TROISIÈME PARTIE -
LE SOFT POWER FRANÇAIS : UNE DIFFICILE
ADÉQUATION
ENTRE MOYENS ET AMBITIONS
(RAPPORTEUR SPÉCIAL
RÉMI FÉRAUD)
Le projet de budget pour 2018 est un budget de transition. Après avoir atteint un niveau « plancher », les crédits budgétaires consacrés à la diplomatie culturelle et d'influence, à l'administration consulaire et à l'enseignement français à l'étranger demeureraient globalement stables en 2018 . Cette stabilisation traduit la volonté de maintenir l'influence culturelle de la France dans le monde, tout en garantissant un niveau de services satisfaisant aux Français de l'étranger.
Toutefois, la situation financière du réseau culturel et des opérateurs chargés de mettre en oeuvre la politique d'influence de notre pays à l'étranger est fragile, d'où la nécessité de définir une stratégie claire de développement du soft power français .
Les développements ci-après sont consacrés à l'analyse des programmes 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » et 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » de la mission « Action extérieure de l'État ».
1. Un projet de budget 2018 sans sacrifice, ni dépense nouvelle
Le projet de loi de finances pour 2018 s'inscrit dans la continuité de la loi de finances initiale pour 2017. Il prévoit ainsi :
- 368,4 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et crédits de paiement (CP) pour le programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » . La diminution des crédits par rapport à 2017 s'explique essentiellement par la suppression de l'enveloppe prévue pour l'organisation des élections présidentielle et législatives à l'étranger (14,2 millions d'euros) . En excluant ces dépenses ponctuelles, les crédits du programme diminueraient de 1,24 % par rapport à la prévision initiale pour 2017 et augmenteraient de 6,50 % par rapport à l'exécution constatée en 2016. La subvention allouée par le MEAE aux bourses scolaires demeurerait quasiment stable, pour s'établir à 110 millions d'euros ;
- 717,5 millions d'euros en AE comme en CP pour le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence », soit une hausse de 0,3 % par rapport à la consommation 2016 et au montant inscrit en loi de finances initiale pour 2017. Une augmentation de 7,5 millions d'euros des crédits d'intervention destinés aux postes et à l'administration centrale pour renforcer l'attractivité universitaire de la France est programmée pour 2018 (contributions aux universités franco-étrangères, financement de partenariats locaux et d'échanges scientifiques et subvention à l'Université franco-allemande).
La subvention versée à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), qui représente 55 % des crédits du programme, demeurerait stable (+ 0,5 % en valeur).
Évolution des crédits des programmes 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » et 185 « Diplomatie culturelle et d'influence »
(crédits de paiement, en millions d'euros)
Exécution 2016 |
LFI 2017 |
PLF 2018 |
Évolution 2018/2017 |
Évolution 2018/2016 |
|
Programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » |
345,95 |
387,28 |
368,44 |
-4,86% |
6,50% |
Programme 151 hors dépenses électorales 2017 |
345,95 |
373,08 |
368,44 |
-1,24% |
6,50% |
Action 1 - Offre d'un service public de qualité aux Français à l'étranger |
205,92 |
224,12 |
207,03 |
-7,62% |
0,54% |
Action 2 - Accès des élèves français au réseau AEFE (bourses) |
87,26 |
110,03 |
110,00 |
-0,03% |
26,06% |
Action 3 - Instruction des demandes de visas |
52,76 |
53,13 |
51,41 |
-3,24% |
-2,57% |
Programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » |
715,28 |
715,43 |
717,51 |
0,29% |
0,31% |
Action 1 - Appui au réseau |
42,20 |
43,48 |
43,02 |
-1,06% |
1,93% |
Action 2 - Coopération culturelle et promotion du français |
69,19 |
65,65 |
62,41 |
-4,94% |
-9,80% |
Action 3 - Objectifs de développement durable |
8,09 |
5,75 |
5,67 |
-1,50% |
-29,94% |
Action 4 - Enseignement supérieur et recherche |
92,51 |
95,20 |
102,05 |
7,19% |
10,31% |
Action 5 - Agence pour l'enseignement français à l'étranger |
387,94 |
396,67 |
398,71 |
0,51% |
2,77% |
Action 6 - Dépenses de personnel |
75,30 |
75,58 |
72,97 |
-3,45% |
-3,09% |
Action 7 - Diplomatie économique et développement touristique |
40,05 |
33,09 |
32,69 |
-1,21% |
-18,37% |
Source : commission des finances du Sénat (à partir du projet annuel de performances)
Il convient de rappeler que le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » a été touché par des annulations à hauteur de 60 millions d'euros lors de la régulation budgétaire de l'été 2017. Dès lors, les crédits prévus pour 2018 augmenteraient en réalité de 9,5 % par rapport aux crédits effectivement disponibles à l'été 2017.
