C. AU-DELÀ DES CRÉDITS BUDGÉTAIRES, L'ATTRACTIVITÉ DES TERRITOIRES NÉCESSITE DES DÉPENSES FISCALES EFFICACES
1. Plusieurs dispositifs de zonage sont associés au programme 112
Formellement, 25 dépenses fiscales sont rattachées au programme 112 pour un montant total de 686 millions d'euros. Le rapporteur spécial note toutefois que parmi ces 25 dépenses fiscales rattachées, seules 14 concernent exclusivement les dispositifs pris sur le fondement du programme 112. Les 11 autres se rapportent à des exonérations ciblées sur le territoire de la Corse ou à des exonérations de droits et déductions d'actifs en matière de propriété immobilière.
L'objet des 14 dépenses fiscales relevant des missions exécutées au titre du programme 112 sont récapitulées dans le tableau infra.
Liste et nature des 14 dépenses fiscales
dont l'objet relève directement du programme 112
Numéro de la dépense fiscale |
Nature de la dépense fiscale |
Montant 2024 en millions d'euros |
220104 |
Exonération d'impôt sur les bénéfices dans les zones de revitalisation rurale (ZRR) pour les entreprises créées ou reprises entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2020 |
335 |
230602 |
Exonération totale ou partielle des bénéfices réalisés par les entreprises nouvelles qui se créent entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2020 dans les zones d'aide à finalité régionale ou qui se sont créées entre le 1er janvier 1995 et le 31 décembre 2010 dans les zones de revitalisation rurale et de redynamisation urbaine (ZRU) |
67 |
230606 |
Exonération d'impôt sur les bénéfices pour les entreprises qui exercent ou créent une activité dans les bassins d'emploi à redynamiser (BER) |
5 |
530206 |
Exonération du droit budgétaire de 2 % de mutation pour les acquisitions de fonds de commerce dans certaines zones prioritaires d'aménagement du territoire (ZRR-ZRU-Zones Franches Urbaines) |
nc |
230303 |
Majoration de la base de calcul des amortissements des immobilisations acquises au moyen de primes de développement régional, de développement artisanal ou d'aménagement du territoire (PAT) |
1 |
230609 |
Exonération d'impôt sur les bénéfices dans les zones de développement prioritaire (ZDP) pour les entreprises créées entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2020 |
1 |
050112 |
Exonération des immeubles situés dans une zone de développement prioritaire (ZDP) et rattachés à un établissement implanté dans une ZDP pouvant bénéficier de l'exonération de cotisation foncière des entreprises |
Inférieur à 0,5 |
050113 |
Exonération des immeubles situés dans une zone de revitalisation des commerces en milieu rural et rattachés à un établissement implanté dans une ZoRCoMiR pouvant bénéficier de l'exonération de cotisation foncière des entreprises |
Inférieur à 0,5 |
090101 |
Exonération en faveur de certaines opérations réalisées dans les ZRR |
Inférieur à 0,5 |
040101 |
Exonération en faveur des entreprises réalisant certaines opérations en ZRR pouvant ouvrir droit à une exonération de Contribution foncière des entreprises (CFE) en l'absence de délibération contraire d'une commune ou d'un établissement public de coopération intercommunale |
1 |
040112 |
Exonération en faveur des établissements créés entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2020 dans une zone de développement prioritaire (ZDP) pouvant bénéficier de l'exonération de cotisation foncière des entreprises |
0 |
040113 |
Exonération en faveur des établissements exerçant une activité commerciale dans une zone de revitalisation des commerces en milieu rural pouvant bénéficier de l'exonération de cotisation foncière des entreprises |
0 |
090113 |
Exonération en faveur des établissements créés dans une zone de développement prioritaire |
Inférieur à 0,5 |
090114 |
Exonération en faveur des établissements exerçant une activité commerciale dans une zone de revitalisation des commerces en milieu rural |
Inférieur à 0,5 |
Source : Commission des finances du Sénat à partir des réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial
Ces diverses dépenses comprennent principalement des exonérations ou des réductions d'impôt associées au classement dans divers dispositifs de zonages, pour un montant total en 2024, si l'on tient compte des 25 dépenses fiscales, de 686 millions d'euros. Ce montant total des dépenses fiscales est en hausse de 1,33 % entre 2023 et 2024 et de 7,36 % sur la période 2018-2024. Ce montant inclut neuf dépenses fiscales sur des impôts locaux, toutefois prises en charge par l'État, et donc rattachées au programme 112, pour un total de 7 millions d'euros27(*).
