EXAMEN EN COMMISSION

-Réunie le mardi 12 novembre 1996 sous la présidence de M. Jean François-Poncet, président, la commission procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Aubert Garcia sur le budget des industries agro-alimentaires pour 1997.

Après avoir rappelé l'importance du secteur des industries agro-alimentaires pour l'industrie française, le rapporteur pour avis a constaté que le projet de budget prolongeait la tendance au désengagement financier de l'Etat dans ce secteur amorcée depuis une dizaine d'années, mais accentuée cette année. Il a indiqué que les crédits d'investissement spécifiquement consacrés aux industries agro-alimentaires -les crédits de politique industrielle- poursuivaient leur baisse. Il a souligné que les crédits de paiement passaient de 192,8 à 150 millions de francs, les autorisations de programme, avec 135 millions de francs, baissant de 34,9 %.

En outre, M. Aubert Garcia, rapporteur pour avis, a souligné que si la dotation de la part régionale de la prime d'orientation agricole et celle des fonds régionaux d'aide aux investissements immatériels -fonds régional d'aide à l'industrie (FRAI)- diminuaient d'environ 34 %, la part nationale de la prime d'orientation agricole (POA) passait de 76,7 à 24 millions de francs en autorisations de programme. Il a considéré que les industries agro-alimentaires apparaissaient de nouveau comme le parent pauvre de l'effort budgétaire pour l'agriculture.

Il a reconnu cependant que la dotation de l'Etat avait été maintenue au niveau indispensable pour bénéficier des aides du FEOGA-orientation, lesquelles étaient conditionnées par l'attribution d'une aide nationale préalable de l'Etat ou d'une collectivité locale.

M. Aubert Garcia, rapporteur pour avis, a insisté sur le fait qu'il ne restait quasiment pas de marge de manoeuvre pour financer les projets qui ne s'intégraient ni dans le cadre des contrats de plan, ni dans celui des plans sectoriels communautaires.

Tout en se refusant à réclamer des subventions sans limite, M. Aubert Garcia, rapporteur pour avis, a estimé qu'il était parfaitement légitime de revendiquer pour l'industrie agro-alimentaire une politique d'environnement favorable, qui nécessitait moins, sans doute, de nouveaux crédits, qu'une réorientation de ceux qui existaient et, peut-être, une meilleure prise en compte par le ministère de l'agriculture de la dimension industrielle du secteur.

Abordant la situation de celui-ci au cours de l'année écoulée, il a indiqué que les résultats pour 1995 attestaient d'un bilan très positif, la reprise de l'activité dans le secteur agro-alimentaire s'étant confirmée, avec une augmentation de la production de 1,8 % en volume en 1995.

Il a précisé que l'accélération de la croissance des industries agricoles et alimentaires (IAA) en 1995 était surtout liée à la reprise de la demande intérieure, la consommation des ménages en produits IAA ayant augmenté de 1,4% en volume, soit une croissance en rupture avec la stagnation des années 1992 à 1994.

M. Aubert Garcia, rapporteur pour avis, s'est ensuite inquiété de la situation de l'emploi qui continuait à se détériorer (-7% depuis 1990), notamment dans les PME -même si cela s'était effectué sur un rythme nettement moins accentué que dans le reste de l'industrie-.

M. Aubert Garcia, rapport pour avis, s'est félicité du net redressement de l'excédent agro-alimentaire en 1995, qui avait atteint 51,1 milliards de francs.

Il a souligné que les pays européens étaient toujours ceux avec lesquels la France commerçait en priorité. Cependant, si le poids des pays européens n'était pas contestable, il a souligné qu'il devait être relativisé cette année avec une nette amélioration de notre excédent avec les pays tiers.

Il a annoncé que cette reprise de l'excédent annuel semblait se confirmer pour le premier semestre 1996.

M. Aubert Garcia, rapporteur pour avis, a ajouté que l'année 1996 paraissait être une année charnière pour ce secteur dont l'avenir serait largement conditionné par la réponse apportée à quatre grands enjeux.

Le plus important défi à relever était celui du développement de la politique de la qualité, la crise de l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) s'étant propagée comme une véritable onde de choc de la sécurité, a indiqué le rapporteur pour avis.

Il a reconnu qu'il était difficile de mesurer l'impact de l'épizootie de la « vache folle » sur les habitudes alimentaires des européens, le goût pour la viande rouge ayant déjà eu tendance à diminuer pour des raisons culturelles depuis de nombreuses années.

