B. LE RETOUR À L'ÉQUILIBRE DE L'AGENCE FRANCE PRESSE
L'Agence France Presse (AFP) devrait bénéficier en 2022 d'une dotation équivalente à celle accordée en loi de finances pour 2021, soit 139,48 millions d'euros (AE = CP). Celle-ci intègre le paiement des abonnements commerciaux de l'État, soit 21 655 380 euros et la subvention accordée à l'agence, au titre de la compensation de ses missions d'intérêt général (MIG), soit 117,82 millions d'euros.
Le soutien à l'Agence France Presse (AFP) constituait jusqu'en 2021 le premier poste de dépenses du programme 180 « Presse et médias ». Il convient de rappeler à ce stade que le montant des crédits de paiement versés à l'AFP au titre de ses missions d'intérêt général a progressé de près de 8 % entre 2015 et 2021. Cette augmentation des crédits s'est accompagnée, en outre, d'une modification du calendrier de versement : la subvention est désormais versée en une fois, en début d'année.
1. Une dotation majorée au cours des derniers exercices pour soutenir la mise en place d'un plan stratégique de réorientation de l'activité et de réduction des charges
La majoration de la subvention de l'État en 2019 et 2020 à l'agence s'est inscrite dans le cadre du soutien au plan stratégique 2018-2022 présenté le 12 juillet 2018, qui visait à répondre au déséquilibre structurel de l'agence, fragilisée par une baisse de ses recettes commerciales de 3,8 % sur la période 2014-2017 alors même que ses dépenses de personnel (76 % des charges de l'AFP) avaient progressé de 3,7 % sur la même période.
Ce plan repose sur plusieurs axes, au premier rang desquels figure le développement massif de la vidéo, afin de permettre à l'AFP de devenir une véritable alternative à Reuters ou Associated press (AP). L'ambition affichée est de porter le chiffre d'affaires de l'agence lié à la photo et à la vidéo à 50 % de son activité à l'horizon 2022, contre 39 % en 2018. Le plan misait sur une ressource supplémentaire de 30 millions d'euros pour l'AFP d'ici à 2023. La mise en oeuvre d'une plateforme compétitive de présentation et de livraison de ses contenus devait venir appuyer cette réorientation.
L'Agence entend, dans le même temps, développer son activité de vérification de l'information ( fact checking ), 40 experts ayant été recrutés en avril 2019 pour couvrir une vingtaine de pays.
Le contrat d'objectifs et de moyens avec l'État (COM) 2019-2023 intègre cette ambition en prévoyant la mise en oeuvre de nouveaux indicateurs ainsi que des objectifs chiffrés : une progression de 23 millions d'euros du chiffre d'affaires généré par l'exploitation de l'image d'ici 2023 et une augmentation de 4,5 millions d'euros du chiffre d'affaire liée à la lutte contre la désinformation.
Cette nouvelle ambition commerciale est accompagnée d'une réduction des charges importante. La nouvelle orientation stratégique table en effet sur une réduction de la masse salariale de 14 millions d'euros d'ici à 2023, avec la suppression nette de 95 postes (23 journalistes et 72 personnels techniques et administratifs). 85 % des réductions d'effectifs portent sur les effectifs du siège parisien. Un plan de départs volontaires (81 postes) et les départs naturels en retraite devaient concourir à la satisfaction de cet objectif. Un suivi des procédures à l'étranger concernant le personnel local de l'AFP, qui, en demandant la requalification, de son statut, entraîne des dépenses supplémentaires pour l'agence devait également être mis en oeuvre.
Dans le même temps, une réflexion sur la stratégie immobilière de l'agence s'agissant de son siège parisien devait aboutir, en veillant à respecter au mieux les fonds versés par l'État. Le regroupement des équipes parisiennes sur le seul site de la Place de la Bourse pourrait générer, à terme, des économies de l'ordre de 2,5 millions d'euros, via notamment la fin du bail rue Vivienne. Reste que le préalable à celui-ci passait par des travaux dans le siège historique de l'agence estimés fin 2019 à 8 millions d'euros. Le coût a été réévalué depuis pour atteindre 8,8 millions d'euros, afin de prendre en compte le coût de travaux de désamiantage.
La réforme du pilotage de la direction des achats devait également participer du même objectif de réduction des charges.
2. Des objectifs atteints malgré la crise sanitaire
Ce soutien aux objectifs du plan devait permettre de renforcer le poids de l'AFP à l'échelle internationale. Le développement de son expertise en matière de lutte contre les fausses informations répond naturellement à la mission d'intérêt général qui lui est assignée par la loi et s'inscrit dans un cadre récemment consolidé par le législateur 3 ( * ) . L'AFP, seule agence européenne disposant d'un réseau international extrêmement solide, doit, de surcroît, faire face à une concurrence multiple, qu'il s'agisse de ses rivales américaines ou des agences des pays émergents, russes ou chinoises principalement, des services d'information des GAFA ou des agences spécialisées. Le développement de nouveaux modes de consommation et l'appétence pour la presse gratuite fragilisent également son activité.
