EXAMEN EN COMMISSION
Au cours de sa réunion du mercredi 3 décembre 2025, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous la présidence de M. Cédric Perrin, président, a procédé à l'examen des crédits de la mission « Action extérieure de l'État » - programme 151 - Français à l'étranger et affaires consulaires.
La commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 151.
M. Ronan Le Gleut, rapporteur pour avis du programme « Français à l'étranger et affaires consulaires ». - Dans l'ensemble, le programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » a été relativement préservé des ponctions qui touchent la mission « Action extérieure de l'État ». Il est vrai que les montants concernés sont assez modestes puisque les crédits s'élèvent dans ce projet de loi de finances (PLF) à 154 millions d'euros, soit une baisse de 1,5 million d'euros par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2025.
L'essentiel des diminutions de crédits porte sur l'enveloppe des bourses scolaires destinées aux élèves du réseau de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), en baisse de 4,9 millions d'euros. Le gestionnaire du programme justifie cette décision par la baisse continue du nombre de boursiers : -10 % depuis 2022-2023.
Nous nous sommes donc intéressés aux raisons de cette baisse, qui sont multiples. Tout d'abord, on constate une diminution importante dans certains postes en raison de vérifications plus approfondies de la situation des familles, y compris en procédant à des visites à domicile. Ensuite, certaines familles ne bénéficiant pas d'une quotité de 100 % ont pu sortir du dispositif au regard du coût croissant, en termes absolus, de la scolarité, particulièrement marqué dans les pays où le montant des bourses est plafonné et ne suit pas l'évolution réelle des droits, comme aux États-Unis.
L'Assemblée des Français de l'étranger (AFE) pointe la lourdeur de la procédure, la nécessité de refaire la demande chaque année et les défaillances du logiciel.
Enfin, la concurrence croissante des dispositifs locaux ou d'autres systèmes internationaux peut jouer un rôle ; à cet égard, l'AFE manifeste un certain pessimisme, et on peut en effet estimer que la « fuite » hors du système français peut avoir un effet cumulatif.
Nous devons malheureusement nous contenter d'hypothèses à ce stade, car les raisons de cette baisse n'ont pas encore fait l'objet d'une expertise consolidée. Un double travail a été engagé en ce sens, au niveau national par la commission nationale des bourses, et au niveau local par les postes consulaires, afin de mieux comprendre les déterminants locaux. L'une des pistes étudiées consiste à revoir certains seuils entrant dans le calcul, notamment le seuil relatif au patrimoine immobilier.
Ce travail est indispensable, car le suivi - et donc le pilotage - des bourses scolaires est rendu extrêmement difficile par plusieurs facteurs, dont l'application des divers gels et surgels, et le fait que le « rythme Nord » et le « rythme Sud » ne sont pas sur le même calendrier, ce qui rend plus compliquée la consolidation des données.
La directrice des Français à l'étranger et de l'administration consulaire nous a indiqué envisager, pour 2027, une hausse de l'enveloppe des bourses afin de tenir compte de l'augmentation des frais de scolarité. Nous nous en félicitons, mais une telle mesure témoigne de la nature essentiellement réactive de la gestion des bourses dans le réseau. C'est d'autant plus frustrant que le maintien des enfants des Français de l'étranger dans le giron de la francophonie est un enjeu qui touche au rayonnement de la France et qui devrait faire l'objet d'une politique proactive.
Il convient en revanche de saluer l'augmentation de l'enveloppe réservée aux accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) qui est portée de 2 millions d'euros à 2,5 millions d'euros pour tenir compte des demandes croissantes exprimées par les parents. Mais là encore, il s'agit d'une mesure réactive, puisque les besoins exprimés - qui ont fait l'objet d'un ajustement en gestion - s'élevaient à environ 2,4 millions d'euros en 2025. Pour rappel, depuis la rentrée 2021, les aides AESH sont attribuées sans condition de ressources.
J'aborde maintenant le volet plus positif de ce budget, qui est l'effort maintenu en faveur des chantiers de modernisation des services consulaires. C'est un domaine dans lequel l'administration des Français de l'étranger s'est montrée précurseure, avec plusieurs projets destinés à améliorer les services rendus tout en réduisant les coûts. Et, malgré le contexte budgétaire, les crédits dédiés à cette modernisation sont en augmentation de 2,9 millions d'euros.
L'essentiel de cette augmentation, soit 2 millions d'euros, va à la préparation du vote par internet pour l'élection consulaire de mai 2026 et le développement d'une nouvelle solution de vote intégrant l'identité numérique certifiée. Utilisé pour la première fois en 2006 à l'occasion des élections à l'AFE, puis à huit reprises depuis 2012 dans différentes élections, le vote par internet s'installe progressivement dans les moeurs ; 85 % des votants y ont eu recours lors de la dernière élection, à savoir la législative partielle de la cinquième circonscription des Français de l'étranger en septembre dernier.
