EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.

En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et ceux du compte d'affection spéciale « Pensions ».

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 5 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale, sur la mission « Régimes sociaux et de retraite » et le compte d'affectation spéciale « Pensions ».

Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale de la mission « Régimes sociaux et de retraite ». - Pour l'année 2025, les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et ceux du compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » s'élèvent à 74,5 milliards d'euros, en augmentation de 0,7 % par rapport à l'année 2024, où ils atteignaient 74 milliards d'euros.

Cette hausse est modérée pour deux raisons : d'une part, le choix par le Gouvernement d'attendre le mois de juillet 2025 pour revaloriser le montant des pensions ; d'autre part, la réduction de l'inflation à laquelle la hausse des pensions est corrélée.

Avant d'entrer dans le détail de ces crédits, je dirai quelques mots concernant la réforme paramétrique des retraites de 2023. En effet, l'année 2024 constitue la première année pleine d'application de cette réforme.

Les projections du Conseil d'orientation des retraites (COR) indiquent que le solde général du système des retraites devrait redevenir déficitaire dès 2024 et se dégrader progressivement, pour atteindre 0,4 % du PIB en 2030 et 0,8 % en 2070. Il apparaît donc que la réforme n'a pas pour effet principal de rétablir l'équilibre à moyen terme du système.

En revanche, l'utilité principale de cette réforme est de participer à accroître le taux d'emploi, qui n'est aujourd'hui que de 36 % pour les 60-64 ans, là où dans l'OCDE ce taux atteint 44 %, et même 63 % en Allemagne. Nous avons donc toujours des progrès à faire...

Cette hausse du taux d'emploi, permise par le recul de l'âge légal de départ et l'allongement de la durée de cotisation, mais aussi par des évolutions en faveur de la retraite progressive ou du cumul emploi-retraite, induira des bénéfices largement partagés par l'économie française.

La réforme a eu, en outre, des effets redistributifs marqués, notamment en faveur des plus petites retraites, qui s'accroissent de 12 % alors que les pensions les plus élevées régressent légèrement, en prenant en compte tout le cycle de vie. La pension de liquidation des femmes croît en moyenne de 3,4 %, contre 1,7 % pour les hommes.

Cette réforme nous permet aussi de considérer que l'important tient moins à la notion d'équilibre du système, qui est liée à des choix conventionnels, qu'à la part du PIB que nous consacrons à la retraite de nos aînés. En cela, les projections pour la France montrent que la part du PIB consacrée aux dépenses de retraite est maîtrisée et diminuera de 14,4 % en 2024 à 13,6 % en 2070.

J'évoquerai les réserves de l'Agirc-Arrco, qui s'établissaient à 78,5 milliards d'euros à la fin de 2023.

Selon le COR, elles pourraient atteindre, à politique inchangée, 550 milliards d'euros fin 2070 ! Pourquoi et comment ? De 2013 à 2017, les partenaires sociaux qui gèrent l'Agirc-Arrco ont gelé la valeur du point : les pensions complémentaires ont donc été figées pendant quatre ans, alors que l'inflation s'élevait de 3,8 %. C'est assez radical comme méthode et comme solution. Elles sont à mettre en regard avec l'ambition du Gouvernement de retarder de six mois la revalorisation en 2025. La question est maintenant de savoir ce que va faire l'Agirc-Arrco de tant de réserves.

Après cette brève synthèse, j'en viens à la présentation de la mission « Régimes sociaux et de retraite ».

Les crédits proposés pour la mission atteindraient 5,9 milliards d'euros. Ils sont fléchés à près de 70 % vers les régimes de retraite spéciaux des agents de la SNCF et de la RATP. Les crédits demandés régressent légèrement, au vu du report de la revalorisation des pensions en juillet 2025 proposée par le Gouvernement. Cela a pour conséquence de limiter l'effet dépense du report de la mise en oeuvre de la réforme de 2023 pour les régimes de la SNCF et de la RATP, le Gouvernement ayant prévu qu'elle n'entrerait pas en vigueur, pour ces deux régimes, avant le 1er janvier 2025.

J'attire votre attention, en premier lieu, sur les difficultés qui seront induites par l'ouverture à la concurrence des activités de la RATP. Alors que près de 15 000 agents du groupe devraient rejoindre des entreprises de la concurrence, ces derniers pourront conserver l'intégralité des droits qui sont les leurs aujourd'hui. Ainsi, la caisse de retraite de la RATP sera chargée de continuer à collecter leurs cotisations, malgré le fait qu'ils n'y seront plus employés et que leurs rémunérations risquent d'être modifiées. La mise en oeuvre de ce nouveau schéma hybride, qui concernera les agents de la RATP restant affiliés au régime spécial malgré leur départ dans un autre groupe, risque d'avoir l'effet inverse de celui qui avait été recherché au travers de la réforme : plus de complexité et un surcroît de coûts de gestion.

