II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL SUR LES PROGRAMMES 112 ET 162
A. LE PROGRAMME 112 : UNE MISSION D'ACCOMPAGNEMENT DES TERRITOIRES QUI MOBILISE DES CRÉDITS EN HAUSSE
1. Un champ d'intervention particulièrement éclectique sous l'appellation « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire »
L'intervention de l'État en matière d'aménagement du territoire se traduit davantage, depuis quelques années, par un accompagnement des collectivités que par des politiques conduites directement : il s'agit d'intervenir de manière ciblée selon que sont visés les territoires ruraux, les territoires périurbains ou les centres de villes moyennes. Ces dispositifs ciblés se manifestent principalement par le rattachement au programme 112 des crédits destinés :
- au programme France Services, lancé début 2020 (77,71 millions d'euros consommés en 2023 contre 61,62 millions en 2022, incluant les crédits destinés au Fonds national d'aménagement et de développement du Territoire - le FNADT- pour le financement de 2 700 structures France Services3(*)) ;
- au programme « Petites Villes de demain » qui cible un peu plus de 1 600 communes ou intercommunalités de moins de 20 000 habitants qui exercent des fonctions de centralité et qui présentent des signes de fragilité (25,55 millions d'euros consommés pour ce dispositif sur le programme 112 en 2023 contre 23,26 en 2022) ;
- au dispositif « Fabriques de territoires » qui met à disposition des « tiers lieux » dans des territoires qui en étaient totalement dépourvus (le dispositif était initialement financé par le plan de relance et se poursuit désormais dans le cadre du programme 112 avec 11,78 millions d'euros d'autorisations d'engagement en 2023) ;
- au programme « Territoires d'industrie » par lequel des postes de chefs de projet, à hauteur de 80 000 euros par emploi, sont financés ;
- ou encore, plus marginalement en 2023, à l'agenda rural, sous le pilotage de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (en 2022, 11,5 millions d'euros de crédits de paiement issus du plan de Relance avaient été consommés, notamment pour la mise en place des volontaires territoriaux en administration (VTA) pour seulement 1,4 million d'euros en 2023).
Par ailleurs, le programme contribue au financement de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (cf. infra) et mobilise aussi une part des crédits destinés à la contractualisation entre l'État et les territoires : sans prétendre à l'exhaustivité compte tenu des nombreux mécanismes contractuels concernés, on citera les contrats de plan État-régions (CPER), les contrats de plan interrégionaux (CPIER) de fleuves et de massifs, ainsi que des contrats territoriaux infra-régionaux, principalement axés autour de la transition écologique et l'accès au numérique.
2. Des dépenses d'exécution en hausse malgré une programmation initiale une nouvelle fois insuffisante
En 2023, le total des crédits de paiement ouverts sur le programme 112 s'est élevé à 415 millions d'euros en autorisations d'engagement (contre 382,5 millions d'euros en 2022) et à 389 millions d'euros en crédits de paiement (contre 338 millions d'euros en 2022). Cela représente une croissance du programme de 8,5 % en AE (consécutives à une croissance de 27, 3 % entre 2021 et 2022 et de 33 % entre 2020 et 2021) et de 15 % en CP (contre 19,7 % entre 2021 et 2022 et 6 % entre 2020 et 2021).
Comme chaque année, cette hausse résulte d'importants mouvements de crédits infra-annuels sur le programme 112, les crédits votés en loi de finances initiale s'étant révélés insuffisants. Le total des crédits ouverts présente en effet un écart de 26 % en AE et de 48 % en CP par rapport à la LFI. Cette insuffisance des crédits initiaux n'est en rien surprenante puisque la budgétisation 2023 a été inférieure de 14 % en AE et de 22,5 % en CP par rapport à l'exécution 2022.
Si l'on observe l'évolution des crédits effectivement consommés sous le prisme des différentes actions, cette tendance à la hausse sur le programme s'explique en grande partie par le financement du fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) par lequel transitent les trois-quarts des crédits du programme en 2023.
Comme chaque année, le montant des crédits est très variable selon les actions, en raison du caractère spécifique de certaines d'entre elles. Le montant total des crédits ouverts sur l'action 11, qui porte la section locale du FNADT, c'est-à-dire essentiellement des crédits contractualisés entre l'État et les collectivités territoriales, est de nouveau en hausse pour assurer le financement des CPER. En LFI 2023, il était prévu que l'action 11 soit dotée de 196,55 millions d'euros en AE et de 118,82 millions d'euros en CP. En fin de gestion, l'exécution constatée a été de 188,3 millions en AE et de 130,85 millions d'euros en CP.
L'action 12 croît également, entre autres du fait de la montée en puissance du dispositif France Services. Comme lors des années précédentes, il faut souligner la sur-exécution des crédits (en autorisations d'engagement, l'exécution est portée à 133 millions d'euros en 2023, incluant les dépenses de fonctionnement et les dépenses d'intervention contre une ouverture en LFI de 64,9 millions d'euros) soit un niveau largement supérieur à la budgétisation initiale (+ 104 % en AE et + 97 % en CP). Toutefois, une fois soustraite la participation des opérateurs France Services, il apparait que le montant effectivement engagé par l'État augmente moins rapidement que ne le laisse supposer ces chiffres même s'il répond partiellement à la préconisation de poursuivre le déploiement du réseau France services sur le territoire, déjà formulée par le rapporteur spécial4(*).