Si elle est respectée, la prévision budgétaire pour 2018 devrait permettre de couvrir les besoins de l'administration consulaire, du réseau culturel à l'étranger et des opérateurs, sans sacrifier les missions essentielles de services aux expatriés et de diffusion de la culture et de langue françaises . Cependant, aucune dépense véritablement nouvelle, marquant une nouvelle impulsion dans le déploiement du soft power français, n'est prévue.
2. Des opérateurs en manque de visibilité, une tutelle perfectible
Depuis la fin des années 1990, un mouvement d'externalisation de certaines missions d'influence du Quai d'Orsay et de son réseau a été mise en oeuvre. Quatre opérateurs sont désormais rattachés à la mission « Action extérieure de l'État », est plus particulièrement au programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » :
- l' Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) , qui coordonne un réseau de 495 établissements d'enseignement français à l'étranger. La subvention pour charges de service public prévue pour 2018 s'élève à 398,7 millions d'euros , dont 14,7 millions d'euros dédiés à la sécurité des établissements . Il s'agit d'une hausse de 3 % par rapport au montant initialement prévu en 2017. Pour mémoire, la subvention octroyée par le MEAE à l'agence a diminué de 16 % entre 2013 et 2017 , en tenant compte de l'annulation de 33 millions d'euros intervenue cet été ;
- l' Institut français , créé en 2010 en remplacement de l'association CulturesFrance, afin d'assurer la promotion à l'étranger de la culture française. Le projet de loi de finances pour 2018 prévoit une subvention de 28,7 millions d'euros, soit un montant stable par rapport à l'année précédente pour la première fois depuis la création de l'opérateur ;
- Atout France , créé en 2009 sous la forme d'un groupement d'intérêt économique. Cette agence nationale pour le développement touristique de la France est dotée de 32,7 millions d'euros en 2018 , soit un montant proche de celui initialement prévu en 2017 hors fonds d'urgence pour le tourisme ;
- Campus France , issu de la fusion, en 2012, du groupement d'intérêt public préexistant et de l'association Egide du ministère. Il est chargé de promouvoir les formations supérieures françaises à l'étranger et d'instruire les demandes de bourse. Il verrait sa subvention pour charges de service public stabilisée aux alentours de 3,8 millions d'euros .
Subventions pour charges de service public versées par le MEAE aux opérateurs de la mission « Action extérieure de l'État »
(en millions d'euros)
Nota bene : les montants indiqués pour les années 2012 à 2017 correspondent aux subventions pour charges de service public effectivement versées par le MEAE, après mise en réserve et, pour l'exercice 2017, après régulation budgétaire. Les subventions à Atout France incluent le fonds d'urgence pour le tourisme (5 millions d'euros en 2016 et 2017).
Source : commission des finances du Sénat (à partir des réponses au questionnaire budgétaire)
La stabilisation des subventions allouées aux opérateurs en 2018 est un élément positif ; elle leur permettra de poursuivre leurs actions dans des conditions acceptables.