Il s'est inquiété des répercussions de l'effet de la crise de l'ESB sur l'ensemble de la filière agro-alimentaire, tout ce secteur devant renforcer ses pratiques de qualité et de sécurité afin de rassurer le consommateur.

M. Aubert Garcia, rapporteur pour avis, a souligné cependant que la France était l'un des pays d'Europe où les contrôles publics étaient les plus stricts, tout en reconnaissant qu'une étude montrait que l'identification des signes de qualité par le consommateur n'était pas toujours évidente.

Il a précisé, en outre, que la lisibilité de ces signes était, en effet, souvent perturbée, non par leur multiplicité, mais par les démarches parallèles, telles que les médailles, les marques collectives régionales et les multiples allégations qui brouillaient leur perception par le consommateur.

Il a insisté pour que des arbitrages délicats fussent rendus, au sein même de la profession, entre les tenants d'une logique purement économique et ceux d'une politique de qualité étroitement liée à des préoccupations d'aménagement rural.

Il a indiqué que la reconnaissance par l'Union européenne d'une première liste d'indications géographiquement protégées (IGP) et d'appellation d'origine protégée (AOP) devrait permettre de renforcer la coopération entre les producteurs de ces appellations et les industries locales.

M. Aubert Garcia, rapporteur pour avis a, ensuite, abordé les premières conséquences sur les relations avec la grande distribution de la réforme de l'ordonnance de 1986, opérée par la loi du 1er juillet 1996, dont l'objet était de rééquilibrer les relations entre production et distribution, dominées par la puissance d'achat de cette dernière. Il a cependant estimé que cette réforme n'avait pas pour autant instauré des relations parfaitement équilibrées entre les différents partenaires.

Il a ensuite indiqué que le troisième défi était celui de l'adaptation aux contraintes du General agreement on tariffs and trade (GATT) et aux nouvelles évolutions internationales.

Il a insisté sur le fait que pour tirer tous les bénéfices du développement du marché mondial, l'Europe devait se doter d'urgence d'une « stratégie d'exportation volontariste » pour son industrie alimentaire, à l'instar des États-Unis avec le nouveau Farm bill.

Il a rappelé que Bruxelles avait, souvent, « pris prétexte » de l'accord agricole de l'Uruguay round pour mettre en place « une gestion très comptable et budgétaire » des restitutions et de la politique d'exportation.

Il a souligné que, malgré ce handicap, sur une production de l'industrie alimentaire mondiale estimée à 1.900 milliards de dollars, l'Union européenne en représentait 34 %, les Etats-Unis 23 % et le Japon 17 %.

M. Aubert Garcia, rapporteur pour avis, a indiqué que le développement de ces échanges soulevait de sérieuses difficultés tant sur le plan pratique que « politique ».

Il a ainsi évoqué :

- la mise en place d'un double prix du lait qui pourrait s'avérer très lourd à gérer ;

- la « bataille » des produits génétiquement modifiés qui était amenée à se développer dans les mois à venir. Il a précisé que si la France se plaçait en première position en Europe pour le nombre d'essais de dissémination de plantes transgénétiques, l'Europe restait loin derrière les Etats-Unis : or, a souligné le rapporteur, le chiffre d'affaires mondial dégagé au seul stade de la production par les variétés transgénétiques devrait atteindre 30 milliards de francs en 1996 ;

- le contentieux portant sur l'interdiction communautaire d'utiliser des hormones dans l'élevage perdurait malgré la suppression au mois de juillet dernier des mesures de rétorsions américaines qui frappaient les produits agricoles européens importés aux Etats-Unis.

Abordant le quatrième et dernier enjeu pour le secteur des industries agro-alimentaires, il a estimé que les IAA se devaient d'intégrer au mieux les préoccupations environnementales dans leur stratégie d'entreprise.

M. Aubert Garcia, rapporteur pour avis, a estimé impératif, dans un premier temps, d'évaluer les enjeux et les évolutions de la politique de protection de l'environnement au niveau national et européen, notamment pour les petites et moyennes entreprises du secteur des IAA, de mesurer les enjeux commerciaux de la prise en compte de cet environnement et de préciser les outils permettant d'appréhender la protection de l'environnement comme une opportunité et non une contrainte, celui-ci étant partie intégrante du Traité de Maastricht et devant devenir, à terme, une des préoccupations de l'organisation mondiale du commerce.

Il a conclu en précisant qu'il suivrait avec intérêt la réorganisation interne du ministère de l'agriculture, en souhaitant qu'elle évite d'isoler le suivi des industries agro-alimentaires au sein des nouvelles structures.