Comme l'an dernier, l'action 13 « Soutien aux opérateurs » ressort, en hausse, ce qui bénéficie à l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) dont le rapporteur spécial considère qu'elle a toutefois vocation à bénéficier de moyens plus importants encore, en particulier pour répondre aux besoins de la ruralité5(*).
L'action 14, quant à elle, porte des dispositifs qui sont soit en extinction, soit rattachés aujourd'hui à d'autres programmes. La prime d'aménagement du territoire (PAT), qui constituait l'essentiel de l'action, a pris fin au 31 décembre 20206(*). De surcroît, la loi de finances pour 2018 a acté l'arrêt du financement de nouveaux engagements concernant les contrats de ruralité et des pactes État-métropoles sur le programme 112, transférés vers le programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements » de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (RCT). En conséquence, plus aucun crédit ne figure en AE depuis 2021. Il faut même souligner que les autorisations d'engagement constatées ressortent pour 2023 en écriture négative dans Chorus à - 2 2 062 346 euros après retraitement, ce que le rapport annuel de performances pour 2023 justifie ainsi :
« Afin de retracer la consommation réelle de l'action 14, il convient de préciser que les consommations en AE (...) doivent faire l'objet de plusieurs retraitements. Les clôtures d'engagement juridiques sur des années antérieures à 2023 qui n'ont pas fait l'objet d'une opération autorisée de recyclage doivent être écartées. Ces clôtures ont conduit à un ajustement à la baisse du montant des engagements, en générant une écriture négative ».
Il est, enfin, intéressant de relever l'accentuation, qui s'est poursuivie en 2023, de l'effort global vers les collectivités territoriales et leurs groupements, au sein des dépenses d'intervention du programme, traduisant leurs attentes importantes, car elles avaient connu des arbitrages moins favorables ces dernières années.
3. L'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) une agence à consolider au service des territoires
Au total, un montant de 68,4 millions d'euros, dont 62,6 millions d'euros au titre de la subvention pour charges de service public (SCSP) a été versé en 2023 par le programme 112 en 2023 à l'ANCT, en incluant les transferts en gestion.
Ce montant s'inscrit dans une trajectoire de progression de la SCSP de l'ANCT. Lors de sa mise en place, l'agence disposait d'un soutien à hauteur de 54 millions d'euros, en autorisations d'engagement (AE) comme en crédits de paiement (CP), au titre de sa SCSP. Ce montant a été porté à 61 millions d'euros en 2021 pour permettre notamment le doublement du montant de l'ingénierie destinée à appuyer des projets sur mesure portés par les territoires, passant de 10 à 20 millions d'euros. La SCSP a ensuite été quasiment stable en 2022 et en 2023 autour de 63 millions d'euros en AE comme en CP.
Depuis, la loi de finances pour 2024 a abouti à une hausse substantielle de la SCSP d'environ 20 millions d'euros pour atteindre 81,5 millions d'euros afin de doubler (de 20 à 40 millions d'euros) les crédits consacrés à l'aide à l'ingénierie des collectivités territoriales.
Le rapporteur spécial se réjouit du changement de cap opéré mais considère que le mouvement de hausse des crédits doit se poursuivre compte tenu de l'extension du champ d'action de l'agence, à travers le déploiement de ses programmes dans les territoires, notamment les maisons France services, les « petites villes de demain » et sa participation à divers dispositifs. Il estime que l'enquête qu'il a diligentée auprès de la Cour des comptes7(*), sur le fondement du 2° de l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances du 1er aout 2001, et a fait l'objet d'une présentation en commission des finances du Sénat le 14 février 2024 confirme la nécessité d'accompagner la montée en puissance de l'ANCT de moyens supplémentaires.
* 3 Le nombre de structures France Services a, par la suite, de nouveau augmenté pour atteindre 2 884 sites, incluant les structures mobiles, au premier semestre 2024.
* 4Rapport d'information n° 337 (2023-2024), déposé le 14 février 2024, de M. Bernard DELCROS, fait au nom de la commission des finances, « L'ANCT, une agence à consolider au service des territoires » et rapport d'information n° 778 (2021-2022) du 13 juillet 2022, de M. Bernard DELCROS, fait au nom de la commission des finances, « Les maisons France services, levier de cohésion sociale ».
* 5Rapport d'information n° 337 (2023-2024), déposé le 14 février 2024, de M. Bernard DELCROS, fait au nom de la commission des finances, « L'ANCT, une agence à consolider au service des territoires ».
* 6 Conformément aux dispositions du décret n° 2014-1056 du 16 septembre 2014 relatif à la prime d'aménagement du territoire pour l'industrie et les services.
* 7 Rapport d'information n° 337 (2023-2024), déposé le 14 février 2024, pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes, transmise en application de l'article 58-2°de la LOLF, intitulée « l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), un outil à consolider - exécution 2020 2022 ».