Cependant, au-delà de l'exercice 2018, aucune visibilité n'est donnée aux opérateurs quant aux moyens qui leur seront accordés pour exercer leurs missions , hormis pour l'AEFE en faveur de laquelle le Président de la République s'est engagé à maintenir les crédits sur deux années 28 ( * ) . En effet, les contrats d'objectifs et de moyens conclus entre les ministères de tutelle et ces établissements ne comportent pas de trajectoire d'évolution des subventions et des emplois sur la durée du contrat , comme ce peut être le cas pour d'autres opérateurs de l'État.
Cette situation est préjudiciable à la politique d'influence française et peut constituer un obstacle à la mise en oeuvre d'une stratégie claire sur plusieurs années.
Enfin, même si les opérateurs sont satisfaits de leur rattachement au MEAE, qui leur permet de développer des synergies avec le réseau diplomatique et culturel, une professionnalisation et un renforcement de la tutelle exercée par le MEAE sont souhaitables afin de les accompagner au mieux dans l'exercice de leurs missions.
3. Une enveloppe financière en faveur des bourses scolaires théoriquement suffisante pour répondre aux besoins
Le projet de loi de finances pour 2018 prévoit la reconduction de l'enveloppe de 110 millions d'euros pour les bourses scolaires en faveur des élèves français scolarisés dans des établissements du réseau de l'AEFE.
D'après les documents budgétaires, cette enveloppe a été « calculée sur la base d'une hypothèse de hausse d'au moins 5 % par an pour le rythme Sud et 3,5 % pour le rythme Nord de la dépense de bourse. Cette évaluation repose sur la constatation d'une augmentation continue du nombre de Français à l'étranger (+ 2 % par an en moyenne) et des inscriptions dans le réseau de l'AEFE, ainsi que sur une évolution à la hausse des frais de scolarité » 29 ( * ) .
Bourses scolaires financées par le programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires »
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat (à partir des réponses au questionnaire budgétaire)
En complément de cette dotation, un nouveau prélèvement de 5 millions d'euros sur la « soulte » issue du résultat d'exploitation excédentaire constaté dans les comptes de l'AEFE, est prévu en 2018. Entre 2015 et 2017, l'utilisation de cette soulte avait déjà permis de maintenir le montant de bourses effectivement distribué par l'agence à un niveau proche de 105 millions d'euros. Cette soulte devrait cependant être épuisée après 2018.
Selon les informations recueillies par votre rapporteur spécial auprès du MEAE et de l'AEFE, le montant cumulé de la dotation ministérielle et du prélèvement sur la soulte serait suffisant pour couvrir les demandes de bourses . Le nombre de bourses scolaires se stabiliserait aux alentours de 25 000 pour 120 000 élèves français.
À l'avenir, la dépense de bourses scolaires est toutefois appelée à progresser face à l'accroissement du nombre de Français à l'étranger et à l'augmentation des frais de scolarité. Une réflexion concernant la politique tarifaire des établissements devra donc être engagée, parallèlement à celle de l'évolution du réseau d'enseignement , afin de garantir la soutenabilité de la dépense budgétaire.
4. L'AEFE, une situation financière préoccupante qui fragilise l'enseignement français à l'étranger
Créée en 1990, l'AEFE dispose d'un réseau de 495 établissements scolaires homologués, scolarisant environ 340 000 élèves, dans 137 pays . Sur ces 495 établissements, l'AEFE dispose de 74 établissements en gestion directe (EGD), qui constituent des services déconcentrés de l'agence, et a passé des conventions avec 156 autres établissements. L'AEFE a également conclu des partenariats avec 265 établissements autofinancés.
Il s'agit donc de l'un des plus grands réseaux publics d'enseignement à l'étranger qui se distingue de la concurrence internationale par le coût relativement modéré de ses frais de scolarité au regard de la qualité de l'enseignement.
