EXAMEN EN COMMISSION
MERCREDI 19 NOVEMBRE 2025
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M. Laurent Lafon, président. - Mes chers collègues, nous poursuivons avec le rapport sur les crédits du sport, présenté par Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs au sport. - La politique de l'État en faveur du sport est financée par deux programmes de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » et par l'affectation à l'Agence nationale du sport (ANS) du produit de deux taxes. Toutes composantes confondues, ce budget s'élève à 849 millions d'euros en 2026, soit une baisse de 4,6 %. Cette présentation, parfois retenue par le Gouvernement, est toutefois trompeuse. En effet, d'une part, ce montant total inclut les crédits dédiés à la préparation des jeux Olympiques et Paralympiques d'hiver de 2030, qui prennent la suite de ceux de 2024 et viennent soutenir ce budget. D'autre part, le produit des taxes affectées est comptabilisé à son montant plafond, dont on sait déjà qu'il ne sera pas atteint, ce qui pose question en termes de sincérité budgétaire.
En ce qui concerne les crédits et les taxes affectées, le budget est véritablement en décalage avec les ambitions affichées. Les crédits du programme « Sport » baissent de 6,5 %, et même de 9 % hors dépenses de personnel. La baisse est encore plus forte en termes d'autorisations d'engagement (AE), du fait de l'arrêt du plan d'équipement « Génération 2024 ». Je reviendrai sur les mesures d'économie incluses dans ce budget, notamment la révision à la baisse de plusieurs dispositifs d'incitation à la pratique sportive des jeunes. Je regrette également une diminution de l'effectif des conseillers techniques sportifs de 26 équivalents temps plein, ce qui n'est pas négligeable.
Ce budget comporte peu de nouvelles mesures positives par rapport aux précédents. Il y figure néanmoins une légère augmentation de la dotation versée à l'Agence nationale du sport (ANS) pour le soutien à l'innovation et aux équipements de haut niveau, ainsi qu'une enveloppe pour le paiement des primes aux médaillés français des Jeux d'hiver de 2026 - les Jeux d'hiver de Milan-Cortina qui auront lieu dans quelques semaines.
Les crédits figurant dans la loi de finances initiale pour 2025 ont été affectés par des mesures de régulation. En effet, le décret du 25 avril 2025 a annulé 29 millions d'euros en AE et 24 millions d'euros en crédits de paiement (CP). Cette mesure s'est accompagnée d'un surgel complémentaire. Le projet de loi de finances de fin de gestion confirme l'annulation des crédits gelés, soit 142 millions d'euros en AE et 46 millions d'euros en CP au titre de l'exercice 2025.
S'agissant des deux taxes affectées à l'ANS, le plafond d'affectation que nous avions obtenu pour 2025 est reconduit, y compris les 80 millions d'euros supplémentaires votés au Sénat.
Des marges existent encore, puisque le plafond d'affectation du prélèvement sur les paris sportifs en ligne est fixé à 180 millions d'euros, alors que son rendement est estimé à 208 millions d'euros. Un déplafonnement total rapporterait donc 28 millions d'euros. Ce déplafonnement est d'autant plus nécessaire que le rendement de la « taxe Buffet » est, lui, très incertain du fait de l'évolution des droits audiovisuels sportifs - les droits TV du football - et de la création par LFP Media de sa propre chaîne. Je ne reviens pas sur les jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de 2024. Le programme qui leur était consacré est désormais clôturé. Nous devons néanmoins être attentifs à l'emploi du boni de liquidation du comité d'organisation (Cojop), d'un montant de 76 millions d'euros, qui fera l'objet d'un contrôle de la Cour des comptes l'an prochain. S'agissant des JOP de 2030, le programme monte en puissance pour amorcer le projet. Le budget total du Cojop est de 2,1 milliards d'euros, dont 26 % de recettes publiques provenant de l'État et des régions. Le Comité international olympique (CIO) contribue à hauteur de 30 %. Le reste du budget repose sur des partenariats à conclure et sur la billetterie. Traditionnellement, les Jeux d'hiver sont de moindre ampleur que les Jeux d'été, mais ils comportent une part supérieure de financement public. Le récent rapport de la Cour des comptes sur l'organisation des Jeux de 2024 doit nous inciter à la vigilance s'agissant des coûts pour le moment invisibles de ces Jeux, notamment en termes de sécurité ou de transport. Pour tenir le calendrier, l'adoption définitive du projet de loi olympique est désormais urgente. En effet, le CIO souhaitait un vote avant le 31 décembre ; il semblerait que la loi puisse être examinée à l'Assemblée nationale le 12 janvier prochain. Sur le fond, ce budget délaisse le « sport pour tous » dans un contexte de questionnement sur la gouvernance du budget du sport. Le plan « Génération 2024 » devait financer 5 000 équipements. Les objectifs quantitatifs ont été atteints, mais à un coût bien moindre que celui prévu au départ, de l'ordre de 160 millions d'euros au lieu des 300 millions d'euros promis. L'existence d'infrastructures sportives rénovées est un préalable indispensable au développement des pratiques, 75 % des équipements ayant plus de vingt ans. La demande est en augmentation : les 120 fédérations agréées par le ministère chargé des sports ont délivré 17,2 millions de licences annuelles en 2024, soit une augmentation notable de 3,8 % sur un an. Si la politique de mutualisation des équipements sportifs est utile - il s'agit là de l'application de la loi du 2 mars 2022 -, elle ne sera pas suffisante.
