C. LA RÉFORME INABOUTIE DES AIDES À LA PRESSE
Trois types d'aides sont visées par l'action n° 2 du programme 180 : les aides à la diffusion, les aides au pluralisme et les aides à la modernisation du secteur.
Répartition des crédits de paiement par
sous-action
au sein de l'action 02 « Aides à la
presse »
Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires
Le montant total des aides à la presse devrait atteindre 179,2 millions d'euros (AE=CP) en 2022.
Montant des aides à la presse prévues en 2022 au sein du programme 180
(en euros)
Action |
Montant |
Sous-action 01 « Aides à la diffusion » |
101 687 903 |
Aide au portage de la presse Aide à l'exemplaire posté |
26 500 000 62 300 00 |
Exonération de charges patronales pour les vendeurs-colporteurs et porteurs de presse |
12 887 903 |
Sous-action 02 « Aides au pluralisme » |
22 025 000 |
Aide aux publications nationales d'information politique et générale à faibles ressources publicitaires |
13 155 000 |
Aide aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux d'information politique et générale à faibles ressources de petites annonces |
1 400 000 |
Aide au pluralisme des titres ultramarins |
2 000 000 |
Aide au pluralisme de la presse périodique régionale et locale |
1 470 000 |
Aide aux services de presse en ligne |
4 000 000 |
Sous-action 03 « Aides à la modernisation » |
55 473 422 |
Aide à la modernisation sociale de la presse quotidienne d'information politique et générale |
150 000 |
Aide à la modernisation de la distribution de la presse |
27 850 000 |
Aide à la modernisation des diffuseurs de presse |
6 000 000 |
Fonds stratégique pour le développement de la presse |
16 473 422 |
Fonds de soutien à l'émergence et à l'innovation dans la presse |
5 000 000 |
Total |
179 186 325 |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
1. La réforme des aides à la diffusion
a) Une aide au transport postal jusqu'alors non prise en charge par le programme 180
L'acheminement et la distribution de la presse constituent , en application de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom 4 ( * ) et de l'article L.2 du code des postes et des communications électroniques, une mission de service public du groupe La Poste. La presse représente ainsi 22 % du poids de la sacoche des facteurs, 8 % du volume du courrier et 4 % du chiffre d'affaires courrier de La Poste.
En 2018, plus de 6 000 publications, soit la quasi-totalité des titres inscrits sur les registres de la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP), ont été distribuées par La Poste. 887 millions d'exemplaires de journaux et magazines ont été ainsi diffusés en 2019. Il s'agit là du principal canal de diffusion de la presse abonnée.
Les journaux et écrits périodiques ont la possibilité de bénéficier de tarifs préférentiels auprès de La Poste dès lors qu'ils remplissent les conditions posées par le code des postes et des communications électroniques 5 ( * ) et sont titulaires d'un certificat d'inscription délivré par la commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP).
L'accès à ces tarifs réglementés passe par la signature d'un contrat.
4 niveaux de service sont proposés :
- Tarif J+1 - Presse urgente : distribuée 6 jours ouvrés sur 7 en J/J+1 ;
- Tarif J+2 - Presse urgente : distribuée 6 jours ouvrés sur 7 en J+2 ;
- Tarif J+4 - Presse : distribuée 6 jours ouvrés sur 7 dans un délai maximum de J+4 ;
- Tarif J+7 - Presse à tarif économique : distribuée 6 jours ouvrés sur 7 dans un délai maximum de J+7.
Chacune des quatre grilles tarifaires propose, du premier gramme au kilogramme, et pour cinq cas de figure différents, un ensemble de tarifs propre à satisfaire la réglementation en vigueur.
Trois autres tarifs viennent par ailleurs moduler ce coût :
- Tarif presse hors IPG (information politique et générale) ;
- Tarif presse IPG ;
- Tarif Autre imprimé périodique (AIP).
Ainsi un titre IPG paie 34 % du tarif de service universel correspondant. Cette participation s'établit à 12 % pour un quotidien à faibles ressources publicitaires alors qu'elle est de 69 % pour un magazine.