Le réseau de l'AEFE en 2016
(montants en millions d'euros)
Type d'établissement |
Nombre d'établissements |
Nombre d'élèves |
Subventions |
Aide nette |
Établissements en gestion directe |
74 |
74 235 |
5,2 |
173,5 |
Établissements conventionnés |
156 |
119 974 |
8,2 |
206,9 |
Établissements partenaires |
265 |
147 610 |
1,2 |
1,4 |
Total |
495 |
341 819 |
14,6 |
381,7 |
* L'aide nette correspond à la somme des rémunérations des enseignants expatriés et résidents, nettes des participations des établissements, plus la somme des subventions (fonctionnement, investissement, frais pédagogiques etc.) à laquelle on soustrait les contributions de 6 % sur les recettes de frais de scolarité reversées par les établissements à l'AEFE.
Source : réponse au questionnaire budgétaire
En proie à une situation financière précaire, déjà soulignée par la Cour des comptes dans l'enquête remise au Sénat en octobre 2016 30 ( * ) , l'AEFE a dû faire face à une annulation de 33 millions d'euros par le décret d'avance du 20 juillet 2017 . Des ajustements comptables ont été opérés en urgence pour faire face à cette baisse inattendue de crédits. Des reports de charge de certaines dépenses obligatoires sur l'année 2018 sont également prévus, ce qui aura des effets négatifs sur les exercices à venir, en dépit de la stabilisation de la subvention inscrite en projet de loi de finances.
Un « plan de redressement » a ainsi été décidé par l'AEFE. Celui-ci est composé de deux volets :
- d'une part, la réduction du nombre de postes d'enseignants et d'encadrement financés par l'agence : en 2018, 80 postes d'expatriés et 100 postes d'enseignants résidents seront supprimés dans les établissements en gestion directe et les établissements conventionnés ; en 2019, 160 postes pourraient également disparaître ;
- d'autre part, le relèvement du taux de la contribution versée par les établissements à l'AEFE de 6 % à 9 % de leurs recettes totales . Pour mémoire, cette contribution avait été créée en 2009 pour permettre à l'agence d'absorber le transfert du financement des pensions civiles de fonctionnaires. La hausse du taux de contribution devrait vraisemblablement être répercutée pour partie sur les frais de scolarités acquittés par les familles.
S'agissant du programme d' investissement immobilier , celui-ci devrait être préservé afin d'améliorer la sécurité des établissements. Une enveloppe budgétaire de 14,7 millions d'euros est reconduite à cet effet en 2018. Cependant, le bouclage des plans de financement des opérations immobilières des établissements n'est possible que grâce au recours à des avances de trésorerie de l'Agence France Trésor pour un montant total compris entre 4 millions et 9 millions d'euros chaque année. Sans ce mécanisme dérogatoire au principe d'interdiction des emprunts bancaires applicable à l'agence, la mise en oeuvre de son schéma pluriannuel de stratégie immobilière serait gravement remise en cause.
Au total, les suppressions de postes d'enseignants et le relèvement de la contribution payée par les établissements risquent de nuire à la qualité de l'enseignement français à l'étranger . Le nombre d'élèves par classe des établissements français à l'étranger est, certes, inférieur à celui constaté en France et certains établissements procéderont vraisemblablement au recrutement d'enseignants contractuels pour pallier les suppressions de postes. Cependant, les établissements de l'AEFE évoluent dans un contexte de forte concurrence internationale qui justifie des efforts spécifiques pour garantir l'attractivité du réseau d'enseignement français à l'étranger .
C'est pourquoi votre rapporteur spécial propose l'adoption d'un amendement visant à augmenter de 30 millions d'euros la subvention pour charges de service public versée à l'AEFE afin de compenser les effets de la régulation budgétaire intervenue durant l'été 2017 . Cette hausse de crédits serait gagée par une annulation équivalente sur l'action 04 « Contributions internationales » du programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde », compte tenu du gain de change prévu grâce à l'opération d'achat à terme de devises effectuée durant l'été 2017 à un taux plus avantageux que le taux de budgétisation initiale.
5. L'attractivité de la France : des résultats positifs sur le plan touristique mais un recul en matière d'accueil d'étudiants étrangers
La promotion de la France à l'étranger est assurée par deux opérateurs spécialisés rattachés à la mission « Action extérieure de l'État » : Atout France en matière touristique et Campus France concernant l'enseignement supérieur et la recherche.
