II. UN EFFORT FISCAL INÉDIT QUI LIMITE LA CAPACITÉ DU TRANSPORT AÉRIEN À INVESTIR POUR SA DÉCARBONATION
A. AFIN DE LE FAIRE CONTRIBUER AU REDRESSEMENT DES FINANCES PUBLIQUES, LE SECTEUR AÉRIEN SUBIT UNE HAUSSE FISCALE MASSIVE
Le secteur aérien a déjà subi une hausse marquée de la fiscalité mise en oeuvre par la loi de finances pour 2024, dont l'article 100 a institué une taxe sur les infrastructures de transport de longue distance, dont sont redevables les plus grands aéroports français. Le rapporteur pour avis avait souligné que le transport aérien était la victime collatérale de la volonté gouvernementale de taxer les sociétés concessionnaires d'autoroute. En 2024, le groupe ADP et les aéroports de Nice, Marseille et Toulouse sont concernés pour un montant total qui devrait être compris entre 120 et 150 millions d'euros. À partir de 2025, l'aéroport de Lyon pourrait également être redevable de cette taxe.
Or, le Gouvernement envisage d'accentuer fortement l'alourdissement de la pression fiscale en augmentant de 1 milliard d'euros le rendement du tarif de solidarité sur les billets d'avion. 850 millions d'euros seraient versés par l'aviation de ligne et 150 millions d'euros par l'aviation d'affaires commerciale. Pour le rapporteur pour avis, dans le contexte budgétaire contraint actuel, chaque secteur doit prendre sa part au redressement des finances publiques. La hausse de la taxe de solidarité sur les billets d'avion est de surcroît la « moins mauvaise » des solutions. Elle est en effet fondée sur la destination finale du passager, ce qui limite les effets de distorsion de concurrence au profit de vols avec des escales hors de la France.
Cependant, l'ampleur de la taxation envisagée par le Gouvernement est trop massive. Elle pourrait notamment mener à la fermeture de lignes qui desservent les aéroports régionaux, notamment des liaisons transversales qui ne peuvent pas être réalisées actuellement en train. Elle porterait ainsi atteinte à la connectivité des territoires. Les lignes d'aménagement du territoire, dont l'équilibre financier est actuellement assuré par le versement d'une subvention pour charge de service public, pourraient voir leur modèle économique se dégrader. Les collectivités territoriales seraient contraintes de les abonder davantage pour combler le coût d'une taxe affectée au budget général de l'État. Les vols pour les outre-mer seraient également touchés, ce qui menace la continuité du territoire.
Par ailleurs, le niveau de taxation sur l'aviation d'affaires commerciale, qui pourrait atteindre 3 000 € par passager sur certains vols est particulièrement élevé et pourrait menacer la pérennité de la filière en France.
La commission a adopté un sous-amendement du rapporteur pour avis afin de contenir cette hausse du tarif de solidarité pour les vols intraeuropéens en classe économique et l'aviation d'affaires.
En outre, l'article 39 du projet de loi de finances prévoit d'augmenter la part des dépenses de sûreté et de sécurité (contrôle des bagages et des voyageurs, sécurité incendie, lutte contre le péril animalier...) laissées à la charge des aéroports. En effet, actuellement, le tarif de sûreté-sécurité (dit T2S), taxe payée par les usagers à l'achat d'un billet d'avion, assure le financement de ces dépenses. Dans les plus grands aéroports, un « ticket modérateur » est prévu : le produit du T2S ne couvre que 94 % des dépenses de sûreté-sécurité, 6 % étant donc à la charge des exploitants.
Pendant la crise sanitaire, les recettes de T2S ont fortement diminué tandis que les dépenses de sûreté-sécurité sont restées stables. Par conséquent, l'État a consenti des avances aux aéroports pour un total de 700 millions d'euros. Afin de favoriser un remboursement de ces avances sans pour autant augmenter trop fortement le montant du T2S, qui serait répercuté sur le prix du billet, le Gouvernement prévoit d'augmenter le « ticket modérateur » de T2S, en le faisant passer de 6 % à 10 %.
Or, les exploitants d'aéroport font actuellement face à une hausse soutenue de la pression fiscale (taxe sur les infrastructures de longue distance, contribution exceptionnelle sur le bénéfice des grandes entreprises, effets indirects de la hausse de tarif de solidarité sur les billets d'avion). Ils doivent également mener des investissements pour moderniser leurs équipements de sécurité, avec notamment le déploiement de nouveaux systèmes, les « EDS cabine » aux postes d'inspection-filtrage des bagages.
Dans ce contexte, la commission a adopté un amendement du rapporteur pour avis pour revenir sur la moitié de cette hausse du « ticket modérateur » de T2S, en le limitant à 8 % du montant des dépenses de sûreté-sécurité.