diagnostic. Des discussions doivent s'engager avec les entreprises concernées, que je recevrai dans dix jours. Le contrat avec Sanef arrivera à échéance en 2031 ; l'État doit d'ici au 31 décembre 2024 indiquer à cette société la liste des travaux à conduire pour assurer le « bon état » des biens à restituer ; mais je ne suis pas prisonnier de cette date. Le plus important est d'établir une doctrine, avec sérieux, car les règles que nous définirons pour la fin de la première concession s'appliqueront aux concessions suivantes. Nous devons nous appuyer sur les travaux du Parlement et de l'ART, ainsi que sur l'expertise de l'administration.
S'agissant du contentieux sur la CVE, sachez que les 180 millions d'euros dus par les SCA au titre des années 2021, 2022 et 2023 ont été payés.
M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - Pour des contentieux qu'ils ont perdus !
M. François Durovray, ministre délégué. - L'État ne se désengagera pas totalement du plan vélo : il reste quelque 300 millions d'euros dans les contrats de plan État-région (CPER) pour développer des infrastructures. Je suis ouvert à des discussions, mais dans un cadre budgétaire contraint, qui nous invite tous à la responsabilité. J'ai entendu des élus locaux indiquer que, bien évidemment, il s'agit d'une manne bienvenue pour les collectivités, mais que l'État est surtout attendu sur la lutte contre la violence routière, la communication et les sanctions. C'est pourquoi, à la suite du décès de Paul Varry, j'ai lancé une mission pour avoir un nouveau regard sur les différents usages de la route.
M. Stéphane Demilly, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs aux transports aériens. - Monsieur le ministre, recevez tous mes voeux de succès dans vos nouvelles fonctions.
Prenons un peu de hauteur, si je puis dire : le transport aérien est à la croisée des chemins. Le trafic a connu un redémarrage d'ampleur après la crise sanitaire, mais nous ne sommes pas revenus à la situation antérieure. Il y a moins de vols intérieurs : ils plafonnent sous les 80 % de leur niveau de 2019, tandis que les vols internationaux poursuivent leur essor.
Le secteur connaît de multiples transformations : tout d'abord, la modernisation du contrôle aérien français, avec la signature d'un nouveau protocole social au sein de la direction générale de l'aviation civile (DGAC), qui devrait avoir un coût, supporté par le secteur, d'environ 100 millions d'euros par an.
Ensuite, l'intensification de la charge fiscale. Après un effort de 150 millions d'euros l'an dernier, via la taxe sur les infrastructures de transport de longue distance, un amendement du Gouvernement alourdit de 1 milliard d'euros la TSBA.
L'effort de décarbonation, enfin, avec notamment l'adoption du règlement européen ReFuel EU Aviation.
Sur le contrôle aérien, Vincent Capo-Canellas estime à 100 millions d'euros le coût annuel de l'accord entre les principaux syndicats des contrôleurs aériens et l'administration. En échange d'augmentations salariales, les contrôleurs aériens ont accepté le plan de modernisation réduisant le nombre de centres de contrôle au cours de la prochaine décennie. Confirmez-vous ce montant ? Pouvez-vous revenir sur le contexte particulièrement conflictuel, marqué par de nombreuses grèves, ayant mené à la signature de cet accord ?
La DGAC reconnaît elle-même que le contrôle aérien français est la lanterne rouge des grands pays d'Europe et engendre de nombreux retards, coûteux pour les compagnies aériennes. Prenez-vous l'engagement d'améliorer la situation ? Ce protocole social mettra-t-il fin à cette situation inacceptable ?
La décarbonation du secteur nécessite de très importants investissements. Or le contexte budgétaire est pour le moins contraint : tous les acteurs économiques doivent prendre leur part dans le redressement des finances publiques. Une hausse du tarif de solidarité serait une des moins mauvaises solutions, en se fondant sur la destination finale du passager et en limitant ainsi les effets de distorsion de concurrence au profit de vols avec des escales hors de France.
Mais l'ampleur de cette hausse massive, d'environ 1 milliard d'euros, m'inquiète beaucoup. Vous connaissez peut-être la métaphore du colibri qui transporte une goutte d'eau dans son bec pour éteindre un incendie, démontrant ainsi que l'effort collectif n'est finalement que la conjugaison des efforts individuels. Mais dans le cas présent, notre colibri se transforme en véritable Canadair... Je connais la tentation budgétaire de certains mouvements - même de certains lobbies - qui voient dans l'aérien une poule aux oeufs d'or ; mais comme dans la fable, attention de ne pas tuer la poule ! Le secteur doit en effet mener un coûteux effort de décarbonation : ne pensez-vous pas qu'un tel effort fiscal - 1 milliard d'euros -, combiné à la hausse du coût du contrôle aérien, pourrait briser les ailes de notre économie aéronautique ?
Le secteur aérien risque d'être victime d'une forme d'effet de ciseaux, hausse des taxes et baisse des crédits consacrés à sa décarbonation. Quels montants seront consacrés dans ce PLF au soutien à la recherche aéronautique civile ? Ces moyens sont-ils conformes à la promesse présidentielle d'un soutien de l'État à hauteur de 300 millions d'euros par an ?
Dans son rapport d'information sur la modernisation de l'aéroport de Nantes Atlantique adopté par notre commission l'année dernière, le rapporteur Didier Mandelli a mis en lumière l'insuffisance de la réponse publique aux nuisances sonores aériennes. En début d'année, le plafond de prise en charge des travaux d'insonorisation des logements situés à proximité des aéroports a été relevé de 25 %. Auparavant, il était si faible que les riverains ne pouvaient pas financer leurs travaux : si l'on voulait fragiliser l'acceptabilité sociale de l'aviation, on n'aurait pas pu mieux s'y prendre... Quel bilan peut-on tirer de cette hausse ? Est-elle suffisante ?
Pour conclure, je tiens à vous faire part d'une inquiétante rumeur : le précédent gouvernement aurait acté en début d'année le principe du non-renouvellement des crédits destinés à soutenir les lignes d'aménagement du territoire (LAT) en métropole à compter du PLF pour 2026, aucun appel d'offres n'étant renouvelé cette année. Ces lignes sont pourtant essentielles pour desservir certains territoires enclavés et isolés. Confirmez-vous cette information ou n'est-ce qu'une rumeur infondée ? Le Gouvernement entend-il revenir, le cas échéant, sur cette décision incompréhensible et néfaste pour l'équité territoriale ?
Le projet de barreau Roissy-Picardie est une nouvelle ligne ferroviaire de 6,5 kilomètres qui doit relier la ligne à grande vitesse de Roissy à la ligne classique Paris-Creil-Amiens. Mais le coût du projet a fortement augmenté et l'Union européenne a annoncé le 22 juin 2023 qu'elle ne le financerait pas. C'est un énième bâton dans les roues de ce projet vital pour la Picardie, qui devait initialement voir le jour fin 2025. Les collectivités se trouvent démunies face à un projet dont le coût est passé de 350 millions d'euros en 2017 à 570 millions aujourd'hui. Quelles mesures vont être prises pour mieux soutenir ce grand projet économique et écologique qui permettra à des milliers de voyageurs de se déplacer plus vite, plus propre et moins cher ?
M. François Durovray, ministre délégué. - À ma connaissance - je viens passer en revue de projets avec mes services -, tous les engagements de l'État sont tenus sur le Roissy-Picardie : les 360 millions d'euros de l'État sont bien prévus. Soyez rassuré.
M. Franck Dhersin. - L'Europe a fortement baissé sa dotation, d'où l'effort supplémentaire demandé aux collectivités et à l'État. Si l'État ne contribue pas plus, le projet ne verra pas le jour.
M. François Durovray, ministre délégué. - Sauf erreur de ma part - je vous apporterai des précisions par écrit si je me trompe -, à l'issue du comité de pilotage du 14 mars dernier, l'État a revu sa participation à hauteur de 360 millions d'euros, ce qui représente 67 % du coût du projet. L'État fait donc face au désengagement de l'Union européenne sur ce projet.
Monsieur Demilly, l'État n'a aucune intention de diminuer sa participation au financement des LAT, qui ont toutes été renouvelées - Paris-Brive il y a quelques semaines. Cependant, l'équilibre financier des LAT est compliqué, tant pour l'État que pour les collectivités, en raison d'une diminution du trafic domestique. Les collectivités ont donc du mal à maintenir les liaisons, le modèle est réinterrogé et participe à la transformation du secteur aérien.
La somme que vous mentionnez sur le contrôle aérien est exacte. Je ne peux pas vous garantir qu'il n'y aura pas de conflit social dans le contrôle aérien, mais dès ma prise de fonctions, j'ai rencontré tous les syndicats, qui sont au courant de la très prochaine mise en oeuvre de la réforme. Un protocole d'accord a été signé avec certaines organisations. Des points d'attention demeurent, comme le contrôle biométrique à l'arrivée du contrôleur aérien à son poste, conformément aux préconisations du bureau d'enquêtes et d'analyses pour la sécurité de l'aviation civile (BEA) à la suite de l'incident survenu le 31 décembre 2022 à Bordeaux.
Nous avons un enjeu partagé d'amélioration de la performance. Je n'accepte pas le terme de lanterne rouge : le contrôle aérien français a perdu en performance, mais il doit retrouver sa place. Pour cela, il faut mener à bien la réforme en resserrant le nombre de postes territoriaux, dans le cadre du dialogue avec les territoires que mène la DGAC, avec des mesures concernant le personnel - dont des avancées sociales - et un investissement important de l'État sur la technologie.
La réforme du tarif de solidarité sur les billets d'avion figurait dans la lettre plafond que j'ai trouvée en arrivant au ministère. Le Gouvernement propose toutefois aujourd'hui, par amendement, des règles du jeu différentes. L'objectif de rendement reste le même - un milliard d'euros -, mais nous avons écarté de soumettre à la TVA le kérosène sur les vols intérieurs et avons prévu un nouveau dispositif de modulation de la taxe selon les types de vol : en augmentant la taxe sur les vols intérieurs et continentaux, ce qui touchera plus les compagnies à bas coûts, en veillant à ce que les moyens courriers comprennent tout le Moyen-Orient, notamment le Qatar, et en réduisant la taxe sur les longs courriers afin de préserver le modèle économique de notre compagnie nationale. J'ai conscience que cela intervient dans un moment de transformation des compagnies aériennes et que nous devons être particulièrement vigilants.
Nous devons également décider du bon niveau de la taxe payée par les compagnies d'affaires. S'agissant d'un mécanisme déclaratif, nous pouvons probablement conserver le même objectif de rendement en diminuant le montant de la taxe, tout en en améliorant la collecte.
Nous travaillons également à une modulation de la taxation en fonction de l'effort de décarbonation des compagnies - n'oublions pas que les carburants durables ont un coût plus élevé -, mais nous ne serons peut-être pas prêts pour le PLF 2025.
M. Demilly m'a soumis au supplice chinois... L'effort de décarbonation des compagnies aériennes, indispensable pour que l'aéronautique française reste au premier plan, est majeur, mais l'engagement de l'État a été révisé à la baisse à deux reprises : 450 millions d'euros, puis 300, puis 230. Je continue à porter ce sujet. Le monde aéronautique peut comprendre que l'État est dans une situation budgétaire compliquée et que chacun doit contribuer à l'effort. Je participerai demain à une réunion avec le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (Gifas) pour définir une trajectoire. L'État doit continuer à accompagner les compagnies aériennes dans cet effort de transformation et à donner de la visibilité à ce secteur.
Sur l'insonorisation des logements autour des aéroports, le plafond a été rehaussé de 25 % en début d'année : c'est un vrai progrès. Les recettes de la taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA) avaient considérablement baissé avec la crise du covid, elles sont reparties à la hausse. Je n'ai pas encore de bilan, mais dès que possible, peut-être au début de l'année 2025, nous présenterons un état partagé à votre commission.
M. Bruno Rojouan. - Vous allez entamer le « tour de France », avec les questions relatives à des problématiques locales.
Sénateur de l'Allier, j'attire votre attention sur la nécessaire amélioration de la desserte ferroviaire de Montluçon depuis et vers Paris. Le 7 octobre, des travaux de modernisation et d'amélioration ont été inaugurés - la ligne était très endommagée et la vitesse limitée. Mais, pour aller de Montluçon à Paris, la correspondance est obligatoire à Bourges ou à Vierzon : Montluçon est enclavé ! C'est un handicap considérable pour le bassin montluçonnais, notamment pour la mine de lithium qui ouvre à proximité.
Une liaison directe Montluçon-Paris est un besoin vital pour le territoire. A minima, il faudrait un train direct le matin et un le soir. Allez-vous prendre l'attache du maire de Montluçon et des deux conseils régionaux concernés pour avancer ?
Mme Nicole Bonnefoy. - La route est pleine de voitures, dites-vous, mais elle est aussi pleine de camions ! Voilà cinq ans que j'interviens régulièrement pour dénoncer les poids lourds qui traversent nos départements en empruntant les routes nationales gratuites. Chez moi, en Charente, chaque jour, 15 000 camions empruntent la route nationale pour économiser 50 euros de péage sur l'A10, avec de multiples externalités négatives : pollution, accidents, déchets, travaux, etc. Avec Rémy Pointereau, j'ai rédigé un rapport d'information sur le transport de marchandises face aux impératifs environnementaux en 2021 et nous avons déposé une proposition de loi pour identifier les itinéraires de fuite et expérimenter des interdictions dans certaines zones. Je vous ai écrit à ce sujet en septembre.
En tant que président de département, vous avez limité la vitesse sur la RN 20 à 70 km/heure, afin de dissuader les camions d'emprunter cette route nationale. Cela fonctionne-t-il ? Si oui, pourquoi ne pas faire de même ailleurs ? Le Rassemblement national est en train de s'emparer de ces sujets : il faut apporter des réponses.
Je vous ai également écrit au sujet de la RN 141, en Charente, sur laquelle passent plus de 20 000 véhicules par jour et qui est inscrite au CPER. Voilà vingt ans que nous attendons sa mise à deux fois deux voies - elle se ferait sur 19 kilomètres, mais 1,5 kilomètre ne serait pas réalisé, créant un goulot d'étranglement. Cela n'est pas acceptable.
M. Jacques Fernique. - Les transports pour ceux qui n'en ont pas et la résorption de la précarité en matière de mobilité sont au coeur de votre ambition. Ma première question, que je vous adresse également dans une tribune parue ce jour dans Libération, avec les acteurs de la mobilité solidaire, porte sur la prime à la conversion : elle pourrait disparaître, comme vous l'avez souligné. Or, en supprimant la prime à la conversion, nous ferions aussi disparaître l'opportunité du réemploi de certains véhicules destinés à la casse via ce dispositif, avant même que les dispositions de la loi du 5 avril 2024 visant à favoriser le réemploi des véhicules, au service des mobilités durables et solidaires sur les territoires, dont j'ai été rapporteur, soient mises en oeuvre au profit des garages solidaires, donc des personnes les plus précaires. Nous attendons en effet toujours le décret d'application de cette loi...
Le bénéfice environnemental de cette prime est avéré, ainsi que son bénéfice social, notamment dans les ZFE. Avec la possibilité ouverte par la loi sur le réemploi des véhicules, la prime à la conversion permettrait également un vrai bénéfice en termes de solidarité. Maintenez la prime à la conversion et publiez ce décret !
Assiste-t-on à l'abandon des engagements du plan vélo 2023-2027 ? Les 2 milliards d'euros prévus vont-ils se dégonfler ? En réduisant les crédits de paiement de 33 millions d'euros, vous ne prévoyez plus que 100 millions d'euros pour 2025, soit ce que la ville de Strasbourg consacre à son propre plan vélo... Quelque 400 dossiers de collectivités sont gelés. Les 27 lauréats de l'appel à projets de 2023 seront-ils les premiers et les derniers ? Hier, Bercy nous rétorquait que les millions qui manquaient pour les trains de nuit étaient allés au plan vélo... Finalement, c'est perdu pour tout le monde ! Oui, il y a les CPER, mais un tiens vaut mieux que deux tu l'auras !
M. Damien Michallet. - En janvier 2020, l'État et la région Auvergne-Rhône-Alpes ont conclu un accord crucial permettant de débloquer la demande de subvention européenne pour financer les études du tracé français du Lyon-Turin. Le dossier de financement a été soumis dans les délais. Laurent Wauquiez, alors président de la région Auvergne-Rhône-Alpes et pleinement investi sur ce projet, l'avait souligné : nous sommes passés près de la catastrophe !
En mai dernier, le Premier ministre Gabriel Attal s'est rendu en Maurienne pour suivre les travaux du tunnel de base. L'annonce du lancement, au début de l'année 2025, des études d'avant-projet détaillé de la section française ouvre une nouvelle séquence : les élus locaux prennent conscience de la réalité du projet. Il ne s'agit plus d'être pour ou contre, mais de savoir comment nous allons accompagner les trois départements, les 50 communes et la dizaine d'intercommunalités traversées : accès, abords, ponts, voiries, expropriations, gestion de l'eau, nuisances du chantier, impacts environnementaux, mesures de compensation, etc.
Et quid du ZAN, l'objectif « zéro artificialisation nette » ? Les capacités à bâtir des communes traversées seront-elles affectées ? Avec le président Longeot et notre collègue Philippe Tabarot, nous vous invitons en Isère pour rencontrer les élus locaux et visiter ce chantier pharaonique. Quelle est la position de l'État sur ce projet stratégique pour notre région et pour l'Europe ?
Ce projet nous conduit aussi à nous interroger sur le contournement ferroviaire de l'agglomération lyonnaise - CFAL Nord et CFAL Sud - qui suscite des inquiétudes. Qu'en est-il de ces deux projets, de leurs études et de leur financement ? Pouvons-nous nous rencontrer localement pour en parler, les pieds dans la terre ?
M. Pierre Barros. - Vous avez réuni hier les organisations syndicales pour confirmer la liquidation de Fret SNCF, comme vos prédécesseurs qui étaient, eux aussi, favorables au plan de discontinuité. Dans ces conditions, comment pourrez-vous respecter leur engagement de doubler la part du fret d'ici à 2030 ? Un rapport de l'Assemblée nationale propose un moratoire afin d'entamer un nouveau cycle de discussions avec la Commission européenne. Des projets alternatifs existent, mais ils nécessitent le maintien d'un opérateur public qui ne se focalisera pas sur les sillons les plus rentables pour répondre aux besoins des chargeurs. C'est stratégique pour réindustrialiser la France, ainsi que le souhaite le Président de la République.
Le projet Roissy-Picardie va longer une partie du RER D - que vous connaissez bien. Une gare est en construction à Fosses, dans le Val-d'Oise : le projet est donc lancé et les moyens devront être mis sur la table pour le terminer.
M. François Durovray, ministre délégué. - Monsieur Rojouan, la demande d'une liaison quotidienne directe entre Paris et Montluçon est légitime, mais l'État n'est pas seul responsable - les lignes Montluçon-Vierzon et Montluçon-Bourges sont de la responsabilité de la région Centre-Val de Loire. Mais le sujet me concerne aussi, dans la mesure où Bourges sera capitale européenne de la culture en 2028. L'État et les deux régions devront travailler ensemble pour améliorer la desserte de Montluçon. Sachez que des crédits d'études sont prévus pour la desserte de la future carrière de lithium dans l'Allier.
Madame Bonnefoy, veuillez m'excuser de ne pas avoir encore répondu à vos courriers. Je suis naturellement favorable à l'idée de travailler sur la question du trafic routier, qui se pose dans de nombreux départements. J'ai donc demandé à mes services d'évaluer les besoins, ce qui n'empêche pas d'expérimenter, et saisir le préfet de Charente pour connaître son avis. J'ai bien en tête le dossier de la RN 141, mais je ne peux pas vous apporter de réponse définitive. Lorsque je me rendrai à Limoges pour évoquer la ligne ferroviaire Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (Polt), je ferai également le point sur la RN 141 en Charente.
Mme Nicole Bonnefoy. - Le préfet de Charente est favorable à l'expérimentation d'une limitation de la vitesse à 70 km/h, mais uniquement sur l'agglomération d'Angoulême, ce qui est ridicule : la limitation de la vitesse doit concerner toute la nationale.
M. François Durovray, ministre délégué. - Cela suppose aussi une capacité de contrôle. Je partage votre préoccupation. Voyons comment nous pouvons avancer.
Monsieur Fernique, je suis attaché à maintenir un dispositif de prime à la conversion notamment pour les personnes concernées par les ZFE et pour le rétrofit : les arbitrages sont en cours.
M. Jacques Fernique. - La loi du 5 avril 2024 ne traite pas seulement du rétrofit, mais également du réemploi de véhicules issus de la conversion.
M. François Durovray, ministre délégué. - Je n'avais pas en tête que des décrets d'application devaient être pris : je vous répondrai par écrit.
M. Jacques Fernique. - La direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) n'a pas pris les décrets, craignant que la prime disparaisse.
M. François Durovray, ministre délégué. - Je mettrai ce sujet à l'ordre du jour de la réunion que j'aurai avec la directrice générale de l'énergie et du climat dans une dizaine de jours.
Les 100 millions d'euros du plan vélo de Strasbourg sont sur sept ans, pas sur un an ! L'État maintiendra son effort dans les CPER. J'entends votre remarque, mais vous devez avoir conscience de la situation budgétaire et des choix à opérer.