Les objectifs commerciaux assignés à l'agence dû être révisés en 2020 compte-tenu de la crise sanitaire. Les revenus annuels d'AFP Services ont ainsi chuté de 23 % au cours de l'année 2020, ce qui représente l'équivalent de plus d'un trimestre de chiffre d'affaires. La crise a, en effet, eu pour principales conséquences :
- une augmentation des désabonnements et des demandes d'aménagement de contrats ;
- des difficultés en matière de prospection de nouveaux clients ;
- une baisse de l'activité photo en raison de l'annulation des événements sportifs (Jeux Olympiques et Euro notamment) ;
- un impact sur les contrats de vente de contenus assis sur des partages de revenus publicitaires.
Ces impacts négatifs ont, cependant, été pour partie compensés par l'essor des revenus issus de l'investigation numérique et de la vente de contenus vidéos. L'agence est aujourd'hui le premier acteur du marché en matière de vérification de l'information et diffuse ainsi ces travaux dans 50 pays et en 23 langues. Elle a ainsi déjà dépassé la cible établie par le COM et atteint l'objectif fixé pour 2023 (8 millions d'euros par an de revenus liés à cette activité). Le chiffre d'affaires commercial de l'Agence était ainsi en progression de 0,8 million d'euros en 2020 (+ 0,5 % par rapport à 2019) même si cette progression est moindre que celle retenue dans les prévisions.
Le changement de pratiques - articles plus longs et plus fouillés, axe mis sur les incidences du changement climatique, utilisation des plateformes comme Facebook - et le maintien d'une présence dans certains pays, à l'image de l'Afghanistan ont également permis à l'Agence de renouveler son modèle et de conserver, en large partie, la fidélité de ses abonnés. Ce faisant, l'AFP reste moins dépendante des revenus publicitaires que ses concurrentes.
La crise sanitaire a également permis une réduction des charges de l'AFP, réduisant notamment les couts liés aux déplacements. La pandémie a également débouché sur une baisse importante des dépenses du réseau international, et donc du coût des missions d'intérêt général, ce qui a induit une surcompensation du coût net de ces missions de 3,8 millions d'euros. Celle-ci a été enregistrée comme un produit constaté d'avance.
À cette réduction conjoncturelle, s'ajoute s'agissant des charges, les effets du plan de départ. 59 départs volontaires ont été enregistrés et 19 postes vacants n'ont pas été renouvelés. 75 % de la cible prévue par le plan de départs volontaires devrait ainsi être atteinte en 2021. La réduction des charges de personnel devrait dans ces conditions s'élever à 9 millions d'euros en 2021. Le nombre de postes d'expatriés a, de son côté, tendance à baisser : 10 postes ont ainsi été transformés en contrats de droit local. La régularisation des contrats d'expatriés est, quant à elle, pour l'essentiel terminée. Les effectifs de l'agence sont aujourd'hui de 2 600 personnes, dont 1 700 journalistes. 40 % des effectifs résident en France.
Les charges d'exploitation de l'agence ont, dans ce contexte, baissé de 9,2 millions d'euros en 2020 par rapport à 2019. Cette évolution des charges reste inférieure à celle retenue dans le budget initial (la cible était alors de - 16,4 millions d'euros). Il n'en demeure pas moins qu'une telle réduction devrait permettre à l' agence d'accélérer son désendettement . Si, en 2018, la trajectoire de la dette à long terme - 53 millions d'euros - n'apparaissait pas tenable, un cycle vertueux semble s'être fait jour depuis : l'endettement devrait atteindre 37 millions d'euros fin 2021. Cette somme devrait être réduite de moitié fin 2023 et le désendettement total en 2027.
L'absence de surcoût conséquent s'agissant des travaux du siège a également permis de sécuriser cette trajectoire financière. La rédaction devait ainsi être rassemblée sur un même lieu en novembre 2021. Le déménagement sera effectif pour l'ensemble des services en mai 2022.
La dynamique financière de l'AFP doit être saluée tant car elle démontre une capacité d'adaptation aux nouveaux enjeux liés à la diffusion de l'information. Elle induit à terme une réduction du soutien budgétaire de l'État, soulignant ainsi la possibilité pour un organe de presse de rompre avec la dépendance aux fonds publics. Cette évolution doit servir d'exemple au moment d'examiner le format et le montant dédié aux aides à la presse écrite.
* 3 Loi n° 2018-1202 du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l'information.