M. Gérard César, après avoir rappelé les contraintes pesant sur le budget de l'État pour 1997, a souhaité que l'affectation de la prime d'orientation agricole (POA) profite en priorité aux PMI-PME. Il s'est, par ailleurs, enquis de l'efficacité des postes d'expansion économique dans le domaine des industries agro-alimentaires.

M. Jacques de Menou, après avoir fait remarquer que les crédits de la part régionale de la POA subissaient une baisse moindre que ceux de la part nationale, a indiqué que l'important développement des produits agro-alimentaires transformés attestait de la bonne santé de cette industrie. Il a, en outre, regretté que la répartition des crédits du FEOGA ne correspondît pas totalement à la réalité des besoins des PME-PMI de l'agro-alimentaire. Il a, ensuite, estimé qu'il n'existait aucune incompatibilité entre l'exigence de qualité et le nécessaire développement économique. Il a, enfin, considéré que le coût des opérations d'équarrissage devait se répercuter sous la forme d'une taxe à la consommation plutôt que sous celle d'une taxe à l'abattage qui risquait de pénaliser ainsi les exportations françaises.

M. Marcel Deneux, après avoir rappelé la place occupée par la filière agro-alimentaire française au niveau mondial, a précisé que les 4/5 ème du solde de la balance commerciale française en matière agro-alimentaire provenaient des produits transformés et non des produits agricoles bruts, prouvant ainsi la technicité de cette industrie. Il a, ensuite, souligné la complémentarité entre les grands groupes industriels agro-alimentaires et l'ensemble des PME-PMI françaises. Après s'être félicité du rôle joué par la SOPEXA à l'étranger, il a rappelé que l'obtention des crédits FEOGA en matière industrielle dans l'agro-alimentation nécessitait au préalable l'octroi d'une aide nationale.

En réponse à une interrogation de M. Jean François-Poncet, président, M. Aubert Garcia, rapporteur pour avis, a indiqué que l'analyse détaillée de ce secteur figurait dans son rapport écrit. Il a estimé que l'efficacité des postes d'expansion était très variable. Il s'est ensuite associé à l'inquiétude exprimée par M. Jacques de Menou sur la répartition des crédits FEOGA.

M. Gérard César a estimé qu'il faudrait à l'avenir distinguer le taux de POA en faveur des PME du taux de POA des grands groupes industriels. Il a ensuite souligné l'insuffisance de la recherche menée par l'INRA en matière agro-alimentaire.

M. Marcel Deneux a, à son tour, souligné l'insuffisance des crédits de recherche développement dans le secteur de l'agro-alimentaire.

M. Michel Souplet a reconnu que la présentation des crédits du budget des industries agro-alimentaires était un exercice difficile. Après avoir abordé les problèmes suscités par la crise de l'ESB, il a estimé encourageant le développement des exportations vers les Pays associés d'Europe centrale et orientale.

M. Michel Flandre a estimé qu'il était nécessaire d'assurer un équilibre entre les besoins des industries agro-alimentaires en matière de POA et le rôle important que cette prime pouvait jouer sur l'aménagement du territoire.

M. Jean François-Poncet, président, a rappelé que cette année il convenait d'apprécier les différents crédits budgétaires au regard de la nécessité de maîtriser les dépenses publiques. Après avoir constaté que le secteur des industries agro-alimentaires connaissait un chiffres d'affaires en hausse, une augmentation de la production, une diversification des exportations et une orientation favorable en direction des produits transformés, révélatrice d'une industrie de pointe, il a estimé que ce secteur ne justifiait pas un soutien budgétaire particulier. Il a reconnu, cependant, que la diminution de la part nationale de la POA ne devait en aucune façon empêcher le déclenchement des crédits européens.

M. Marcel Deneux, après avoir rappelé la diminution de 7 % des emplois dans ce secteur entre 1990 et 1996, a indiqué que la plupart des PME-PMI agro-alimentaires étaient situées en milieu urbain. Il a estimé nécessaire d'augmenter la part régionale de la POA.

M. Jean François-Poncet, président, après avoir souligné l'importance de ce tissu rural de PME-PMI agro-alimentaires en matière d'aménagement du territoire, a proposé de demander au ministre une augmentation des crédits afférents à la part régionale de la POA.

Suivant ainsi les conclusions de son rapporteur, la commission s'en est remise à la sagesse du Sénat pour l'adoption des crédits inscrits au budget du ministère de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation pour 1997 au titre des industries agro-alimentaires.

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