Il est plus facile de réduire des dépenses d'investissement que des dépenses de fonctionnement - ce n'est pas propre à ce Gouvernement... Mais les dépenses d'investissement méritent d'être préservées, car ce sont des dépenses d'avenir. L'État est plus dans son rôle sur les infrastructures de Mass Transit, et notamment le ferroviaire, que pour le vélo, même s'il a joué un rôle d'accélérateur. Depuis, les collectivités territoriales se sont emparées de ce sujet.
Monsieur Michallet, j'ai rencontré le président de la société du tunnel euralpin Lyon-Turin (Telt) et j'ai promis au président Longeot de me rendre en Maurienne, à la fin de l'hiver, pour la réouverture du trafic ferroviaire et, je l'espère, du trafic routier. Je pourrai alors également visiter le chantier et vous confirmer que les engagements financiers de l'État seront tenus.
J'espère que je pourrai aussi vous annoncer des avancées sur le CFAL, qui est l'un des sujets que j'ai évoqués avec la métropole et la région Auvergne-Rhône-Alpes lorsque je me suis rendu à Lyon. C'est un projet préalable essentiel. Nous devons tous être au rendez-vous. J'espère que, grâce à mon travail de persuasion, nous pourrons inscrire tous les crédits nécessaires dans le CPER qui pourrait être signé avant la fin de l'hiver.
Le chantier du Lyon-Turin sera bien imputé sur l'enveloppe nationale de consommation du ZAN et non sur l'enveloppe locale ; cela sera donc sans impact pour les collectivités territoriales.
Monsieur Barros, j'ai reçu les organisations syndicales de Fret SNCF lundi dernier. Nous étions sous le coup d'une demande de la Commission européenne de remboursement de 5 milliards d'euros d'aides dont Fret SNCF a bénéficié dans les années 2010, ce qui a un goût sinon amer, du moins particulier au moment où Fret SNCF s'est redressé. Mais je pense que nous allions vers le remboursement et vers une liquidation totale, avec des conséquences importantes pour l'entreprise nationale. La Commission européenne veut probablement traiter aussi sévèrement la France et l'Allemagne, avec DB Cargo. L'entreprise et ses agents ont fait des efforts très importants depuis un an et demi pour se remettre sur pied, en limitant le nombre de services de fret donnés à la concurrence : 24 services ont été repris par des entreprises ferroviaires, sans basculer sur la route. Nous restons vigilants sur l'emploi, afin que les salariés restent dans le groupe, et sur le plan d'affaires qui, je l'espère, repartira sur une dynamique positive.
Je l'ai dit, il faut mieux concilier le maritime avec le fluvial et le ferroviaire. Seul, le ferroviaire ne pourra pas s'en sortir. Dans le PLF pour 2025, l'État ajoute 30 millions d'euros pour le wagon isolé. Je respecte les positions divergentes, mais je maintiens la position de mes prédécesseurs pour écrire une nouvelle page de l'histoire du fret. Je sais que je ne vous convaincrai pas...
M. Franck Dhersin. - La commission des finances de l'Assemblée nationale a voté la possibilité pour les régions de prélever le VM en lieu et place des intercommunalités quand ces dernières n'exercent pas cette compétence, ce dont je me félicite.
Toutefois, les propos de Mme Vautrin, qui souhaite conditionner la hausse du VM à l'augmentation de l'offre de transports, me semblent aller à l'encontre de la logique de décentralisation. En décembre 2023, vous aviez d'ailleurs signé une tribune intitulée « L'appel des Girondins », dans laquelle vous interpelliez Emmanuel Macron sur le manque d'ambition de la mission confiée à Éric Woerth et exprimiez le souhait de libérer les collectivités territoriales d'une bureaucratie étatique parfois inutile.
Le souhait de toutes les AOM, qu'elles soient régionales ou métropolitaines, est de disposer librement du pouvoir de fixation du taux. Nous partageons tous l'objectif d'une augmentation de l'offre de transports, mais je ne vois pas en quoi l'État devrait donner quitus aux AOM. Pouvez-vous nous rassurer quant aux intentions du Gouvernement dans ce domaine ? Lors de la table ronde du Groupement des autorités responsables de transport (Gart), vous aviez déclaré : « Concernant le financement des mobilités, nous devons donner aux collectivités les moyens d'agir et elles savent faire, ce n'est pas à l'État de dire quelles sont les meilleures solutions à mettre en oeuvre, nous donnons une marche à suivre, une feuille de route ».
Par ailleurs, vous avez indiqué que l'augmentation du VM n'avait pas vocation à financer la gratuité. Or, si Dunkerque, Calais, le bassin minier ou Montpellier ont souhaité adopter cette mesure, je ne vois pas à quel titre l'État s'y opposerait.
Enfin, vous avez fait part de votre souhait de lancer une réflexion sur les dessertes TGV non rentables dans le cadre de l'ouverture à la concurrence du réseau. Vous soulignez, à juste titre, que les entreprises concurrentes de la SNCF n'iront pas exploiter des lignes non rentables - propos accueillis avec enthousiasme par certains de ses dirigeants -, mais l'entreprise publique se serait-elle lancée en Espagne pour exploiter des liaisons non rentables ? Certainement pas ! La solution ne pourrait-elle pas consister à moduler les péages ferroviaires des liaisons déficitaires, afin d'inciter les acteurs à les desservir ?
M. Pierre Jean Rochette. - Le Gouvernement entend développer les poids lourds électriques, mais je n'ai pas connaissance d'enveloppe budgétaire dédiée dans le budget. Les certificats d'économies d'énergie pourraient être retenus, mais pour un montant inférieur à celui de 2024, à savoir 130 millions d'euros.
Par ailleurs, la discussion autour des concessions autoroutières devra englober la question du transport public. Concernant les allotissements ferroviaires, quelle est pour vous la bonne maille afin que les territoires ruraux ne soient pas oubliés ?
M. Sébastien Fagnen. - Monsieur le ministre, je souhaiterais savoir à quelle échéance le contrat de performance actualisé entre l'État et SNCF Réseau sera présenté. Comment les différents acteurs, au premier rang desquels le Parlement, y seront-ils associés ? Quelle sera l'ambition portée par ce contrat, à la fois sur le plan budgétaire et par rapport à l'enjeu du changement climatique ? Lors du discours de politique générale du Premier ministre, il est apparu que l'ambition portée par Élisabeth Borne et par le plan de 100 milliards d'euros allait faire l'objet non pas d'une révision des priorités au bénéfice des lignes du quotidien, mais d'une attrition de ses moyens dans le contexte budgétaire que nous connaissons.
J'en viens à un projet d'intérêt national, à savoir la ligne nouvelle Paris-Normandie, en associant à mon propos mon collègue Pascal Martin et l'ensemble des parlementaires de la région Normandie, qui se sont exprimés après la volte-face de Mme Valérie Pécresse quant au soutien du conseil régional d'Île-de-France à la concrétisation de cette infrastructure particulièrement stratégique. Vous avez vous-même évoqué la nécessité de connecter notre façade portuaire, qui ne sera qu'un voeu pieux tant que cette situation de blocage perdurera.
Que comptez-vous faire à ce sujet afin de donner corps à ce projet - transpartisan dès sa genèse - et de fixer une échéance concrète pour sa réalisation, qui ne répondra pas seulement aux attentes des habitants de Normandie, mais également aux besoins de la région Île-de-France, quoi qu'en pense sa présidente ?
M. Jean-François Longeot, président. - M. Pascal Martin a dû nous quitter, mais souhaitait vous interroger sur le contournement ouest de Rouen.
M. Didier Mandelli. - Je me satisfais, en tant que rapporteur de la LOM, de vous entendre évoquer des enjeux tels que le VM à taux minoré, qui avait été un point d'achoppement en commission mixte paritaire. Nous avions sans doute eu raison trop tôt, l'offre de transports pouvant se développer sans être nécessairement collective. De la même manière, j'ai apprécié vos déclarations sur le rétrofit, les C2E et le transport maritime, auquel le groupe d'études « Mer et littoral » est très attaché.
Je tiens aussi à formuler une proposition dans le prolongement de la conférence de financement des mobilités que vous avez annoncée : ne serait-il pas judicieux de pérenniser une structure qui rassemblerait l'Afit France et le COI et qui permettrait de tenir une conférence annuelle dédiée aux financements en son sein ?
M. Saïd Omar Oili. - Monsieur le ministre, j'avais interrogé votre prédécesseur au sujet de la gare maritime de Dzaoudzi, à Mayotte, par laquelle transitent chaque année plus de 30 000 personnes. Dépourvu de scanner, ce port est une véritable passoire et les marchandises et personnes passent sans contrôle réel. Deux douaniers viennent d'ailleurs d'être arrêtés pour corruption et contrebande. Quand les travaux démarreront-ils dans cette gare ?
Par ailleurs, la piste d'atterrissage de Mayotte, souvent inondée, ne devrait plus être viable en 2035, mais aucune étude ne semble avoir été effectuée pour identifier la localisation d'une nouvelle piste. Les parlementaires mahorais pourront-ils, à terme, venir ici assister aux réunions du Parlement ?
M. Alain Duffourg. - Monsieur le ministre, je représente un département totalement enclavé, le Gers, qui fait partie des neuf départements dépourvus d'autoroutes. En quarante ans, nous n'avons pu obtenir que 50 kilomètres de routes à deux fois deux voies. Pouvons-nous espérer davantage dans le cadre de la prochaine conférence de financement ?
M. Olivier Jacquin, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs aux transports routiers. - Je salue le moratoire que vous avez décrété sur les horaires des lignes secondaires de la desserte Paris-Strasbourg et l'engagement que vous avez pris d'une réflexion sur l'avenir de ces dessertes. Ne devrait-on pas imaginer un nouvel acte législatif pour accompagner le ferroviaire là où les dessertes sont fragiles et mettre en place un contrat de service public, à l'image du contrat passé entre l'État et La Poste ?
Par ailleurs, l'étude commandée par votre prédécesseur sur les péages ferroviaires sera-t-elle rendue publique avant la conférence de financement que vous avez annoncée ?
Enfin, vous avez récemment suggéré que les nouveaux entrants ferroviaires pourraient être contraints de desservir des villes moins rentables que les grandes métropoles. Ne pourrait-on pas imaginer qu'ils contribuent également au fonds de concours de SNCF Réseau, au-delà de la période de trois ans durant laquelle ils bénéficient de péages moins coûteux ? SNCF Voyageurs ne devrait en effet pas être l'unique contributeur.
M. François Durovray, ministre délégué. - Monsieur Dhersin, chaque collectivité est en effet libre de fixer une tarification, même si j'estime que la priorité doit être accordée à l'offre plutôt qu'à la demande. Au risque peut-être de choquer, si le Gouvernement avance sur le sujet du VM, je souhaite que la part correspondante puisse être consacrée à l'offre.
Il faudrait trouver un gentleman's agreement qui permette d'allouer le fruit des efforts de l'État et des entreprises à de nouvelles dessertes plutôt qu'à la politique tarifaire. Mes interlocuteurs n'ont pas exprimé de réticences particulières à ce sujet, des politiques tarifaires distinctes pouvant toujours être menées par les collectivités territoriales au niveau de leur propre budget.
En ce qui concerne les dessertes non rentables de TGV, nous devons intégrer l'arrivée de nouveaux entrants. L'expérience sur la ligne Paris-Lyon montre que cette dernière est synonyme d'une augmentation de l'offre et d'une baisse des tarifs, le processus étant donc plutôt vertueux. Pour autant, ces évolutions ne doivent pas intervenir au détriment des logiques d'aménagement du territoire. J'ai demandé à mes services d'étudier la manière dont un nouvel entrant pourrait se voir imposer des dessertes d'aménagement du territoire : dans le cas des liaisons Paris-Rennes ou Paris-Lyon, nous pourrions ainsi solliciter une desserte occasionnelle de Quimper, Brest ou du Creusot.
Dans le cas contraire, la SNCF fera légitimement valoir qu'elle ne peut pas assumer ces contraintes et qu'un financement de l'État est requis. Si je suis favorable à la concurrence, elle ne saurait se réduire à la privatisation des profits et à la collectivisation des pertes. L'État doit être en mesure de fixer un cadre un peu plus contraignant pour les nouveaux entrants, mes services devant creuser ce point.
S'agissant des poids lourds électriques, un appel à manifestation d'intérêt (AMI) sera retenu, comme en 2024. Les volumes ne permettent certes pas une électrification massive de la flotte, mais il s'agit d'amorcer le mouvement, afin de trouver un modèle économique pour le secteur. Un poids lourd électrique coûte 450 000 euros, soit en effet trois fois plus cher qu'un camion thermique, la massification de l'achat de véhicules électriques devant permettre d'en abaisser le coût.
Par ailleurs, s'agissant du modèle juridique futur des concessions autoroutières, je n'ai pas d'a priori, toutes les pistes sont donc sur la table. Je souhaite que la conférence nationale sur le financement des infrastructures se penche sur l'avenir des sociétés concessionnaires d'autoroutes et soit l'instance pour aborder toutes les questions, juridiques comme financières. Les futurs contrats seront très probablement plus courts, car les autoroutes sont construites et les risques sont plus faibles, mais je ne souhaite pas préempter ce débat.
La présentation du contrat de performance de la SNCF sera quant à elle sans doute décalée à l'été 2025, sachant qu'il faudra la combiner avec la fin du mandat de Jean-Pierre Farandou en mai prochain. Cet exercice doit être l'occasion d'évaluer la contribution de la SNCF à la régénération de son réseau, l'État ayant considérablement contribué au redressement de l'entreprise en reprenant sa dette. L'État souhaite que la SNCF fournisse sa part d'efforts, tout en tenant compte des contraintes qu'elle évoque légitimement. Nous veillerons à ce que les parlementaires soient associés aux échanges à ce sujet.
Quant à la ligne nouvelle Paris-Normandie, il s'agit clairement d'un projet d'intérêt national qui doit dépasser les positionnements de chacune des régions, ce qui ne signifie pas que les régions ne puissent pas porter une série de demandes. J'ai l'intention de nommer un nouveau préfet coordonnateur des actions de l'État pour l'aménagement de la vallée de la Seine afin de convaincre chaque territoire des gains attendus de cette infrastructure : ils sont évidents pour la Normandie, moins pour l'Île-de-France aujourd'hui.
Le processus doit se concrétiser par la signature du contrat de plan interrégional (CPIER) associant l'État et les deux régions. Je m'engage, vis-à-vis de la région Île-de-France, à ce que le préfet puisse prendre en compte ses préoccupations, en particulier la demande de desserte du Mantois et les inquiétudes relatives aux nuisances. Des travaux devront sans doute être réalisés autour des grandes villes et notamment autour de Rouen. Soyez assurés de ma volonté d'aboutir sur ce projet, essentiel pour la Normandie et pour l'Île-de-France en termes de logistique : première région d'Europe, celle-ci a intérêt à ce que les marchandises arrivent par le train et non par la route.
Le contournement ouest de Rouen, ensuite, est un dossier fort complexe que je dois encore expertiser. Je souhaite écouter tous les interlocuteurs avant de prendre une position.
Je vous remercie, monsieur Mandelli, pour votre intervention. Le COI a toute sa place dans la conférence nationale de financement des infrastructures, tandis que l'Afit France a été critiquée par la Cour des comptes. J'ignore si le futur véhicule juridique dont nous aurons besoin pourrait résulter d'une fusion des deux structures, mais je prends note de votre suggestion.
Monsieur Omar Oili, les services de Bruno Retailleau, compétents pour la gare maritime de Dzaoudzi, m'ont indiqué qu'un audit de sûreté conduit en septembre 2023 avait conclu à une nette amélioration de la sûreté portuaire et qu'aucune non-conformité majeure n'avait été relevée, mais je transmettrai votre question à mon collègue. Un projet de réfection totale de cette gare est également à l'étude.
S'agissant de la piste d'atterrissage, le Gouvernement entend construire un nouvel aéroport dans un endroit qui a déjà été identifié, me semble-t-il. J'entends votre requête relative à une meilleure association des élus locaux et demanderai à la DGAC de les tenir informés.
Enfin, monsieur Duffourg, le département du Gers a repris la gestion de toutes les routes nationales dans le cadre de la loi 3DS. Nous nous sommes engagés à apporter une participation dans la mise à deux fois deux voies du tronçon entre Gimont et L'Isle-Jourdain dans le cadre du volet routier du CPER, à hauteur de 31 millions d'euros.
M. Alain Duffourg. - Ce chantier doit effectivement être réalisé pour le 1er trimestre 2027. Rien n'est prévu, en revanche, pour l'ancienne nationale 21.
M. François Durovray, ministre délégué. - Je pense qu'il n'existe aucun autre projet à date et qu'il paraît malaisé d'aller plus loin compte tenu des calendriers et des contraintes de financement. Je vous apporterai une réponse sur une phase ultérieure de travaux, qui pourrait intervenir dans le cadre du prochain CPER.
Monsieur Jacquin, vous avez évoqué l'enjeu des péages ferroviaires. Nous avons une spécificité sur le transport de voyageurs longue distance, avec un coût des péages qui a des répercussions sur le prix des billets. Les acteurs de la conférence de financement pourraient décider d'aborder la légitime question des péages et des dessertes d'aménagement du territoire : une diminution du prix du péage pourrait avoir un effet sur le prix du billet, mais il faudrait aussi évaluer son impact sur le niveau d'investissement. Nous devrons identifier à la fois une enveloppe et un véhicule juridique appropriés.
Quant aux contrats de service public que vous appelez de vos voeux, la question des compensations financières de l'État doit être mise en débat.
Je vous remercie pour cet échange, qui a confirmé que les sénateurs ont une fine connaissance des dossiers dont j'ai désormais la responsabilité. J'espère avoir répondu le plus précisément possible à vos interrogations et espère revenir devant vous avec des avancées sur un certain nombre de sujets.
M. Jean-François Longeot, président. - Merci pour votre présence, qui a été l'occasion de démontrer que vous connaissez vos dossiers et que vous souhaitez associer les sénateurs à un travail commun, ce dont je me félicite.
Examens en commission
Crédits « Transports
aériens »
(Mercredi 27 novembre 2024)
M. Jean-François Longeot, président. - Je salue la présence de notre collègue Vincent Capo-Canellas, membre de la commission des finances, que je remercie d'être présent. Je remercie nos collègues rapporteurs d'avoir accepté de modifier l'ordre du jour, en débutant par l'examen du rapport pour avis sur les transports aériens. Je cède la parole au rapporteur pour avis, Stéphane Demilly sur les crédits pour les transports aériens.
M. Stéphane Demilly, rapporteur pour avis des crédits relatifs aux transports aériens. - Mes chers collègues, je suis heureux de vous présenter cet avis budgétaire sur le transport aérien. Je voudrais remercier nos collègues Gilbert-Luc Devinaz et Alexandre Basquin pour leur présence aux différentes auditions préparatoires à mes travaux.
Je vous ai déjà présenté deux amendements la semaine passée qui résumaient bien l'esprit de cet avis budgétaire et que je pourrais résumer ainsi : la hausse inédite de la fiscalité souhaitée par le gouvernement, alors que le secteur aérien se remet à peine d'une crise sans précédent, ne doit pas se faire au détriment des investissements en faveur de la décarbonation du secteur. Je vous remercie d'ailleurs de les avoir adoptés.
Pour commencer, je souhaite faire état de la situation de l'administration française chargée du secteur aérien et notamment du contrôle aérien, la direction générale de l'aviation civile (DGAC). Le rattrapage du niveau de trafic depuis la crise sanitaire a engendré une hausse des recettes perçues par cette administration. Celle-ci est en effet financée par les taxes et redevances versées par les compagnies aériennes qui dépendent de l'activité du secteur. C'est un cas quasi unique, car c'est un budget qui, en quelque sorte, doit s'autofinancer.
Le contrôle aérien français souffre cependant depuis plusieurs années d'un niveau de performance très insuffisant. Selon le dernier rapport d'activité du service chargé de la navigation aérienne, « la France est le pays qui génère le plus de retards en Europe » : 7,4 millions de minutes de retard en 2023 au total, ce qui équivaut à 2,31 minutes de retard en moyenne par vol.
Ces performances décevantes sont dues à deux facteurs. D'une part, les technologies utilisées par les contrôleurs aériens sont particulièrement obsolètes. D'autre part, l'organisation du travail des contrôleurs aériens est inefficiente. L'administration a donc entamé depuis plusieurs années un plan de modernisation de ses programmes de gestion de trafic. Après une décennie de dérapage des coûts et de retard, le déploiement opérationnel des nouveaux systèmes de technologie devrait s'achever en 2026. Cette évolution à la fois tardive et salutaire, sera bientôt malheureusement déjà dépassée et insuffisante. En effet, il convient d'ores et déjà d'investir l'étape suivante, dans de nouvelles technologies.
