2. Les PME, priorités d'une nouvelle politique structurelle du Gouvernement en faveur de la croissance
L'objectif annoncé par le Président de la République en 2002 de créer un million d'entreprises en cinq ans traduisait l'intérêt renouvelé des pouvoirs publics pour les PME. Reconnues comme les catalyseurs de la croissance économique, les PME sont devenues, surtout depuis la fin des « Trente Glorieuses », un objectif à part entière des politiques publiques destinées à lutter contre le chômage de masse. Cette reconnaissance va ainsi de pair avec l'élaboration progressive d'une politique structurelle destinée à façonner sur le long terme le tissu économique des PME afin de leur permettre d'aborder, dans les meilleures conditions possibles, le contexte économique marqué par les incertitudes de la mondialisation et les périls des délocalisations.
Cependant, la prise de conscience par les pouvoirs publics des atouts que recelaient les petites et moyennes entreprises s'est opérée progressivement. Que les PME soient devenues les objectifs spécifiques des différentes politiques structurelles élaborées depuis la dernière décennie, et plus particulièrement par le gouvernement depuis 2002, reflète une rupture avec les choix stratégiques opérés par la politique industrielle conduite dans les débuts de la V ème République.
a) La prise de conscience progressive par les pouvoirs publics de l'importance des PME
Les PME ont longtemps été considérées comme un syndrome de l'obsolescence de l'appareil productif national. Ainsi, dans L'étrange défaite , Marc Bloch présentait la permanence des petites entreprises en France comme une marque de faiblesse face aux « concentrations techniques » constatées outre-Rhin, et l'un des facteurs contribuant à la défaite de 1940.
Il n'est dès lors pas étonnant qu'à la reconstruction de l'après-guerre, les PME aient été, dans leur grande majorité, reléguées au second rang des politiques publiques soucieuses de faire émerger des « champions nationaux ». La définition donnée par les pouvoirs publics de la modernisation de l'économie française s'est limitée à la concentration des entreprises, laquelle a été du reste reconnue comme le principal objectif du V ème plan (1965-1970) et du VI ème plan (1970-1975).
Ce peu d'importance concédé aux PME demeure d'ailleurs une constante sur toute la période allant du début des années 60 jusqu'au premier krach pétrolier. Ainsi, pour restructurer le tissu industriel, le gouvernement a pris une série de mesures incitatives destinées à favoriser regroupement des entreprises : la loi de juillet 1965 a autorisé la réévaluation des actifs des sociétés en cas de concentration et, en 1966, l'aide de l'Etat aux petites et moyennes entreprises du secteur de la sidérurgie a été conditionnée par le regroupement volontaire au sein de trois firmes ( 4 ( * ) ).
Cependant, la fin du cycle de croissance de l'après-guerre a conduit à dresser un bilan mitigé de cette politique industrielle. Certes, la restructuration a permis de concentrer l'investissement dans de grands pôles industriels et commerciaux : ainsi, les sociétés de plus de 500 salariés réalisaient 77 % de l'investissement en 1975. Toutefois, les mesures d'incitation à la concentration et au regroupement d'entreprises, systématiquement encouragés pendant près de vingt ans, n'ont guère été fructueuses puisque les entreprises de moins de 500 salariés représentaient en cette même année près de 95,8 % des entités répertoriées par l'INSEE.
La fin de la croissance industrielle et l'essoufflement des secteurs économiques traditionnels (métallurgie, charbonnages, textiles), principalement situés dans les anciennes régions industrielles (notamment le Nord-Pas de Calais et la Lorraine), ont coïncidé avec le nouvel intérêt des pouvoirs publics pour les petites et moyennes entreprises, reconnues comme facteurs du renouvellement du tissu industriel. Leur permanence au terme des restructurations intervenues depuis le début des années 60 a été alors considéré comme le gage de leur capacité à innover et à répondre avec efficacité à l'évolution de la demande. C'est ainsi que le rapport Miliaret ( 5 ( * ) ) a préconisé le redéploiement de l'investissement public vers les PME innovantes dès 1973.
Les premières mesures prises par le gouvernement en faveur des PME, à la fin de la décennie 1970, sont surtout consacrées à dynamiser la création d'entreprises. Il s'agit alors de faire face à la montée du chômage de masse, à la désindustrialisation et à la dévitalisation de bassins entiers d'emplois accueillant jusqu'alors une bonne part des anciens fleurons industriels nationaux. Une première série de mesures, coordonnées par l'Agence nationale pour la création d'entreprises (ANCE), créée en 1979, voit le jour sous la forme de primes ou d'aides à la création ou à la reprise, dont les bénéficiaires peuvent être les chômeurs ( 6 ( * ) ). Ces mesures seront complétées par la création de réseaux de conseils et d'aides aux formalités, comme les « Centres de formalité aux entreprises » offrant toute une gamme de services aux entrepreneurs, et par l'élaboration progressive d'un appui logistique et d'accompagnement aux créateurs de nouvelles entités. En outre, cette mobilisation progressive des pouvoirs publics est également relayée au niveau local par les collectivités territoriales devenues, avec la décentralisation, des acteurs du développement économique.
Les conséquences de ce changement d'orientation se mesurent en termes d'emplois et d'émergence de nouveaux secteurs porteurs. Alors qu'en 1984, les entreprises de moins de 500 salariés représentaient 59 % de l'emploi total dans les secteurs de l'industrie, du commerce et des services, elles en représentent 76 % en 2000. Cette tendance s'explique ainsi par l'essor du poids des services dans l'économie nationale et par les changements organisationnels des grandes entreprises en faveur de petites structures susceptibles de mieux s'adapter à l'environnement concurrentiel.
A partir de la décennie 1990, durant laquelle la France connaît, pour la seconde fois depuis la fin de la seconde guerre mondiale, une année de récession (1993), les pouvoirs publics mettent en oeuvre des politiques de soutien aux entreprises marquées par la participation conjointe des ministères et les collectivités territoriales. C'est ainsi que l'ANCE identifie, en 1995, trente types d'aides, d'origine nationale ou locale, à la création d'entreprises, se répartissant en trois catégories : subventions, financement des activités et accompagnement (information, formation et conseils).
Toutefois, jusqu'à 2002, la mobilisation du gouvernement en faveur des PME aura surtout été ponctuelle, faute d'une politique structurelle destinée à inscrire dans la durée leur développement .
* ( 4 ) Wendell-Sidélor, Denain-Word-Est-Longwy et Creusot-Loire.
* ( 5 ) Rapport de M. Miliaret sur la création d'entreprises au ministre du développement industriel et scientifique - 1973.
* ( 6 ) Aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d'entreprise (ACCRE), créée en 1977.