La mise en place du registre d'état civil électronique (RECE), dont les crédits, en augmentation de 500 000 euros, sont portés à 3,8 millions d'euros, s'achèvera en 2026 : il sera désormais possible de créer, transcrire et modifier un acte d'état civil entièrement en ligne.
La plateforme France Consulaire de réponse aux demandes téléphoniques des Français à l'étranger achèvera elle aussi son déploiement dans les prochains mois. Désormais l'ensemble du monde sera couvert ; les retours depuis la mise en place de la plateforme sont très largement positifs, avec des taux de satisfaction supérieurs à 90 %.
Enfin, plusieurs projets de moindre ampleur, mais importants, comme l'application REGISTRE pour faciliter l'inscription au registre des Français à l'étranger, la poursuite de l'expérimentation du renouvellement de passeport sans comparution et la refonte de la procuration en ligne seront menés à bien, avec un budget en augmentation de 1,3 million d'euros.
J'insiste sur la pertinence de ces différents chantiers dont certains pourraient bénéficier, à terme, à l'ensemble de la population française.
Au vu de cet effort maintenu, et en dépit des difficultés exposées relatives au pilotage de l'enveloppe des bourses scolaires, je vous recommanderai de donner un avis favorable aux crédits de ce programme.
M. Guillaume Gontard, rapporteur pour avis du programme « Français à l'étranger et affaires consulaires ». - Monsieur le président, mes chers collègues, après une baisse de 1 million d'euros dans le PLF pour 2025, le montant des aides sociales directes versées aux Français de l'étranger se stabilise à 15,2 millions d'euros cette année. Mais en réalité, c'est un montant de 14,4 millions d'euros qui a été notifié aux postes en mars 2025 après application de la réserve de précaution, ce qui a entraîné une baisse de 5,5 % du plafond de ressources d'éligibilité.
Pour rappel, les Français établis hors de France ne sont pas éligibles aux aides sociales. Cette enveloppe leur est versée par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) à titre gracieux, et il serait donc souhaitable que ces dépenses soient préservées, car elles bénéficient aux plus vulnérables de nos concitoyens, envers lesquels notre solidarité devrait s'exprimer sans être tributaire des aléas budgétaires.
Après une baisse de près de 300 000 euros, le dispositif de soutien au tissu associatif des Français à l'étranger (Stafe), qui se substitue à la réserve parlementaire depuis 2018, a été lui aussi stabilisé dans le PLF pour 2026 à hauteur de 1,6 million d'euros. En réalité, 1,37 million d'euros ont été octroyés à 227 associations en 2025, en raison d'une sous-consommation répétée des crédits.
Face aux critiques sur le processus d'examen des demandes, jugé trop rigide et centralisé, une nouvelle procédure, mieux cadrée, a été mise en place : le respect des critères d'éligibilité reste du ressort du ministère, tandis que les conseils consulaires des postes statueront sur la pertinence des projets, classés par ordre de priorité. Nous nous félicitons de cette initiative qui rend la dépense publique plus pertinente.
Enfin, l'enveloppe allouée aux organismes locaux d'entraide et de solidarité (Oles) a été portée de 1,2 million d'euros à 1,4 million d'euros, retrouvant ainsi son niveau de 2024. Là encore, nous nous félicitons que le rabot ne soit pas passé sur ces organismes dont l'objet est de répondre, selon les documents budgétaires, « à des situations qui, par leur urgence ou leur nature, ne peuvent trouver de solution dans le cadre des aides sociales directes ».
Je relève également la fin d'une véritable anomalie budgétaire, à savoir la prise en charge par le programme 151, depuis 2022, des évacuations sanitaires depuis le Vanuatu vers la Nouvelle-Calédonie, ainsi que des frais de santé sur place pour des raisons sanitaires ou d'indigence. Le coût de ces hospitalisations - au nombre d'environ 200 par an - avoisine 500 000 euros pour la direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire (DFAE) et sera désormais pris en charge par le ministère de la santé et des affaires sociales, au titre du programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins ».
Je souhaite également vous appeler à la vigilance sur le déploiement du RECE : l'expérimentation court jusqu'en 2027, ce qui impose d'achever le déploiement en 2026. Or les coûts de développement augmentent en raison de la complexité technique et des exigences de sécurité, et le Gouvernement doit donc impérativement préserver les crédits supplémentaires nécessaires, car tout retard compromettrait le respect de l'échéance de 2027 et priverait nos concitoyens d'un outil déjà largement utilisé, et qui simplifie largement les procédures.
Concernant l'accompagnement des élèves en situation de handicap, le PLF pour 2026 prévoit 2,5 millions d'euros pour les AESH, soit une hausse de 500 000 euros. Cette augmentation est nécessaire, mais représente le strict minimum. L'historique récent est éloquent : en 2024, il a fallu redéployer en urgence près de 1 million d'euros depuis l'enveloppe des bourses scolaires pour porter la dotation à 2,41 millions d'euros et accompagner 474 élèves à besoins particuliers. En 2025, l'enveloppe allouée s'élevait à 2 millions d'euros ; l'administration avait notamment été contrainte de refuser des dossiers et d'ajouter des critères excluants en cours d'année : ces crédits devraient être sanctuarisés.
