III. LE NIVEAU DES DÉPENSES DEMEURE SUR UN PLATEAU ÉLEVÉ QUE NE PEUT MASQUER LE RECOURS À DES PROCÉDURES BUDGÉTAIRES D'EXCEPTION

A. L'ÉVOLUTION DES DÉPENSES : LES DÉPENSES SONT SUPÉRIEURES DE 16,2 % À LEUR NIVEAU DE 2017

Le montant net des dépenses du budget général, y compris les fonds de concours, a été en 2023 de 454,6 milliards d'euros, soit une augmentation de 1,9 milliard d'euros par rapport à 2022 (+ 0,42 %).

1. Les dépenses augmentent encore de 1,9 milliard d'euros par rapport à 2022, malgré le retrait de certains dispositifs d'urgence

La quasi-totalité des missions du budget général augmentent leur consommation de crédits, seules certaines politiques liées à la crise sanitaire ou à la crise de l'inflation étant en diminution.

Évolution des dépenses des missions du budget général entre 2022 et 2023

(en milliards d'euros)

P367 : Financement des opérations patrimoniales envisagées en 2023 sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État »

Source : commission des finances, à partir du projet de loi de règlement pour 2022 et du projet de loi relatif aux résultats de la gestion de 2023. Crédits de paiement consommés

Sur le programme 367 « Financement des opérations patrimoniales en 2024 sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » », la diminution de consommation signifie en fait que ce programme, utilisé en 2022 notamment pour la renationalisation d'EDF, n'a pas consommé de crédits en 2023.

La mission « Plan de relance », mise en place pour relancer l'économie en sortant des périodes de confinement de 2020, avait consommé 18,8 milliards d'euros de crédits de paiement en 2021 et 11,6 milliards d'euros en 2022. Les dépenses sont encore de 4,1 milliards d'euros en 2023.

La mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire » a été mise en extinction et n'a donc pas consommé de crédits en 2023.

S'agissant des augmentations de crédits, les remboursements et dégrèvements augmentent de 9,7 milliards d'euros. Les remboursements et dégrèvements d'impôts d'État augmentent à eux seuls de 11,5 milliards d'euros, notamment en raison des remboursements d'acomptes d'impôt sur les sociétés, les bénéfices ayant été moins élevés qu'anticipé. Cette augmentation est toutefois une tendance de fond, liée notamment, jusqu'en 2020, à la création du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) puis du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu. Les remboursements et dégrèvements d'impôts locaux ont connu une très nette diminution avec la suppression récente de certains impôts locaux :

Évolution des remboursements et dégrèvements

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Hors remboursements et dégrèvements, la principale hausse concerne la mission « Engagements financiers de l'État » (+ 8,0 milliards d'euros). Elle est toutefois due pour plus de la moitié à l'augmentation de la contribution du programme 369 à l' « amortissement » de la dette Covid, qui ne constitue pas une véritable dépense comme indiqué supra.

Enfin, la charge de la dette en comptabilité budgétaire (action 01 du programme 117 « Charge de la dette et trésorerie de l'État »), elle, augmente de 4,9 milliards d'euros, pour atteindre 54,4 milliards d'euros. Cette augmentation est due à une forte augmentation de la charge nette d'intérêts sur les titres de court terme (+ 5,2 milliards d'euros), tandis que la charge d'intérêts à moyen et long terme diminue légèrement (- 0,2 milliard d'euros). Cette augmentation est moindre qu'en 2022 (+ 13,2 milliards d'euros), année marquée notamment par l'impact de l'inflation sur les titres de dette indexés.

2. L'augmentation des dépenses pendant la crise sanitaire n'aura été ni ciblée, ni temporaire

Par rapport à 2017, le montant des dépenses a augmenté de 115,1 milliards d'euros (+ 33,9 %), soit un montant supérieur à la somme des crédits des missions « Enseignement scolaire » et « Défense » cette année-là.

En euros constants, la hausse des dépenses a été de + 16,2 % depuis 2017, contre + 0,9 % et + 6,6 %, respectivement, au cours des deux quinquennats précédents.

Évolution des dépenses nettes du budget général en euros constants

(en milliards d'euros et en pourcentage)

Source : calculs commission des finances, à partir des lois et projets de loi de règlement. Dépenses du budget général nettes des remboursements et dégrèvements, y compris fonds de concours. Actualisation par la moyenne annuelle de l'indice mensuel des prix à la consommation, hors tabac.

Il se confirme donc, année après année, que la crise sanitaire n'a pas constitué un pic temporaire de dépenses, mais a été le point de départ d'un nouveau plateau de dépenses dont l'État ne descend plus, contrairement à ce qui s'était passé au moment de la crise financière de 2009 et 2010, qui avait été suivie d'un retour rapide au niveau antérieur de dépenses.