Compte tenu de l'importance de ces montant, qui représentent plus du double des crédits budgétaires affectés au programme 112, le rapporteur spécial souligne qu'il lui semble indispensable d'assurer un suivi précis de ces coûts.
2. Une refonte en cours des zonages pour assurer l'efficience des dépenses fiscales afférentes
La question de l'efficience de ces dépenses fiscales liées aux dispositifs de zonage, dont une partie est portée par le programme 112, a conduit le Gouvernement à solliciter de quatre inspections générales28(*), par une lettre de mission du 13 janvier 2020, une évaluation des dispositifs zonés de soutien du développement économique et de l'emploi dans les territoires.
L'évaluation conduite prête trois caractéristiques principales à ces dispositifs :
- une faible part des entreprises éligibles recourt effectivement au dispositif le plus couteux pour l'État, à savoir celui des ZRR ;
- les activités libérales, peu créatrices d'emploi, mais très au fait de l'existence de dispositifs d'exonération, sont les plus concernées. Le commerce ou l'industrie ne bénéficient que très peu de mécanismes pourtant initialement pensés pour eux ;
- l'absence d'harmonisation des paramètres des exonérations (conditions, durée, etc.) altère leur efficacité.
Tout en reconnaissant que ces points sont susceptibles de faire l'objet d'amélioration, le rapporteur spécial souligne, d'une part, qu'il ne partage pas l'intégralité des conclusions tirées par la mission sur l'inefficacité partielle de ces dépenses fiscales en matière de création d'entreprises, lesquelles ne peuvent être envisagées qu'à une échelle modeste sur les territoires concernées et, note d'autre part, l'attachement des élus locaux à ces dispositifs fiscaux dans les zones rurales.
Il note qu'une première initiative de rationalisation des zonages a été prise, en particulier pour harmoniser les dispositifs et leur durée de validité, au titre de la première partie du projet de loi de finances pour 2024 à travers son article 7 qui relève du rapporteur général.
La réforme portée à l'article 7 du présent PLF pour 2024 consisterait principalement à proroger jusqu'au 30 juin 2024 trois types de zonages avant d'envisager leur fusion au 1er juillet 2024 sous l'appellation de zones France Ruralités revitalisation (FRR) : les bassins d'emplois à redynamiser (BER), les zones de revitalisation rurales (ZRR) et les zones de revitalisation des commerces en milieu rural (ZoRCoMiR). Le tableau suivant récapitule les principales caractéristiques actuelles des trois types de zonages dont la fusion est envisagée :
Principales caractéristiques des zonages dont la fusion est envisagée
Bassins d'emploi à redynamiser (BER) |
Zones de revitalisation rurale (ZRR) |
Zones de revitalisation des commerces en milieu rural (ZoRCoMIR) |
|
Principaux fondements juridiques |
3. bis de l'article 42 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006 |
Article 1465 A |
Article 1464 G du code général des impôts |
Collectivités concernées |
Communes d'un même bassin |
Communes d'un même EPCI |
Communes |
Critères d'éligibilité au dispositif des communes concernées |
Taux de chômage supérieur de trois points au taux national - Variation annuelle moyenne négative de la population entre les deux derniers recensements connus supérieure en valeur absolue à 0,15 % - Variation annuelle moyenne négative de l'emploi total entre 2000 et 2004 supérieure en valeur absolue à 0,75 % |
Densité de population inférieure ou égale à la densité médiane nationale des EPCIFP métropolitains (ou déclin de sa population de 30 % ou plus sur les quatre dernières décennies) - Revenu fiscal par unité de consommation inférieur ou égal à la médiane des revenus médians par EPCIFP métropolitain |
Population municipale inférieure à 3 500 habitants - Ne pas appartenir à une aire urbaine de plus de 10 000 emplois - Avoir un nombre d'établissements exerçant une activité commerciale inférieur ou égal à dix |
Critères d'éligibilité des entreprises au dispositif |
Exercer une activité industrielle, commerciale ou artisanale (à l'exception des activités de crédit-bail mobilier, de location d'immeubles à usage d'habitation, ou agricole). |
Extensions ou créations d'activités industrielles ou de recherche scientifique et technique, ou de services de direction, d'études, d'ingénierie et d'informatique (ou reconversion dans le même type d'activités ou reprise d'établissements en difficulté exerçant le même type d'activités) |
Exercer une activité commerciale Moins de onze salariés CA annuel hors taxes inférieur à 2 millions d'euros (ou bilan inférieur à 2 millions d'euros) |
Type de dispositif mobilisable |
Exonération d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices provenant des activités concernées (dans les vingt-trois mois suivant le début d'activité) |
Exonération de cotisation foncière des entreprises |
Exonération partielle ou totale de cotisation foncière des entreprises |
Nombre de communes concernées |
408 communes29(*) |
17 720 communes30(*) |
14 114 communes31(*) |
Source : Commission des finances du Sénat
Le dispositif FRR comprendrait un niveau socle et un niveau « FRR + » donnant droit à davantage de soutien. Outre l'entrée de droit dans le dispositif, comprenant lui-même trois modalités d'accès, figure une possibilité de rattrapage d'autres communes.