En outre, la DGAC a également entrepris de moderniser ses méthodes de travail. En effet, à l'heure actuelle, l'organisation du contrôle aérien est trop rigide, ce qui peut engendrer un déficit de contrôleurs, paradoxalement, lors des pics de trafic, créant ainsi de nombreux retards. Par ailleurs, les contrôleurs aériens ont recours à une pratique pour le moins opaque, les « clearances ». Ce sont des réductions d'effectifs décidées par le chef de service qui se traduisent par un temps de présence des contrôleurs au travail inférieur à leur service théorique. Cette pratique est aussi opaque que surprenante. Au-delà des problèmes de performance qu'il engendre, ce mode de fonctionnement a été mis en cause dans un rapport du bureau d'enquêtes et d'analyses pour la sécurité de l'aviation civile (BEA). L'insuffisance des effectifs de contrôleurs liés aux clearances a en effet contribué à la survenance d'un incident grave de sécurité, le 31 décembre 2022 à l'aéroport de Bordeaux-Mérignac.
L'administration a donc prévu de déployer des systèmes de « badgeage » et de vérification biométrique de la présence sur le site des contrôleurs entre l'hiver 2025 et la fin de l'été 2026. J'accueille favorablement cette évolution qui devrait enfin mettre fin à une situation, vous l'avez compris, inacceptable et archaïque.
Le contrôle aérien français projette également de réorganiser son emprise géographique sur le modèle de ses homologues européens, en réduisant le nombre de tours de contrôle et de centres d'approche afin de reconcentrer ses moyens humains et d'avoir une gestion plus active des effectifs en fonction du niveau des trafics. Cette évolution exige de mener en amont une concertation avec les territoires concernés. J'ai cru comprendre d'ailleurs que c'était loin d'être le cas.
En contrepartie de la modernisation du fonctionnement de l'administration, le personnel bénéficiera de mesures catégorielles coûteuses, estimées par notre collègue Vincent Capo-Canellas, que je salue et remercie pour sa présence, à environ 100 millions d'euros par an. Or, ce montant sera par définition répercuté sur les taxes et redevances versées par les compagnies aériennes qui sont donc en droit d'attendre, en contrepartie, une réelle amélioration de la qualité du service rendu.
Je tiens à vous indiquer que les premiers retours sur l'application de la loi n° 2023-1289 « Organisation des services de la navigation aérienne en cas de mouvement social » du 28 décembre 2023 à l'initiative de notre collègue Vincent Capo-Canellas et examinée par la commission en 2023 sont très positifs.
J'en viens maintenant au deuxième axe de mon avis, l'effort fiscal inédit demandé au secteur aérien qui limite de facto sa capacité à investir en particulier dans la décarbonation.
Mener à bien ce processus est une course de fond dont le calendrier nous mène à 2050 et qui exige des investissements particulièrement massifs. Deux vecteurs principaux pour la mener à bien d'ici cette échéance, ont été identifiés : d'une part, l'utilisation des carburants d'aviation durable (CAD), à la place du kérosène, conformément aux objectifs fixés par le règlement européen sur l'aviation ReFuelEU Aviation, du 18 octobre 2023, et, d'autre part, l'utilisation d'aéronefs plus économes en énergie.
Comme je vous l'ai indiqué il y a une semaine, le coût des carburants aériens durables est très élevé, entre 3 fois et 5 fois le prix du kérosène. C'est pourquoi nous avons adopté la semaine dernière, comme l'année dernière, un amendement visant à créer un crédit d'impôt incitatif à l'achat de CAD. Je tenais à vous informer que j'ai procédé, avec l'accord de notre président Jean-François Longeot, à des modifications rédactionnelles qui n'en ont pas modifié la teneur, afin de le rendre identique à un amendement qui avait reçu un avis favorable de la commission des finances. Enfin, pour en finir avec les CAD, il est clair que nous devons examiner rapidement la question de la constitution d'une véritable filière nationale de CAD, pour ne pas être dépendant de l'étranger.
En outre, la filière aéronautique française s'est fixé pour objectif de produire, à partir de 2035, un avion ultra frugal qui utilisera 20 % à 25 % d'énergie en moins que la génération actuelle d'aéronefs. Un tel programme permettrait de contribuer à la décarbonation de la moitié de la flotte mondiale, produite par Airbus. Le Président de la République s'est engagé en juin 2023 à ce que l'État abonde le Conseil pour la recherche aéronautique civile (Corac) de 300 millions d'euros par an d'ici 2027. Depuis cette date, les centres de décision se sont quelque peu déplacés. Le projet de budget actuel prévoit de n'abonder le Corac que de 230 millions d'euros en 2025. Afin d'éviter tout retard dans ce programme, dans un contexte de concurrence mondiale très forte, je vous proposerai un amendement tendant à rehausser le soutien de l'État au Corac pour respecter les engagements initiaux qui étaient de 300 millions d'euros.
Enfin, je tiens maintenant à aborder la question de la hausse du tarif de solidarité sur les billets d'avion (TSBA), proposée par le gouvernement. Je tiens à rappeler que le secteur aérien a déjà subi une hausse marquée de la fiscalité qui lui est applicable à l'occasion de la loi de finances pour 2024, avec la taxe sur les infrastructures de transport de longue distance dont sont redevables les plus grands aéroports français. Son montant devrait être compris entre 120 millions d'euros et 150 millions d'euros en 2024 et concerne, nous l'avions déjà évoqué ici, les aéroports du groupe ADP, Nice, Toulouse, Marseille et demain probablement Lyon.
Néanmoins, dans le contexte budgétaire actuel contraint, chaque secteur doit prendre sa part au redressement des finances publiques. La hausse de la TSBA est probablement « la moins mauvaise » des solutions, car elle est fondée sur la destination finale du passager, ce qui limite les effets de distorsion de concurrence au profit des vols avec des escales hors de France. Cependant, l'ampleur de la taxation envisagée par le gouvernement n'est pas acceptable. Elle est trop massive et pourrait notamment conduire à la fermeture de lignes qui desservent les aéroports régionaux, notamment des liaisons transversales qui ne peuvent pas être réalisées actuellement en train. Elle porterait ainsi atteinte à la connectivité des territoires. Les lignes d'aménagement du territoire, dont l'équilibre financier est actuellement assuré par le versement d'une subvention pour charge de service public, pourraient voir leur modèle économique encore se dégrader. Les collectivités territoriales seraient contraintes de les abonder davantage pour combler le coût d'une taxe affectée au budget général de l'État. Les vols pour les outre-mer seraient également touchés.
Par ailleurs, le niveau de taxation sur l'aviation d'affaires commerciale, qui pourrait atteindre 3 000 euros par passager sur certains vols, est particulièrement élevé et pourrait menacer la pérennité de cette filière en France. Il faut laisser des marges financières aux compagnies pour investir dans les CAD ainsi que dans le renouvellement des flottes, car les plus anciens aéronefs sont aussi par nature les plus polluants. Pour rappel, et ne l'oublions pas, la dette nette d'Air France est à ce jour d'environ 5 milliards d'euros.
J'ai donc décidé de déposer un sous-amendement qui limite la hausse de la TSBA sur les billets d'avion pour les vols intra-européens en classe économique. Un doublement plutôt que le quasi quadruplement envisagé par le gouvernement me paraît le niveau maximal pour préserver les liaisons participant à l'aménagement du territoire.
Ce sous-amendement réduit également le niveau de taxation applicable à l'aviation d'affaires par rapport au dispositif proposé par le gouvernement. Les passagers de l'aviation d'affaires seraient ainsi, selon le dispositif proposé par le sous-amendement, taxés entre quatre fois et dix fois plus que les passagers en classe « business », en fonction des vols et des aéronefs utilisés. Ce qui est déjà considérable, vous en conviendrez. Ce ratio pourrait atteindre vingt-cinq dans le dispositif gouvernemental, ce qui est non seulement disproportionné, mais serait tout simplement une mise à mort de l'aviation d'affaires.
Pour conclure, je voudrais vous rappeler la morale d'une fable d'un célèbre auteur picard, Jean de La Fontaine. Cette fable, c'est celle de la poule aux oeufs d'or dans laquelle, celui qui décida en vain de la tuer pour découvrir le trésor qui s'y cachait, s'est « lui-même ôté le plus beau de son bien ». Prenons garde à ne pas tuer la poule aux oeufs d'or. Le secteur aérien et aéronautique français représente un magnifique fleuron national. Il pèse plus de 300 000 emplois directs et indirects et contribue très positivement et massivement à la balance commerciale de notre pays. Demandons-lui naturellement un effort, mais faisons en sorte de le préserver.
M. Saïd Omar Oili. - Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué la cherté des billets d'avion, ce qui est déjà le cas pour les destinations outre-mer, notamment Mayotte. Le billet aller-retour entre la métropole et Mayotte coûte environ 3 500 euros. Taxer ce trajet signifie pour nous iliens, la fin de nos déplacements alors que nous sommes complètement enclavés et que la seule possibilité de quitter notre territoire réside dans le transport aérien. La taxation envisagée représente donc un véritable problème pour nous.
M. Ronan Dantec. - Le rapport de Stéphane Demilly aborde de nombreux sujets qu'il convient de distinguer clairement. Tout d'abord, en écho à l'intervention précédente et à certains propos du rapporteur, reconnaissons qu'un amendement exonérant les lignes aériennes d'aménagement du territoire et ultramarines, pourrait faire l'objet d'un consensus. Je ne suis pas loin d'être d'accord avec Stéphane Demilly. Cependant, ces lignes ne doivent pas entrer dans le débat général de la TSBA. En effet, les questions d'aménagement du territoire en sont distinctes. C'est pourquoi je pense déposer un amendement en ce sens.
Mon deuxième point porte sur les carburants alternatifs. Cessons d'en parler. Les différents travaux sur le sujet démontrent que c'est une impasse. Ce discours d'« écoblanchiment » constitue une perte de temps. Poursuivre la piste des carburants alternatifs conduirait à laisser aux mains de la concurrence internationale le transport aérien mondial car cette piste n'est pas fondée sur un modèle économique viable. Le chemin serait trop long pour y parvenir et supposerait de diviser par cinq le prix de l'électricité en France pour assurer la compétitivité des carburants alternatifs. Une telle stratégie est vouée à l'échec. En revanche, la réduction de la consommation énergétique, dont celle du kérosène des avions, est pertinente, à l'instar des actions d'Airbus menées en ce sens, ce qui contribue d'ailleurs à la compétitivité du groupe. Investir dans la stratégie des carburants alternatifs en s'appuyant sur un modèle économique que l'on sait impossible et inopérant dans le contexte budgétaire actuel constitue donc une gabegie d'argent public. Le prix de l'électricité ne le permet tout simplement pas, sauf à pouvoir le diviser par cinq, ce qui n'est pas le cas, à ce jour. Les recettes issues de la TSBA ne peuvent donc être consacrées au développement des carburants alternatifs, sous peine de gaspillage, même si le soutien à la création d'avions plus économes en énergie, demeure un enjeu, ce que Airbus a bien compris, pour des raisons de concurrence internationale.
J'en arrive donc à mon troisième point, la TSBA, dissociée de la question de l'aménagement du territoire et de la fable sur les carburants alternatifs. Force est de constater qu'en dépit d'une augmentation considérable des tarifs aériens, ces deux dernières années, les avions demeurent pleins. La multiplication par deux du prix d'un billet n'a pas dissuadé les voyageurs de prendre l'avion. Or, il est ici question d'une taxe de 9 euros pour la grande majorité des billets, ce qui représente une part très faible du prix de ces billets. Cette augmentation du prix des billets ne devrait pas affecter la demande alors qu'elle contribuera de manière substantielle au budget de la France. Il n'est donc pas question de tuer la poule aux oeufs d'or, mais de l'exploiter plus rationnellement. Je suis donc en faveur non seulement de maintenir cette taxe, le gouvernement y étant attaché, mais aussi avec le principe d'en affecter une partie des recettes au maintien de l'aide publique au développement, et en particulier aux crédits alloués au ministère de l'Europe et des affaires étrangères pour l'aide publique bilatérale de la France, qui devrait connaître une baisse de 40 %. En effet, l'aide publique de la France présente aujourd'hui l'impact carbone le plus important par euro investi. En conséquence, conserver la TSBA et maintenir l'aide publique au développement constituent ainsi les mesures les plus efficaces en matière de lutte contre le changement climatique.
M. Gilbert-Luc Devinaz. - Lors des auditions préparatoires du rapporteur, le directeur général délégué d'ADP a déclaré « trop c'est trop ». Cela interpelle. Il y a eu un engagement de neutralité carbone en 2050 pris lors du sommet européen de l'aviation à Toulouse en 2022. Il faut l'atteindre, notamment par un effort en matière de recherche, ce que vise le premier amendement du rapporteur qui propose d'augmenter les crédits de recherche en faveur du CORAC.
Par ailleurs, je suis étonné par les propos de notre collègue Ronan Dantec sur l'inefficacité des biocarburants. Les nombreuses auditions préparatoires que j'ai pu mener dans le cadre de la mission d'information que j'ai présidée en 2023 sur le développement d'une filière de biocarburants, carburants synthétiques durables et hydrogène vert, n'ont pas conduit à cette conclusion. Je maintiens que le secteur du transport aérien doit être décarboné, dans son intérêt, ce qui se produira vraisemblablement par la mise en oeuvre de solutions mixtes. L'avion électrique transportant peu de passagers sur de petites distances en constitue une.
Outre le carburant, il convient également de prendre en compte le besoin de renouvellement des flottes des compagnies aériennes. Ces dernières doivent avoir cette capacité d'investir dans des flottes plus modernes et moins consommatrices d'énergie. Les voies et moyens ne font pas consensus et, en particulier, la sobriété en matière d'utilisation de l'avion, ce qui ne signifie pas nécessairement une forme de décroissance. Le terme de « sobriété » n'est pas aussi scandaleux qu'il n'y paraît. En effet, un des constats de la mission d'information que j'avais présidée sur les biocarburants est le futur déficit énergétique, sachant que la consommation totale de pétrole ne sera jamais compensée par les énergies nouvelles. Comment allons-nous gérer ce déficit pour les générations futures ?
Le deuxième aspect de mon propos concerne l'aménagement du territoire et plus particulièrement le sous-amendement proposé par le rapporteur. En tant qu'habitant de la métropole de Lyon, je devrais être contre ce sous-amendement. En effet, son application devrait poser un certain nombre de problèmes aux aérodromes de deuxième et troisième catégories qui risquent d'être désertés par des compagnies qui ne les utiliseront plus. Les entreprises tendent à quitter les zones rurales pour se rapprocher des métropoles, afin de bénéficier de leurs infrastructures, TGV, axes autoroutiers et aéroports. La question de la politique d'aménagement du territoire se pose. Contrairement à notre collègue Ronan Dantec, je pense que le dispositif proposé aura des conséquences. Nous avons intérêt à faire en sorte que l'activité économique reste la mieux répartie sur l'ensemble de notre territoire. Afin d'être en phase avec l'ensemble des représentants des commissaires de mon groupe politique, je propose donc que l'on s'abstienne sur cet amendement, car tous ne partagent pas ma position.
Mon troisième et dernier point concerne la biodiversité. En effet, outre les initiatives visant une réduction des émissions de CO2, la réflexion sur les modes de transport doit également intégrer l'impact sur la biodiversité. Il semble que le transport par câble et le transport par avion constituent les modes de transport ayant le moins d'impact sur la biodiversité.
M. Alexandre Basquin. - Le secteur aérien est un secteur extrêmement structurant pour notre territoire national, mais aussi pour l'aménagement de nombreux territoires au sein même de notre territoire national. Ce secteur représente 100 000 emplois directs et 300 000 emplois indirects, ce qui n'est pas négligeable. Je pense qu'il aurait fallu insister davantage dans votre exposé, avec force et volonté, sur le besoin criant d'investissement public en direction de la filière aéronautique, notamment en matière de recherche, au regard des objectifs de décarbonation. Même si les constructeurs réalisent déjà des efforts considérables afin de respecter leurs engagements, il est apparu lors des auditions préparatoires que vous avez organisées que des investissements publics plus importants seraient bénéfiques.
Je regrette que le « chiffon rouge » de la TSBA soit agité, car il s'agit d'une ressource substantielle qui peut participer à l'effort collectif de manière substantielle. Comme l'a signalé notre collègue Ronan Dantec, la France n'est pas le pays qui taxe le plus en ce domaine. Elle se situe même loin derrière l'Allemagne. Or, un alignement sur le taux allemand rapporterait 2,5 milliards d'euros de recettes. En dépit d'un taux supérieur à celui appliqué en France, il n'apparait pas que la fréquentation et les activités des aéroports allemands, anglais ou néerlandais comme Francfort, Londres ou Amsterdam, n'aient été affectées.
M. Philippe Tabarot. - Deux taxes en deux ans, c'est considérable pour le secteur aérien, comme cela a été rappelé par le rapporteur. Je soutiendrai les amendements de la commission. Je voterai également bien sûr en faveur du sous-amendement déposé par Stéphane Demilly, identique à celui de Vincent Capo-Canellas, dont je salue le travail qu'il accomplit sur ce secteur complexe, car, d'une part, cette initiative tend à réduire les effets pervers de la taxe et, d'autre part, permet de répartir l'effort de manière beaucoup plus juste que l'amendement du gouvernement.
Je souhaite évoquer les compagnies low cost qui seront directement ou indirectement impactées par cette taxe. En dépit des nombreux griefs qui leur sont adressés par un certain nombre de nos concitoyens, ces compagnies ont permis de créer de l'emploi, de développer des territoires et de permettre à des Français qui n'en ont pas toujours les moyens de découvrir de nombreuses destinations européennes, voire mondiales. L'augmentation de la TSBA aura également des impacts sur les aéroports français.
Enfin, s'agissant du produit de la taxe, je rappelle que pour moitié, elle n'est pas fléchée sur le secteur des transports alors qu'elle est préemptée sur ce secteur. Je déposerai donc des amendements visant à ce qu'une part des recettes puisse revenir à l'Agence de Financement des Infrastructures de transports de France (Afit France), dont les crédits devraient être réduits de 700 millions à 800 millions d'euros cette année. Il me semble également essentiel qu'une partie des recettes soit utilisée afin de décarboner le transport aérien. Me ralliant aux propos de notre collègue Gilbert-Luc Devinaz, notre collègue Ronan Dantec apparait pessimiste quant à la possibilité de décarboner le transport aérien.
M. Stéphane Demilly, rapporteur pour avis. - En réponse à notre collègue Saïd Omar Oili, l'amendement proposé permet d'éviter une quadruplication de la TSBA concernant les vols vers l'Outre-mer. Le doublement me semble largement suffisant.
S'agissant des différentes questions soulevées par notre collègue Ronan Dantec, l'exonération de TSBA des lignes d'aménagement du territoire ou des lignes vers les DOM-TOM par rapport aux autres lignes poserait un problème de compatibilité avec le droit de l'Union européenne. Nous étudierons ce point dans le cadre de l'amendement qui sera déposé.
Concernant les carburants d'aviation durables, il faut raison garder. S'il est vrai qu'il n'existe pas de modèle économique aujourd'hui, en l'absence de quantité, demain la quantité créera le modèle économique. J'en prends pour preuve l'anecdote suivante. Il y a 25 ans, j'ai créé à l'Assemblée nationale le premier groupe d'études sur les biocarburants, en dépit de l'incompréhension de certains de mes collègues, affirmant leur inefficacité. Le carburant E10, qui contient jusqu'à 10 % d'agroéthanol, est devenu le carburant le plus vendu en France, tandis que le carburant E85 qui contient entre 60 % et 85 % de bioéthanol, a vu ses ventes exploser. Un modèle économique peut exister, sous réserve qu'il y ait une demande et une offre, adaptées.
En réponse à notre collègue Gilbert-Luc Devinaz, les biocarburants fonctionnent et sont utiles même si, d'une part, ils ne pourront pas remplacer le kérosène et l'ensemble des carburants automobiles et, d'autre part, ils doivent être exploités tout en préservant l'affectation des sols de notre Terre dont la vocation première est de nourrir la planète. L'utilité des biocarburants commande de maintenir le montant prévu initialement au niveau du CORAC afin de soutenir la décarbonation.
Notre collègue Alexandre Basquin a mentionné l'agitation d'un « chiffon rouge », mais, ainsi que l'a sous-entendu notre collègue Gilbert-Luc Devinaz, l'ensemble des acteurs du secteur aérien nous ont confié ne pas avoir été consultés. Cette taxe leur a été imposée sans aucune étude d'impact et sans aucune consultation, ce qui est pour le moins surprenant !
Cher collègue Alexandre Basquin, vous avez fait référence à l'exemple allemand, qui ne me semble justement pas pertinent car l'augmentation des taxes en Allemagne a, en définitive, entraîné une baisse du trafic. Le secteur aérien allemand connaît des difficultés économiques en raison d'une surtaxation.
Enfin, notre collègue Philippe Tabarot a mis en évidence un point essentiel, celui de la démocratisation de l'accès au transport aérien. Il est effectivement crucial de veiller à ce que ce mode de transport ne devienne pas accessible uniquement aux seules personnes fortunées en raison de surtaxes aux effets d'éviction sur les catégories les plus modestes.