Une politique nationale de maillage du territoire en équipements structurants rénovés est absolument nécessaire. Les piscines constituent en particulier une réelle urgence ; nous le répétons depuis plusieurs années. L'enjeu n'est évidemment pas que sportif, mais aussi social et de santé publique.
Par ailleurs, deux politiques en faveur de la pratique des jeunes sont sacrifiées : d'une part, les deux heures supplémentaires de sport au collège seront désormais concentrées sur les zones REP et REP+ ; d'autre part, le Pass'Sport a été modifié dans deux directions. Son montant est passé de 50 à 70 euros par enfant, ce qui est plutôt une bonne nouvelle, car il était auparavant insuffisamment incitatif, surtout pour les familles nombreuses. Mais il est désormais réservé aux jeunes âgés de 14 à 17 ans, ce qui est en revanche une très mauvaise nouvelle ; plusieurs fédérations ont déjà constaté une diminution de la pratique des 6-13 ans à la suite de cette mesure. La Fédération française d'athlétisme indique par exemple que la diminution du nombre de licenciés est de 8 % sur les catégories des 6-13 ans. L'effet de ce recentrage est particulièrement préjudiciable dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. La tranche d'âge des 6-13 ans est celle au cours de laquelle il faut ancrer la pratique sportive.
La fragilisation financière de l'ANS risque d'impacter en première ligne les projets sportifs fédéraux, au détriment des clubs, qui en subiront donc directement les conséquences. Ce qui est vraiment touché, c'est le sport du quotidien. L'État se désengage ainsi de plusieurs politiques sportives pour un bénéfice budgétaire immédiat, mais au prix d'un coût social et sanitaire mal maîtrisé. La grande cause nationale de l'année 2024 paraît bel et bien oubliée.
Je terminerai en évoquant les questionnements sur la gouvernance des crédits du sport. Vous le savez, de nombreuses collectivités locales sont en difficulté sur le plan financier et 49 % d'entre elles déclarent réduire leurs investissements en matière d'infrastructures sportives. C'est dans ce contexte que les concours de l'État sont réformés, avec notamment la fusion des trois dotations destinées à l'investissement - dont celle qui était réservée aux territoires ruraux - et la création du Fonds d'investissement pour les territoires (FIT). Or, une partie importante de ces dotations contribuait à soutenir le sport, à hauteur de 207 millions d'euros en 2024. La gestion déconcentrée de ces crédits rend toute planification difficile. Outre un possible effet délétère de cette réforme sur les communes rurales du fait de la disparition de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), les investissements sportifs doivent pouvoir rester traçables. Désormais, les équipements sportifs seront complètement noyés dans les financements de droit commun, sans fléchage spécifique.
L'incertitude est encore accrue par les annonces du Premier ministre concernant un futur grand acte de décentralisation qui concernerait notamment le champ du sport.