Du fait de la modicité des tarifs postaux réglementés de presse au regard des coûts affectés à l'activité et du niveau de la participation financière de l'État , La Poste a supporté, en 2018, un déficit brut de près de 287 millions d'euros avant compensation publique (dont 197 millions d'euros au titre de la presse IPG) 6 ( * ) .
L'État verse chaque année à La Poste une compensation pour financer le transport postal. Inscrite au sein du programme 134 « Développement des entreprises et régulations » de la mission « Économie », elle s'élevait en loi de finances pour 2021 à 87,8 millions d'euros (AE = CP).
Il convient, à ce stade, de relever que de 2009 à 2020, l'État a réduit de plus de 62 % sa contribution. Cette baisse substantielle reste difficilement amortissable. En effet, pour compenser une baisse de 20 millions d'euros de la contribution de l'État, il conviendrait de majorer les prix applicables à la presse non IPG de 7,5 %.
b) La mission sur la réforme du transport postal
Le Gouvernement a confié, à l'automne 2019, à Emmanuel Giannesini, conseiller maître à la Cour des comptes une mission visant à définir différents scénarios d'évolution des tarifs postaux et du soutien public au transport postal de la presse à partir du 1 er janvier 2021. Il s'agissait en premier lieu de réviser la grille tarifaire censée prendre fin en 2020.
Cette réévaluation devait tenir compte de trois éléments :
- un contexte d'attrition des volumes de presse postés (- 35 % entre 2013 et 2018). La baisse vise également les exemplaires bénéficiant des tarifs adaptés : entre 2018 et 2020, ces volumes ont diminué en moyenne de 10,9 % par an, le nombre d'exemplaires diffusés par voie postale passant ainsi de 780,6 à 618,9 millions d'exemplaires entre 2018 et 2020. Les projections indiquent, par ailleurs, que les volumes de presse postés devraient être divisés par 2,5 d'ici six ans, pour descendre à 300 millions d'exemplaires en 2026, ce qui induit un changement de modèle ;
- une baisse concomitante de la qualité du transport postal, relevée notamment par les éditeurs. Celle-ci tient à la réorganisation des tournées des facteurs (15 % des abonnés à la presse quotidienne livrés par La Poste sont susceptibles de recevoir leur journal l'après-midi) et à la multiplication des tournées « à découvert », c'est-à-dire non assurées (évaluées à 2 %) ;
- une inadaptation plus globale de la distribution postale des quotidiens qu'il s'agisse du coût de cette distribution, de son impact écologique voire de son sens à l'heure du numérique.
Plus largement, les augmentations de tarifs pour la presse non-IPG (information politique et générale) mises en oeuvre au cours des derniers exercices n'ont, par ailleurs, pas eu de résultats probants : elles n'ont pas amélioré le bilan économique de la mission de service public et ont divisé les familles de presse avec le creusement d'un écart entre les trois tarifs postaux (CPPAP, IPG, Quotidiens à faibles ressources publicitaires [QFRP]) et un risque d'insoutenabilité de la charge postale pour beaucoup de titres non IPG.
c) La mise en place d'une aide à l'exemplaire à double barème à compter du 1er janvier 2022
Cette mission a débouché sur la mise en oeuvre d'une nouvelle aide à l'exemplaire à double barème.
Un premier volet dédié aux exemplaires postés est destiné aux éditeurs des publications IPG et QFRP/QFRA d'une périodicité au maximum hebdomadaire. Le projet de loi de finances prévoit pour 2022 une dotation de 62,3 millions d'euros. Ces crédits sont transférés depuis le programme 134. Ils correspondent à 11/12 e de la totalité du coût estimé - 67,9 millions d'euros - une régularisation étant attendue en 2023. Afin d'encourager le portage, le montant de l'aide à l'exemplaire devrait être diminué à compter du 1 er janvier 2024 , sauf pour les exemplaires distribués dans les communes situées dans les zones dites peu denses.