L'extinction du régime, prévue vers 2115, permettra néanmoins à terme de rendre plus lisible et fluide la situation.

En deuxième lieu, il me semble nécessaire de faire état de l'évolution du schéma de financement des régimes spéciaux fermés, qui sont nombreux dans la mission : les industries électriques et gazières (IEG), les clercs et employés de notaire, la Banque de France, le Conseil économique, social et environnemental (Cese). En effet, à partir du 1er janvier 2025, ce n'est plus l'État, mais la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) qui sera chargée en dernier ressort de les équilibrer.

Il faut se féliciter que ces crédits budgétaires demeurent retracés dans les documents budgétaires, ce qui permet au Parlement d'avoir une vision sur le coût pour l'État de la compensation qu'il verse à la Cnav, qui elle-même équilibre ensuite les régimes. Il avait en effet été prévu, au départ, de mettre en place une affectation directe de TVA, que nous n'aurions pas été capables de retracer.

Nous devons cependant rester attentifs à ce que cet arbitrage soit pérennisé et qu'il ne s'agisse pas d'un simple décalage de la mise en oeuvre du financement par un prélèvement fiscal que nous ne maîtriserions pas. Cela est d'autant plus important que le nouveau schéma intègre en un versement unique trois composantes de l'ancien schéma de financement : la compensation au titre de la fermeture, d'abord ; la compensation généralisée vieillesse, ensuite, qui est le système de péréquation inter-régimes pour tenir compte des déséquilibres démographiques ; la subvention budgétaire d'équilibre de l'État, enfin. Une part de l'information est ainsi moins lisible qu'auparavant, ce que je ne peux que regretter.

En troisième lieu, je tiens à saluer l'évolution de la maquette budgétaire, qui inclut désormais les régimes de la Comédie-Française et de l'Opéra de Paris à cette mission. Cette demande, que j'avais formulée il y a un certain temps, facilite la lecture des informations sur les retraites équilibrées par l'État.

Pour finir, j'indique que le Gouvernement s'apprête à déposer un amendement de réduction des crédits de 193 millions d'euros, soit 3,3 % du montant prévu. Aux dires de l'administration, cela tiendrait à une sous-exécution des crédits en 2024, permettant de réorienter à la baisse les crédits ouverts pour 2025. Je serai attentive à ce que cette évolution ne remette pas en cause les droits acquis et à ce que tous les pensionnés reçoivent bien le montant qui leur est dû.

J'en viens aux crédits du CAS « Pensions ». Ils s'élèvent à 68,5 milliards d'euros pour 2025.

Le CAS « Pensions » a connu en 2024 un solde annuel négatif de 3,5 milliards d'euros, en lien avec un double phénomène. D'un côté, la hausse très dynamique de ses dépenses a tenu à l'indexation des pensions sur l'inflation, qui s'est traduite par une revalorisation de 5,3 % en janvier 2024. De l'autre, la hausse de ses recettes a été limitée par la croissance plus modérée des rémunérations publiques, de l'ordre de 1,8 % seulement en 2024.

Or la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), qui a créé en 2001 le CAS, dispose que le solde cumulé du CAS « Pensions » doit nécessairement être équilibré à tout moment, ce qui ne peut être le cas lorsque les déficits annuels sont de façon répétitive négatifs.

Le Gouvernement a par conséquent proposé une hausse de 4 points du taux de contribution de l'État employeur, qui passera au 1er janvier 2025 à 78,28 %. Cette évolution ne constitue pas une surprise, car il s'agit du levier par lequel l'État peut équilibrer le système de retraite de ses fonctionnaires.

En revanche, la conséquence directe de cette évolution du taux de contribution est de venir grever les budgets de chacun des ministères. En effet, une partie de leurs dépenses de personnel est chaque année utilisée pour alimenter le CAS « Pensions ». Chacune des missions du budget est, par conséquent, majorée cette année de la valeur de l'augmentation de ce taux pour toute la masse salariale des fonctionnaires titulaires de l'État.

Il faut s'attendre à ce que la hausse prévue cette année soit renouvelée l'an prochain. Les prévisions ne permettent pas, en effet, de conserver un solde cumulé du CAS positif après 2026. J'attire dès lors votre attention sur l'importance pour le Gouvernement de fixer un cap clair qui permette d'équilibrer à long terme le CAS, sans que les hausses de taux viennent apporter une charge que les ministères ne peuvent pas prévoir dans leurs trajectoires pluriannuelles de dépenses.