Si elle aboutissait en l'état, cette réforme conduirait à ce qu'une partie des 17 720 communes actuellement classées en ZRR, dont le détail est donné par le tableau ci-après, n'intègre pas le nouveau dispositif des zones FRR.
Nombre et catégories de communes classées en ZRR
Catégorie de communes |
Nombre de |
Classées en ZRR |
13 656 |
Sortantes en 2017 mais continuant à bénéficier des effets du classement depuis 2018 |
3 021 |
Classées en ZRR au titre de la baisse de population sur quatre décennies |
12 |
Sortantes en 2017, classée en zone de montagne et continuant à bénéficier des effets du classement depuis 2017 |
994 |
Commun fusionnée bénéficiant en totalité des effets du classement car classée en zone de montagne |
1 |
Partiellement classées en ZRR |
28 |
Communes fusionnées bénéficiant partiellement des effets du classement depuis 2018 |
6 |
Communes fusionnées bénéficiant partiellement des effets du classement car partiellement classée en zone de montagne |
2 |
Total |
17 720 |
Source : réponses au questionnaire budgétaire
En effet, les projections laissent apparaitre que 7 851 communes devraient, au regard des nouveaux critères (densité et niveau de revenus), obtenir un classement en FRR socle, 2 481 communes devraient obtenir un classement en FRR+, tandis que 3 080 communes seraient considérées comme « rattrapables » pour le dispositif. Ce sont ainsi 10 332 communes qui seraient de droit en FRR (socle ou +) et 13 412 communes qui seraient, en tout, concernées ou potentiellement concernées.
Le rapporteur spécial sera très attentif aux évolutions de ces dispositifs compte tenu de l'importance des différents zonages pour les territoires ruraux : il considère que leur réforme doit être à la hauteur des ambitions du Gouvernement pour la ruralité.
* 27 Pour le détail quant à ces 7 millions d'euros, se reporter utilement au projet annuel de performances de la mission « cohésion des territoires », annexé au projet de loi de finances pour 2024 (cf. pages 163 et 164).
* 28 Cette inspection a été conduite par l'Inspection générale des finances (IGF), l'Inspection générale de l'administration (IGA), l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD).
* 29 D'après le décret n° 2007-228 du 20 février 2007 fixant la liste des bassins d'emploi à redynamiser et les références statistiques utilisées pour la détermination de ces bassins d'emploi et décret n° 2018-550 du 29 juin 2018 modifiant le décret n° 2007-228 du 20 février 2007 fixant la liste des bassins d'emploi à redynamiser et les références statistiques utilisées pour la détermination de ces bassins d'emploi.
* 30 17 937 d'après l'arrêté du 22 février 2018 modifiant l'arrêté du 16 mars 2017 constatant le classement de communes en zone de revitalisation rurale et 17 720 d'après les réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial, probablement en raison du mouvement de fusion de communes.
* 31 D'après l'arrêté du 16 octobre 2020 constatant le classement de communes en zone de revitalisation des commerces en milieu rural.