B. CETTE ÉVOLUTION REND NÉCESSAIRE UNE RÉFLEXION GLOBALE SUR UN SYSTÈME DE FINANCEMENT DES COLLECTIVITÉS UNANIMEMENT CONTESTÉ
1. Une érosion de l'autonomie fiscale des collectivités et une dépendance croissante à des ressources qu'elles ne maitrisent pas
Les récentes réformes de la fiscalité locale ont détérioré l'autonomie fiscale des collectivités territoriales, cette dernière s'établissant désormais, après le remplacement de la CVAE, par une part d'impôt national partagé (TVA), à 40,7 % pour le bloc communal, 24,8 % pour les départements et 31,8 % pour les régions.
Pour autant, leur autonomie financière a augmenté ces dernières années. En effet, d'après les données issues du dernier rapport pris en application de l'article 5 de la loi organique n° 2004-758 du 29 juillet 2004 et relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales, le ratio d'autonomie financière s'élève à 70,9 % pour le bloc communal, 74,7 % pour les départements et 73,9 % pour les régions. Entre 2003, année de référence, et 2020, ce ratio a augmenté de plus de 10 points pour le bloc communal, de 16 points pour les départements et de plus de 32 points pour les régions.
Évolution du ratio d'autonomie financière entre 2003 et 2020
(en pourcentage)
Source : rapport 2022 pris en application de l'article 5 de la loi organique n° 2004-758 du 29 juillet 2004 et relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales
Cette augmentation de l'autonomie financière résulte du fait que la loi ne reconnait que cette dernière et non l'autonomie fiscale. Or, l'autonomie financière est définie en se basant sur une acception large de la notion de ressources propres et sur une définition qui est antérieure aux réformes de la fiscalité locale intervenue entre 2010 et 2023 (suppression de la taxe professionnelle, suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales, suppression de la CVAE) et qui n'a donc désormais plus qu'un sens limité.
Aussi, même si le ratio d'autonomie financière a augmenté depuis 2003, cette progression ne rend pas compte de la perception des élus locaux d'une perte de maitrise de leurs ressources en raison de la part croissante de la fiscalité nationale au sein de leurs ressources propres.
2. Une dépendance accrue à la TVA
À la suite des différentes réformes de la fiscalité locale relatives à la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales et à la baisse des impôts de production (cf. infra partie III), les collectivités locales bénéficient désormais de fractions de TVA, pour un montant total de près de 52,5 milliards d'euros, en 2023, et estimé à 54,9 milliards d'euros en 2024 afin d'assurer leur financement.
C'est le cas notamment :
- des régions qui ont perçu, en 2023, 5,2 milliards d'euros de TVA en substitution de leur ancienne DGF (depuis 2018) et 11 milliards d'euros de TVA en compensation de la suppression de la part régionale de la CVAE (depuis 2021) ;
- du fonds de sauvegarde des départements, Mayotte, des collectivités de Guyane, Martinique, corse et de la métropole de Lyon pour soutenir les territoires les plus fragiles : la fraction de TVA était de 250 millions d'euros en 2021, de 264 millions d'euros en 2022 et de 278 millions d'euros en 2023 en raison de la dynamique de la TVA. Elle est estimée à 293 millions d'euros en PLF 2024 ;
- des départements (16,8 milliards), des EPCI (8,1 milliards) et de la Ville de Paris (800 millions) dans le cadre de la réforme supprimant la taxe d'habitation ;
- des départements (4,9 milliards d'euros) et du bloc communal (5,5 milliards d'euros) afin de compenser la suppression des parts communales et départementales de la CVAE.
3. Des ressources de plus en plus décolérées des compétences des collectivités
De surcroit, les ressources des collectivités ne sont pas cohérentes avec leurs compétences. À cet égard, les exemples des départements et des régions est particulièrement parlant. Ainsi, les dépenses principales des départements sont les dépenses liées à leurs compétences sociales et sont donc inversement proportionnelles à leurs ressources : les DMTO et la CVAE (jusqu'en 2022) sont essentiellement assises sur la richesse des départements et leur attractivité ainsi que sur la capacité au niveau d'un territoire à attirer de nouveaux ménages et entreprises.
Concernant les régions, les principales ressources reposent sur de la fiscalité liée à l'automobile : part de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) et taxe sur la carte grise alors même que le développement des mobilités collectives - ferroviaire, trains express régionaux (TER), transport interurbain - est une de leurs compétences majeures. Il en résulte que plus elles développeront cette compétence, plus leurs recettes vont se contracter.
4. Une imprévisibilité des ressources préjudiciables aux décisions d'investissement
Enfin, la question de prévisibilité des ressources revient de manière récurrente dans les attentes des élus. En effet, les décisions budgétaires de l'État, prises dans le cadre des diverses lois de finances, ont généré un système de financement de plus en plus instable, caractérisé par une imprévisibilité des ressources qui place les élus locaux dans une situation d'incertitude, ce qui peut affecter leurs décisions d'investissement.