Par ailleurs, et puisque beaucoup s'interrogent sur le poids de la dépense publique, il serait intéressant de disposer, au-delà du CAS « Pensions », d'un document consolidant le système de retraite de l'ensemble de la sphère publique, c'est-à-dire des six régimes : le service des retraites de l'État (SRE), la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques (Ircantec), la Cnav pour les contractuels, le Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'État (FSPOEIE) et la retraite additionnelle de la fonction publique (Rafp). Cela gommerait par exemple les effets de transferts - souvent mal compensés - entre l'État et les collectivités et permettrait de mieux cerner les évolutions des régimes publics.

Cette année, un sujet sensible est celui de la CNRACL, dont le taux de cotisation de l'employeur augmente de 4 points dans le projet du Gouvernement. La caisse de retraite, qui est celle des agents des collectivités locales et de la fonction publique hospitalière, est passée d'un excédent de 15 millions d'euros en 2017 à un déficit de 2,5 milliards d'euros en 2023 ; et il atteindra 11,1 milliards en 2030 si rien n'est fait. La raison tient à l'effondrement de son ratio démographique, avec moins de recrutements de titulaires, donc moins de cotisants, et le recours massif à des contractuels, qui eux cotisent au régime général et à l'Agirc-Arrco. La CNRACL ne bénéficie par ailleurs pas d'un apport de contribution sociale généralisée (CSG), à la différence du régime général, qui lui en bénéficie à hauteur de 20 % de ses recettes en 2023. Il en résulte un besoin de lisibilité entre les différents financements, plutôt que de sectionner les divers régimes de la fonction publique.

Enfin, je rappelle que l'évolution du CAS « Pensions » n'est pas la conséquence d'une mauvaise gestion par l'État de son système de retraites. Il s'agit bien plutôt d'un effet consécutif à la très grande rigueur avec laquelle la masse salariale de l'État est gérée depuis bientôt deux décennies. La contractualisation comme la limitation de la croissance des rémunérations contraignent mécaniquement l'assiette de cotisations, quand les pensions à servir continuent à croître tendanciellement.

Cette dernière observation me permet de souligner que le sujet des retraites est complexe et que les déterminants des déficits particuliers des différents régimes sont parfois liés à des dynamiques plus larges, qu'il convient d'analyser avec le recul nécessaire.

Pour conclure, je vous propose d'adopter, sans modification, les crédits de la mission et du CAS, car il s'agit de pouvoir verser 74 milliards d'euros à nos concitoyens.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Cette présentation a le mérite d'expliquer avec le plus de simplicité possible le sujet des retraites - il relève en grande partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) -, tout en marquant, une fois de plus, la complexité de l'évolution des pensions, avec l'effet mécanique qu'entraîne la moindre modification. Relever, en amont, un paramètre du versement, sans revalorisation en aval, peut engendrer des réserves ; à l'inverse, un gel des rémunérations ou des traitements avec davantage de pensionnés, sans autre changement, détériore aussitôt le dispositif de pension.

Je continue de dire que nous n'avons fait qu'une partie du chemin. Dans son exposé, Mme Vermeillet a évoqué le gel, pendant quatre ans, par l'Agirc-Arrco, du point de retraite. C'est l'une des raisons pour lesquelles je suis défavorable au régime actuel, dans lequel une simple décision peut figer le dispositif.

À l'issue de son analyse, la rapporteure spéciale propose d'adopter les crédits, dans le contexte que nous connaissons d'effort collectif qui, sur les pensions, se traduit par un gel d'un semestre. Je crois cependant que nous aurions intérêt à réfléchir très vite aux évolutions de nos systèmes de retraite, parce que la situation de notre démographie est implacable : moins de naissances et une espérance de vie plus longue, avec une durée de versement des pensions qui ne cesse de croître. Cela nécessitera des arbitrages, et je pense qu'un pilier progressif de capitalisation, à l'instar de ce qui existe avec le Rafp, constitue certainement l'une des réponses - mais c'est un autre débat.

M. Pascal Savoldelli. - J'ai deux questions.

La première renvoie au fait qu'un agent public sur cinq est contractuel. Quel est le montant des pertes de cotisations qui en découlent ?

La seconde a trait au report de la revalorisation des pensions au 1er juillet 2025. Quelles en seront les conséquences financières pour les agents de la fonction publique ?