M. Vincent Capo-Canellas. - Je remercie le président Longeot d'avoir invité un membre de la commission des finances ainsi que le rapporteur pour sa présentation extrêmement riche. Les débats montrent que les enjeux sont nombreux. Le rapporteur a évoqué à plusieurs reprises la modernisation du contrôle aérien, sujet sur lequel j'ai commis différents rapports, dont le dernier, en date du 2 octobre 2024, porte sur les protocoles sociaux, l'organisation du travail des personnels de la DGAC et la performance du contrôle aérien français. Il est essentiel que la direction des services de la navigation aérienne (DSNA) mette en oeuvre ce qui est prévu dans le protocole. Le coût est de 100 millions d'euros par an, à horizon 2027, lorsque toutes les mesures seront mises en oeuvre. La DSNA doit entreprendre sa modernisation en raison des enjeux liés à la décarbonation. 7 % à 8 % des émissions pourraient être éliminées si le contrôle aérien atteignait son meilleur niveau.
S'agissant des clearances, je partage l'avis du rapporteur. Il est choquant que dans la fonction publique, on puisse ne pas effectuer le travail pour lequel on est censé être présent, ce qui pose aussi des questions de sécurité.
Concernant la rationalisation du réseau d'implantation de la DSNA et sa modernisation, la dette technique due au vieillissement des installations de base, a été oubliée au profit de la modernisation numérique et des grands programmes tels que Foreflight, ou Coflight. La DSNA propose une modernisation et une rationalisation de son réseau, mission difficile à accomplir, car elle nécessitera une concertation territoriale approfondie, un dialogue social et du temps. On dénombre 80 tours. Leur réfection se déroulera sur les 40 prochaines années à raison de deux tours par an.
Par ailleurs, je partage les propos du rapporteur sur le CORAC et tiens à souligner le paradoxe du transport aérien de devoir être décarboné avec une réduction des moyens apportés par l'État pour le faire. Je rappelle que c'est rentable parce que l'État s'y retrouve.
Quant au sujet majeur qui est au coeur de nos débats d'aujourd'hui, la taxe de solidarité sur les billets d'avion, je souhaite apporter quelques précisions. Tout d'abord, le trafic intérieur n'a pas retrouvé son niveau de 2019, en s'établissant actuellement à 74 % du trafic. En outre, les conflits et enjeux diplomatiques dans certaines régions du monde telles que l'Asie, conduisent à des baisses localisées de trafic.
La TSBA soulève plusieurs difficultés, comme l'a clairement indiqué le rapporteur. Premièrement, il n'existe aucune étude d'impact. 340 millions d'euros au total sont perçus au titre de la TSBA ; le gouvernement propose de collecter 1 milliard d'euros supplémentaires en augmentant la taxe, dont 850 millions d'euros concernent l'aviation de ligne et 150 millions d'euros, l'aviation d'affaires. Or la taxe collecte moins de 1 million d'euros sur l'aviation d'affaires à ce jour. Se fixer un objectif de collecter 150 millions d'euros n'est pas réaliste. C'est une taxe de rendement sans retour vers les transports.
Quant à la question des CAD, j'ai déposé un amendement que j'ai discuté avec le Gouvernement afin de définir la meilleure formulation permettant son adoption, car il est voté depuis deux ou trois ans par le Sénat. Or le rapporteur et moi-même souhaitons la mise en oeuvre d'un crédit d'impôt sur les CAD. Nous pensons avoir trouvé un point d'équilibre. La critique selon laquelle « on taxe et on ne décarbone pas » a conduit le Gouvernement à admettre qu'il fallait au moins ouvrir un chemin et créer un crédit d'impôt sur les CAD. Cet amendement présente certains défauts, dont celui d'être très cantonné, mais il a le mérite d'exister et pourra être amélioré. J'espère qu'il sera voté. Le Gouvernement a annoncé donner un avis favorable.
S'agissant du modèle économique potentiel, j'y crois, comme notre collègue Gilbert-Luc Devinaz qui a présidé la mission d'information sur le développement d'une filière de biocarburants, carburants synthétiques durables et hydrogène vert. Ainsi que l'a souligné le rapporteur, la création du marché permettra au modèle économique d'émerger.
Quant à la taxe, j'identifie deux points à corriger. Le premier, que j'ai précédemment abordé est l'aviation d'affaires pour laquelle elle était dépourvue de sens. Elle revenait à tuer la base fiscale. S'il n'y a plus d'entreprise, il n'y aurait d'ailleurs plus de vols sanitaires opérés par des sociétés françaises. On était arrivé au-delà du seuil de douleur qui détruisait les entreprises. Il convient de l'encadrer tout en trouvant le bon étiage, c'est-à-dire celui qui permette de maintenir une activité économique et l'emploi, y compris celui en région, parce que l'aviation d'affaires ne représente pas uniquement un problème parisien. Aussi, je propose de tripler la taxe actuelle.
Concernant le problème de la TSBA, je propose, par un sous-amendement, de doubler la taxe existante, mais pas au-delà, pour les classes économiques, pour la catégorie 1, que sont les vols intérieurs, y compris ultramarins, et l'Europe, pour deux raisons. Tout d'abord, il serait paradoxal que la démocratisation du transport aérien soit mise à mal. Ensuite, je rappelle que le modèle économique en France est celui du low cost. La desserte de nos territoires se fait très majoritairement par les compagnies low cost. Or une augmentation trop élevée de la taxe sur les vols intérieurs de la classe économique risque de conduire à la fermeture de nombreuses lignes et corrélativement à la destruction d'emplois. Une nouvelle fois, il convient de déterminer le bon étiage s'agissant des vols des classes économiques. Réduire l'augmentation de la taxe sur les classes économiques devrait permettre de maintenir la desserte de nos propres territoires.
Un dernier mot enfin sur l'augmentation du prix. Lorsque les transporteurs aériens ont augmenté leur prix face à la hausse du prix des carburants, cette répercussion était généralisée, car l'ensemble des transporteurs étaient concernés. La capacité des transporteurs à augmenter leurs prix est différente dans l'hypothèse de l'augmentation de la taxe, car c'est un dispositif français et non mondial. Les prix seraient donc augmentés en France et pas ailleurs. En outre, la taxe serait payée deux fois pour les allers-retours nationaux, au premier décollage, pour aller de Perpignan à Pau, par exemple, puis une seconde fois, au retour. Il convient également de garder à l'esprit la résistance au prix.
M. Jean-François Longeot, président. - Je vous propose d'examiner les amendements du rapporteur.
M. Stéphane Demilly, rapporteur pour avis. - Comme dirait le président dans un merveilleux oxymore, nous proposons de « baisser l'augmentation » de la taxe dans le sous-amendement n° I-2256. Les tarifs de la taxe proposés à la baisse par ce sous-amendement à l'amendement n° I-2076 du Gouvernement, pour les destinations européennes ou assimilées, sont de 5,30 € pour la catégorie normale, 30 € avec services additionnels, 120 € pour les avions d'affaires avec turbopropulseur et 240 € pour les avions d'affaires avec turboréacteur.
S'agissant des destinations intermédiaires, les tarifs de la taxe de 15 € et 80 € respectivement pour les catégories normales et avec services additionnels, correspondant à la proposition gouvernementale, sont conservés. Les tarifs pour catégories de service des avions d'affaires avec turbopropulseur et ou turboréacteur sont revus à la baisse, en s'établissant respectivement à 350 € et 530 € pour ces destinations intermédiaires.
Enfin, concernant les destinations lointaines, les tarifs de la taxe de 40 € et 120 €, respectivement pour la catégorie de service normale et avec services additionnels, sont inchangés, à la différence de ceux des avions d'affaires avec turbopropulseur et ou turboréacteur, réduits respectivement à 550 € et 1 200 €, afin de sauver l'aviation d'affaires.
Quant à l'amendement n° II-252, il concerne le CORAC que j'ai évoqué précédemment. Il propose de relever le soutien apporté par l'État à la filière aéronautique à la hauteur de la trajectoire annoncée par le Président de la République en juin 2023. Ce dernier s'était engagé à ce que l'État abonde le CORAC de 300 millions d'euros par an d'ici 2027. Toutefois, le projet de loi de finances ne prévoit qu'un montant de 230 millions d'euros. Le présent amendement vise donc à augmenter ce montant de 70 millions d'euros afin de respecter l'engagement pris en 2023 et maintenir ainsi les ambitions de décarbonation du secteur aérien.
La commission adopte le sous-amendement n° I-2256 ainsi que l'amendement n° II-252.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs aux transports aériens de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », sous le bénéfice de l'adoption de ses amendements.
Crédits
« Transports routiers »
(Mercredi
27 novembre 2024)
M. Olivier Jacquin, rapporteur pour avis des crédits relatifs aux transports routiers. - Monsieur le Président, chers collègues, je suis heureux de vous retrouver ce matin pour vous présenter les principales orientations de mon rapport pour avis sur les crédits relatifs aux transports routiers dans le PLF pour 2025.
Je précise d'emblée que cet exercice s'est inscrit dans un cadre budgétaire très particulier, qui m'a conduit à devoir prioriser certains combats à travers mes amendements. Cette stratégie a payé s'agissant du versement mobilité. Les trois amendements que vous avez adoptés la semaine dernière, sur proposition de Philippe Tabarot et moi-même, devraient en outre faire l'objet d'un avis, sinon de sagesse, au moins favorable, de la commission des finances, ce dont je me réjouis !
J'en viens au coeur de mon propos, que j'entamerai en abordant la baisse, brutale et inédite, des capacités de financement de l'Afit France proposée par le PLF pour 2025. Ce PLF marque en effet un retournement s'agissant des recettes de l'agence, qui s'établiront à 3,7 Mds€ l'année prochaine, soit un affaissement de l'ordre de 900 M€ par rapport à l'année 2024. Si ce niveau de recettes s'inscrit dans une tendance à la hausse par rapport à la LFI pour 2023, il s'agit pourtant bien d'une rupture avec la dynamique impulsée, il y a un an et demi, à la suite de la publication du rapport du Conseil d'orientation des infrastructures (COI) et de l'annonce de l'ambitieux plan d'avenir pour les transports par le Gouvernement.
À cette situation s'ajoute l'incertitude structurelle - dénoncée chaque année par notre commission - pesant sur les ressources de l'agence, que l'instauration de la taxe sur l'exploitation d'infrastructures de transport de longue distance cette année n'a pas résorbée.
Dans ce contexte, les dépenses de l'agence seront nécessairement revues à la baisse l'année prochaine, bien que le Gouvernement n'ait pas encore précisé comment l'enveloppe serait ventilée entre les différents modes de transport.
Une chose est sûre : le plan vélo et marche 2023-2027 fera partie des « victimes » de ce contexte budgétaire, puisqu'il ne bénéficiera d'aucune autorisation d'engagement en 2025. Si l'on ajoute à cela la fonte des crédits du Fonds vert (-1,5 Md€) et les économies réalisées sur les dotations des collectivités territoriales, le risque d'une mise à l'arrêt des projets locaux en faveur des mobilités actives est bien réel. Les 400 collectivités territoriales qui avaient candidaté au septième appel à projets « Aménagements cyclables » lancé fin 2023 sont restées sans réponse de l'État : l'appel à projets a été gelé en 2024 et le Gouvernement confirme que les lauréats ne seront pas désignés.
Sur ce sujet, je vous soumettrai un amendement DEVDUR.3 allouant 105 M€ à ce plan l'année prochaine pour permettre la désignation des lauréats du septième appel à projets « Aménagements cyclables » ; je suis convaincu que c'est une mesure de bon sens. Je souligne que 400 collectivités ont mobilisé des moyens humains, techniques et financiers significatifs pour déposer leur candidature.
Afin d'atténuer l'« à-coup » budgétaire porté par le PLF pour 2025 à l'Afit France, la commission (à l'initiative de Philippe Tabarot et moi-même) a adopté un amendement la semaine dernière pour diminuer de moitié la baisse du plafond de TICPE de l'agence pour l'année prochaine et j'espère qu'il connaîtra le même succès en séance publique.
Surtout, je considère que le PLF pour 2025 achève de démontrer les limites d'un pilotage annuel - voire infra-annuel - pour financer les investissements dans les infrastructures de transports, qui s'inscrivent par nature dans le temps long.
Dès lors, la conférence nationale sur le financement des mobilités, annoncée pour le début d'année prochaine, revêt une importance majeure et il est capital que le Parlement y soit étroitement associé. J'espère que cet événement ne constitue pas un simple élément de langage de la part du Gouvernement pour repousser encore la remise à plat du modèle de financement des transports, que notre commission appelle de ses voeux depuis des années. Aussi, pour donner toutes les chances à cette conférence de se concrétiser, je souhaite que nous amorcions dès aujourd'hui la réflexion. Plusieurs pistes de financement me semblent devoir être mises à l'ordre du jour de cette conférence. J'en citerai quelques-unes : d'abord, l'évolution du versement mobilité - les trois amendements que nous avons adoptés la semaine dernière (et que j'ai évoqués au début de mon propos) vont dans ce sens, j'y reviendrai. Il faut maintenant confirmer l'essai en séance publique et dans la suite de la navette parlementaire !
Ensuite, le fléchage d'une part du produit issu des ventes aux enchères des quotas carbone (ETS) vers les transports, comme le Sénat l'avait soutenu lors de l'examen de la LFI pour 2024 ; je note d'ailleurs que la commission des finances a redéposé cet amendement cette année.
Puis, j'ai eu l'occasion de m'exprimer à ce sujet la semaine dernière, mais il me semblerait judicieux que cette conférence replace dans le débat la piste d'une généralisation de la possibilité, pour les régions, de lever l'écotaxe. Il serait logique - et vertueux, selon un principe d'utilisateur-payeur - que les externalités négatives induites par le trafic de poids lourds puissent être mises au profit du financement des modes décarbonés ou de la transition écologique des infrastructures, pour lesquels les besoins sont massifs.
Enfin, n'omettons pas l'instauration d'un taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à 5,5 % pour les transports collectifs, ainsi que la commission le porte depuis de nombreuses années.
Surtout, il me semble indispensable que cette conférence traite la question de l'avenir des concessions autoroutières, qui laisse entrevoir de multiples pistes de recettes pour les transports. Le traitement des investissements de seconde génération devrait être abordé : il s'agit d'opérations d'investissement qui n'ont pas été réalisées par les SCA alors même qu'elles ont déjà été financées par le produit des péages. Le rapport d'information d'octobre 2024 de la commission des finances sur la préparation de l'échéance des concessions préconise de recenser ces investissements, d'en évaluer le montant et, pour ceux qui ne seraient plus pertinents et qui généreraient donc un avantage financier indu pour les SCA, de les orienter vers des investissements de remplacement en faveur de la transition écologique. Je souscris totalement à cette proposition et souhaite qu'elle nourrisse la réflexion en vue de la conférence de financement. Pour ce faire, je vous proposerai un amendement n° II-284 visant à demander à l'État une étude pour approfondir cette question.
Il faudra également que la conférence mette sur la table les différentes options en débat pour l'après-concession et leurs implications en termes de financement des infrastructures de transport sur le long terme et de répartition des risques.
En lien avec cette question des autoroutes, je souhaite que nous soyons vigilants sur les moyens de l'Autorité de régulation des transports (ART), de manière à assurer sa capacité à agir et nous éclairer en toute indépendance sur les nombreux chantiers qui sont devant nous. Je pense par exemple à la définition du « bon état » des biens restitués - qui nécessite encore un affinement, notamment pour fixer les critères concernant les ouvrages d'art nécessitant des travaux de réhabilitation - à l'identification des investissements de seconde génération et au paramétrage des futurs contrats concessifs, si ce modèle devait être reconduit.
Or, le projet de loi portant dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne (Ddadue), qui sera examiné prochainement par l'Assemblée nationale avant d'être transmis au Sénat, propose de confier à l'ART de nouvelles missions en matière de contrôle des données routières numériques. Cette piste va dans le sens d'une plus grande rationalisation des compétences, en proposant la mise en place d'un cadre régulatoire unifié et cohérent en matière de services numériques de mobilité. Néanmoins, si ce transfert est confirmé par le Parlement, nous devrons veiller à ce qu'il s'accompagne d'un redéploiement en conséquence des moyens de l'autorité. Surtout, pour mettre le régulateur à l'abri des aléas budgétaires, il serait opportun d'envisager de lui allouer une ressource dédiée, par exemple via la fiscalité affectée. L'ART possédait d'ailleurs une ressource dédiée à sa création. Notre commission serait fondée à s'approprier cette piste de travail.
J'en viens à présent à la question de l'entretien des infrastructures routières. Si on peut se réjouir de la stabilité des moyens dédiés à l'entretien du réseau routier national non concédé (RRNNC) dans le PLF pour 2025 par rapport à 2024 (1 Md€), il ne semble pas encore suffire à inverser la spirale de dégradation du réseau. Je ne vous proposerai néanmoins pas d'amendement cette année sur ce sujet, car je souhaite qu'il fasse l'objet d'un travail en profondeur lors de la prochaine conférence nationale de financement. En effet, le changement climatique, dont nous voyons déjà les effets, ne fera qu'aggraver la dégradation de ce réseau et amplifier d'autant les coûts d'entretien. On ne peut donc se contenter d'un remède « palliatif » consistant à demander une enveloppe supplémentaire lors de chaque examen budgétaire, nous avons besoin d'identifier des ressources pérennes susceptibles d'être fléchées vers l'entretien du réseau routier de l'État.
S'agissant de l'entretien du réseau routier des départements et des communes, en revanche, j'identifie un fort risque dans le contexte budgétaire actuel que la route constitue comme souvent une variable d'ajustement. Or, les besoins sont colossaux : selon le dernier rapport de l'Observatoire des finances et de la gestion publique locales, les départements ont consacré 4,7 Md€ à leur voirie en 2023 et les communes de moins de 3 500 habitants y ont consacré 3,8 Md€. Pour cette raison, Philippe Tabarot et moi-même vous avons soumis un amendement, la semaine dernière, que vous avez adopté, pour maintenir l'affectation d'une fraction du produit de la taxe sur l'exploitation d'infrastructures de transport de longue distance (TEITLD) aux communes et à leurs groupements exerçant la compétence voirie ainsi qu'aux départements.
J'en viens à l'entretien des ouvrages d'art, sujet que notre commission a particulièrement à coeur. Le Programme national Ponts (PNP) a permis de recenser et remettre un carnet de santé aux communes pour 40 523 ponts. Je salue en outre l'ouverture de 20 M€ supplémentaires pour le PNP Travaux, décidée en loi de finances de fin de gestion pour 2023, qui a permis de porter son enveloppe à 55 M€. Si ces crédits sont censés permettre de couvrir les besoins en 2025, le Cerema indique que des moyens supplémentaires pourraient s'avérer nécessaires en fin d'année prochaine, compte tenu de contraintes qui pèsent sur ses recettes et ses dépenses. Louis-Jean de Nicolaÿ et moi-même vous donnons donc rendez-vous dans un an pour examiner la situation lors de l'examen de la loi de finances de fin de gestion pour 2025.
En revanche, au-delà de 2025, un prolongement et un redimensionnement du PNP sera nécessaire sur le volet Travaux. Le Cerema estime le coût de remise en état des ouvrages des 31 500 communes des PNP 1 et 2 à plus de 3 Md€, dont 1,3 pour les ouvrages les plus dégradés (classés 4), et 730 M€ rien que pour ceux nécessitant une mise en sécurité immédiate liée à un problème de structure.
Le Cerema estime à 40 M€ par an, à compter de 2026, l'enveloppe nécessaire pour traiter ces ouvrages dans les dix prochaines années. Je souhaite que cette problématique soit également mise sur la table lors de la conférence nationale de financement, de même que celle du financement de l'entretien des 9 480 ponts de rétablissement des collectivités territoriales, qui doivent faire l'objet de conventions de gestion avec l'État et ses opérateurs, en application de la loi dite « Didier » de 2014.
J'en arrive à la question du financement des AOM, qui sont face à un véritable mur d'investissements.
La décarbonation du secteur des transports - qui représente 30 % des émissions de CO2 dans notre pays - de même que le déploiement des zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m) rendent nécessaire un choc d'offre en matière de transports collectifs. Or, le déploiement des Serm, ne fait toujours l'objet d'aucune garantie financière. Il est urgent que la conférence de financement, qui aurait dû avoir lieu avant le 30 juin 2024, puisse se tenir.
Les régions seront fortement impliquées dans le déploiement des Serm, ainsi que dans celui du plan national de cars express annoncé par le Gouvernement, qui nécessitera des investissements en matériel, l'adaptation du réseau interurbain et des dépenses de fonctionnement. Or, alors même que leur rôle de chef de file des mobilités avait été consacré par la LOM, les régions ne disposent toujours d'aucune ressource dédiée pour mettre en oeuvre leur compétence mobilité. Philippe Tabarot et moi-même vous avons donc proposé un amendement la semaine dernière visant à instituer un VM régional, que vous avez adopté, ce dont je me félicite.
S'agissant des AOM locales hors Île-de-France, elles disposent de peu de marges de manoeuvre pour lever le VM, nombre d'entre elles étant déjà au taux plafond. Le Gart indique en effet que 90 % des AOM de plus de 200 000 habitants n'ont plus aucune marge pour augmenter le taux applicable. Par conséquent, et dans un souci d'équité territoriale avec IDFM, Philippe Tabarot et moi-même vous avons proposé mercredi dernier - avec succès - de relever de 0,2 % le plafond de VM pour les agglomérations ayant un projet de Serm labellisé.