Le second volet reprend les contours de l'aide au portage actuelle. Toutefois, seuls les titres portés par un réseau ou par une composante d'un réseau ayant conclu avec la direction générale des médias et des industries culturelles du ministère de la culture seront éligibles au dispositif. Un montant incitatif est mis en place pour les publications IPG hebdomadaires afin de les inciter à recourir à ce dispositif. Les crédits prévus pour 2022 sont les mêmes que ceux votés en 2021, soit 23,5 millions d'euros. Le ministère de la culture reconnaît qu'il y a là sous-évaluation, le coût de l'aide étant estimé à 32,7 millions d'euros mais table sur une régularisation en 2023 une fois les données relatives aux volumes portés en 2022 connus.
À côté de cette aide à l'exemplaire, subsiste également une aide aux réseaux de portage, dotée comme en 2021. Cette aide dédiée à soutenir les efforts de mutualisation des réseaux de portage est appelée à disparaître en 2023.
d) Une réforme qui répond à certaines préoccupations sans lever toutes les incertitudes
Le rapporteur spécial rappelle au préalable qu'il a régulièrement souligné lors de l'examen annuel des crédits du programme que l'inscription des aides au transport postal de la presse au sein du programme 134 de la mission « Économie » ne permettait pas de disposer d'une vision globale des aides au secteur. La Cour des comptes avait également souligné, en février 2018, la nécessité de produire un document budgétaire unique visant à évaluer l'ensemble des transferts réalisés au bénéfice de ce secteur. La réforme proposée participe donc d'une clarification bienvenue. Il est cependant regrettable que les montants prévus dans le présent projet de loi de finances soient volontairement sous-estimés.
Sur le fond de la réforme proposée, le rapporteur spécial relève qu'elle va dans le bon sens, dès lors qu'elle réduit la mission assignée à La Poste et simplifie une grille des tarifs complexe. Il y a cependant lieu de s'interroger sur la poursuite d'un soutien à fonds perdus au transport postal , alors même que la digitalisation de la presse, la rapidité de la diffusion de l'information comme le coût écologique de la distribution rendent ce mode de distribution en large partie obsolète. La grille tarifaire proposée couvrirait la période 2022-2026. Le rapporteur spécial souhaite qu'il s'agisse de la dernière période couverte et que les financements publics soient totalement orientés à cette date vers la modernisation du secteur.
Comme il l'a indiqué dans son rapport de contrôle sur les aides à la presse 7 ( * ) , le rapporteur spécial souligne que la volonté de valoriser le portage apparaît logique même s'il convient de garder en mémoire l'échec des dernières réformes de l'aide au portage. Les éditeurs de quotidiens à faibles ressources publicitaires (QFRP) et des quotidiens à faibles ressources de petites annonces (QFRPA) bénéficient, quant à eux, de tarifs postaux si avantageux qu'ils n'ont aucun intérêt à recourir au portage. Le changement de grille tarifaire postale peut cependant inciter à ce changement de modèle. Par ailleurs, les réseaux de la presse quotidienne régionale (PQR) restent très réticents à s'ouvrir au portage multi-titres par peur de la concurrence. La prise en compte de l'ouverture des réseaux dans l'attribution de la partie portage de l'aide unique devrait permettre de tempérer cette réserve. Il appartient également aux acteurs de ce secteur de prendre conscience du potentiel dont dispose ce type de réseau à l'heure du développement massif de la livraison de petits colis à domicile. Les réseaux de portage ne sauraient en effet servir uniquement de biais pour la livraison de journaux. L'extension des réseaux de portage à d'autres livraisons permettrait de les valoriser. Elle faciliterait de la sorte un désengagement progressif de l'État dans le soutien au portage.
2. Aller plus loin dans la réforme du financement public de la presse écrite
Les crédits dédiés aux autres aides à la presse se caractérisent par une très grande stabilité, seule l'une des aides au pluralisme, l'aide aux publications nationales d'information politique et générale à faibles ressources publicitaires, enregistrant une baisse de 1,2 million d'euros (-8,4 %).
La distribution ne peut cependant constituer le seul biais en vue d'une réforme des aides à la presse. Il convient désormais de réfléchir à la corrélation entre la nature actuelle des aides et leur modalités d'attribution d'un côté et les défis posés en termes industriels par la mutation de l'accès à l'information et les conséquences de celle-ci sur la vie de titres de presse de l'autre.