Enfin, l'avenir de l'ANS est questionné, comme nous l'avons constaté lorsque nous avons auditionné la ministre et les représentants du mouvement olympique et paralympique. Une mission d'évaluation doit rendre prochainement ses conclusions. La réussite de l'Agence n'est pas contestée s'agissant du sport de haut niveau, puisque la France a terminé cinquième en ce qui concerne le nombre de médailles aux JOP 2024. Toutefois, la complexité du déploiement territorial des procédures et l'insuffisance des moyens remettent en cause la capacité de l'ANS à mener une politique ambitieuse de développement de la pratique sportive. L'ANS a été créée pour fédérer des financements de divers horizons ; la mission d'évaluation devra déterminer s'il existe des marges de manoeuvre dans ce domaine ou si, à défaut, la gestion des crédits doit être recentrée au niveau de l'État.
Ces nombreux reculs et ces incertitudes persistantes me conduisent à vous proposer un avis défavorable au budget des sports, comme l'an dernier.
M. Laurent Lafon, président. - J'ouvre le débat. La parole est à Claude Kern.
M. Claude Kern. - Je remercie Jean-Jacques Lozach pour son analyse du budget du sport. Comme il l'a annoncé, ce budget est en très forte diminution. Clairement, le compte n'y est pas.
Concernant l'ANS, cinq ans après sa création, son fonctionnement mérite d'être questionné. L'ANS manque de lisibilité, ses conférences régionales sont quasi invisibles et un rapport sénatorial propose même sa suppression. Nous devons donc envisager de refonder l'ANS, de simplifier l'action publique et de soutenir réellement les collectivités qui financent déjà l'essentiel du sport dans ce pays. Les responsabilités de l'ANS dans la répartition des financements publics restent à préciser.
S'agissant du financement des équipements sportifs, pendant que l'État se désengage, les budgets locaux s'effritent, les collectivités sont essorées et les besoins explosent. Certes, le plan « 5 000 équipements » est annoncé comme étant un succès, mais sans garantie durable pour moderniser et rénover les infrastructures, nous laisserons tomber des millions de pratiquants. Apporter les garanties nécessaires aux collectivités territoriales en termes de soutien à cette rénovation et à la modernisation des équipements sportifs, ainsi qu'à la mise en oeuvre d'un engagement sportif dynamique, sont autant d'enjeux essentiels à la pratique du « sport pour tous ».
Que dire des décisions récentes ? Une diminution de 60 % pour le « sport pour tous », une réduction des deux heures supplémentaires de sport au collège, l'exclusion des 6-13 ans du Pass'Sport... Comment prétendre démocratiser le sport après les Jeux de Paris, tout en réduisant ainsi les moyens qui permettent d'en ouvrir l'accès ? Loin d'être des ajustements, ces mesures sont des reculs préoccupants - des reculs sociaux, sanitaires et éducatifs. C'est un véritable coup dur pour l'avenir du sport et pour la cohésion sociale dans notre pays. Nous faisons des économies de façade, qui ont un impact délétère massif. Il est donc temps de remettre de la cohésion et de la justice dans notre politique sportive. La stratégie nationale sport-santé a pourtant été lancée, mais que de paradoxes pour la rendre effective !
Une évidence s'impose : les paris sportifs, qui génèrent des profits colossaux, doivent contribuer davantage. C'est aujourd'hui une urgence pour l'avenir du sport et de notre cohésion sociale. La lutte contre le piratage doit permettre aussi d'augmenter les crédits du sport sans affaiblir d'autres secteurs.
Il est nécessaire de procéder à une réorientation de la « taxe Buffet » et de la taxe sur les paris sportifs. Faute d'un tel signal, le groupe Union centriste rendra un avis défavorable, comme le rapporteur.
M. David Ros. - Je remercie le rapporteur parce qu'il a disséqué ce budget de manière très précise. C'est important, car la réalité est assez éloignée de ce qui est affiché par le gouvernement.
Je ne reviendrai pas sur tout ce qui a été dit, y compris par notre collègue Claude Kern, dont je partage les analyses. Je voudrais néanmoins insister sur l'action 1, dont le titre est « la promotion du sport pour le plus grand nombre », ce qui est extrêmement ambitieux. Comme l'a très bien dit le rapporteur, c'est là que l'on constate les baisses les plus significatives en pourcentage, à la fois pour l'ANS, qui a un certain nombre de conventions à gérer avec les fédérations, pour l'enveloppe du Pass'Sport et, globalement, pour tout ce qui peut aider à la pratique du plus grand nombre - je n'évoque même pas le sport universitaire.