On ne saurait évoquer les problèmes de financement des mobilités sans se pencher sur le sort des zones peu denses. Or, depuis la prise de compétence en 2021, il semble que seule une cinquantaine de communautés de communes aient instauré le VM. Ce chiffre découle en partie des critères trop restrictifs fixés par la loi pour lever le VM, cette possibilité étant conditionnée à l'organisation de services réguliers de transport public de personnes. Or, la mise en place de tels services est rarement pertinente en zone peu dense, le nombre de voyageurs n'y étant généralement pas suffisant pour assurer la rentabilité de l'offre. D'autres solutions y sont plus adaptées, comme le covoiturage, l'autopartage et les mobilités actives. Malheureusement, l'impossibilité de lever le VM freine, de fait, le lancement de ce type de projets dans de nombreux territoires ruraux.
C'est pour répondre à ces lacunes que vous avez adopté la semaine dernière, sur ma proposition et celle de Philippe Tabarot, un amendement visant à assouplir les conditions pour lever le VM, au profit des zones peu denses. J'ajouterai que permettre à ces AOM de financer leurs projets de mobilité sera la condition de réussite du plan national des cars express, qui ne saurait irriguer efficacement les territoires qu'en reposant sur la multimodalité, l'intermodalité et une connexion fine des centres et des périphéries.
Il me semble enfin indispensable d'évoquer la question des AOM qui ne disposent pas de bases fiscales suffisantes pour lever le VM. Nous avions introduit une mesure dans la LOM à ce sujet, qui n'avait malheureusement pas survécu à la navette parlementaire. Néanmoins, Philippe Tabarot et moi-même avons rectifié l'amendement sur le VM régional que nous vous avons présenté la semaine dernière afin de permettre aux régions d'attribuer une partie de cette nouvelle recette aux AOM des zones peu denses, qu'il s'agisse de communautés de communes AOM ou de régions étant AOM par substitution... c'est une réelle avancée pour lutter contre les zones blanches de la mobilité !
J'en termine avec le dernier axe de mon propos : la nécessité de maintenir les efforts en faveur du verdissement du parc automobile.
Tout d'abord, je salue le renforcement du malus automobile proposé par le PLF pour 2025, qui va dans le sens d'une plus grande sobriété du parc de véhicules. On a entendu dire par les constructeurs automobiles que cette évolution reviendrait à taxer 80 % du parc d'ici 2027 : cette projection me semble en réalité très fragile, car elle ne prend pas en compte le verdissement du parc qui continuera à progresser d'ici cette échéance.
Surtout, le renforcement du malus au poids me semble une avancée pour orienter les consommateurs - et donc les constructeurs - vers des modèles de véhicules plus légers et plus sobres pour l'environnement. Depuis les années 1960, le poids des véhicules n'a cessé de progresser pour atteindre près de 1 300 kg en 2007. Or, toute augmentation du poids des véhicules conduit à un cercle vicieux, car il faut alors renforcer la motorisation, les pneus, les équipements de sécurité, etc. Des chercheurs ont ainsi démontré que l'ajout de 100 kg d'équipements conduit en fait à un accroissement du poids de 200 kg.
Dès lors, il me semble que nous devons adopter une stratégie pour inciter les constructeurs, y compris pour les véhicules électriques, à produire des véhicules plus légers, mais aussi moins puissants. Le rapport poids / puissance est en effet un élément clé de l'efficacité énergétique des véhicules.
Le développement des véhicules intermédiaires (Veli) devrait dès lors être encouragé : il s'agit de véhicules routiers légers, situés entre le vélo et la petite voiture électrique, et qui présentent de réels avantages environnementaux (à travers une économie de ressources et une efficacité énergétique renforcée), en plus d'offrir une solution de déplacement peu onéreuse et adaptée aux trajets du quotidien, notamment en zone peu ou moyennement dense. De nombreux chercheurs recommandent d'intégrer ces véhicules, qui sont le « chaînon manquant » entre le vélo et la voiture électrique, aux dispositifs d'aide à l'acquisition. Pour l'instant, les aides au verdissement encouragent en effet l'électrification, mais très peu la sobriété du parc. Je vous proposerai tout à l'heure un amendement n° II-283 en ce sens.
En outre, je veux saluer les efforts réalisés depuis 2022 dans le cadre de l'appel à projets « eXtreme Défi » de l'Ademe qui vise à soutenir la production de véhicules intermédiaires. En trois ans, ce dispositif aura permis la réalisation de 65 concepts de véhicules, la réalisation de près de 200 véhicules prototypes et un début d'industrialisation pour quatre premiers projets : c'est une avancée pour la montée en charge de cette filière industrielle !
Je terminerai en évoquant un sujet majeur : la baisse drastique de l'enveloppe dédiée aux aides à l'acquisition de véhicules propres prévue par le PLF pour 2025. Elle passe en effet de 1,5 Md€ en 2024 à 970 M€ l'année prochaine, soit une baisse de 530 M€. Si on prend en compte la surexécution des crédits constatée en 2024 du fait notamment du succès inespéré du leasing social, cette baisse dépasse même les 800 M€.
Cette diminution intervient alors que, afin d'être en mesure de respecter l'interdiction de la vente des véhicules thermiques neufs dans l'Union européenne en 2035, la part de marché du véhicule électrique en France devrait passer de 17 % à 25 % d'ici l'année prochaine ; la marche paraît vraiment très haute, surtout en affaiblissant ainsi les incitations au verdissement...
Je m'inquiète également de l'annonce de la suppression prochaine de la prime à la conversion (PAC), moins d'un an après l'adoption définitive de la loi d'initiative sénatoriale visant à favoriser le réemploi des véhicules destinés à la PAC au profit de services de mobilité solidaire et avant même qu'elle ait pu produire ses effets, faute de publication du décret d'application. Ce dispositif avait en outre fait ses preuves d'un point de vue environnemental : en 2022, il avait permis d'éviter 35 tonnes d'émissions de particules fines et 120 000 tonnes d'émissions de CO2.
Au total, ces évolutions risquent de pénaliser encore les ménages les plus modestes, pour lesquels l'accès à la mobilité électrique est loin d'être acquis.
Dans un autre contexte, je vous aurais proposé des amendements visant à revenir sur les coupes budgétaires proposées dans ce secteur par le PLF. Mais je suis réaliste et j'ai bien compris que de tels amendements n'auraient aucune chance d'être adoptés cette année...
À titre personnel, et avec mon groupe politique, je continuerai à faire pression sur le Gouvernement pour que nous ne suivions pas la même pente que l'Allemagne, où la vente de véhicules électriques s'est effondrée à la suite d'une contraction brutale des aides au verdissement il y a un an. Il doit s'agir d'un point de vigilance absolu pour notre commission.
Je vous proposerai néanmoins deux amendements visant à renforcer l'efficacité sociale et environnementale des aides au verdissement, à travers d'une part le rétablissement de l'éligibilité au bonus écologique des véhicules électriques d'occasion, dans un souci de démocratisation du véhicule électrique et pour tenir compte du dynamisme actuel de ce marché. D'autre part à travers une barémisation de l'écoscore (ou score environnemental du véhicule) mis en place en 2024 par l'Ademe pour conditionner l'éligibilité des véhicules propres aux aides à l'acquisition, afin qu'il permette de moduler le niveau de subvention selon le degré de sobriété des véhicules, en prenant notamment en compte leur poids. Je souhaite également que cet outil, qui a largement fait ses preuves cette année pour les véhicules légers, puisse être étendu aux véhicules lourds, comme le propose l'Ademe, en commençant par le secteur des autobus et autocars qui sont soumis à une intense concurrence venant des pays asiatiques.
Pour terminer, je vous proposerai d'émettre un avis favorable sur les crédits relatifs aux transports routiers sous le bénéfice des amendements que je vous propose.
M. Philippe Tabarot, président. - Merci, Monsieur le rapporteur pour cette présentation.
M. Rémy Pointereau. - Je remercie le rapporteur pour son exposé, mais un certain nombre de choses ne me satisfont que moyennement.
Le malus qui sera mis en place au 1er janvier 2025, a priori sur les véhicules de plus de 1 500 kg, s'appliquera t-il uniquement sur les véhicules thermiques ou les véhicules hybrides rechargeables y seront-ils eux aussi soumis ? Le poids de ces véhicules dépasse celui des voitures thermiques, les batteries étant très lourdes : ce malus pénalise donc les véhicules hybrides rechargeables, ce qui semble contradictoire avec l'objectif de verdissement du parc. Avec une telle mesure, nous risquons d'achever véritablement la filière automobile française et européenne, déjà en pleine crise et concurrencée par les véhicules électriques importés de Chine via les ports néerlandais. Ce malus, dont le montant pourrait aller jusqu'à 15 000 euros, pénaliserait particulièrement les territoires ruraux qui font face à un problème de densité des bornes électriques. Peut-on encore pénaliser les territoires ruraux, déjà grandement en difficulté, en attaquant de nouveau leur pouvoir d'achat ? J'aimerais avoir des informations complémentaires sur ce malus, sans quoi je ne pourrais pas voter le rapport. J'ai cru comprendre qu'un accord pouvait potentiellement être conclu pour exonérer encore pendant deux ans les voitures électriques hybrides rechargeables, qu'en est-il ?
M. Philippe Tabarot, président. - La parole est à Monsieur le rapporteur, qui répondra à la question du sénateur Pointereau et présentera ensuite ses quatre amendements. Nous évoquerons après cela des rectifications aux amendements adoptés la semaine dernière, mais qui n'en modifient pas l'esprit ou la teneur.
M. Olivier Jacquin, rapporteur pour avis. - Cher collègue, j'ai été très attentif à ce sujet.
Je n'ai pas déposé d'amendement pour aggraver le malus « au poids », bien que la situation l'exigerait. Je soutiens les véhicules intermédiaires parce que leur efficacité énergétique est absolument considérable, elle est sans commune mesure avec celles des autres véhicules, dont le poids mort est maintenant extrêmement élevé. Pour rappel, le poids mort d'un véhicule est sa capacité de charge totale rapportée au poids du passager qu'il transporte. Et j'ajouterai qu'on ne peut pas se satisfaire de rouler en voiture électrique sans prendre en compte la question de la consommation électrique dudit véhicule, qui varie dans des ratios extrêmement élevés. La consommation électrique des véhicules intermédiaires, que je défends, est inférieure à 10 kilowattheures pour 100 km, alors que les véhicules électriques les plus lourds dépassent les 20 kilowattheures pour 100 km.
L'article 8 du PLF vise à restreindre l'abattement de malus au poids dont bénéficient les véhicules hybrides non rechargeables (les véhicules sans batterie intégrant un système de recharge au freinage) aux plus performants d'entre eux : c'est une distinction essentielle. Un amendement du Gouvernement - adopté en séance publique ce matin - a proposé de repousser à 2027 la mise en oeuvre effective de cette mesure. Ces véhicules hybrides non rechargeables permettent de répondre à deux problèmes : l'alourdissement de la masse morte des véhicules et le fait que les utilisateurs ne rechargeaient pas assez souvent leur véhicule.
M. Philippe Tabarot, président. - La majorité sénatoriale partage une grande partie des constats - mais pas tous - de notre collègue Olivier Jacquin. J'invite donc les membres de mon groupe à voter ce rapport afin de le récompenser pour sa sobriété quant au nombre et à la teneur des amendements qu'il propose. En ce qui concerne les amendements, je propose à mes collègues de voter les amendements nos II-283 et II-284 et contre les amendements DEVDUR.3 et DEVDUR.4, dans le contexte budgétaire tendu que nous connaissons, notamment. Je propose donc au rapporteur de présenter ses amendements.
M. Olivier Jacquin, rapporteur pour avis. - S'agissant de l'amendement DEVDUR.3, il a pour objectif d'augmenter les crédits alloués à l'action 44 « Transports collectifs » du programme 203 « Infrastructures et services de transport » à hauteur de 105 M€ en AE au bénéfice du plan « vélo et marche » 2023-2027. Comme évoqué dans mon rapport, cet amendement vise à assurer l'achèvement en 2025 du septième appel à projets « Aménagement cyclable » abandonné au milieu du gué en 2024. Il permet donc de répondre aux 400 collectivités territoriales que je vous mentionnais tout à l'heure.
L'amendement DEVDUR.3 n'est pas adopté.
L'amendement DEVDUR.4 vise à allouer 10 M€ supplémentaires à l'action 3 « Aide à l'acquisition de véhicules propres » du programme 174 « Énergie, climat et après-mine » afin de renforcer le dispositif du score environnemental du véhicule ou « écoscore », élaboré par l'Ademe et mis en place en 2024. L'écoscore constitue désormais l'un des critères d'éligibilité aux trois dispositifs d'aide à l'acquisition de véhicules propres : le bonus écologique, la prime à la conversion et le leasing social. Il évalue les émissions de CO2 liées à la fabrication du véhicule à travers plusieurs composantes. Cet amendement vise à faire évoluer l'écoscore à travers plusieurs éléments. Premièrement, une barémisation de cet outil grâce à la création de plusieurs strates d'écoscore conditionnant les niveaux de subventions possibles via les aides à l'acquisition de véhicules propres. Deuxièmement, une prise en compte dans ce barème du poids des véhicules afin de subventionner plus fortement les véhicules électriques légers en raison de leur sobriété que les véhicules électriques lourds. Enfin, il propose une extension de l'écoscore aux véhicules lourds, à commencer par les bus et les autocars, secteur dans lequel la concurrence asiatique est particulièrement forte.
L'amendement DEVDUR.4 n'est pas adopté.
M. Ronan Dantec. - Je me permets de manifester mon étonnement car il me semble que cet amendement représentait une avancée consensuelle sur l'écoscore.
M. Philippe Tabarot, président. - Je ne voterai pas pour cet amendement car je suis en désaccord avec certains des critères proposés par notre collègue. Même si je reconnais que le poids du véhicule peut être un critère pertinent pour certains dispositifs, y compris fiscaux, je ne souscris pas totalement à ce que prévoit cet amendement, nous ne souscrivons pas totalement à la philosophie de cette proposition.
M. Olivier Jacquin, rapporteur pour avis. - J'ai cru comprendre que cet amendement, tant sur la question de l'écoscore que sur les critères du poids du véhicule et de l'efficacité énergétique, posait problème à certains constructeurs automobiles quant à l'évolution de leurs gammes. C'est dommage car il s'agissait, selon moi, d'un des amendements les plus intéressants et originaux parmi ceux que j'ai proposés ce matin.
L'amendement n° II-283 vise à élargir le champ d'application des aides au verdissement des véhicules. Il s'agit d'une part de rétablir l'éligibilité des véhicules électriques d'occasion au bonus écologique, cette mesure ayant été supprimée en cours d'année, et d'autre part, de rendre éligible à l'ensemble des aides à l'acquisition des véhicules propres les véhicules dits intermédiaires.
L'amendement n° II-283 est adopté à l'unanimité.
M. Olivier Jacquin, rapporteur pour avis. - Je vous remercie pour l'adoption de l'amendement n° II-283. S'agissant de l'amendement n° II-284, le rapport d'information n° 65 (2024-2025) de la commission des finances sur la préparation de l'échéance des contrats de concessions autoroutières publié le 23 octobre 2024 met en avant les enjeux financiers soulevés par les investissements dits « de seconde génération » des sociétés concessionnaires d'autoroute qui constituent les investissements prévus par les contrats et financés par les recettes tarifaires, mais n'ayant pas été réalisés par les SCA. Il recommande que les services de l'État approfondissent donc le travail de recensement de ces investissements entamé par l'Autorité de régulation des transports et en évalue précisément le montant financier. Ce rapport préconise également qu'un travail soit réalisé par l'État pour identifier les investissements qui demeurent pertinents et pour ceux qui ne le seraient plus, et qui généreraient donc un avantage financier injustifié pour les SCA, qu'un travail soit entrepris pour les remplacer par d'autres, en lien avec la transition écologique. Le présent amendement vise donc à solliciter une étude sur ces différents points par les services de l'État. Pour ce faire, il alloue 50 000 euros supplémentaires en 2025 au programme 203 « Infrastructures de transport », action 47 « Fonctions supports » en AE et en CP.
M. Philippe Tabarot, président. - Je propose à mes collègues de voter cet amendement.
L'amendement n° II-284 est adopté à l'unanimité.
M. Hervé Gillé. - Nous allons nous abstenir symboliquement de voter ce rapport. Nous saluons l'honnêteté intellectuelle du rapporteur. La démarche de négociation menée avec la majorité sénatoriale est certes pertinente, comme toujours, mais il n'est reste pas moins que la différence entre les attentes de notre groupe sur la question des transports routiers, d'une part, et les constats du rapporteur et ses propositions d'amendements d'autre part est trop importante.
M. Alexandre Basquin. - Le groupe CRCE-K s'abstiendra aussi de manière symbolique.
M. Philippe Tabarot, président. - Je vous demande, chers collègues, d'adopter ce rapport car dans sa grande majorité, il établit des constats partagés par notre commission. Je tiens encore à remercier le rapporteur pour sa sobriété quant au nombre d'amendements déposés et à leur coût. Notre collaboration sur les avis transports a été très positive et transpartisane.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs aux transports routiers de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », sous le bénéfice de l'adoption de ses amendements.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », sous le bénéfice de l'adoption de ses amendements.
M. Philippe Tabarot, président. - Je vous propose de revenir sur certains amendements adoptés la semaine dernière par la commission. Par souci de transparence, Olivier Jacquin et moi-même tenions à vous informer a posteriori que nous avions procédé, avec l'accord du Président Longeot, à des rectifications sur trois amendements que nous avons proposés la semaine dernière et que vous aviez adoptés. Il ne s'est bien sûr pas agi d'en modifier l'esprit ou la teneur, mais simplement de procéder à des ajustements paramétriques, qui pourrait favoriser leur adoption en séance et ainsi d'assurer une meilleure mise en valeur des travaux de notre commission.
Nous avons tout d'abord modifié l'amendement n° I-582 qui propose la création d'un versement mobilité perçu par les régions. La version rectifiée prévoit un dispositif à destination des territoires ruraux : une fraction de 10 % de ce VM régional sera attribuée à l'organisation de services de mobilité locaux dans les territoires des communautés de communes en zone peu dense. En outre, ce VM régional ne s'appliquera qu'en France métropolitaine. Enfin cette rectification mentionne que les représentants des employeurs disposeront d'au moins 50 % des sièges au sein du Comité des partenaires régional qui sera consulté lors des modifications des taux de ce VM. Nous avons ainsi arraché de haute lutte un avis de sagesse de la commission des finances sur cet amendement ainsi modifié et le Gouvernement y sera très sûrement favorable, ce qui est donc de très bon augure pour la suite de la navette parlementaire.
La deuxième rectification concerne l'amendement n° I-586 qui proposait d'affecter un douzième du produit de la taxe sur les infrastructures de transport de longue distance aux communes et groupements de communes exerçant la compétence voirie. La commission des finances avait émis un avis favorable sur cet amendement sous réserve de sa rectification. Dans un esprit de compromis, nous avons donc procédé à une rectification qui le rend identique à un amendement du rapporteur général qui propose d'affecter également un douzième du produit de cette taxe aux départements.
Cette modification revient, de fait, à amputer de 50 millions les crédits alloués à l'Afit France. Afin d'éviter cet effet de bord, nous avons donc également modifié l'amendement n° I-585, et c'est le sens de la troisième rectification intervenue : nous vous proposons donc de rehausser l'affectation de TICPE de l'agence en fléchant 50 millions d'euros supplémentaires pour celle-ci.
Par ailleurs, comme je vous l'ai indiqué la semaine passée, je souhaite qu'une hausse du tarif de solidarité sur les billets d'avion soit affectée à l'Afit France : il ne m'était pas possible de le faire à l'époque car le Gouvernement n'avait pas encore déposé son amendement visant à rehausser cette taxe. J'envisage donc de rectifier une nouvelle fois l'amendement n° I-585 sur les moyens de l'Afit France lorsque le dispositif gouvernemental aura été, le cas échéant, adopté et modifié par le Sénat, notamment à l'initiative de nos collègues Demilly et Capo-Canellas. Cette rectification proposera d'allouer une part de produit supplémentaire de cette taxe à l'Afit France.
Plus globalement, l'objectif de cette démarche est d'avoir un meilleur fléchage de la taxation du secteur vers le secteur des transports, et notamment en direction de l'Afit France.
M. Olivier Jacquin, rapporteur pour avis. - Je précise que ces rectifications ont été réalisées en étroite collaboration, c'est un travail presque transpartisan que nous menons ensemble depuis plusieurs semaines. Comme l'a dit le sénateur Tabarot, nous avons procédé à ces modifications pour permettre aux amendements de prospérer en séance et ils vont toujours dans le sens que nous vous avions indiqué la semaine dernière.
M. Hervé Gillé. - Nous soutenons tous cette proposition, mais je vous alerte sur le fait que la partie n'est pas finie, il faudra oeuvrer pour que le VM régional soit adopté dans les conditions définies par notre commission.
M. Philippe Tabarot, président. - Je rencontre cet après-midi le ministre du budget pour évoquer avec lui ce sujet et faire en sorte que ce VM régional soit bel et bien instauré.
