B. ENTRETIEN DES OUVRAGES D'ART : NE PAS RELÂCHER LES EFFORTS

Pour ce qui concerne les ouvrages d'art relevant des communes, alors que le Programme national ponts (PNP 1) lancé en 2021 est désormais achevé et qu'une enveloppe supplémentaire de 50 M€ a été prévue en loi de finances rectificative pour 2022 (dont 10 M€ pour le PNP 2 et 35 M€ pour le PNP Travaux), la commission salue l'ouverture supplémentaire de 20 M€ au bénéfice du PNP Travaux en loi de finances de fin de gestion pour 2023. Selon le Cerema, les PNP 1 et 2 ont permis de recenser et remettre un carnet de santé aux communes pour 40 523 ponts.

Néanmoins, cet opérateur est confronté à une baisse de sa SCSP dans le cadre du PLF pour 2025 (de l'ordre de 4,3 M€), à laquelle il faut ajouter de nouvelles dépenses de l'ordre de 4 M€. Ainsi, si les besoins de financement pour 2025 sont en principe couverts à la fois pour le recensement des ouvrages et le subventionnement des travaux de réparation des ouvrages, il est possible qu'il soit nécessaire, en fin d'année 2025, de réallouer des moyens supplémentaires à ce programme lors de l'examen de la loi de finances de fin de gestion de 2025. La commission suivra ce point avec attention.

Au-delà de 2025, un redimensionnement du PNP sera en outre nécessaire.

S'agissant du volet « recensement et évaluation des ouvrages », le Cerema indique que les PNP 1 et 2 ont permis de couvrir la quasi-totalité des petites communes comptant moins de 10 000 habitants disposant et d'un potentiel fiscal inférieur à 3 M€, et que « au-delà de cette taille, les communes (ou leurs groupements) disposent généralement de services techniques bien structurées et connaissant la consistance de leur patrimoine dans l'ensemble »11(*). Il n'apparaît donc pas nécessaire, selon cet opérateur, de lancer un nouveau programme de recensement et d'évaluation des ouvrages des communes.

En revanche, concernant les travaux de réparation, les besoins s'avèrent colossaux. En effet, sur la base des données issues des PNP 1 et 2, en octobre 2024, le Cerema estime le coût de remise en état des ouvrages (ponts et murs) des 31 500 communes de moins de 10 000 habitants à 3,3 Mds€. Le Cerema estime à 1,3 Md€ les besoins concernant les ouvrages les plus dégradés, classés 412(*). Sur ces 1,3 milliard d'euros, le coût de remise en état des ouvrages qui nécessitent une mise en sécurité immédiate liée à un problème de structure s'élève à 730 M€ environ13(*).

Le PNP Travaux, qui permet de subventionner les travaux de réparation sur les ouvrages d'art de la catégorie 4, dispose d'une enveloppe de 55 M€ jusqu'à fin 2025, soit 8 % à peine des 730 M€ nécessaires.

Au-delà de 2025, le Cerema estime à 40 M€ par an l'enveloppe nécessaire pour traiter les ouvrages les plus dégradés dans les dix prochaines années14(*).

Enfin, le rapporteur pour avis alerte sur les ouvrages d'art de rétablissement, c'est-à-dire sur les ponts construits pour rétablir une voie de communication appartenant à une collectivité territoriale interrompue par une infrastructure de transport de l'État ou de ses établissements publics (réseau routier, ferroviaire et fluvial de l'État, de SNCF Réseau ou de Voies Navigables de France). Si ces ouvrages appartiennent en principe, sauf convention contraire, au propriétaire de la voie portée, afin de faciliter la gestion de ces ouvrages et de prévenir leur détérioration, la loi dite « Loi Didier » de 2014 a prévu la conclusion de conventions entre les propriétaires ou gestionnaires des voies portées et franchies. Elles précisent en principe la répartition des responsabilités quant à la gestion des ouvrages et à la charge financière liée à la surveillance, à l'entretien, à la réparation et au renouvellement de ces ouvrages. Il est prévu que pour les collectivités territoriales dont le potentiel fiscal (PF) est inférieur à 10 M€, soit appliqué le principe de référence (soit la prise en charge par le gestionnaire de la nouvelle infrastructure de l'ensemble des charges relatives à la structure de l'ouvrage d'art), sauf accord contraire des parties.