Grâce au fonds d'urgence pour le tourisme de 10 millions d'euros lancé fin 2016, une embellie en matière de fréquentation touristique a été enregistrée en 2017 . La fréquentation de la saison d'hiver 2016-2017 était supérieure de 1,6 % à celle de l'hiver précédent. La forte progression constatée en Île-de-France a notamment permis de compenser la baisse subie un an plus tôt, à la suite des attentats de novembre 2015 31 ( * ) . Atout France a également observé une hausse de 32 % des demandes de visas touristiques pour la France et une progression de 12,6 % des nuitées hôtelières de clients internationaux en Île-de-France sur le premier trimestre 2017 .
La politique volontariste impulsée par le précédent gouvernement s'est donc traduite par des résultats positifs qui devraient permettre d'atteindre 89 millions de visiteurs internationaux sur l'année 2017.
Le projet de loi de finances pour 2018 prévoit un retour à la normale des moyens alloués à Atout France - à hauteur de 32,7 millions d'euros . Des efforts sont ainsi demandés à l'opérateur en termes d'effectifs (suppression de 20 ETP). Toutefois, la confirmation de l'attribution de 4,6 millions d'euros de recettes additionnelles issues des droits de visas devrait lui permettre de poursuivre une politique dynamique de promotion de la « destination France », en collaboration étroite avec le réseau diplomatique du MEAE.
Afin de définir une nouvelle stratégie pour parvenir à l'objectif de 100 millions de touristes étrangers et de 50 milliards d'euros de recettes d'ici 2020, une mission sur le financement de la promotion du tourisme a été créée le 10 octobre 2017 . Cette dernière devra rendre ses conclusions d'ici la fin décembre (voir article rattaché infra ).
En outre, une nouvelle mission de promotion de la gastronomie française à l'international a été dévolue à Atout France. Le président de la République, Emmanuel Macron, a demandé le 27 septembre 2017 d' « amplifier de manière significative d'ici 2022 l'opération Goût de France / Good France à travers un plan d'action démultipliant les actions à l'international et sur le territoire national autour d'une marque fédératrice » 32 ( * ) . Un amendement du Gouvernement tendant à augmenter de 1,5 million d'euros la subvention pour charges de service public versée à Atout France a ainsi été adopté par l'Assemblée nationale en première lecture.
Chiffres clés relatifs à l'attractivité touristique de la France Arrivées des touristes étrangers en France selon leur provenance
Recettes du tourisme international
Source : Insee ; direction générale des entreprises |
En revanche, l'attractivité de la France auprès des étudiants et chercheurs à l'étranger tend à reculer . Même si elle demeure dans les pays de tête, la France est passée du troisième au quatrième rang avec 324 000 étudiants étrangers accueillis sur son territoire en 2016 . Le nombre d'étudiants étrangers n'a progressé que de 7,5 % en France entre 2009 et 2014 contre 23 % en moyenne dans le reste du monde sur la même période 33 ( * ) .
Face à une concurrence internationale accrue et à l'émergence de nouveaux acteurs comme la Russie, la Chine, l'Arabie saoudite et la Turquie, les moyens disponibles ne sont manifestement pas à la hauteur des ambitions affichées par la France . Ainsi, l'enveloppe budgétaire du MEAE attribuée aux bourses d'enseignement supérieur et de recherche a diminué de 47 % entre 2004 et 2012 et de 9 % entre 2012 et 2018, pour s'établir à 64,6 millions d'euros dont 58,5 millions d'euros versés à Campus France . Ce montant demeurerait stable entre 2017 et 2018. Cependant, il ne permet d'attribuer des bourses que sur une courte durée (six mois en moyenne) et pour des montants relativement faibles (610 euros par mois en moyenne), ce qui limite l'attractivité du système d'enseignement supérieur français.
