B. UNE NÉCESSAIRE CLARIFICATION DU PÉRIMÈTRE DES RESSOURCES DES ÉTABLISSEMENTS RELEVANT DU BUDGET DE L'ÉTAT
1. Une fragilisation de la situation financière des universités depuis 2022
• Les universités sont ainsi appelées depuis plusieurs années à mobiliser leurs réserves financières afin de participer à l'effort global d'économies. Or, la mesure nouvelle relative au CAS Pensions intervient dans un contexte de recul de la trésorerie disponible des établissements.
L'indicateur le plus parlant à ce titre réside dans l'évolution du fonds de roulement (FDR) cumulé des universités, qui correspond au stock d'épargne accumulé au cours du temps en vue de réaliser des investissements ou de faire face à un aléa de gestion. Après plusieurs années de croissance entre 2018 et 2022, une nette diminution de ce FDR a été enregistrée à partir de 2023, avec une baisse de 258 millions d'euros, soit près de 10 %, par rapport à 2022 ; selon la Dgesip, la baisse pourrait atteindre 1 milliard d'euros en 2024.
Seule une petite partie de ce FDR, qui est aujourd'hui de 2,52 milliards d'euros, est cependant mobilisable par les établissements pour faire face à leurs charges nouvelles. Une large part de cette trésorerie est en effet fléchée vers des opérations pluriannuelles dans le cadre du financement par projet ; une autre partie vise à couvrir des risques ou respecter des règles comptables prudentielles, ou encore à rembourser des emprunts. La Dgesip indique ainsi que pour l'ensemble des universités dont les données sont disponibles, les FDR libres d'emploi ne représentaient que 9 % des FDR globaux en 2023.
• Cette évolution comptable se traduit par une augmentation du nombre d'établissements en difficulté financière, avec toutefois des situations contrastées d'une université à l'autre. Selon les données du ministère, 65 établissements ont présenté des pertes comptables à hauteur de 147 millions d'euros en 2023 ; ils n'étaient que 40 pour un montant de pertes moitié moindre en 2022. France Universités a par ailleurs indiqué que 60 des 72 universités pourraient présenter un déficit en 2024, soit deux fois plus qu'en 2023. Selon la Dgesip enfin, 40 établissements devraient se trouver en difficulté financière en 2024 et 2025 au sens des critères de soutenabilité budgétaire qui s'appliqueront aux comptes financiers de l'année 2024.
2. Une incertitude dommageable à l'autonomie et à la capacité d'investissement des établissements
Dans ce contexte, l'augmentation des dépenses salariales et de fonctionnement assumées par les universités depuis 2022 ne pourra être absorbée à moyen et long termes sans entraîner :
- une altération des conditions d'exercice de leurs missions fondamentales d'accueil, de formation, de recherche et d'innovation, dont le périmètre devra être revu par certains établissements ;
- une remise en cause de leur capacité d'investissement, notamment sur le plan immobilier ;
- une dégradation de leur attractivité, dans un contexte de tension sur les recrutements ;
- une remise en question de l'autonomie des établissements, dès lors que leur situation financière peut justifier leur placement sous le contrôle renforcé du rectorat.
Ces risques sont renforcés par les incertitudes pesant sur l'évolution des ressources propres des établissements en conséquence d'autres mesures portées par le PLF 2025, aux premiers rangs desquelles les économies projetées sur les primes d'apprentissage par la baisse du nombre de contrats conclus, ainsi que la baisse des dotations versées aux collectivités territoriales, qui pourrait se répercuter sur les subventions qu'elles allouent aux universités.
Le rapporteur estime que si la participation des universités à l'effort de maîtrise des dépenses publiques peut être justifiée, elle ne saurait déboucher sur une fragilisation excessive de leur autonomie et de leur capacité d'investissement. La simple récurrence depuis 2022 de la non-compensation des mesures salariales nouvelles doit laisser place à une clarification stratégique du périmètre de dépense des établissements couvert par le budget de l'État, et notamment par la SCSP.
Les conclusions de la mission d'inspection sur le modèle économique des universités lancée par le ministère, attendues pour la fin de l'année, constitueront à ce titre un éclairage précieux.
Un ralentissement de la rénovation du parc immobilier universitaire
La réhabilitation du parc immobilier des établissements relevant du programme 150, qui prévoit 1,25 milliard d'euros à ce titre pour 2025, connaîtra un ralentissement au cours des prochaines années. La Dgesip indique en effet que si ces crédits immobiliers se situent, « au niveau de l'évolution tendancielle de la dépense incluant notamment le financement du centre hospitalo-universitaire du Grand Paris Nord », le calendrier de réalisation des projets portés par les contrats de plan État-région (CPER) fera l'objet d' « ajustements » visant à poursuivre les opérations prévues avec un « ralentissement du rythme de leur réalisation ». Ce ralentissement vient à la suite de l'annulation cette année de 80 millions d'euros de crédits par le décret n° 2024-124 du 21 février 2024, qui a notamment concerné les crédits CPER.
Les CPER constituent le principal outil mobilisé par le MESR pour le déploiement de sa stratégie immobilière, centrée sur la rénovation énergétique du parc. La deuxième génération de CPER, qui couvre la période 2021-2027 et représente un montant de 1 058 M€ sur le programme 150 (soit la majorité de l'enveloppe totale de 1 177 M€ pour l'enseignement supérieur), est ainsi principalement destinée à la réhabilitation énergétique du parc immobilier, à la remise à niveau des locaux pour les formations de santé et à leur adaptation à la numérisation des pratiques pédagogiques. Un peu moins de 40 % des autorisations d'engagement (AE) ouvertes au titre des CPER depuis 2021 ont été couvertes en crédits de paiement, ce qui traduit le retard pris dans le lancement et la réalisation de plusieurs projets.
Plusieurs projets de rénovation énergétique financés sur les crédits d'autres programmes ont par ailleurs été lancés ces dernières années. Dans le cadre du plan de relance, 561 projets portés par des universités, 112 projets des écoles d'ingénieur et des grands établissements et 140 projets relevant des Crous ont ainsi été sélectionnés pour un montant total de plus d'un milliard d'euros ; la plupart d'entre eux ont été achevés ou le seront pour la fin 2024. Près de 700 projets ont par ailleurs été retenus dans le cadre de trois appels à projets successifs lancés par la direction de l'immobilier de l'État (DIE), au titre des plans de résilience et du plan « Transition écologique 2024 ».