Cette prise en compte induit un aggiornamento du régime des aides à la presse. La grille d'analyse sous-jacente à la maquette budgétaire tend en effet à souligner une inadéquation entre les enjeux actuels et les réponses, pour parties dépassées qui y sont apportées au plan financier. L'aide à la presse doit aujourd'hui être conçue comme une aide à l'investissement et non plus comme un soutien à des titres fragiles, n'ayant pas pu ou su procéder à une révision de leurs modèles ou comme un appui à des messageries qui ne peuvent rien face à la diminution inexorable du lectorat « papier ». Il s'agit de passer d'une logique de rafistolage à celle d'un accompagnement rationnel.
Comme il l'a indiqué dans son rapport de contrôle budgétaire publié en juin dernier 8 ( * ) , le rapporteur spécial plaide pour la refonte de l'ensemble des aides (distribution, pluralisme, modernisation) versées actuellement à plusieurs acteurs de la filière en une aide unique au titre, évolutive en fonction de son degré de digitalisation, de sa participation à la connaissance et au savoir - la question de la pertinence du critère IPG est notamment posée - et de son accès aux ressources publicitaires.
Au-delà de l'aide à la distribution et à la modernisation, la question des aides au pluralisme doit être posée. Le dispositif profite de fait à quatre quotidiens ( La Croix , L'Humanité , Libération et, dans une moindre mesure L'Opinion ) sans qu'une réflexion ne soit lancée sur la structure même de ces groupes de presse. L'angle de la faiblesse des ressources publicitaires ne peut servir de seul motif à l'attribution d'une subvention . Une analyse des groupes sur lesquels certains de ces titres peuvent s'appuyer par ailleurs ( La Croix appartient à Bayard Presse, Libération est intégré à des degrés divers au sein du groupe Altice) doit également servir de critère en vue de l'attribution d'une dotation publique. Le même raisonnement s'applique aux publications autres que quotidiennes concernées par ces aides. De fait, il pourrait être opportun, dans un contexte de concentration des médias, de procéder à une réorientation des aides au pluralisme, désormais conçues comme un soutien à l'indépendance , visant presse écrite et médias tout en ligne. La notion d'indépendance serait dès lors un critère de majoration de l'aide unique au titre.
Cette nécessaire transparence implique également la publication d'un document détaillant, par titre et par groupe, le montant de l'aide accordée.
3. Une dépense fiscale à réévaluer
Au-delà des aides à la presse, le rapporteur spécial s'interroge sur la pertinence de certaines dépenses fiscales portées par le programme 180. La loi de finances pour 2022 prévoit une dépense fiscale en faveur de la presse de l'ordre de 170 millions d'euros.
Dépenses fiscales en faveur de la presse
(en millions d'euros)
Type de dépenses |
Chiffrage 2020 |
Chiffrage 2021 |
Chiffrage 2022 |
Taux de TVA de 2,10 % applicable aux publications de presse |
144 |
152 |
161 |
Déduction spéciale prévue en faveur des entreprises de presse |
2 |
1 |
1 |
Réduction d'impôt accordée au titre des souscriptions en numéraire au capital d'entreprises de presse |
< 0,5 |
< 0,5 |
< 0,5 |
Réduction d'impôt pour souscription au capital des sociétés de presse |
- |
- |
< 0,5 |
Crédit d'impôt sur le revenu au titre du premier abonnement |
- |
- |
Nc |
Exonération de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises dont les établissements vendent au public des écrits périodiques en qualité de diffuseurs de presse spécialisée |
5 |
5 |
5 |
Exonération de cotisation foncière des entreprises dont les établissements vendent au public des écrits périodiques en qualité de diffuseurs de presse spécialisée |
5 |
3 |
3 |
Total |
156 |
159 |
170 |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Les deux dispositifs visant la souscription au capital de sociétés de presse peinent ainsi à prouver leur efficacité 9 ( * ) . Ce qui interroge sur les mesures adoptées en loi de finances pour 2021. La loi de finances pour 2021 prévoit en effet de doubler les plafonds applicables pour les versements des particuliers au capital d'entreprises de presse effectués à partir du 1 er janvier 2021 10 ( * ) . 237 personnes seulement ont pourtant utilisé ce dispositif en 2020. La loi de finances pour 2021 a également rétabli le principe d'une réduction d'impôt équivalant à 25 % du montant d'une souscription au capital d'une société de presse, qui interviendrait entre le 1 er janvier 2021 et le 31 décembre 2024 11 ( * ) . Ce dispositif n'avait pas été prorogé au-delà de 2013. Seules 18 entreprises avaient à l'époque bénéficié de cette réduction, le montant de la dépense fiscale étant estimé à 1 million d'euros