M. Ronan Dantec. - C'est pourquoi il est nécessaire de pousser en faveur de l'augmentation de la TSBA !
Crédits
« Transports ferroviaires, fluviaux et
maritimes »
(Mercredi 20 novembre 2024)
M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs aux transports ferroviaires, fluviaux et maritimes. - En préambule, je tiens à saluer mon collègue Olivier Jacquin, rapporteur pour avis sur les transports routiers. Nous avons mené plusieurs auditions de concert et nous vous présenterons des amendements communs. Je remercie également Franck Dhersin et Jacques Fernique pour leur présence lors des auditions préparatoires.
Je suis heureux de vous présenter les principales orientations de mon rapport pour avis sur les crédits relatifs aux transports ferroviaires, fluviaux et maritimes du PLF pour 2025.
Je souhaite en premier lieu aborder la question cruciale du financement des infrastructures de transports. Sur ce point, ma philosophie est claire : les transports sont pris dans un mouvement de tenaille intenable. D'un côté, la pression fiscale s'accroît : contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises, contribution exceptionnelle sur le résultat d'exploitation des grandes entreprises de transport maritime, hausse souhaitée par le Gouvernement du tarif de solidarité sur les billets d'avion... La situation dégradée des finances publiques oblige, je le regrette, à faire preuve de créativité budgétaire. De l'autre côté, alors que ces recettes sont assises sur le secteur des transports, elles ne sont pas fléchées vers leur financement. Pire encore, un mouvement de « fuite des recettes » s'annonce. J'en veux pour preuve la diminution de 700 millions d'euros d'affectation de la TICPE à l'Agence de financement des infrastructures de France (Afit France) dans le PLF pour 2025 par rapport au PLF pour 2024. L'agence a d'ailleurs déjà subi une baisse de près de 400 millions d'euros de fiscalité affectée en cours d'année par rapport à ce qui était prévu en loi de finances initiale pour 2024, alors que nous nous réjouissions il y a un an du montant de son budget, qui devait être de 4,6 milliards d'euros. Pour 2025, le PLF prévoit un montant de recettes totales de 3,7 milliards d'euros. Un tel niveau correspond au scénario de « cadrage budgétaire » décrit par le Conseil d'orientation des infrastructures (COI), et non au scénario de « planification écologique », qui est pourtant la feuille de route du Gouvernement en la matière. Ce mouvement de ciseau, entre hausse de la pression fiscale et désaffectation des recettes, est, à long terme, contradictoire avec la nécessité d'assurer le report modal et la décarbonation des mobilités. Je vous propose donc un amendement, signé également par Olivier Jacquin, tendant à limiter la diminution du montant de TICPE affecté à l'Afit France, en fléchant 350 millions d'euros supplémentaires vers le budget de l'agence par rapport aux prévisions qui figurent dans le PLF pour 2025. Concernant également l'Afit France, il me paraît indispensable, si le Gouvernement dépose de nouveau un amendement sur le tarif de solidarité sur les billets d'avion, qu'une partie des recettes ainsi dégagées soit fléchée vers l'agence. Celle-ci est d'ailleurs d'ores et déjà destinataire d'une fraction de cette taxe.
De telles corrections ne suffiront malheureusement pas à renverser complètement la situation, ce qui me paraît impossible vu la situation dégradée de nos finances publiques. Si 2025 peut faire figure « d'année blanche » compte tenu du contexte budgétaire contraint, elle doit rester une exception. Je vous rappelle à ce propos que le ministre chargé des transports a annoncé devant notre commission que se tiendrait début 2025 une conférence nationale sur le financement des mobilités. Cet événement doit permettre de dégager de nouvelles recettes durables affectées en faveur des infrastructures de transport. Je pense en particulier aux recettes issues du marché carbone européen (SEQE-UE) assises notamment sur le secteur des transports et, à plus long terme, à une part du produit des péages autoroutiers à la fin des concessions d'autoroutes en cours. Cette conférence devra permettre de préciser l'origine, la ventilation et le rythme d'engagement des 100 milliards d'euros de crédits du « Plan de nouvelle donne ferroviaire » présenté par Élisabeth Borne, alors Première ministre, en février 2023.
J'en viens maintenant aux autorités organisatrices de la mobilité (AOM), qui assurent le financement des transports du quotidien et des transports régionaux. Elles n'ont actuellement pas les moyens de faire face au mur d'investissements nécessaires pour déployer les services express régionaux métropolitains (Serm). D'ailleurs, au cours de l'examen de la loi Serm, la commission n'avait pas manqué de s'inquiéter de l'absence de garantie sur le financement de leurs dépenses d'investissement et de fonctionnement. C'est la raison pour laquelle nous avions introduit dans le texte le principe de l'organisation d'une conférence nationale de financement sur les Serm, qui se fait attendre. J'estime donc impératif de tenir au plus vite cette conférence, qui aurait dû avoir lieu avant le 30 juin dernier. Les régions, qui sont AOM pour les transports ferroviaires régionaux conventionnés, seront particulièrement impliquées dans ces projets de Serm. Or, elles ne disposent d'aucune ressource dédiée pour exercer leur compétence mobilité, ce qui les contraint à la mettre en oeuvre sur leur dotation générale de fonctionnement.
Face à ce double constat, je vous propose deux amendements, communs avec mon collègue rapporteur pour avis Olivier Jacquin, afin, en premier lieu, d'augmenter le taux plafond de versement mobilité (VM) de 0,2 point à destination des AOM qui ont obtenu la labellisation d'un projet de Serm et, en second lieu, de créer une part régionale de VM à hauteur de 0,2 point pour permettre aux régions de participer au financement des Serm et faire face à la hausse des péages ferroviaires. Ces deux évolutions seraient conditionnées à une consultation des organisations des employeurs et ne concerneraient que les entreprises de plus de 50 salariés. Elles seraient en outre liées à une hausse significative de l'offre de service : il ne s'agit pas de demander aux entreprises de financer la gratuité des transports publics. Ces dispositifs participeraient également d'une logique d'équité territoriale, puisque les AOM d'Île-de-France ont obtenu de pouvoir augmenter le taux de VM perçu afin d'assurer le financement du Grand-Paris-Express.
Je soutiendrai également deux amendements que vous présentera mon collègue rapporteur Olivier Jacquin. Le premier vise à assouplir les conditions requises pour lever le VM au profit des AOM situées en zone peu dense en leur permettant de prélever le VM pour l'organisation d'un panel de services de transport plus large que les transports collectifs réguliers, prenant en compte le transport à la demande et les mobilités partagées et actives. Le second tend à allouer aux communes et groupements de communes exerçant la compétence voirie une fraction égale à un douzième du produit prévisionnel de la taxe sur les infrastructures de longue distance. Cela devait représenter environ 50 millions d'euros.
En outre, l'exonération fiscale et sociale du bénéfice de la prise en charge par l'employeur du coût de l'abonnement de transport en commun de ses employés pour la fraction qui excède son obligation légale (50 %) arrive à terme. Afin que les salariés du secteur privé puissent bénéficier de ce niveau de prise en charge, au même titre que les salariés du secteur public, je vous propose, de concert avec Olivier Jacquin, de prolonger ce dispositif incitatif. Ce ne serait qu'une possibilité ouverte à l'employeur, non une obligation.
J'en arrive à la question spécifique du transport ferroviaire. Le réseau devrait bénéficier de financements pour sa régénération et sa modernisation à hauteur de 3,3 milliards d'euros en 2025. Cependant, les investissements en faveur de la régénération du réseau ne permettront pas de renverser la poursuite de son vieillissement. Quant à ceux en faveur de sa modernisation, ils sont encore trop limités, que ce soit pour déployer le système de gestion du trafic européen (dit ERTMS) ou la commande centralisée du réseau (CCR). Sans financements nouveaux, SNCF Réseau n'achèvera en effet la mise en place de la CCR qu'en 2070. Il existe aujourd'hui un consensus sur le fait qu'environ 1,5 milliard d'euros supplémentaires sont nécessaires a minima pour régénérer et moderniser le réseau. La révision du contrat de performance entre SNCF Réseau et l'État pourrait être donc l'occasion de définir une nouvelle trajectoire d'investissements en faveur du réseau, rompant avec le scénario actuel qui, en l'état, va conduire à un vieillissement du réseau entraînant une baisse de performance et une chute du trafic incompatibles avec l'objectif d'augmentation de la part modale du transport ferroviaire. Dans le cas contraire, comme l'a mis en avant l'Autorité de régulation des transports, SNCF Réseau entrerait dans une spirale négative de paupérisation, liée à la diminution du trafic et donc de ses recettes. Alors que les péages ferroviaires, déjà les plus élevés d'Europe, ne pourront représenter qu'une partie des moyens du gestionnaire d'infrastructure, dégager de nouvelles recettes en faveur du réseau est un impératif. Nous en revenons toujours à cette question ! Les entreprises de transport ferroviaire subissent en effet une augmentation des péages ferroviaires versés au gestionnaire d'infrastructure. Les redevances versées à SNCF Réseau devraient ainsi augmenter de 6 % entre 2024 et 2025 pour le transport ferroviaire conventionné. Pour le TGV, cette hausse est de 2,5 %. Ces hausses prévues en 2025 s'inscrivent dans une dynamique durable. Or, cette situation fragilise le processus d'ouverture à la concurrence du secteur, car elle grève la rentabilité des services. En outre, nous voyons poindre une nouvelle difficulté. Dans un contexte de péages ferroviaires élevés, les nouveaux entrants se positionnent uniquement sur les marchés à haut potentiel. Or, SNCF Voyageurs assure des dessertes de TGV rentables, mais également des dessertes déficitaires, entre lesquelles existe une forme de péréquation. C'est une forme de délégation de service public qui n'en porte pas le nom. Il y a donc un risque de dégradation du service sur les lignes les moins rentables puisque SNCF Voyageurs sera concurrencé sur les segments rentables et seul sur les segments déficitaires. En clair, on privatiserait les profits et on socialiserait les pertes. Afin de prévenir une telle situation qui serait inacceptable, il me paraît donc opportun d'étudier les pistes suivantes : moduler les péages ferroviaires en fonction de la rentabilité des sillons ou attribuer les sillons par lots comprenant des dessertes plus ou moins rentables. La commission devrait d'ailleurs consacrer prochainement une table ronde pour dresser un bilan d'étape sur l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire, afin, notamment, d'étudier cette question.
Ce processus est d'ailleurs supervisé par un régulateur indépendant, l'Autorité de régulation des transports (ART). Je crains que sa dotation de fonctionnement, de 15 millions d'euros, puisse l'empêcher d'assumer convenablement l'ensemble de ses missions. Je souhaite donc alerter le Gouvernement sur cette situation.
La question du fret ferroviaire ne peut être éludée. L'année 2023 a été marquée par des difficultés conjoncturelles prononcées (grèves liées à la réforme des retraites, effondrement du tunnel de la Maurienne), une chute de 17 % du trafic et, malheureusement, une forme de report modal inversé vers le transport routier. Si l'année 2024 devrait cependant amorcer un début de retour à la normale, l'atteinte de l'objectif d'un doublement de la part modale du fret ferroviaire introduit par la loi « Climat et résilience » du 22 août 2021 d'ici 2030 n'est pas encore en vue. J'accueille donc avec satisfaction le passage de l'aide à l'exploitation des services de wagons isolés de 70 millions d'euros en 2024 à 100 millions d'euros en 2025. Cependant, je regrette que cette hausse ait été pour partie faite au détriment de l'aide au démarrage de nouveaux services, dont le montant diminue de 16 millions d'euros en 2025. Je ne peux que prendre acte du déploiement du plan de discontinuité de fret SNCF. Sur ce dossier, cette solution était la « moins mauvaise », compte tenu du risque de faillite de l'entreprise dans l'hypothèse d'une absence d'accord avec la Commission européenne. La faillite, cela implique aussi le licenciement de 5 000 cheminots ; le plan de discontinuité préserve l'emploi et ne prévoit que le transfert de 500 cheminots vers SNCF Voyageurs. Toutes les parties prenantes le savent. Je suis donc quelque peu contrarié de voir ce sujet instrumentalisé dans le dialogue social par certains syndicats afin d'obtenir des concessions salariales avant Noël. Il va peut-être falloir reprendre l'examen de certaines propositions de loi sénatoriales déposées sur l'exercice du droit de grève dans les transports... Demain on peut entrevoir que certains syndicats appellent une « grève d'échauffement » qui coûtera 20 millions d'euros à la SNCF.
J'en viens à présent au transport fluvial et maritime. Tout d'abord, les jeux Olympiques et Paralympiques ont mis en valeur le fort potentiel environnemental du transport fluvial : par-delà la cérémonie d'ouverture de juillet dernier qui a marqué les esprits, le recours au transport fluvial pendant les chantiers olympiques a permis d'éviter la circulation de près de 50 000 camions. Or la transition écologique de la flotte fluviale est un vrai défi financier, qu'il s'agisse des dépenses liées au déploiement de bornes électriques ou du coût particulièrement élevé des bateaux « zéro émission ». Nous veillerons à ce que ces sujets soient au coeur de la stratégie nationale fluviale, lancée par le précédent Gouvernement en février 2024 et attendue pour le début de l'année prochaine.
Autre sujet de préoccupation : le financement des investissements de Voies navigables de France (VNF) en faveur du réseau fluvial, dont le Conseil d'orientation des infrastructures (COI) avait pointé la dégradation préoccupante liée à des décennies de sous-investissements. À ce titre, la baisse significative des fonds de concours de l'Afit France dédiés à l'entretien et au développement du réseau fluvial interroge, tant les besoins sont considérables : le ministre en a convenu lors de son audition. Nous devrons donc être attentifs à ce que la conférence nationale sur le financement des mobilités, annoncée pour 2025, aborde cette question.
S'agissant de l'ambitieux chantier de la modernisation du réseau fluvial dans lequel VNF s'est engagé, dans la mesure où les gains de productivité attendus de l'automatisation de certains ouvrages ne produiront pas leurs effets avant quelques années, le Contrat d'objectifs et de performance (COP) conclu entre l'opérateur et l'État pour la période 2020-2029 (et révisé en décembre 2023) prévoit une stabilisation du plafond d'emplois de VNF jusqu'en 2026. Je m'en étais félicité devant vous il y a un an, car cette mesure intervient après plusieurs années de réductions d'effectifs particulièrement sévères, avec - 15 % en dix ans. Cette pause de la baisse des ETP est non seulement bienvenue pour aider VNF à mener de front ses différentes missions ; mais aussi nécessaire pour un climat social apaisé dans l'établissement.
Compte tenu de ces enjeux, je veux croire que l'accord conclu l'année dernière entre VNF et l'État ne sera pas remis en cause dans le contexte budgétaire complexe que nous connaissons...
S'agissant des ports maritimes, nous devrons veiller à deux sujets majeurs dans le cadre de la conférence de financement qui s'annonce. Le premier porte sur les enjeux d'attractivité des ports français. J'ai évoqué, lors de l'audition du ministre Durovray, la décision récente de grands armateurs de fret de ne plus desservir Marseille et Le Havre avec leurs porte-conteneurs géants, ce qui soulève des inquiétudes au regard des objectifs ambitieux fixés par la Stratégie nationale portuaire de 2021 en termes de gains de part de marché. La conférence de financement devra aborder les questions relatives à la fiabilité des infrastructures portuaires, au renforcement de leur dimension logistique et intermodale et à leur interconnexion avec l'arrière-pays, qui sont autant d'éléments de leur attractivité. D'autre part, s'agissant des défis du financement de la décarbonation des ports, le règlement européen sur le déploiement d'une infrastructure pour carburants alternatifs « Afir » de septembre 2023, que j'ai évoqué à l'occasion du précédent PLF, suppose le déploiement de 42 branchements électriques à quai d'ici 2030 dans cinq grands ports maritimes. Les branchements réalisés ou programmés à ce jour ont mobilisé ou mobiliseront pour une large part des crédits du Plan de relance et des financements dans le cadre des CPER 2023-2027. Il faudra encore trouver des financements pour huit branchements complémentaires entre 2028 et 2030, nous serons attentifs à cette question.
J'en viens, pour finir, au transport maritime. Les crédits inscrits dans le PLF pour 2025 traduisent tout d'abord une contraction des mécanismes de soutien à l'emploi maritime. D'une part, la prise en charge des cotisations salariales pour les entreprises d'armement maritime, mise en place en 2022 pour trois ans, s'interrompt à la fin de cette année, conformément au calendrier annoncé. D'autre part, comme le prévoit l'article 7 du PLFSS, les exonérations de charges patronales seront désormais réservées aux entreprises de transport de passagers, comme c'était le cas avant la loi « Leroy » de 2016. Ces mesures s'inscrivent, nous ne le savons que trop, dans un contexte budgétaire sur lequel je ne reviendrai pas. Je déplore toutefois qu'elles interviennent à un moment où les armateurs, confrontés comme nous le savons à une intense concurrence internationale, font face à d'importantes pressions sur les coûts, en raison notamment du poids financier de la transition écologique du secteur. J'ai plus particulièrement été alerté sur les risques que font courir ces dispositions au pavillon français dans les secteurs des navires câbliers, qui ont un rôle majeur en termes de souveraineté, et des navires dédiés aux énergies marines renouvelables (EMR), marché émergent et prometteur pour les entreprises françaises. J'ai du reste, à titre personnel, cosigné un amendement au PLFSS pour étendre l'exonération des charges patronales à ces deux catégories d'armateurs, pour lesquelles les enjeux de compétitivité sont particulièrement sensibles.
Ensuite, l'article 12 du PLF institue une contribution exceptionnelle dont seront redevables, au cours de deux exercices, certaines entreprises de transport maritime qui bénéficient du régime de taxation au tonnage. Je rappelle que le seuil élevé de chiffre d'affaires, 1 milliard d'euros, défini par l'article 12 cible, de fait, le groupe CMA-CGM, fleuron français du secteur. Je tiens sur ce point à exprimer deux convictions fortes. D'une part, la participation des entreprises de transport maritime à l'effort de redressement des comptes publics ne pose pas de difficulté particulière, mais cette contribution doit rester exceptionnelle et ne doit pas fragiliser nos armateurs sur le marché mondial qui est particulièrement concurrentiel. D'autre part, cette contribution exceptionnelle ne doit pas être le prétexte à une remise en cause de la taxe au tonnage, qui est un élément décisif de la protection du pavillon français : ce dispositif a été mis en place en 2003 pour que nos armateurs relèvent du même régime fiscal que 86 % de la flotte mondiale. Or la taxe au tonnage a fait l'objet, dans le débat politique des derniers mois, de propositions qui me paraissent pour le moins contestables, voire risquées. Je suggère donc que notre commission ait une position ferme sur ce point.
Pour terminer, je vous proposerai d'émettre un avis favorable sur les crédits relatifs aux transports ferroviaires, fluviaux et maritimes.
M. Jean-François Longeot, président. - Merci pour cet exposé.
M. Hervé Maurey, rapporteur spécial de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » sur les programmes « Infrastructures et services de transports » et « Affaires maritimes, pêche et aquaculture ». - Je me réjouis de me retrouver parmi vous. Philippe Tabarot a présenté hier en commission des finances les grandes lignes de son rapport de ce matin et je tiens à dire que nous sommes tout à fait en phase sur les conclusions que l'on peut tirer des crédits qui nous sont proposés. Comme vous le savez, le budget pour 2025 est très contraint parce qu'il a été élaboré dans des délais très courts par le Gouvernement et qu'il y a une impérieuse nécessité de redresser la situation des finances publiques : malheureusement et logiquement, le budget transport et mobilité n'échappe pas à cet impératif.
La commission des finances rejoint ce qui a été dit par votre rapporteur. Ainsi, l'Afit France, cette année, pourra simplement honorer les « coups partis » l'année dernière mais ne pourra pas engager de nouvelles actions, ce qui soulève de vraies questions, notamment pour les CPER. En effet, l'État s'était engagé à apporter 9 milliards aux CPER, mais on ne voit pas bien comment cela pourrait se faire. À cela s'ajoutera, on le voit bien, le fait que les collectivités, au premier rang desquelles les régions, seront elles-mêmes très certainement amenées à faire tout autant d'efforts financiers, sinon plus. On peut donc se poser des questions, pour ne pas dire s'inquiéter, sur l'avenir des CPER.
Les crédits du programme 203 qui portent, pour simplifier, sur l'entretien, sont censés assurer la continuité du service public ; cependant, comme ils sont maintenus sans prise en compte de l'inflation, on peut là aussi s'interroger. En revanche, les crédits consacrés à la régénération des réseaux ne sont pas gelés : c'est la moindre des choses, compte tenu de l'état calamiteux - et je pèse mes mots - de nos infrastructures routières ou, pire encore, ferroviaires. Comme l'a rappelé votre rapporteur, le président de l'ART n'hésite pas à évoquer un risque de paupérisation et je rappelle souvent que c'est quasiment un miracle qu'il n'y ait eu qu'un seul accident de type Brétigny-sur-Orge dans l'histoire du ferroviaire, tellement l'état du réseau est inquiétant.