3. La masse salariale augmente de près de 5 milliards d'euros entre 2022 et 2023
a) L'évolution des emplois reprend une trajectoire ascendante

Les effectifs de l'État ont augmenté en 2023 de 8 975 équivalents temps plein (ETP), alors que les deux années précédentes avaient été marquées par des diminutions, notamment en raison de difficultés de recrutement (- 5 846 ETP en 2022 et - 3 955 ETP en 2021).

Principales variations par ministère des schémas d'emplois

(en équivalents temps plein)

Source : commission des finances, à partir du projet de loi de règlement

Si l'évolution globale des emplois (+ 8 975 ETP) est très proche de la prévision en loi de finances initiale (+ 8 960 ETP), deux ministères se distinguent par une réalisation des emplois très différente de la prévision.

Au ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, la hausse est de + 6 027 ETP contre une prévision de hausse de + 2 000 ETP. Sur deux ans, toutefois, la hausse est de + 1 603 ETP seulement : il apparaît ainsi que la sous-exécution de 2022, due à des difficultés de recrutement, a été dans l'ensemble compensée en 2023.

Le ministère des armées, à l'inverse, connaît pour la deuxième consécutive une baisse du nombre d'emplois (- 2 515 ETP en 2023, après - 1 018 ETP en 2022) alors que le projet de loi de finances initiale prévoyait une augmentation (+ 1 527 ETP en 2023, après + 492 ETP en 2022). Le rapport annuel de performances indique que le ministère a rencontré des « difficultés inédites » pour recruter des militaires du rang, difficultés qu'il attribue à l'asséchement du vivier par un recrutement important en 2022. En outre, les départs poursuivent une tendance haussière, déjà responsable de la baisse globale des effectifs en 2022.

L'augmentation des effectifs du ministère de l'intérieur et de l'outre-mer s'explique principalement par l'augmentation des effectifs de la police (+ 1 947 ETP) et de la gendarmerie (+ 955 ETP). Au ministère de la justice, les moyens sont renforcés dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi de programmation avec notamment 1 246 emplois créés pour la justice judiciaire et 809 pour l'administration pénitentiaire.

Enfin, la baisse des emplois se poursuit au ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, mais de manière moins marquée que les années précédentes (- 1 624 ETP en 2022, après - 2 090 ETP en 2021).

b) Les dépenses de personnel poursuivent leur augmentation

Les dépenses de personnel du budget général de l'État sont de 144,4 milliards d'euros en 2023, contre 138,4 milliards d'euros en 2022, soit une hausse de 6,0 milliards d'euros ou + 4,3 %. Cette hausse est légèrement inférieure à l'inflation41(*).

En soustrayant les contributions au compte d'affectation spéciale « Pensions », la masse salariale représente 99,2 milliards d'euros, en hausse de 4,8 milliards d'euros, soit + 5,1 % par rapport à 2022.

Évolution de la masse salariale entre 2022 et 2023

(en millions d'euros, hors CAS « Pensions »)

GVT : glissement vieillesse-technicité.

Source : commission des finances, à partir du projet de loi relatif aux résultats de la gestion

Plus de la moitié du coût des mesures catégorielles concerne le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse (1,03 milliard d'euros) et notamment la revalorisation des rémunérations des enseignants (829 millions d'euros).

Les autres ministères concernés sont le ministère de l'intérieur et de l'outre-mer (0,17 milliard d'euros, principalement pour la gendarmerie nationale et la police), le ministère des armées (0,16 milliard d'euros, pour les militaires comme pour le personnel civil) et le ministère de la justice (0,10 milliard d'euros, aussi bien pour le personnel de justice judiciaire que pour celui de l'administration pénitentiaire).

S'agissant des mesures générales, leur coût provient principalement de la revalorisation du point de la fonction publique (1,95 milliard d'euros), qui comprend l'impact en année pleine de l'augmentation de 3,5 % intervenue en juillet 2022 comme l'impact sur 2023 de l'augmentation de 1,5 % intervenue en juillet 2023.

Si l'on compare la répartition des charges de personnel, d'une part, et de la consommation des emplois, d'autre part, entre les ministères, on constate que le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse concentre plus de la moitié des emplois (53,3 %) et de la masse salariale (53,8 %). Le ministère de l'intérieur et de l'outre-mer et celui des armées représentent, respectivement, 15,6 % et 13,8 % des emplois et 14,4 % et 13,3 % de la masse salariale.

Consommation d'emplois et masse salariale des ministères

Source : commission des finances, à partir du projet de loi relatif aux résultats de la gestion


* 41 4,8 % pour l'indice des prix à la consommation hors tabac, en moyenne annuelle.

Les thèmes associés à ce dossier

Partager cette page