La direction générale des médias et des industries culturelles a, par ailleurs, fait part de ses craintes quant à l'intérêt des contribuables pour le dispositif prévu par l'amendement dit « Charb », non couvert par le programme 180. La loi du 17 avril 2015 portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse a en effet élargi le régime fiscal du mécénat prévu à l'article 200 du code général des impôts aux associations oeuvrant pour le pluralisme de la presse. Cet article ouvre la possibilité pour des fonds de dotation de soutenir des associations ou fondations agissant dans le soutien du pluralisme de la presse. Les organismes éligibles sont les associations d'intérêt général, les fonds de dotation d'intérêt général qui exercent des actions concrètes en faveur du pluralisme de la presse et les fonds de dotation qui financent des associations d'intérêt général en faveur du pluralisme de la presse.
À l'heure actuelle, deux associations gèrent des dons dans ce cadre :
- Presse et Pluralisme, pour les publications, créée en décembre 2007, à l'initiative des principaux syndicats de la presse française imprimée. Elle a pour objet d'oeuvrer en faveur du pluralisme de la presse payante en France ;
- J'aime l'info, pour les sites de presse en ligne, créée en 2011.
La collecte de ces deux associations pour l'exercice 2021 serait ainsi en forte diminution. En 2020, l'association Presse et pluralisme avait enregistré 2,97 millions de dons et l'association J'aime l'info 2,04 millions d'euros.
4. Un soutien complété par le plan de relance et le plan de filière
Le programme 363 - Compétitivité de la mission Plan de relance -prévoit, en 2022, 70 millions d'euros en CP pour la filière presse. Ces crédits permettent de majorer les aides à la presse de près de 39 %.
Cette dotation vient financer trois priorités établies en 2021 :
- un plan pour accompagner la transition écologique du secteur de la presse et les changements de pratique dans l'imprimerie (47 millions d'euros sur la période 2021-2022 dont 23,5 millions d'euros en 2022) ;
- la majoration des crédits alloués au Fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) afin d'améliorer la compétitivité et l'attractivité du secteur (45 millions d'euros sur la période 2021-2022 dont 22,5 millions d'euros en 2022) ;
- un soutien aux marchands de journaux sur le territoire et la mise en place d'un fonds pour la résorption de la précarité dans ce secteur d'activité (48 millions d'euros sur la période 2021-2022 dont 24 millions d'euros en 2022). Ces crédits s'intègrent dans le plan filière de 377 millions d'euros sur deux ans présenté par le Président de la République le 27 août 2020. Cette somme couvre les nouvelles lignes budgétaires créées en loi de finances pour 2021, et une partie les crédits dégagés en troisième loi de finances rectificative pour 2020. Elle intègre également la dépense fiscale liée à la création de l'impôt au titre d'un premier abonnement.
Il convient de relativiser l'aspect novateur des priorités du plan de filière en faveur de la presse. 22 % des crédits dédiés à la presse sont fléchés vers un plan réseau imprimerie (PRIM) destiné à accélérer le départ de 1 553 salariés du secteur de l'imprimerie, soit près de 60 % des effectifs actuels. Le rapporteur spécial constate que le PRIM relève avant tout d'un gigantesque plan social ciblant les imprimeries et ne correspond pas véritablement à l'objectif de rebond affiché.
S'agissant de la majoration des crédits du FSDP destinée à favoriser l'accompagnement de la transition vers le numérique des principaux acteurs de la filière, en particulier les éditeurs, le rapporteur spécial rappelle qu'il n'appartient pas à l'État de se substituer aux éditeurs dans la définition d'une offre numérique ou du choix d'un support et de financer ainsi l'intégralité du processus de digitalisation de la presse, sauf à créer une distorsion de concurrence avec d'autres secteurs. L'accompagnement doit donc prendre en compte le degré de digitalisation déjà existant pour chaque titre et être modulé en fonction de celui-ci.