Or, nous avons auditionné à la fois la ministre et les présidentes des comités nationaux olympiques et sportifs, dont l'ancienne ministre Amélie Oudéa-Castera, qui sait a priori de quoi elle parle. Elle a mis en avant une volonté d'avoir un grand programme de développement des pratiques sportives au niveau des collectivités locales et notamment des communes. Le salon des maires a lieu cette semaine. Quand on voit les situations financières des communes - cela a été dit, notamment vis-à-vis des équipements, et je ne parle pas que des piscines - ou les difficultés du monde associatif, et que l'on regarde ce budget, on se demande si n'est pas un voeu pieux.
La question que l'on peut se poser est la suivante : les acteurs sportifs sont très motivés, très dynamiques. Je me demande s'ils ne pâtissent pas quelque peu de ce dynamisme dans la mesure où ce budget est relativement faible au regard des budgets de la Nation : c'est à chaque fois aux politiques sportives que l'on demande les efforts les plus conséquents. Si l'on veut éviter que la promotion du sport pour tous ne soit la promotion du sport devant la télévision, il faut, évidemment, réagir très fortement.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain suivra donc l'avis défavorable du rapporteur.
M. Jérémy Bacchi. - Merci, monsieur le rapporteur.
Depuis la fin des JOP 2024, le budget du sport ne cesse d'être rogné. Le programme 219 accuse une baisse de 18 % en AE et de 6,5 % en CP. Le Gouvernement continue de vanter l'héritage des JOP, mais, dans nos territoires, les piscines ferment, les gymnases se dégradent et les clubs amateurs manquent de tout. Les communes, principales financeuses - cela a été dit - des équipements sportifs, subissent quant à elles l'austérité et les coupes budgétaires.
L'Association nationale des élus en charge du sport (Andes) a eu les mots justes : c'est un « très mauvais signal ». Le gel des crédits dédiés aux équipements sportifs ne fait qu'aggraver la situation. Pourtant, le développement du sport en France mérite mieux que ces économies de bout de chandelle. Ce n'est pas une dépense, c'est un investissement rentable et essentiel. Une étude du cabinet Pluricité et du Centre de droit et d'économie du sport, mise en avant par l'Observatoire national de l'activité physique et de la sédentarité, démontre que chaque euro investi dans le sport génère au moins 1,73 euro d'économie publique, en santé notamment, en prévention et en cohésion sociale.
Comment comprendre qu'après l'élan des JOP, on détricote la seule politique publique qui avait permis à des milliers d'enfants de découvrir le sport ? Comment justifier qu'en 2026, dans la France de l'héritage olympique, les 6-13 ans soient exclus du Pass'Sport ?
Pour l'ensemble de ces raisons, nous suivrons l'avis du rapporteur et nous voterons contre ces crédits.
M. Stéphane Piednoir. - J'interviens au nom de notre collègue Michel Savin et je tiens à féliciter le rapporteur dont nous partageons les inquiétudes récurrentes.
Il y a eu l'affichage, puis il y a eu les gels et surgels de 2025, qui ont amoindri le budget du sport. Nous sommes en fait très loin de l'ambition affichée d'une nation sportive consacrant au minimum 1 % de son PIB au développement du sport.
Le pays sait se mobiliser pour les grandes manifestations sportives qui se déroulent sur son sol. Je songe, pour les plus anciens, à la Coupe du monde de 1998 ou, plus récemment, aux JOP 2024, où les résultats sportifs sont au rendez-vous lorsque nous savons nous mobiliser sur notre terrain. En réalité, nous ne devenons pas une nation sportive, en ce sens qu'il n'y a pas de culture sportive dès le plus jeune âge. Or, cette culture sportive commence évidemment par le commencement, c'est-à-dire lorsque les enfants sont amenés à utiliser les équipements sportifs locaux.
Cela rejoint ce qui a été dit précédemment par mes excellents collègues, notamment David Ros, qui a d'ailleurs présenté à l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) un rapport sur les sciences et le sport, que je vous invite à lire de très près. Pour en revenir à ces équipements vieillissants, nous avons des plans d'équipement et une absence de crédits pour le renouvellement des infrastructures qui sont inquiétants, alors que nos équipements ont, pour les trois quarts d'entre eux, plus de vingt ans. Nous songeons évidemment aux piscines, mais il faut aussi penser aux gymnases, qui sont dans un état de vétusté parfois vraiment avancé.
