III. L'INSTAURATION D'UN MONOPOLE DES LOIS DE FINANCES SUR LES DISPOSITIONS FISCALES PORTERAIT UNE ATTEINTE IMPORTANTE AU DROIT D'INITIATIVE DES PARLEMENTAIRES
L'article 1er de la proposition de loi constitutionnelle propose également de modifier l'article 34 de la Constitution pour instaurer un monopole des lois de finances sur les dispositions fiscales.
Le fait de circonscrire les mesures fiscales dans les lois de finances est tout à fait pertinent en tant que doctrine, en ce qu'il garantit une certaine cohérence de la politique budgétaire et fiscale. Dans les faits, est d'ailleurs largement respectée : on ne dénombre en moyenne que deux à trois mesures fiscales hors textes financiers chaque année.
La consécration d'une telle doctrine dans la Constitution soulève néanmoins plusieurs difficultés.
D'une part, laisser au législateur une certaine souplesse peut s'avérer utile. On peut par exemple concevoir, à l'occasion de l'examen d'une réforme économique sectorielle, qu'il puisse être pertinent d'ajuster certains dispositifs fiscaux.
D'autre part, une telle proposition porte une atteinte très importante au droit d'initiative des parlementaires, qui est déjà fortement contraint en matière financière par l'article 40 de la Constitution. En effet, le Gouvernement ayant le monopole de l'initiative des lois de finances, si une telle disposition était adoptée, les parlementaires ne pourraient faire de propositions en matière fiscale que par la voie d'amendements aux projets de loi de finances. Toute proposition de loi ou amendement ayant un objet fiscal déposé sur un autre texte serait irrecevable.
IV. SI LE HAUT CONSEIL DES FINANCES PUBLIQUES A DÉMONTRÉ SON UTILITÉ, SA CONSÉCRATION CONSTITUTIONNELLE NE PARAÎT PAS NÉCESSAIRE
L'article 7 de la proposition de loi constitutionnelle vise à modifier l'article 47-2 de la Constitution pour y inscrire le rôle du HCFP, tout en élargissant ses missions, notamment pour lui confier un rôle d'élaboration de prévisions économiques indépendantes. De l'avis de la commission, de telles évolutions ne paraissent ni nécessaires, ni opportunes.
L'existence et le rôle du HCFP sont déjà consacrés par la loi organique, ce qui paraît constituer une garantie suffisante. En outre, la mutabilité du cadre européen régissant les institutions budgétaires indépendantes nationales plaide pour ne pas rigidifier davantage le droit interne. De plus, eu égard à sa composition et à ses missions, le HCFP ne saurait être considéré comme une institution constitutive de notre régime politique, devant bénéficier à ce titre d'une consécration constitutionnelle.
Le fait de lui confier un rôle d'élaboration de prévisions économiques, outre qu'il imposerait un renforcement important de ses moyens, emporte le risque de créer un doublon administratif, dans le cas plausible où le ministère de l'économie et des finances conserverait ses propres capacités. Son rôle actuel de contre-expertise en matière de prévisions économiques, dans lequel il a démontré son utilité, paraît au contraire de nature à conforter son indépendance. Parmi les pays européens comparables, si les Pays-Bas ont par exemple fait le choix de doter leur institution budgétaire indépendante nationale d'une capacité autonome de prévision, tel n'est pas le cas de l'Italie, de l'Espagne, de l'Allemagne, de la Suède ou encore de la Finlande.
Le même article 7 prévoit de confier au HCFP la mission d'« apprécier les choix budgétaires du Gouvernement ». Ces choix étant éminemment politiques, il ne paraît pas approprié de conférer cette prérogative au HCFP qui est, eu égard à sa composition actuelle, une instance essentiellement technique.