M. Jean-Marie Mizzon. - Merci à notre rapporteure spéciale qui, au début de son propos, a insisté sur la notion de taux d'emploi, singulièrement plus faible chez nous que dans bien des États voisins. L'amélioration de ce taux d'emploi est sans doute une solution sur laquelle il faut accentuer l'effort, bien que cela soit plus facile à dire qu'à faire.

Je poserai une question sur le régime de la CNRACL. Son déficit est-il lié à une perte d'intérêt des salariés des collectivités territoriales pour la fonction publique ou à une volonté de ces collectivités de proposer plus facilement des emplois de contractuel que des emplois de titulaire ?

M. Claude Raynal, président. - Mon commentaire porte sur l'intitulé du A du document L'Essentiel sur le projet de loi de finances pour 2025 relatif à la mission « Régimes sociaux et de retraite » et au CAS « Pensions » que vous avez élaboré : « Le gel pour six mois de la revalorisation des pensions : une décision difficile, mais nécessaire dans le cadre du redressement des finances publiques. » On aurait pu dire aussi, dans la même phrase, un « gel de douze mois » - ou mentionner tout autre durée. Qu'est-ce qui fait que vous acceptez celle de six mois ?

En outre, la valeur de 1,8 % d'augmentation des rémunérations publiques est-elle une valeur acquise ? Dans la même partie du document, vous indiquez en effet : « Cette baisse [des subventions d'équilibre versées par la mission « Régimes sociaux et de retraite »] est liée au report de la revalorisation des pensions, qui aura lieu le 1er juillet 2025 à hauteur de 1,8 %. » Vous êtes extrêmement précise. Peut-on aujourd'hui calculer le taux de revalorisation des rémunérations publiques au 30 juin 2025 ? Il me semblait qu'on le ferait à partir de valeurs données au cours du premier semestre de l'année.

Ce dernier point me paraît plus important que le report de six mois de la revalorisation des pensions. Un tel report affecte en effet les pensionnés actuels, tandis qu'obtenir une augmentation non de quelque 2,2 % en janvier, mais de 1,8 % six mois après, concerne tous les pensionnés actuels mais aussi les futurs retraités. Est-ce bien ainsi qu'il faut le comprendre ?

Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale. - Merci monsieur le rapporteur général de souligner la complexité du système. Présenter cette mission est toujours un exercice difficile, car il faut y mêler les différents effets qui interviennent. On doit tenir compte de l'inflation, de la démographie, de la valeur de points de retraite, autant d'aspects qui s'additionnent. Les chiffres que je vous présente agglomèrent ces divers effets. La CNRACL, par exemple, connaît aujourd'hui des difficultés. Elles tiennent en partie, mais pas seulement, à un effet démographique.

Toute modification d'un paramètre a son importance en matière de régimes de retraite. On peut se réjouir de contraindre la dépense publique, mais payer moins les fonctionnaires entraîne mécaniquement un niveau plus faible de cotisations pour payer les pensionnés, ce qui aggrave le déficit. Le système de retraite fonctionne toujours à l'envers de ce qu'on pense spontanément ; et quand on imagine réaliser des économies, on pénalise au bout du compte le système de retraite.

S'agissant de l'idée d'un pilier progressif de capitalisation, je ne m'y oppose pas si ce pilier est additionnel, comme dans le Rafp que vous avez évoqué. Certains collègues pensent en revanche à la capitalisation en substitution du régime de répartition actuel. Sa mise en place ne pourrait se faire que par de la dette et nous ne disposons pas de marge de manoeuvre en ce sens.

Monsieur Savoldelli, un agent sur cinq, en effet, est aujourd'hui contractuel. C'est une vraie difficulté et avec tous les transferts de compétences qui interviennent, j'en suis à ne plus savoir moi-même ce que cela représente.

Quant au choix de revaloriser les pensions de la fonction publique au 1er juillet 2025, il équivaut à une économie de 850 millions d'euros.

Sur la question de M. Mizzon relative au taux d'emploi, la réforme des retraites améliore évidemment ce taux, mais nous sommes encore loin du résultat de l'Allemagne ou des Pays-Bas, par exemple. Peut-être la réforme n'a-t-elle pas été suffisante quant au volet de l'accompagnement des seniors ou des mesures en matière de pénibilité du travail, pour laquelle les partenaires sociaux doivent s'entendre pour bien en définir les critères.