Par conséquent, sans être trop long, au nom de mon groupe, nous suivrons l'avis défavorable du rapporteur concernant l'adoption des crédits du programme consacré au sport.
Mme Mathilde Ollivier. - Je commencerai par un point global sur la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». Notre collègue Éric Jeansannetas, rapporteur spécial de la commission des finances, indique qu'en pourcentage, cette mission est celle qui contribue le plus au redressement des comptes publics. C'est symptomatique de l'importance portée à ces différents programmes par le Gouvernement. Nous devons défendre ces politiques, qui sont très présentes dans la vie des citoyennes et des citoyens. Les Français s'engagent avant tout sur ces sujets. C'est donc un symbole bien triste pour toutes les personnes engagées dans le sport et dans la vie associative que de voir le manque de soutien du Gouvernement sur ces thématiques.
Plus spécifiquement, sur les programmes relatifs au sport, la baisse est très importante. Nous partageons tous ce constat. C'est avant tout l'action 1, celle du sport pour toutes et tous, qui subit cette baisse : moins 50 % sur l'action 1 relative à la promotion du sport pour le plus grand nombre. On pourrait s'arrêter là, car c'est déjà symptomatique de ce qui est visé : la pratique du sport du quotidien, du sport populaire. Finalement, c'est la nation sportive que nous appelons de nos voeux qui est aujourd'hui sacrifiée, tandis que les budgets pour le sport de haut niveau, pour l'organisation des JOP 2030 sont, eux, préservés.
Plus en détail, sur le Pass'Sport, le rapporteur l'a dit, les fédérations et les clubs alertent sur les risques importants induits par sa suppression pour les 6-13 ans. C'est l'âge critique pour ancrer la pratique du sport dans nos jeunes générations, qui en ont absolument besoin, notamment d'un point de vue sanitaire, comme il vient de le mentionner avant moi. Ce n'est pas seulement une question sportive, c'est aussi une question sanitaire, alors que la pratique sportive et la santé des jeunes sont aujourd'hui préoccupantes. La sédentarité des plus jeunes est alarmante, et c'est par ce type de mesures que l'on peut vraiment lutter contre ce phénomène.
Sur l'extinction du plan « Génération 2024 », Monsieur le rapporteur, la ministre a indiqué avoir atteint l'objectif de 5 000 équipements.
Toutefois, je note que 157 millions d'euros sur les 300 millions d'euros qui avaient été budgétisés ont été effectivement dépensés. Pouvez-vous revenir sur ce point ? Si tel est le cas, cela signifie que seuls 50 % de l'objectif du plan « Génération 2024 » ont été atteints et que nous avons finalement assisté à une réduction importante des objectifs de ce plan. Nous partageons tous les autres constats qui ont été faits par le rapporteur, sur les recettes et sur les autres aspects de la mission. Nous suivons donc l'avis défavorable du rapporteur.
M. Bernard Fialaire. - Je voudrais également remercier Jean-Jacques Lozach pour cette démonstration. Je dois dire que je comprends mal ce grand domaine où l'on mélange l'activité physique et le sport. On nous parle du sport à l'école, qui relève de l'éducation nationale, et de l'activité physique, qui relève de la santé publique. Quant au sport professionnel, il relève plutôt de l'économie comme le montre sa financiarisation croissante. Nous avons besoin de clarté.
Il en va de même pour les équipements sportifs. Nous avons énormément d'équipements sportifs scolaires qui ne sont pas utilisés, alors que nous manquons d'installations par ailleurs. Des réorganisations sont nécessaires.
Le sport est un bon vecteur de sensibilisation à l'activité physique. Je reviens sur l'interpellation que j'avais adressée à Amélie Oudéa-Castéra sur le sport universitaire, qui concerne une tranche d'âge très sensible aux troubles psychiques, aux fragilités et au mal-être. Le sport - je dis bien le sport -, de façon encadrée, avec des relations sociales, permettrait peut-être d'apporter une réponse.
Pour toutes ces raisons, le groupe RDSE votera comme à son habitude. Pour ma part, je m'abstiens pour manifester mon incompréhension totale à ce sujet.
M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis. - Je vais essayer d'apporter quelques lumières et de répondre globalement aux interpellations et aux observations de mes collègues.
