II. AIDE MÉDICALE D'ÉTAT : LA NÉCESSITÉ D'AGIR FACE À L'INSINCÉRITÉ DE LA PROGRAMMATION BUDGÉTAIRE

A. DES PRÉVISIONS BUDGÉTAIRES INSINCÈRES

1. Une augmentation sensible et continue de la dépense d'AME

Les dépenses d'AME ont progressé de 6 % par an en moyenne depuis 2009, et de 40 % entre 2021 et 2025. Alors que les crédits consacrés à l'AME resteraient plafonnés à 1 208,3 millions d'euros en 2026, les dépenses réelles d'AME ont atteint 1 387 millions d'euros en 20244(*).

L'AME de droit commun représente 90 % des dépenses d'AME. Le PLF pour 2026 réserve 1 137 millions d'euros à son financement5(*).

• Le principal déterminant de l'évolution des dépenses d'AME est la progression constante du nombre de bénéficiaires. Ils étaient 461 833 au 31 mars 2025.

Entre 2021 et 2023, ce nombre a augmenté de manière particulièrement soutenue et inédite (+ 20 %), en lien avec un effet de rattrapage post crise sanitaire. Un ralentissement de cette dynamique est observé depuis (+ 2 % entre 2023 et 2024, et + 0,5 % entre le premier trimestre 2024 et 2025). En 2026, une progression de 4 % est anticipée, proche du rythme pré-covid. La part des consommants se stabilise à 70 % entre 2021 et 20246(*).

Évolution des dépenses réelles d'AME, 2012-2025
(en millions d'euros)

Source : Commission des affaires sociales, d'après le rapport d'information n° 841 du Sénat

• Le second déterminant de l'évolution de la dépense d'AME est le montant des prestations prises en charge par bénéficiaire. La dépense moyenne des bénéficiaires de l'AME, plus faible que celle de l'ensemble des assurés, croît depuis 2022.

Les prestations hospitalières représentent 61 % de cette dépense, pour 15 % des bénéficiaires, et expliquent près des deux tiers de leur croissance entre 2023 et 2024. Cette tendance se poursuivrait en 2026 (+5,2 % pour les prestations hospitalières, +2,6 % pour les soins de ville et -0,4 % pour les produits de santé). Les soins de ville représentent 39 % de la dépense.

2. Une stabilité des crédits prévisionnels qui relève de l'affichage politique

• La programmation budgétaire du PLF pour 2026, décorrélée de la dynamique de coût de l'AME, apparaît insincère au regard des prévisions de dépenses pour 2025. La direction de la sécurité sociale (DSS) estime ainsi que la dépense prévisionnelle s'établira à 1 385 millions d'euros pour l'exercice 2025.

L'AME, en ce qu'elle constitue une dépense de guichet, a un caractère évaluatif ; les prestations sont servies même en cas d'atteinte du plafond de crédits de paiement. La sincérité budgétaire suppose donc un provisionnement suffisant de crédits pour couvrir l'intégralité de la dépense prévisionnelle estimée.

 

Prévision minimale de dette cumulée
de l'État au titre des dépenses d'AME
à fin 2025

• L'écart entre la dépense réelle constatée et la provision de crédits se matérialise par la constitution d'une dette de l'État vis-à-vis de la sécurité sociale. Celle-ci a atteint une ampleur inédite en 2024 avec un montant de 168 millions d'euros, conduisant à une dette cumulée de 185,1 millions d'euros de l'État au 31 décembre 2024.

Cette tendance à l'endettement se poursuit et s'accélère en 2025 : cette année, la dette atteindrait 243,2 millions d'euros si la réserve de précaution est maintenue, 176,7 millions d'euros si elle est rendue disponible. La dette cumulée s'élèverait donc à 361,8 millions d'euros, ou à 428,3 millions d'euros. Cette situation insatisfaisante traduit la nécessité d'assurer une meilleure maîtrise des dépenses d'AME.


* 4 Sénat, rapport d'information n° 841 fait au nom de la commission des finances sur l'aide médicale d'État, M. Vincent Delahaye, juillet 2025, p. 38.

* 5 Les soins urgents, l'AME dite « humanitaire » et l'aide médicale des personnes en garde à vue ne représentent qu'une part marginale des dépenses (71 millions d'euros).

* 6 Nombre de bénéficiaires ayant reçu au moins un remboursement de soin dans l'année.

Partager cette page