L'amélioration de notre taux d'emploi est clairement un filon extraordinaire pour le système de retraite. Dans un article récent, le président du COR estimait à 140 milliards d'euros l'amélioration du solde public de la France si elle parvenait à combler l'écart avec les autres pays européens en termes de taux d'emploi des 60-64 ans. L'élaboration du projet de loi de finances (PLF) conduit à explorer toutes les pistes d'économies, mais le niveau du taux d'emploi dans notre pays est absolument déterminant.

Au sujet de la CNRACL, des transferts de compétences ont conduit à ce qu'elle intègre tant les agents de la fonction publique hospitalière que ceux de la fonction publique territoriale. Dans les années 1980, nombre de recrutements sont intervenus, qui lui ont apporté beaucoup de cotisants. À cette époque, elle était à un rapport de quatre cotisants pour un pensionné, c'est-à-dire dans une dynamique extrêmement favorable. Jusqu'à une époque récente, elle contribuait au système général, celui de la Cnav, et permettait d'équilibrer d'autres régimes au contraire démographiquement déséquilibrés.

Cependant, avec une gestion plus rigoureuse de l'État et sous l'effet de transferts de compétences, la Caisse a perdu de plus en plus de cotisants. En outre, les collectivités territoriales, de même que la fonction publique hospitalière, ont en effet toujours davantage tendance à embaucher des contractuels. Or ces derniers cotisent à la Cnav pour le régime de base et à l'Agirc-Arrco pour le régime complémentaire. J'ajoute que les agents à temps partiel cotisent pour leur part à l'Ircantec.

La CNRACL a également vu nombre de ses cotisants atteindre l'âge de la retraite, retraite qu'il lui faut aujourd'hui verser. Elle en est arrivée à un déséquilibre démographique plus marqué que celui du régime général, avec moins de 1,7 cotisant pour un pensionné. Et par le jeu de ce qu'on appelle un « effet de noria », plus les gens partent en retraite, plus le niveau des pensions est élevé en comparaison des cotisations, qui sont donc celles des seuls agents titulaires.

C'est pourquoi j'appelle à la réalisation d'une maquette globale qui prévoit des compensations de la part de régimes qui accueillent de leur côté de nouveaux entrants. Ce type de compensations existe dans d'autres régimes. Ainsi, quand on ferme le régime de la SNCF, des compensations interviennent avec l'Agirc-Arrco et la Cnav, car il s'agit de toujours payer les pensions des intéressés.

On peut aussi mettre en regard les difficultés de la CNRACL avec le fait que la Cnav bénéficie dans ses recettes, et contrairement à elle, de 20 % de CSG.

La hausse de 4 points est inévitable si l'on veut continuer à payer les pensions. Elle ne sera d'ailleurs certainement pas suffisante. Est-elle juste ? Regardons le déséquilibre démographique de la CNRACL. Les compensations que lui versera la Cnav ne suffiront pas. Le fait que les agents contractuels n'y cotisent pas constitue le premier problème.

Monsieur le président, le report de six mois de la revalorisation des pensions ne m'enthousiasme pas... Il faut cependant comparer cette décision du Gouvernement avec celle qu'avait retenue l'Agirc-Arrco de manière spectaculaire et radicale - et elle avait produit des ressources -, à savoir à la fois geler le point de retraite pendant quatre ans, de 2013 à 2017, et diminuer le taux de rendement. Compte tenu de l'effort budgétaire à réaliser, la décision du Gouvernement me paraît s'imposer et être supportable, parce que le niveau de vie des retraités reste aujourd'hui un peu supérieur à celui des actifs. N'oublions pas non plus qu'une revalorisation de 5,3 % est intervenue au 1er janvier 2024, en réponse à un niveau d'inflation qui avait atteint 4,9 % au cours de l'année précédente.

L'information d'une augmentation de 1,8 % des rémunérations publiques prévue au 30 juin 2025 nous a été communiquée par la direction du budget. L'augmentation se fonde sur le niveau d'inflation de 2024.

M. Claude Raynal, président. - Quel aurait été ce taux au 1er janvier 2025 ? On parle de 2,2 %...

Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale. - C'est 2,3 %.

M. Claude Raynal, président. - Quand on passe de 2,3 % à 1,8 %, l'ensemble des futurs retraités perdent 0,5 point, une fois pour toutes. Le report de six mois de la revalorisation des retraites ne concerne que les pensionnés, et pour cette seule durée.

Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale. - Oui.

Je précise par ailleurs que la Cour des comptes nous a indiqué que, en 2017, la masse salariale des contractuels était de 25,8 milliards d'euros. Avec le nouveau taux de contribution de l'État employeur, qui passe de 74 % à 78,28 %, la perte est estimée à 20 milliards d'euros de cotisations.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions ».

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Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

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