Par ailleurs, l'ouverture de nouvelles lignes de crédits en faveur de la transition numérique ne saurait occulter la mise en place d'autres instruments juridiques en vue de renforcer les ressources des médias de presse écri t e présents sur internet (kiosques numériques, droits voisins, publicité numérique). L'aide budgétaire ne peut constituer la seule réponse au défi de la digitalisation.
S'agissant du plan de filière, il couvre les crédits dédiés à la restructuration de Presstalis et son remplacement par France Messagerie (140 millions d'euros AE = CP prévus par la troisième loi de finances rectificative pour 2020). Le rapporteur spécial relève que la situation du nouvel opérateur apparaît cependant toujours aussi fragile, dépendante de nombreux aléas, qu'il s'agisse des restrictions d'activité liées aux mesures sanitaires ou, plus structurellement, à l'attrition du nombre de lecteurs de journaux papiers.
Le plan de filière intègre également le crédit d'impôt sur le premier abonnement à une publication ou à un service de presse en ligne qui présente le caractère de presse d'information politique et générale (IPG ), instauré en troisième loi de finances rectificative pour 2020 12 ( * ) . Ce dispositif doit permettre d'augmenter le lectorat et faciliter ainsi un redémarrage du marché publicitaire tout en garantissant un flux de trésorerie pour les entreprises de presse. Le dispositif avait été modifié lors des débats à l'initiative du Sénat afin de le rendre plus attractif en supprimant toute condition de revenus et de plafond de 50 euros tout en ramenant la prise en charge à 30 % du montant de l'abonnement, contre 50 %. Il est accordé une fois pour un même foyer fiscal jusqu'au 31 décembre 2022. Le coût de la dépense fiscale en année pleine est évalué à 60 millions d'euros. Reste que ce crédit d'impôt a été déclaré conforme au droit de l'Union européenne en matière d'aides d'État par la Commission européenne le 16 avril 2021 13 ( * ) et n'a donc pu entrer en vigueur que le 9 mai suivant 14 ( * ) . Il ne peut donc aujourd'hui être évalué. Le rapporteur spécial relève que le dispositif apparaît pour l'heure mal connu et ne fait pas partie des arguments présentés par les éditeurs dans les offres d'abonnement.
De manière générale, si le bien-fondé de l'ensemble des mesures prévues par le plan de filière et le plan de relance ne saurait être totalement remis en cause , cette aide d'urgence ne saurait être à terme pérennisée, sauf à renforcer l'addiction du secteur aux fonds publics, qui peut placer les titres de presse dans une situation de dépendance excessive à l'égard de l'État.
* 4 Loi n° 90-568 du 2 juillet 1990.
* 5 Articles D.18 à D.28.
* 6 Ce montant équivaut à la différence entre le chiffre d'affaires qui résulterait de l'application des tarifs du service universel et celui qu'elle réalise en appliquant les tarifs de service public.
* 7 Vitamine ou morphine : quel avenir pour les aides à la presse écrite ? Rapport d'information de M. Roger Karoutchi , fait au nom de la commission des finances n° 692 (2020-2021) - 16 juin 2021.
* 8 Vitamine ou morphine : quel avenir pour les aides à la presse écrite ? Rapport d'information n° 692 (2020-2021) de M. Roger Karoutchi, fait au nom de la commission des finances - 16 juin 2021.
* 9 Articles 199 terdecies-0 et 220 undecies du code général des impôts.
* 10 Article 114 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.
* 11 Article 147 de la loi n° 2020-1721 de finances pour 2021.
* 12 Article 2 de la loi n°2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.
* 13 Décision n°SA59065.
* 14 Décret n°2021-560 du 7 mai 2021 fixant la date d'entrée en vigueur du crédit d''impôt sur le revenu pour le premier abonnement à un journal, à une publication périodique ou à un service de presse en ligne d'information politique et générale instauré par l'article 2 de la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.