Un arrêté ministériel du 22 juillet 2020 a procédé au recensement des ouvrages de rétablissement des voies des collectivités territoriales interrompues par une voie du réseau, routier, ferroviaire ou navigable de l'État ou de ses opérateurs et ne faisant pas l'objet d'une convention préexistante. Au total, tous réseaux confondus, 9 480 ouvrages ont été identifiés (hors réseau routier national concédé) : 4 168 surplombent une voie du réseau ferré national, 2 895 surplombent une voie navigable du domaine public fluvial de l'État et 2 417 surplombent une voie du réseau routier national non concédé.

Avancement de la conclusion de conventions pour les ouvrages d'art de rétablissement en application de la loi « Didier » (fin de l'année 2023)

Pour le réseau routier national concédé :

- 7 287 ouvrages doivent être conventionnés ;

- 5 986 ouvrages sont conventionnés, soit un taux de conventionnement de 73 %.

Pour le réseau routier national non concédé, sur les 2 417 ponts à conventionner :

- 3 conventions sont signées et des dizaines de projet de convention sont en cours de négociation ;

- quelques travaux et quelques inspections conjointes réalisés pour estimer l'état des ouvrages avant signature des conventions ;

Pour le réseau ferré national, on recense 2 915 ouvrages (sur 4 168 ouvrages recensés) de rétablissement relevant de la propriété d'une collectivité au potentiel fiscal (PF) inférieur à 10 M€. Environ une centaine de conventions ont été établies entre SNCF Réseau et les collectivités territoriales.

Pour le réseau fluvial confié à VNF, on recense 1 392 ouvrages (sur 2 895 ouvrages recensés) de rétablissement relevant de la propriété d'une collectivité au PF inférieur à 10 M€. Fin septembre 2024, 75 sollicitations de collectivités territoriales ayant un PF inférieur à 10 M€ ont été reçues, 43 inspections détaillées ont été réalisées et 3 conventions ont été signées. En l'absence de données techniques sur presque tous les ouvrages recensés, la phase d'instruction des demandes est assez longue pour déterminer les travaux à mettre en oeuvre.

Source : DGITM

La DGITM indique qu'une actualisation de l'arrêté du 22 juillet 2020 est en cours à la suite de l'instruction de nouvelles demandes des collectivités. De nouveaux ouvrages seront ajoutés à la liste initiale et pourront permettre aux collectivités de conventionner avec l'État ou ses opérateurs.

Le rapporteur pour avis s'étonne du très faible nombre de conventions signées à ce jour. Il suivra avec attention la progression de leur signature, pour assurer l'entretien et la surveillance de ces ouvrages d'art.

Le rapporteur pour avis appelle, dans le cadre du prolongement du PNP Travaux au-delà de 2025, à prévoir une enveloppe annuelle pour ce dispositif à hauteur de 40 M€ par an.

Le programme pourrait également être élargi aux ouvrages d'art classés 3 (ouvrages dont la structure est altérée par un défaut significatif), afin d'éviter qu'ils ne se dégradent jusqu'à l'apparition de défauts majeurs. Ces travaux nécessiteraient néanmoins une enveloppe supplémentaire évaluée par le Cerema à 60 M€ par an.

Il importe également de veiller à la prise en compte des besoins liés à la remise en état des 9 480 ponts de rétablissement des collectivités territoriales qui doivent faire l'objet de conventions de gestion avec l'État ou ses opérateurs (SNCF Réseau et Voies navigables de France) en application de la loi « Didier » de 2014.

Ces trois points devront être abordés lors de la conférence nationale sur le financement des mobilités.


* 11 Source : réponse du Cerema au questionnaire écrit du rapporteur pour avis.

* 12 L'échelle va de 1 (ouvrage globalement en bon état) à 4 (ouvrage dont la structure est altérée par un défaut majeur).

* 13 Source : réponse du Cerema au questionnaire écrit du rapporteur pour avis.

* 14 Source : réponse du Cerema au questionnaire écrit du rapporteur pour avis.

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