EXPOSÉ GÉNÉRAL
L'économie numérique désigne l'économie liée aux biens et services relatifs aux technologies de l'information et de la communication, c'est-à-dire les services et les équipements informatiques réunissant l'Internet, les réseaux de communication et l'audiovisuel numérique. Le développement de ce secteur d'activité repose sur la confiance, c'est-à-dire la foi en son potentiel, mais aussi la sécurité de son développement.
I. LES DEUX PILIERS D'UNE CROISSANCE SAINE DE L'ÉCONOMIE NUMÉRIQUE : LIBERTÉ ET RESPONSABILITÉ
A. L'ESSOR DE L'ÉCONOMIE NUMÉRIQUE EST ASSOCIÉ À LA VALORISATION DE LA LIBERTÉ INDIVIDUELLE
1. La liberté, héritage technologique et culturel de l'Internet
Si
l'origine de l'Internet, coeur de l'économie numérique, est
militaire, le développement de la société de l'information
n'en est pas moins marqué par l'héritage d'une pratique à
forte connotation libertaire. En effet, les technologies de l'information
valorisent l'individu comme agent autonome, affranchi des frontières et,
dans une certaine mesure, du cadre juridique et social traditionnel.
Le courriel symbolise ces valeurs, en particulier par l'abolition des
distances. En effet, la transmission des informations devenant immédiate
et d'un coût constant quelle que soit la distance, l'éloignement
géographique n'est plus une donnée fondamentale de la
communication.
Une évolution aussi radicale influe nécessairement sur le contenu
même des informations échangées, de nouveaux modes de
communication se mettant en place. Une des conséquences logiques du
développement de ces nouveaux modes de communication est la très
forte croissance de la quantité d'information échangée. On
distingue là une des caractéristiques du monde des technologies
de l'information et de la communication : la masse d'informations rend
très difficile son contrôle, ce qui contribue à
pérenniser le caractère d'espace de liberté du monde
numérique, et à en asseoir l'intérêt.
Remettre en cause ce lien qui unit le sentiment individuel de liberté et
les technologies de l'information reviendrait vraisemblablement à
fragiliser, voire condamner le développement économique de ces
dernières. Vos rapporteurs estiment que cet élément doit
être conservé à l'esprit au moment de réglementer ce
domaine.
2. La nécessité de combattre des dérives nuisibles à l'intérêt général
a) Quelle liberté pour ceux qui transgressent les lois de la République ?
La
question de la régulation du monde numérique renvoie aux choix
fondamentaux de notre organisation sociale, puisqu'il convient de
déterminer le point au-delà duquel la liberté de
l'individu peut être une menace pour celle d'autrui. A ce titre,
l'exemple récurrent est celui des données à
caractère pédopornographique, ou des données incitant
à la haine raciale. Si notre société se doit de combattre
ces manifestations odieuses, il importe qu'elle le fasse d'une façon qui
soit à la fois efficace et proportionnée.
La question de l'efficacité est extrêmement importante, dans la
mesure où le cadre normatif s'affaiblirait inévitablement s'il ne
consistait qu'en mesures d'affichage, sans portée aucune. De ce point de
vue, vos rapporteurs se félicitent de la mesure et du pragmatisme du
projet de loi du Gouvernement, tel qu'il a été adopté par
l'Assemblée nationale. Ils estiment que le législateur doit en
permanence examiner la validité du dispositif à l'aune de son
efficacité, en l'état actuel des techniques. Il en va ainsi du
filtrage de l'accès aux données sur l'Internet, concept
intellectuellement très séduisant, mais techniquement
extrêmement ardu à mettre en oeuvre de manière
satisfaisante. De ce point de vue, votre commission considère que le
texte actuel est un premier pas, certes indispensable et urgent, qui a la
sagesse de réduire le recours au filtrage à une solution par
défaut ; il devra nécessairement être
complété par des études plus approfondies sur la
fiabilité de ces techniques.
Le pragmatisme ne saurait cependant conduire à la soumission du
politique à la technique. Le législateur est dans son rôle
en tâchant de définir un cadre général, qui ne
saurait être la simple somme de préoccupations techniques.
b) La possibilité d'une utilisation dévoyée des potentialités offertes
Le
moindre degré de contrôle des Etats sur la société
de l'information favorise l'essor d'utilisations dévoyées des
technologies de l'information. Outre leur utilisation à des fins
délictueuses ou criminelles préexistantes, telle la
pédopornographie, ces moyens de communication peuvent devenir les
instruments de nuisances sociales d'un genre nouveau, qui affectent de
très larges franges de la population.
Il en va ainsi de la diffusion des virus informatiques, sources de pertes
économiques considérables, ou du piratage des réseaux,
quelles que soient ses motivations. Ces éléments sont de nature
à saper la confiance des acteurs économiques dans
l'économie numérique.
A ce titre, il importe de porter une attention particulière au
phénomène du
spamming
. Celui-ci consiste en l'envoi massif
de courriers électroniques non sollicités, qui engorgent les
messageries et nuisent à leur bonne utilisation
8(
*
)
. Le phénomène a
désormais atteint une telle ampleur aux Etats-Unis que certains
considèrent qu'il pourrait remettre en cause le développement
jusqu'ici continu du courrier électronique. Votre commission juge cet
exemple particulièrement intéressant, dans la mesure où il
montre un dévoiement incontestable de la technologie, contre lequel
celle-ci est pour l'heure relativement désarmée sur le plan
technique. Dès lors, l'encadrement des activités de la
société de l'information doit nécessairement faire
largement appel à la concertation internationale, mais aussi à la
responsabilité des différents acteurs et, à défaut
et dans la mesure de l'état de l'art, engager leur responsabilité.