Enfin, je souhaite revenir de manière plus détaillée sur la situation de la Caisse des Français de l'étranger (CFE), organisme de droit privé à mission de service public, qui assure à nos compatriotes établis hors de France une protection sociale équivalente à celle de la sécurité sociale. Sa situation financière se dégrade gravement avec un déficit prévisionnel de 15,4 millions d'euros en 2025, celui-ci étant notamment lié au déficit des contrats aidés pour nos compatriotes sous plafond de ressources - environ 5 millions d'euros - ; au déficit des contrats « ex », pour lesquels l'augmentation des tarifs est plafonnée à 5 % ; et enfin à la baisse de la part des contrats collectifs souscrits par les entreprises.
L'an dernier, nous avions, à l'initiative de Ronan Le Gleut et avec les rapporteurs du programme 105, fait adopter un amendement pour doubler le concours de l'État à hauteur de 760 000 euros, amendement qui a été adopté en commission mixte paritaire (CMP). Pour 2026, la subvention est reconduite à hauteur de 360 000 euros, sous réserve d'ajustements en gestion.
La CFE a pris des mesures tarifaires et contractuelles pour améliorer le résultat d'exploitation, passé de -18,3 millions d'euros en 2024 à un prévisionnel de -15,4 millions d'euros avant passage des provisions, mais l'avenir de la Caisse est en jeu à moyen terme.
Un récent rapport conjoint de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l'inspection générale des finances (IGF) a formulé des préconisations pour résorber les pertes, notamment une réforme du plafond de ressources appliqué aux contrats aidés afin de prendre en compte le coût de la vie dans le pays de résidence. Les inspecteurs envisagent également trois scénarios pour l'avenir de la CFE : une disparition pure et simple ; une intégration au régime général ; une transformation de la Caisse en mutuelle ou en assurance.
Il conviendra que ces choix soient portés devant la représentation nationale. L'ancien ministre chargé du Commerce extérieur et des Français de l'étranger, Laurent Saint-Martin, avait évoqué une possible réforme des contrats « ex » dans un futur projet de loi sur les Français à l'étranger. Le contexte politique actuel n'incite cependant pas à l'optimisme.
Ces réflexions ne doivent pas servir de prétexte à l'inaction budgétaire : tant que la CFE existe et assure sa mission de service public, l'État doit contribuer à son équilibre financier à hauteur de ses responsabilités. Une subvention de 360 000 euros face à un déficit de plus de 15 millions d'euros est évidemment dérisoire, et nous demandons au Gouvernement de clarifier rapidement le statut et l'avenir de la CFE, ainsi que d'augmenter substantiellement sa contribution pour 2026. Les 15 000 adhérents de la catégorie des contrats aidés, à savoir nos compatriotes les plus modestes, ne peuvent être les victimes collatérales de l'indécision et de l'insuffisance budgétaire de l'État.
Mme Hélène Conway-Mouret. - Merci pour cet excellent rapport. Les causes de l'hémorragie d'élèves boursiers vous ont-elles été présentées dans le cadre des auditions ? Leur nombre a diminué de 25 % en l'espace de cinq ans.
M. Ronan Le Gleut, rapporteur pour avis. - Comme je l'ai indiqué, nous avons cherché à identifier les raisons de cette baisse : on constate une diminution importante dans certains postes en raison de vérifications plus approfondies de la situation des familles, y compris en procédant à des visites à domicile. Ensuite, certaines familles qui ne bénéficient pas d'une quotité de 100 % ont pu sortir du dispositif au regard du coût croissant, en termes absolus, de la scolarité, particulièrement marqué dans les pays où le montant des bourses est plafonné et ne suit pas l'évolution réelle des droits, comme aux États-Unis.
Par ailleurs, l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE) pointe la lourdeur de la procédure, la nécessité de refaire la demande chaque année et les défaillances du logiciel. Enfin, la concurrence croissante des dispositifs locaux ou d'autres systèmes internationaux peut jouer un rôle.
M. Guillaume Gontard, rapporteur pour avis. - Il manque en effet un bilan détaillé permettant d'expliquer cette baisse.
M. Olivier Cadic. - Une ligne présente il y a deux ans sur le programme 151 concernait le Pass éducation langue française, pour 1 million d'euros. Ce dispositif n'a pas été renouvelé l'an dernier et une évaluation de cette expérimentation avait été évoquée : avez-vous abordé ce sujet au cours de vos auditions ?
M. Ronan Le Gleut, rapporteur pour avis. - Il nous a été indiqué que l'expérimentation ne serait pas poursuivie.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » au sein de la mission « Action extérieure de l'État ».