Plus généralement, je rejoins toutes les possibilités évoquées par le rapporteur sur la nécessité de dégager des moyens supplémentaires. Je rappelle que la commission des finances et son rapporteur général déposeront un amendement visant à affecter une partie des crédits carbone à l'Afit France. Cet amendement avait été adopté par le Sénat l'année dernière mais n'avait pas résisté à l'application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.
De plus, pour ma part, j'ai l'intention de reprendre des amendements relatifs à l'amélioration du versement mobilité avec en particulier la possibilité - que nous avions adoptée lors de la discussion de la loi d'orientation des mobilités (LOM)- pour les AOM en milieu rural de mettre en place un versement mobilité à taux réduit ; en effet, il est évident que donner aux intercommunalités la compétence mobilité sans leur donner les moyens de l'exercer ne sert pas à grand-chose et c'est d'ailleurs pour cette raison que le Sénat n'avait pas pu accepter que la commission mixte paritaire conclusive sur la LOM soit conclusive.
Enfin, puisque Philippe Tabarot a eu la gentillesse de rappeler mes récentes propositions, je pense que, s'agissant de la régénération des infrastructures, il faudra envisager de nouvelles solutions ; par exemple nous avons proposé qu'à terme, quand on mettra en place de nouvelles concessions avec les sociétés d'autoroutes, il faudra qu'une partie des recettes de péages soit affectée à la régénération de l'ensemble des réseaux routiers et ferroviaires.
M. Jacques Fernique. - Entre la conférence de financement des mobilités et la conférence sur les Serm, il y a de quoi organiser de très longs débats et remplir nos réunions plénières. Le constat a été fait et, s'agissant du fameux plan d'avenir pour les transports, le temps passe vite mais les données concrètes, significatives et structurantes n'ont pas véritablement évolué. L'Autorité de régulation des transports (ART) a bien défini la problématique, en rappelant, le scénario tendanciel - qui se caractériserait par la paupérisation et le délabrement du réseau et des conditions de trafic - et le scénario de transition écologique. En ce qui concerne le ferroviaire, nous ne sommes plus tout à fait dans le scénario tendanciel tel qu'il apparaissait en 2023 : des progrès parfois intéressants ont été accomplis mais nous sommes encore loin de la trajectoire souhaitable. C'est pourquoi il est nécessaire que ces conférences débouchent sur des résultats tangibles et ne se limitent pas à des éléments de langage, pour ne pas dire que l'on procrastine.
Si j'ai bien compris, le projet de loi de finances qui nous est proposé aurait pour conséquence des pertes en autorisations d'engagement d'environ 373 millions d'euros pour les infrastructures ferroviaires, de 201 millions d'euros pour le réseau routier et de 130 millions d'euros pour les infrastructures de transport collectif en Île-de-France. Pour le fret ferroviaire, le compte n'y est pas non plus tout à fait en raison de l'inflation.
Les propositions qui sont faites dans les amendements sur le versement mobilité (VM) prévoient un léger déplafonnement de 0,2 % mais cette proposition est nettement en deçà des demandes d'équité portées par le Groupement des autorités responsables de transport (Gart) au regard du dispositif applicable en Île-de-France. Je me pose également une question : à supposer que l'on vote un tel amendement de déplafonnement, même de 0,2 %, les perspectives et les conditions sont-elles véritablement réunies pour qu'il soit définitivement adopté, y compris dans la phase sénatoriale de discussion de ce PLF ?
S'agissant de la taxe au tonnage, le sujet est un peu technique et compliqué, mais il s'agit quand même substantiellement d'une niche fiscale très importante. Je rappelle qu'à l'initiative du député Philippe Brun, l'Assemblée nationale a voté le plafonnement de celle-ci à 500 millions d'euros et, personnellement, je ne suis pas d'accord avec notre rapporteur qui estime qu'il ne faut pas toucher à cette niche fiscale.
M. Alexandre Basquin. - J'évoquerai les amendements proposés en commençant par dire que nous y souscrivons. En effet, ce sont des premiers pas qui vont dans le bon sens, en matière de TICPE, de versement mobilité et de prolongement du dispositif incitatif à la prime de transport. J'approuve particulièrement votre proposition de fléchage du versement mobilité sur le transport à la demande et la mobilité partagée car cela ne peut que favoriser notamment les zones rurales ; nous y sommes très sensibles.
En revanche, sur l'ensemble du rapport ainsi que votre avis favorable à l'adoption des crédits, nous avons, comme vous le savez, des divergences de fond ; nous nous opposerons à ce budget car nous considérons que le transport est une part importante et structurante de l'aménagement du territoire national et qu'il ne peut souffrir d'aucune coupe budgétaire.
Enfin, j'ai apprécié votre phrase « on privatise les profits et on socialise les pertes » : cela ne manque pas de sel.
M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - C'était dédicacé...
M. Hervé Gillé. - Je note que ce rapport, comparé à celui de l'année dernière, comporte des propositions et il est assorti d'amendements visant à améliorer la situation.
Je voudrais faire un pas de côté pour remettre en perspective une problématique majeure qu'on rencontre aujourd'hui sur ces sujets, à savoir un manque de transparence, un manque de qualité de reporting et une grande difficulté à nous permettre réellement de nous situer sur le cadencement des projets, leur niveau de réalisation et surtout les dérapages contractuels et conventionnels. C'est notamment une des problématiques majeures de l'Afit France : on n'y voit pas clair parce qu'un certain nombre de conventions sont signées et engagées mais, ensuite, il y a des positions de retrait en raison des retards qui sont pris. Par conséquent, certains engagements prévus ne sont pas nécessairement respectés. La qualité du reporting - à mon humble niveau, en tous cas - est largement insuffisante. Elle l'est plus généralement à tous les autres niveaux : quand on y regarde d'un peu plus près, sur SNCF, réseau ou autres, on constate vraiment un manque .de transparence qui nous empêche d'avoir une vision claire et objective de la situation. Je voulais vraiment le souligner car, si on veut avancer dans les années à venir, il faut améliorer ce niveau de transparence et cette qualité de reporting.
S'agissant de l'évolution du VM de + 0,2 %, c'est effectivement une bonne proposition, même si elle est insuffisante. Je voudrais tout de même m'assurer qu'il n'y aura pas d'ambiguïté, à savoir que les produits affectés seront bien dédiés au transport du quotidien et ne seront pas affectés d'une quelconque façon au niveau des grandes infrastructures : c'est un élément très important.
Je souligne par ailleurs un manque : je n'ai pas beaucoup entendu d'analyse du contrat de performance ni de mise en perspective de ce qu'il devrait être. Ce contrat est-il mis de côté ou pas ? C'est tout de même un document qui est théoriquement d'une importance majeure et sur lequel il serait politiquement souhaitable qu'on porte un regard très attentif.
Compte tenu de l'exposé et des propositions d'amendement qui ont été faites, nous allons nous abstenir sur votre rapport.
M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - Je tiens d'abord à remercier mes collègues pour leurs interventions. Je confirme au rapporteur Hervé Maurey que nous sommes totalement en phase et je me réjouis qu'on puisse avancer sur les mêmes sujets : nous avons des combats communs à mener par la suite et nous essayons de nous y préparer dans cette année difficile que l'on peut qualifier d'« année blanche ».
Pour répondre à Jacques Fernique, je crois très fort - et peut-être pour la première fois - à cette conférence de financement. Nous l'avons souhaitée tous ensemble pour les Serm ; je l'ai indiqué au ministre chargé des transports devant vous lors d'une précédente réunion et il a repris cette idée à son compte en l'élargissant à l'ensemble du transport, ce qui me convient très bien - si tant est que nous ne revendiquons pas de « droit d'auteur » sur cette conférence. On a constaté que sur Île-de-France Mobilités, une telle initiative avait plutôt bien fonctionné puisqu'elle a déclenché tous les financements qui sont venus accompagner les projets.
Entre l'Île-de-France et les autres territoires, il y a un vrai besoin d'équité mais il faut également reconnaître qu'on ne peut pas comparer le nombre et l'importance des infrastructures livrées dans le cadre du Grand Paris avec d'autres projets.
J'aimerais qu'à terme on puisse, en vue de cette conférence, travailler tous ensemble pour préparer - d'ici février 2025 - des éléments plus en rapport avec les projets des AOM. Il serait à mon sens judicieux de différencier le versement mobilité en fonction de l'importance des projets qui sont menés par les agglomérations. Par exemple, les projets portant sur des bus ou des cars, des transports en site propre, des tramways ou métros méritent tous, à des degrés divers, un VM supplémentaire. Encore faut-il que, juridiquement, on puisse mettre en oeuvre un tel dispositif, mais ce sont des exemples de propositions qu'on pourrait porter à la conférence. D'autres propositions ont été évoquées, notamment par Hervé Maurey et Jean-François Husson : il est ainsi inadmissible que les transports ne bénéficient pas de retour sur les quotas carbone ; c'est indispensable et c'est une demande conjointe que nous devons formuler en permanence à chaque PLF ainsi qu'à chaque conférence. Une part des recettes issues du marché carbone est allouée au logement, ce dont on doit se féliciter, mais il est essentiel qu'une part revienne également aux transports. C'est pourquoi je pense que cette conférence présente un véritable intérêt : il ne s'agit pas de se laisser mener en bateau et, si tel devait être le cas, nous ferons front commun pour porter un certain nombre de sujets.
La question du fléchage des taxes est également pertinente dans le cadre de ces conférences et c'est un sujet que nous abordons souvent avec Louis Nègre. On peut estimer à environ 50 à 60 milliards l'ensemble des taxes dans le domaine des transports, mais nous n'en retrouvons même pas 20 % voire moins de 15 % : ce n'est pas normal. Bien sûr, il y a d'autres secteurs dans le pays qui ne produisent pas de richesses et qui ont besoin de la solidarité nationale, mais la situation actuelle est excessive. Une éventuelle taxe d'un milliard d'euros est proposée sur l'aérien sans qu'il ne soit rien indiqué sur son fléchage. Il me paraît juste, si cette taxe est maintenue, que la moitié de son produit puisse revenir au secteur du transport, à la fois dans le budget de l'Afit France, pour le routier et le ferroviaire ; et pour la décarbonation du transport aérien, notamment pour accompagner les efforts déployés pour fabriquer des carburants alternatifs. On ne peut pas retirer à l'Afit France 700 millions de TICPE - qui sont un produit de taxation sur les transports - de manière aussi brusque et c'est ce qui motive un de mes amendements.
Il ne s'agit pas de créer cette année de dépenses nouvelles en dépit de besoins avérés. Je rappelle que nous avons porté ensemble des amendements - avec, par exemple, 300 millions d'euros de plus pour les petites lignes il y a plusieurs années ou 100 millions d'euros de plus l'an dernier pour la modernisation du réseau - et je pense qu'il est indispensable de poursuivre ces efforts, mais nous sommes soumis à un cadre général de rigueur budgétaire. En revanche, il ne faut pas enlever encore plus de ressources censées être fléchées sur les transports : tel est le message que j'ai voulu faire passer à travers ce rapport pour avis.
La question du fonctionnement de l'Afit France est également financière. Pour faire des économies, on pense à fusionner un certain nombre d'organismes et j'ai entendu parler de la fusion possible de l'Afit France avec le Conseil d'orientation des infrastructures. Or je rappelle que l'Afit France remplit ses missions avec 4,5 équivalents temps plein. Les marges de manoeuvre restent donc limitées, d'autant qu'ils font très bien leur travail pour porter les projets dont le montant - moins de 4 milliards d'euros - est malheureusement inférieur à celui que nous aurions souhaité. En tous cas, lorsque les AOM jouent le jeu, les conventions suivent. Cependant, les restrictions budgétaires risquent d'avoir deux principales conséquences : d'une part, les conventions signées seront probablement respectées mais il n'y aura sans doute pas de nouvelles conventions ni de nouveaux projets. D'autre part, il y aura vraisemblablement un lissage des CPER pendant quelques mois, voire quelques années si les crédits venaient à ne pas augmenter suffisamment pendant les prochaines années.
Par ailleurs, je n'avais pas envie de faire porter le financement des mobilités sur les entreprises mais je n'ai pas trouvé d'autre solution que de déplafonner le versement mobilité car c'est la seule recette directement fléchée sur les transports et elle ne pourra pas être ponctionnée pour d'autres usages. Je sais qu'une augmentation de 0,2 % n'est peut-être pas suffisante mais, en tout cas, c'est une première avancée. De plus, il était injuste que les régions ne bénéficient pas d'une part de VM alors qu'on sait combien leur coûtent le transport ferroviaire et l'augmentation des péages. Notre commission joue pleinement son rôle.
Enfin, je n'aime pas entendre dire que la taxe au tonnage est une niche fiscale alors qu'elle concerne 86 % de la flotte mondiale. Souhaitez-vous que le pavillon français perde des parts de marché, que des armateurs français partent à l'étranger et qu'on ne défende CMA-CGM qui est une fierté nationale et va prendre part à l'effort national en étant lourdement taxé ? Notre pays doit, au contraire, être fier d'abriter un des plus grands groupes mondiaux de transport maritime et j'ajoute que 59 autres armateurs ne pourraient plus survivre sans la taxe au tonnage.
M. Jacques Fernique. - Je fais observer que la proposition d'amendement qui nous vient de l'Assemblée nationale vise à plafonner l'avantage possible dégagé par la taxe au tonnage en le limitant à 500 millions d'euros.
M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - À vouloir embêter la CMA-CGM, vous allez tuer 59 autres entreprises françaises et mettre en péril les installations portuaires.
M. Jacques Fernique. - Rappelez-vous ce que les mêmes nous disaient il y a deux ans et ce qui est fait cette année.
M. Jean-François Longeot, président. - Je rappelle que la CMA-CGM va indubitablement participer à l'effort de rigueur budgétaire. Je relève ici une manie terrible qui consiste à ne jamais s'occuper de ce qui ne marche pas mais de s'en prendre systématiquement à ce qui fonctionne bien.
M. Hervé Maurey. - Juste un mot sur le contrat de performance qui a été évoqué : nous l'avions qualifié de « mort-né » dès le départ ; le Gouvernement et la SNCF sont censés nous en présenter un nouveau, mais cela prend du temps puisque les déclarations les plus récentes du ministre indiquent que nous n'aurons rien avant le mois de juin prochain. Il faut donc faire preuve de patience.
M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - S'agissant de l'amendement n° I-582, alors même qu'elles ont le statut d'autorité organisatrice de la mobilité régionale, les régions ne disposent d'aucune ressource dédiée pour exercer leur compétence mobilité, ce qui les conduit à s'appuyer sur leur dotation générale de fonctionnement. En outre, elles font face à une forte hausse des péages ferroviaires versés au gestionnaire d'infrastructure, qui réduit d'autant plus leurs capacités financières. En l'état actuel des choses, les régions ne sont donc pas en mesure de faire face au mur d'investissements nécessaires pour renforcer l'offre de TER, d'une part, et pour déployer les services express régionaux métropolitains (Serm) prévus par la loi n° 2023-1269 du 27 décembre 2023, d'autre part. Dès lors, cet amendement propose de créer un versement mobilité régional (VMR), dont le plafond serait fixé à 0,2 point, afin de permettre aux régions de contribuer plus amplement aux politiques en faveur la décarbonation des transports et du report modal et de disposer de ressources pérennes pour ce faire. Les régions devront indiquer dans leur délibération les services de mobilité mis en place ou prévus qui justifient le taux du versement.
Les entreprises de moins de 51 salariés sont exclues du champ de ce versement mobilité régional afin d'éviter qu'il ne pénalise les petites entreprises. L'amendement prévoit également que le comité des partenaires, qui doit être institué par les AOM et qui rassemble notamment des représentants des organisations professionnelles d'employeurs et des représentants des organisations syndicales de salariés, sera consulté avant toute instauration ou évolution de ce versement.
On sait que les entreprises n'adorent pas le versement en mobilité ; ce qu'elles aiment encore moins, c'est de constater qu'il n'y a pas d'offre de transport pertinente : nous proposons à cet égard la labellisation des Serm. De plus, nous précisons que les entreprises aient leur mot à dire, non pas sur le taux utilisé, mais sur les choix qui peuvent être faits, par exemple en matière de desserte de zone industrielle, à travers le comité des partenaires.
L'amendement n° I-582 est adopté.
M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - Je vais présenter brièvement l'amendement n° I-583 car nous en avons largement débattu. Cet amendement vise à rehausser le taux plafond de versement mobilité (VM) de 0,2 point à destination des AOM qui ont obtenu la labellisation d'un projet de Serm ; je rappelle qu'il y a aujourd'hui 24 projets labellisés en France et d'autres sont sur le point de l'être.
Pour éviter une augmentation trop importante du versement mobilité, j'ai d'abord souhaité que ce rehaussement soit une possibilité offerte aux AOM et non pas une obligation. D'autre part, je propose que seules les entreprises de plus de 51 salariés soient concernées par cette possibilité de déplafonnement et que les petites entreprises de 11 à 50 salariés soient exclues du champ de cette majoration. Ces dernières continueront à payer le versement mobilité existant.
L'amendement prévoit également que le comité des partenaires institué par les AOM, qui rassemble notamment des représentants des organisations professionnelles d'employeurs et des représentants des organisations syndicales de salariés, sera consulté avant toute instauration de cette majoration.
L'amendement n° I-583 est adopté.
M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - L'amendement n° I-584 concerne le renouvellement pour l'année 2025 d'une mesure que nous avons déjà votée : je sais qu'elle fonctionne même si ce n'est pas parfait et je souhaite introduire les mesures nécessaires pour l'évaluer concrètement.
À l'initiative du Sénat, la LFR pour 2022 a mis en place une incitation pour les employeurs à porter de 50 % à 75 %, sur la base du volontariat, la prise en charge des abonnements de transport public de leurs salariés, mais ce dispositif arrive à échéance à la fin de l'année 2024. Cet amendement propose donc de le prolonger d'un an. Cette mesure permettrait aussi de placer les salariés du secteur privé et de la fonction publique sur un pied d'égalité. En effet, depuis le 1er septembre 2023, la prise en charge des titres de transport des salariés de la fonction publique est fixée de façon pérenne à 75 %.
L'amendement n° I-584 est adopté.
M. Pierre Jean Rochette. - Il faut absolument que nous fassions remonter une hérésie dans le fonctionnement du VM : les entreprises Seveso, qui sont en général de grosses contributrices au VM, ne peuvent pas disposer d'arrêts de transport public dans leur environnement géographique. On les fait payer mais elles ne peuvent pas bénéficier du service : c'est réglementairement impossible. Je pense qu'il faut garder ce point à l'esprit car à chaque fois qu'on modifie les règles, ces entreprises nous font remonter cette problématique.
M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - Je suis bien conscient de cette situation ; n'hésitez pas à nous transmettre tous ces éléments au moment de la conférence de financement. Je mentionne un cas de figure similaire : une installation Seveso, qui contribue au VM, se situe à proximité d'une infrastructure ferroviaire actuellement non exploitée entre Saint-Auban et Digne. Il est n'actuellement pas possible de rouvrir la ligne pour cette raison.
M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - L'amendement n° I-585 vise à diviser par deux la baisse d'affectation de TICPE à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France) en 2025 prévue par le projet de loi de finances, par rapport au niveau qui figurait en loi de finances initiale pour 2024. Le financement des infrastructures de transport répondant à une logique de temps long, il est en effet nécessaire d'éviter une baisse trop brutale des moyens de l'Afit France.
L'agence a déjà subi une diminution de près de 400 millions d'euros de fiscalité affectée en cours d'année par rapport à ce qui était prévu en loi de finances pour 2024. Pour 2025, ses recettes sont évaluées à 3,7 milliards d'euros, soit 900 millions d'euros de moins que ce qui était prévu par la loi de finances initiale pour 2024. Cet affaissement des moyens de l'Afit France s'explique principalement par une chute d'environ 700 millions d'euros du montant de TICPE affecté à l'agence pour 2025. Or, cette recette est assise en grande partie sur le secteur des transports. Cette désaffectation constitue donc une fuite des impôts payés par ce secteur vers le budget général de l'État. Ce mouvement de désaffectation de recettes est contradictoire avec la nécessité de renforcer le report modal et d'assurer la décarbonation des mobilités. La trajectoire de financement de l'Afit France pour 2025 s'inscrit en effet pour l'instant dans le scénario de « cadrage budgétaire » décrit par le Conseil d'orientation des infrastructures (COI), et non dans le scénario de « planification écologique », qui est pourtant la feuille de route du Gouvernement sur ce sujet. En particulier, le sous-investissement en faveur du transport ferroviaire engendre une « dette grise » insoutenable à long terme et pourrait plonger le réseau dans une spirale de « paupérisation » pointée par l'Autorité de régulation des transports.
Cet amendement vise donc à limiter la baisse de recettes de l'Afit France en revenant sur la moitié de la baisse d'affectation de TICPE à l'agence pour 2025. Cette sécurisation a minima des recettes de l'agence reste cependant encore en deçà des besoins de financement en faveur des infrastructures. Si cet amendement permet d'atténuer cette insuffisance, 2025 fera bien figure « d'année blanche » compte tenu du contexte budgétaire. Elle doit donc constituer une exception.