S'agissant de l'ANS, il est vrai que l'ambition de départ était tout à fait légitime : mettre autour de la table tous les acteurs directement concernés, que ce soit l'État, les collectivités locales, le mouvement sportif et le monde économique, c'est-à-dire les entreprises privées. Ce que nous craignions au départ s'est effectivement confirmé. Cette crainte avait d'ailleurs justifié l'avis défavorable du Conseil d'État - je vous le rappelle - à la création de l'agence sous la forme d'un GIP. Le monde économique, le monde des entreprises, a brillé par son absence, notamment en ce qui concerne la déclinaison territoriale de l'ANS, ce qui fait d'ailleurs qu'aujourd'hui des conférences régionales du sport et des conférences des financeurs distinctes ne sont même plus obligatoires sur les territoires. Il s'agit donc d'un échec, en ce qui concerne la contribution du secteur privé au financement du sport, car c'est bien ce qui avait été recherché.
Quant aux secteurs qui sont délaissés, les chiffres parlent d'eux-mêmes : la ligne budgétaire « promotion du sport pour le plus grand nombre » subit une baisse de 25 %. Le fossé se creuse donc en quelque sorte entre la préoccupation du développement des pratiques et, d'autre part, celle du développement de la haute performance dans notre pays.
Le plus déstabilisant, c'est d'abord l'instabilité ministérielle. Avec quatre ministres des sports en deux ans, il est difficile de fixer un cap pour une politique sportive ambitieuse. C'est surtout, depuis toutes ces dernières années, le lancement à grand renfort de communication de tout un ensemble de programmes nationaux qui, au bout de trois, quatre ou cinq ans, disparaissent ou sont dénaturés, vidés de leur contenu. Le Pass'sport en est un exemple caricatural, avec une économie de 40 millions d'euros. Le même phénomène est observé pour les trente minutes d'activité physique quotidienne dans le primaire, les deux heures de sport supplémentaires dans les collèges, etc.
Je n'ai pas encore évoqué les maisons sport-santé. L'intention était louable mais beaucoup de maisons sport-santé n'ont pas trouvé leur modèle économique et sont portées à bout de bras - jusqu'à quand ? - soit par les agences régionales de santé, soit par des collectivités, soit par les maisons de santé pluriprofessionnelles que nous avons sur les territoires. Elles sont considérablement fragilisées.
En ce qui concerne la lutte antidopage, symbole de notre vision éthique de la pratique sportive, nous atteignons vraiment un plancher. On nous a dit et répété depuis plusieurs années que si nous descendions sous les 10 000 contrôles par an, la politique française, souvent citée comme modèle sur le plan européen, perdrait fortement son crédit. Or, nous risquons d'arriver à ce seuil des 10 000 prélèvements par an. Il serait donc dramatique de descendre au-dessous et, bien évidemment, nous suivrons cela avec vigilance l'an prochain.
En termes d'équipements, les chiffres que vous avez donnés sont exacts : environ 160 millions d'euros dépensés au lieu de 300 millions d'euros. Là aussi, la réalité montre qu'il y avait des besoins énormes à satisfaire, puisque, s'agissant du montage des dossiers, alors que tout cela devait être étalé sur trois ans, cela l'a été sur deux ans. C'est donc bien qu'il y avait des attentes diversifiées. Bien souvent, les plans « 5 000 équipements sportifs » et « Génération 2024 » ont permis la construction de City stades. Mais pas seulement. Il y a notamment une discipline qui a vraiment bénéficié de ces programmes : le judo, qui s'est emparé des instruments mis à sa disposition, pour créer des dojos au pied des immeubles, c'est-à-dire aller vers les jeunes, notamment dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Malheureusement, toutefois, le coup d'arrêt est brutal.
Les équipements constituent l'angle mort de ce budget. Une enveloppe de 10 millions d'euros seulement est budgétée pour le haut niveau et l'innovation. Or, aujourd'hui, avec 10 millions d'euros, on ne finance même pas un centre aquatique digne de ce nom. La zone d'ombre de ce budget du sport pour l'année 2026 est donc véritablement la problématique des équipements sportifs.
M. Laurent Lafon, président. - Nous allons mettre aux voix l'avis du rapporteur, que je remercie.
La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits relatifs au Sport de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » du projet de loi de finances pour 2026.