Bourses du Gouvernement français aux étudiants et chercheurs étrangers
(en millions d'euros)
Nota bene : les dotations de bourses d'enseignement supérieur et de recherche retracées dans le graphique ci-dessous comprennent à la fois les bourses gérées directement par Campus France, les bourses locales ou d'aide à la mobilité gérées directement par les postes du réseau du MEAE à l'étranger, les programmes de bourses de partenariats universitaires et de cotutelles de thèses (université franco-allemande, Fullbright etc.) et les bourses du programme Excellence-Major géré par l'AEFE.
Source : commission des finances (à partir des projets et rapports annuels de performances)
Enfin, la facilitation de l'octroi de visas et des démarches administratives des étudiants et chercheurs étrangers constitue un autre levier important à mobiliser pour accroître l'attractivité de la France.
6. Une politique d'influence culturelle en attente d'une nouvelle impulsion politique
La stabilisation en valeur des crédits alloués à l'Institut français, aux 98 établissements à autonomie financière (Instituts français et Instituts français de recherche à l'étranger) et aux alliances françaises constitue un signal positif en faveur de la politique d'influence culturelle française.
Le projet de loi de finances pour 2018 prévoit ainsi une dotation de 15,9 millions d'euros au titre des opérations éducatives et culturelles des Instituts français et 7,8 millions d'euros en faveur du réseau des alliances françaises locales , qui comptait 383 alliances conventionnées en 2016. La légère diminution des crédits observée par rapport à 2017 s'explique principalement par le retrait des crédits exceptionnels versés en 2017 pour renforcer la sécurité des établissements.
Pour la première fois depuis cinq ans, la subvention pour charges de service public versée à l' Institut français serait maintenue au niveau de l'année précédente, soit 28,7 millions d'euros, tandis que son plafond d'emploi demeure stable. Par le passé, la baisse continue des moyens de l'opérateur (- 16 % entre 2012 et 2017) a fortement affecté son efficacité et la portée de sa mission, en le conduisant à réduire son activité de 35 %.
Malgré tout, l'Institut français a mené avec succès certaines opérations comme la foire du livre de Francfort où la France était invitée d'honneur en 2017. De plus, il sollicite activement des financements extérieurs auprès de la Commission européenne mais aussi des mécènes privés (1,7 million d'euros en 2017 et objectif de 2,5 millions d'euros en 2018), notamment dans le cadre des « Saisons » faisant chaque année dialoguer la France avec un pays étranger (France-Colombie en 2017, France-Israël en 2018). Pour 2018, deux axes prioritaires ont été définis : le numérique en tant qu'outil de diffusion et forme de création artistique et le développement de partenariats avec les collectivités territoriales , permettant de mener des actions cofinancées à parité.
L'Institut français et son réseau sont toutefois dans l'attente de la définition d'une nouvelle stratégie et de nouvelles ressources pour la mettre en oeuvre. Dans un discours devant les ambassadeurs le 29 août 2017, le Président de la République a annoncé la présentation, durant le premier semestre 2018, d'un plan d'ensemble pour la promotion de la langue française et du plurilinguisme dans le monde . Parallèlement, une mission a été confiée à l'ambassadeur Pierre Vimont concernant les modalités de rapprochement de l'Institut français et de la Fondation Alliance française .
En tout état de cause, et compte tenu de ces annonces, on ne pourra réellement juger l'action du Gouvernement dans le domaine de la diplomatie culturelle et de la promotion de la langue française qu'à l'aune du budget pour 2019 .
7. La modernisation de l'administration consulaire comme levier d'efficience
Avec 220 implantations consulaires dans le monde, pour une population estimée entre 2 et 2,5 millions de Français résidant à l'étranger, la France dispose d'un réseau consulaire efficace, offrant un grand nombre de services.
Le projet de loi de finances pour 2018 prévoit une dotation de 207 millions d'euros pour faire fonctionner ce réseau (Action 1 « Offre d'un service public de qualité aux Français à l'étranger » du programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires »). Ceci correspond à une baisse de 0,01 % par rapport aux crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2017, en neutralisant les dépenses afférentes aux élections de 2017.