Je précise que cet amendement prend en compte celui qui a été déposé par mon collègue Olivier Jacquin et moi-même : il prévoit d'affecter aux communes 50 millions d'euros de taxe sur l'exploitation des infrastructures de transport de longue distance, qui sont actuellement intégralement affectés à l'Afit France. Par conséquent, il propose de revenir sur les 400 millions d'euros de diminution d'affectation de recettes à l'Afit France et aurait pour résultat de limiter cette baisse à 350 millions d'euros en 2025 par rapport aux prévisions figurant dans le PLF initial. Il s'agit concrètement de flécher 50 millions d'euros pour les communes, en particulier pour entretenir la voirie communale. Je souligne qu'il ne s'agit pas d'une demande de crédits supplémentaires, mais de prévoir qu'on nous prive d'un montant moindre de recettes habituellement affectées aux transports.
L'amendement n° I-585 est adopté.
M. Olivier Jacquin, rapporteur pour avis. - Je précise que le chemin est particulièrement difficile cette année pour élaborer notre rapport pour avis, tenaillés que nous sommes entre la très forte contrainte budgétaire et des convictions qui doivent être confirmées, même en cette année particulière. C'est pourquoi les quelques amendements que je vais vous présenter aujourd'hui sont, à mon sens, extrêmement sobres et respectueux de cette ligne de conduite. Plusieurs de ces propositions sont faites en accord avec Philippe Tabarot.
Je vous présenterai mon rapport pour avis sur les transports routiers la semaine prochaine mais le délai limite auquel sont soumis les amendements de première partie m'impose de vous soumettre d'ores et déjà mes amendements portant sur cette première partie du budget. Enfin, s'agissant de mon propos préalable, et comme l'a précisé Philippe Tabarot, vous avez entendu l'annonce des conférences de financement sur les infrastructures et les Serm : ce sera l'occasion de corriger le nouveau pacte ferroviaire ainsi que la loi d'orientation des mobilités.
L'amendement n° I-586, présenté conjointement avec Philippe Tabarot, est tout à fait cohérent avec l'amendement précédent n° I-585. Il vise à maintenir l'allocation d'une partie du produit de la taxe sur l'exploitation d'infrastructures de transport de longue distance aux communes et à leur groupement exerçant la compétence voirie. Je rappelle que cette taxe a été instituée en LFI pour 2024 afin de sécuriser le financement des infrastructures de transport. Son produit, évalué à 600 millions d'euros, devait être intégralement versé à l'Afit France. Lors de l'examen de ce texte, le Sénat avait introduit, à l'initiative de sa commission des finances, une disposition visant à allouer aux communes dès 2024 et groupements de communes exerçant la compétence voirie ainsi qu'aux départements une fraction égale à un douzième du produit prévisionnel de cette taxe. Cela devait représenter, respectivement, 50 millions d'euros pour ces deux catégories de collectivités.
L'article 21 du projet de loi de finances pour 2025 vise à revenir sur cette mesure pour rétablir le principe d'une allocation intégrale du produit de cette taxe à l'Afit France. Or les communes font face à de lourdes dépenses pour assurer l'entretien de leur réseau routier. Il est donc essentiel de prendre des mesures pour orienter ces investissements vers le réseau routier, à l'abri des aléas budgétaires. C'est pourquoi cet amendement propose de maintenir l'allocation d'une partie du produit de cette taxe, à hauteur de 50 millions d'euros, aux communes exerçant la compétence voirie. Néanmoins, afin de ne pas réduire les recettes prévisionnelles de l'Afit France en 2025, nous proposons, par l'amendement n° I-585 qui vient d'être présenté, de rehausser de 50 millions d'euros le plafond de TICPE affecté à cette agence l'année prochaine.
M. Hervé Gillé. - Cet amendement, en liaison avec le précédent, va dans le bon sens, mais je voulais souligner une interrogation majeure qui subsiste pour les départements : ils se demandent pourquoi ils ne pourraient pas bénéficier également d'une partie de la TICPE compte tenu des engagements qu'ils remplissent. J'ajoute que les départements contractualisent souvent avec les communes et surtout avec les communautés de communes sur des fonds d'accompagnement au développement des voiries communautaires. Il est donc regrettable qu'ils soient un peu les oubliés du dispositif d'accès à ces ressources.
M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - Cela rejoint un débat plus général dont nous allons bientôt connaître le résultat. J'ai cru comprendre que les départements, qui semblaient a priori les grandes victimes de ce projet de loi de finances, devraient s'en sortir beaucoup mieux que prévu et ce ne seront peut-être pas les collectivités les plus à plaindre. Sous réserve des différents amendements déposés et des débats que nous aurons dans l'hémicycle, la question du financement des routes eu égard à la compétence départementale dans ce domaine pourra être abordée lors de la conférence de financement en début d'année 2025.
Ceci dit, l'initiative de la proposition prévoyant 50 millions d'euros en faveur des communes revient à Olivier Jacquin : je l'ai suivie, car il me semblait logique de faire un geste en faveur des plus petites communes dans le cadre du fléchage que nous avons évoqué. En résumé, je pense que les départements s'en sortiront mieux que prévu et, de plus, la conférence de financement de février pourra peut-être prévoir des recettes dédiées à l'entretien des routes départementales.
M. Olivier Jacquin, rapporteur pour avis. - J'avais initialement proposé de rétablir la disposition en faveur des départements ainsi que des communes : cependant, pour les raisons qui viennent d'être mentionnées, la proposition ne concerne finalement que ces dernières.
L'amendement n° I-586 est adopté.
M. Olivier Jacquin, rapporteur pour avis. - L'amendement n° I-587, également présenté en commun avec Philippe Tabarot, vise à assouplir les conditions auxquelles sont soumises les AOM pour lever le versement mobilité (VM) afin d'en faciliter le recours dans les espaces peu denses.
Pour rappel, la possibilité de lever le VM est aujourd'hui conditionnée à l'organisation de services réguliers de transport public de personnes. Or, la mise en place de tels services est rarement pertinente en zone peu dense, le nombre de voyageurs n'y étant généralement pas suffisant pour assurer la rentabilité de l'offre. Cette situation place de nombreuses AOM situées en zone rurale dans l'impossibilité de disposer de ressources pérennes pour financer des projets de mobilité. Cet amendement vise donc à permettre aux AOM de prélever le VM pour l'organisation d'un panel de services de transport plus large que les transports collectifs réguliers, en prenant en compte le transport à la demande ainsi que les mobilités partagées et actives.
L'amendement n° I-587 est adopté.
M. Olivier Jacquin, rapporteur pour avis. - Merci à nouveau pour votre confiance. Je tenais beaucoup à cet amendement qui corrige une injustice de la loi d'orientation des mobilités.
M. Olivier Jacquin, rapporteur pour avis. - L'amendement DEVDUR.9 que je propose vise à généraliser la possibilité pour les régions de mettre en place une écocontribution sur le transport de marchandises, dite « écotaxe poids lourds ». Pour rappel, cette possibilité est conditionnée par la loi « Climat et résilience » au fait de subir des reports de trafic imputables à l'instauration d'une telle taxe sur un territoire voisin. Compte tenu, d'une part, de l'impact du trafic de poids lourd sur l'environnement et sur l'état du réseau, et d'autre part des besoins massifs liés à l'entretien du réseau routier qui seront amplifiés par le changement climatique, il me semble opportun d'aller plus loin en permettant à chaque région, sur la base du volontariat - et j'insiste sur ce point - d'instaurer une écotaxe poids lourds, comme l'ont entrepris la Collectivité européenne d'Alsace et surtout la région Grand Est qui va ainsi générer un modèle économique efficace permettant de financer la route ainsi que le ferroviaire.
M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - Je souhaite préciser à mes collègues que contrairement aux amendements précédents, je ne partage pas l'avis d'Olivier Jacquin sur celui-là et nous nous en sommes expliqués. La question de l'écotaxe a été abordée lors de la discussion sur la loi « Climat et résilience » : nous avions souhaité offrir cette possibilité uniquement aux territoires frontaliers avec d'autres pays étrangers qui mettaient en place une telle taxe. Je tiens également à saluer le travail remarquable effectué à l'époque par Jean-Claude Anglars en tant que rapporteur sur la mise en place de cette possibilité pour la Collectivité européenne d'Alsace. J'ajoute que certains territoires se sont déjà saisis de la possibilité offerte par la loi « Climat et résilience » : il en va ainsi de la région Grand Est.
Compte tenu de ces éléments, tout en saluant les efforts de la région Grand Est, je ne souhaite pas que nous votions cet amendement ; l'ensemble des recettes susceptibles d'être perçues au titre de l'écotaxe alimenteraient un budget annexe qui serait ensuite dédié à des investissements alloués aux autres modes de transport et cette caractéristique correspond bien au mécanisme de fléchage que j'ai évoqué. Cependant, je pense qu'il serait prématuré d'adopter de nouvelles dispositions sans attendre le bilan de l'efficacité du dispositif mis en place dans le Grand Est. Je rappelle aussi que nous continuons à payer les portiques qui ont été installés il y a quelques années pour assurer la mise en place de l'écotaxe à laquelle l'ancienne ministre Ségolène Royal a ensuite renoncé.
Je ne suis pas, par principe, fermé à cette possibilité et c'est pourquoi nous l'avons incluse dans la loi « Climat et résilience » mais sous certaines conditions, notamment pour les régions frontalières. Cependant, je sais qu'elle produit des effets de bord et que son périmètre pourrait donc s'agrandir : c'est un vrai sujet à soumettre à la conférence de financement de 2025. Pour l'instant, je ne voterai pas cet amendement qui me semble prématuré.
M. Jean-François Longeot, président. - Je partage les indications de Philippe Tabarot : sans être opposé au principe de l'écotaxe, il faut prendre en compte les objections qu'il a formulées. De façon encore plus réaliste, je ne suis pas favorable à cette proposition pour plusieurs raisons. Tout d'abord, comme vous pouvez le constater, le climat social n'est pas au beau fixe en ce moment et je ne suis pas certain qu'une mesure relative à l'écotaxe puisse apaiser la situation. Deuxièmement, je pense que la suppression de l'écotaxe, qui avait été votée à l'unanimité du Parlement, a été - encore plus qu'une erreur - une faute politique grave. Qui plus est, la ministre a supprimé l'écotaxe après que tous les aménagements ont été mis en place : on était donc sûr que ça allait nous coûter très cher. Enfin, comme cela a été indiqué, la conférence sur le financement des mobilités permettra d'organiser les débats que mérite ce sujet. Je voterai donc contre cette proposition et je demande à mon groupe de faire de même.
M. Jacques Fernique. - Quelques remarques s'imposent, tout d'abord pour clarifier les choses, car certaines idées qui circulent sont à la fois cocasses et énervantes lorsqu'on les considère depuis l'Alsace. On fait comme si l'écotaxe de la Collectivité européenne d'Alsace était déjà en place et même étendue au-delà de son périmètre initial. Or ce n'est pas le cas. Je ne vais pas rappeler les divers dispositifs adoptés depuis l'amendement du député Yves Bur de 2005 qui a rendu possible l'expérimentation alsacienne, en passant par l'écotaxe votée à l'unanimité avant que Ségolène Royal ne renonce finalement à son application. La feuille de route issue de la loi sur les compétences de la Collectivité européenne d'Alsace de 2019 prévoyait une écocontribution poids lourd applicable sur le périmètre des routes de ce territoire et la mise en place de cette mesure est actuellement envisagée pour 2027. Malgré le temps qui a été consacré à la préparation et à la concertation et malgré le vote à l'unanimité des conseillers d'Alsace intervenu il y a un peu plus d'un mois, la mise en place effective de cette taxe n'est donc pas encore d'actualité. Pour la région Grand Est, une volonté politique a été exprimée mais le dispositif ne sera effectif qu'un ou deux ans après la mise en place de la taxe poids lourds que l'on appelle « R-pass » en Alsace. Nous savons que les conditions de circulation des poids lourds et de transport des marchandises en Europe nécessitent une harmonisation des outils de régulation des poids lourds et notre pays est l'un de ceux qui devra faire le plus d'efforts car notre application de la directive euro-vignette est minimale par rapport à d'autres pays. Au final, il serait intéressant que notre commission envoie un signal politique sur la nécessité d'ouvrir cette possibilité à d'autres régions que celles qui subissent des reports de trafic liés à leur position frontalière. Cela ne signifie pas pour autant que nous devons mettre en place une écotaxe dans toutes les régions dès demain matin. On pourrait ainsi faire avancer le débat, ce qui donnerait un peu plus de consistance à cette fameuse conférence de financement.
M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - Conformément à la loi « Climat et résilience » d'août 2021, presque toutes les régions - comme Auvergne-Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d'Azur ou l'Occitanie - disposent d'ores et déjà de cette possibilité. Il est donc peu utile d'en ajouter, d'autant que l'expérience conduite sur nos territoires de l'est sera riche d'enseignements pour envisager de nouvelles mesures. À mon sens, on n'a toujours pas trouvé de solution pour faire payer très cher les camions étrangers, tout en préservant les transporteurs français, ce qui est notre préoccupation à tous sur nos territoires.
M. Jacques Fernique. - La solution se dégage de l'expérience menée en Allemagne et de la façon dont l'Alsace est en train de l'adapter.
M. Hervé Gillé. - Le fond du sujet, c'est l'acceptabilité d'une telle mesure et la façon dont on conduit ce dossier au niveau politique. Il est également essentiel de tenir compte des catégories sociales qui seraient fiscalisées et de se demander quels taux sont acceptables par les uns et les autres : je rappelle d'ailleurs que la révolte contre l'écotaxe avait été enclenchée par des gens à revenu modeste. Le vrai défi est de réaliser un travail d'accompagnement politique autour de ce sujet.
Je comprends que la région Nouvelle-Aquitaine peut mettre en place un tel dispositif car il n'y a pas de difficulté, dans ce cas de figure, en termes de réciprocité avec les autres pays européens. Je souligne tout de même que la proposition d'Olivier Jacquin confère un outil à la main des régions et non pas une obligation. On se présente toujours comme les chantres de la décentralisation, sauf qu'à certains moments, on souhaite jouer un rôle de censeur. En l'occurrence, l'amendement d'Olivier Jacquin vient conforter une décentralisation qui est logique sur ce type de sujet.
M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - Je fais observer qu'aucune région autre que celle du Grand Est n'a demandé à s'engager dans cette voie. Toutes les régions se sont manifestées pour demander du versement mobilité, mais aucune n'a souhaité pouvoir lever l'écotaxe, mis à part le Grand Est.
M. Jean-François Longeot, président. - Je reprendrai le début du propos d'Hervé Gillé qui a appelé à bien analyser les décisions que nous prenons. La précipitation n'est pas une bonne idée et il faut donner du temps au temps, selon la formule bien connue.
M. Olivier Jacquin, rapporteur pour avis. - S'agissant de la remarque de Philippe Tabarot sur les desiderata des régions, je signale qu'en auditionnant l'Association des régions de France, je me suis étonné de leur méconnaissance du modèle économique qu'est en train d'inventer la région Grand Est. Celle-ci, en taxant seulement quelques centaines de kilomètres de route - la nationale 4 et l'A31 du Luxembourg vers la Bourgogne - va générer 1 milliard d'euros de recettes en 10 ans. Pour sa part, la Collectivité européenne d'Alsace, en taxant moins de 200 km de route à seulement 15 centimes d'euros du kilomètre, va générer près de 60 millions d'euros de recettes par an, ce qui permettra de financer à la fois la politique routière et le report modal vers le ferroviaire. Comme mes collègues l'ont bien souligné, mon amendement n'oblige aucune région à le faire : il leur donne la possibilité d'avancer sur ce chemin et nos amis bretons ne seraient pas du tout obligés de suivre cette voie.
L'amendement DEVDUR.9 n'est pas adopté.
M. Olivier Jacquin, rapporteur pour avis. - Au moins, vous constaterez que nous avons utilement animé ce débat et nous reviendrons sur ce sujet lors de la conférence de financement.
M. Olivier Jacquin, rapporteur pour avis. - L'amendement DEVDUR.10 vise à instaurer une taxe sur les livraisons de colis issues des ventes en ligne qui serait basée sur un écoscore mesurant l'impact environnemental de la livraison. Je rappelle que le rapport d'information sur le transport de marchandises face aux impératifs environnementaux de nos collègues Nicole Bonnefoy et Rémy Pointereau, adopté en 2021, avait mis en avant l'impact environnemental des livraisons du e-commerce et appelé à une plus grande responsabilisation du consommateur en lui envoyant un signal prix.
Cet amendement s'inscrit pleinement dans cette logique en proposant d'instaurer un écoscore sur ces livraisons qui serait élaboré par décret pris après avis de l'Ademe en prenant notamment en compte la distance entre le lieu de fabrication ou de stockage du bien et le lieu de livraison, les délais de livraison ou encore les modes de transport utilisés pour l'acheminement de la marchandise. L'instauration d'une taxe assise sur cet écoscore permettrait d'envoyer un signal prix au consommateur et de réduire les externalités négatives liées aux livraisons en supprimant l'idée que la livraison peut être gratuite et donc sans impact. Elle permettra donc de mieux organiser les transports en les massifiant.
M. Jean-François Longeot, président. - Je souhaite partager ma position, animé d'un état d'esprit positif. L'article 3 de la proposition de loi de Nicole Bonnefoy sur l'impact environnemental du transport de marchandises - dans le prolongement de la mission mise en place par notre commission, propose de supprimer la mention « livraison gratuite » - en effet, le transport gratuit n'existe pas. Je préférerais donc qu'on puisse examiner le dispositif suggéré par cet amendement à l'occasion des débats sur cette proposition de loi, si la conférence des présidents décide de l'inscrire à l'ordre du jour dans le cadre d'un espace transpartisan.
M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - Dans le même esprit que celui de l'intervention du président Longeot, on dispose d'un travail remarquable réalisé par nos deux collègues rapporteurs Nicole Bonnefoy et Rémy Pointereau il y a quelques années (2021) et qui peut redevenir d'actualité. L'idée de taxer d'éventuels excès ou une utilisation abusive du e-commerce avec un fléchage vers les transports et les infrastructures me paraît un sujet dont on peut opportunément discuter. Je ne pense cependant pas que le problème puisse être réglé par un amendement de cette nature. Il convient de se fonder à la fois sur les travaux de nos collègues et sur la discussion qui pourra avoir lieu lors de la conférence de financement, car je suis intimement persuadé que ce sujet sera porté par un certain nombre de parlementaires. Je ne voterai donc pas cet amendement au PLF même si je salue l'idée qui le sous-tend. Je pense qu'il faut d'abord relire l'excellent rapport que nous avons mentionné.
Mme Nicole Bonnefoy. - Dans les travaux que nous avions réalisés sur le transport lié au e-commerce, nous avions souligné qu'il fallait supprimer la mention « gratuit » sur les plateformes de e-commerce car le transport n'est jamais gratuit. Lors de la consultation lancée par la mission d'information sur les transports de marchandises dans le cadre de ses travaux préparatoires, nous avions reçu de nombreux retours qui indiquaient majoritairement que les utilisateurs des plateformes de e-commerce souhaitaient être informés de la réalité du coût du transport et envisageaient une différenciation des tarifs de livraison avec un coût plus élevé pour les transports les plus rapides et les plus impactants sur l'environnement. La question du transport pour le e-commerce est donc cruciale et ma proposition de loi, dont je vous remercie de soutenir l'inscription à l'ordre du jour, aborde ce sujet. Nous y reviendrons d'ailleurs certainement dans le cadre de la proposition de loi sur la « fast fashion » qui viendra en discussion.
M. Rémy Pointereau. - J'indique simplement que je voterai cet amendement, ne serait-ce que pour envoyer un signal fort car il est vrai que la gratuité, ça n'existe pas.
M. Jean-François Longeot, président. -La méthode consistant à vouloir traiter tous les sujets à la fois dans la précipitation avant de prendre conscience des réalités de terrain ainsi que des obstacles opérationnels éventuels ne me semble pas opportune. Si on pouvait éviter d'accumuler les procédures administratives qui pèsent tous les jours sur les épaules de nos concitoyens, ils nous en seraient reconnaissants. Nous ne disposons pas d'étude d'impact pour évaluer les conséquences et les modalités d'application d'un tel dispositif. Je pense qu'il faut prendre le temps de la réflexion pour assurer l'efficacité de ce type de mesures.
M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - J'ajoute que le dispositif qui figure dans l'amendement d'Olivier Jacquin n'est pas clairement préconisé dans le remarquable rapport d'information de Nicole Bonnefoy et Rémy Pointereau.
M. Olivier Jacquin, rapporteur pour avis. - Je tiens à préciser qu'à titre individuel, cela fait cinq ans que je présente dans le cadre du PLF une disposition visant à empêcher la livraison gratuite des colis qui est une catastrophe environnementale. Je suis ravi que ce thème ait été traité par la mission d'information de Nicole Bonnefoy et Rémy Pointereau à laquelle j'ai assidûment participé. Je remercie également Rémy Pointereau de sa position et de sa confiance pour continuer à faire avancer ce sujet notamment dans la perspective de la prochaine conférence de financement des infrastructures et des mobilités qui nous donnera l'occasion de porter cette idée pertinente. Je propose de retirer cet amendement qui nous aura permis de débattre avec intérêt.
L'amendement DEVDUR.10 est retiré.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs aux transports ferroviaires, fluviaux et maritimes de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».