Compte tenu des efforts budgétaires attendus par le MEAE et de l'augmentation tendancielle du nombre de Français expatriés, la modernisation de l'administration consulaire, que ce soit à travers la dématérialisation des procédures administratives, des demandes de visas 34 ( * ) ou le vote électronique, est un impératif. À cet égard, on peut noter que le ministère de l'action et des comptes publics considère que des gains d'efficience importants ont pu être dégagés par le programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » et que celui-ci est géré de façon satisfaisante depuis plusieurs années.
Selon le MEAE, le consulat numérique continuera de se développer en 2018, notamment à travers :
- la pré-demande en ligne des passeports et le paiement dématérialisé des droits de chancellerie ;
- la mise en place du répertoire électoral unique , qui mettra fin à la possibilité de double inscription sur les listes électorales consulaires et les listes communales, permettant ainsi d'éviter les doublons et de fiabiliser les résultats électoraux. L'objectif d'achèvement de ce projet est fixé au 1 er janvier 2019 ;
- la poursuite des travaux de mise en place du vote électronique , à la suite de l'avis défavorable de l'Agence nationale de sécurité des systèmes d'information (ANSSI) sur l'utilisation du vote électronique pour les élections de 2017. Le marché se poursuit afin d'aboutir à une solution homologuée et utilisable pour les élections législatives de 2022 35 ( * ) .
8. Comment compenser la suppression de la réserve parlementaire en évitant l'écueil d'un nouveau système lourd et coûteux
Conformément à la déclaration du Président de la République, le 2 octobre 2017 devant l'Assemblée des Français de l'étranger, un projet de remplacement de la réserve parlementaire afférente à la mission « Action extérieure de l'État » par une dotation budgétaire plafonnée à 2 millions d'euros est à l'étude . Celle-ci serait imputée sur le programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » et financée par un transfert de crédits provenant du fonds de développement de la vie associative créé par amendement à la mission « Sport, jeunesse et vie associative » par l'Assemblée nationale.
Selon les informations recueillies par votre rapporteur spécial, le futur dispositif d'attribution des subventions aux associations à l'étranger - en attente d'arbitrage - pourrait prendre l'une des deux formes suivantes :
- un mécanisme associant les élus consulaires , qui pourraient notamment signaler les besoins des organismes locaux d'entraide et de solidarité (OLES), et les parlementaires nationaux , sous l'égide du MEAE qui instruirait les dossiers ;
- un système se greffant sur la commission permanente pour la protection sociale des Français de l'étranger , où siègent des élus consulaires de l'Assemblée des Français de l'étranger et des parlementaires représentant les Français de l'étranger.
Si un mécanisme de transition est certainement nécessaire pour les associations, établissements scolaires et alliances françaises qui bénéficiaient autrefois de la réserve parlementaire, la création d'une « réserve bis » serait contraire à l'esprit initial de la réforme . La recherche d'un dispositif pragmatique et n'entraînant pas de surcoûts administratifs doit être privilégiée.
* 28 Discours du Président de la République, Emmanuel Macron, à l'occasion de la 27 ème assemblée plénière de l'Assemblée des Français de l'étranger, 2 octobre 2017.
* 29 Projet annuel de performances pour 2018.
* 30 Voir Sénat, rapport d'information n° 64 (2016-2017) d'Éric Doligé, fait au nom de la commission des finances sur l'enseignement français à l'étranger et l'accès des élèves français à cet enseignement.
* 31 Insee, saison touristique d'hiver 2016-2017.
* 32 Exposé des motifs de l'amendement du Gouvernement n° II-695 déposé à l'Assemblée nationale sur le projet de loi de finances pour 2018.
* 33 Unesco.
* 34 Une première version du portail France Visas a été mise en ligne le 10 octobre 2017.
* 35 Compte tenu des risques d'attaques extérieures et d'invalidations, le vote électronique n'est pas prévu pour l'élection présidentielle.