B. L'INTÉGRATION DES RÉGIMES DE LA CULTURE PERMET DE MIEUX LES CONNAÎTRE ET DE COMPARER CERTAINES DE LEURS CARACTÉRISTIQUES AVEC CELLES DES AUTRES RÉGIMES SPÉCIAUX
1. L'entrée des régimes de la culture dans la mission, une recommandation de la rapporteure spéciale satisfaite
Auparavant retracés dans le programme 131 de la mission « Culture », les régimes de l'Opéra national de Paris et de la Comédie Française ont été intégrés par une évolution de la maquette budgétaire au sein du programme 195. La rapporteure spéciale se félicite que cette recommandation qu'elle porte17(*) depuis plusieurs années soit désormais effective. Elle est en outre intervenue à un moment opportun, étant donné le choix du législateur de ne pas remettre en cause le caractère autonome et dérogatoire de ces régimes qui n'ont pas été fermés dans le cadre de la réforme des retraites de 202318(*).
Ces régimes font partie des plus anciens et des plus historiques que connaisse la France.
Le régime de l'Opéra fut institué par Louis XIV en 1698. Un premier règlement avait en 1714 précisé les droits à pension des artistes, puis, en 1856, une caisse de pensions viagères de l'Opéra avait été créée pour tenir compte des spécificités des professions exercées au sein de l'Opéra et accorder aux assurés des droits particuliers en matière de retraite. L'article 17 de l'ordonnance du 4 octobre 1945 confirment parmi les régimes de sécurité sociale l'existence de ce régime spécial de retraite.
Ce régime a la particularité de concerner six corps de métiers, qui disposent tous d'un âge d'ouverture des droits (AOD) et d'un âge d'annulation de la décote différent, du fait des exigences physiques parfois importantes.
Âges d'ouverture des droits et d'annulation
de la décote du régime de retraites
de l'Opéra
national de Paris
Âge d'ouverture des droits |
Âge d'annulation de la décote |
|
Artistes du ballet |
40 ans |
42 ans |
Artistes de l'orchestre |
60 ans |
62 ans |
Artistes des choeurs |
57 ans |
60 ans |
Techniciens |
62 ans |
67 ans |
Techniciens aux emplois comportant des fatigues exceptionnelles |
57 ans |
62 ans |
Personnels administratifs |
62 ans |
67 ans |
Régime général |
64 ans |
67 ans |
Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire
La réforme des retraits de 2011 a touché le régime qui a vu les AOD reculer pour certains corps de métiers :
- de 50 ans à 57 pour les artistes de choeurs ;
- de 55 à 62 ans pour les techniciens
- de 60 à 62 ans pour les administratifs et autres personnels
- de 55 à 57 ans pour les techniciens
L'effet de la réforme 2023 a consisté à ouvrir la possibilité du cumul emploi retraite à toutes les catégories d'emploi, alors que jusqu'ici seuls les danseurs y avaient accès, et a rendu possible la retraite progressive pour toutes les catégories d'emploi.
Le calcul des pensions est en outre favorable, car il se calcule à partir des six derniers mois pour les techniciens et personnels administratifs, et sur les trois meilleures années pour les artistes. Par comparaison, le régime général prend comme base les 25 meilleures années.
De même le régime de la Comédie Française est un des plus anciens, ses racines remontant aux années 1830. Il a été mis en oeuvre par le décret du 23 décembre 1910 et demeure depuis un des plus petits régimes en France en termes de pensionnés.
Comme pour l'Opéra, les caractéristiques sont avantageuses :
- l'AOD est fixé à 62 ans pour les personnels permanents et les pensionnaires et à 57 ans pour les techniciens, décorateurs, constructeurs et agents de sécurité ;
- le calcul de la pension est fondé sur les six derniers mois de salaire ;
- le taux de cotisations est plus avantageux que le droit commun, 11,10 % pour la part salariale - proche de celle du régime générale établi à 11,31 % -, 9,47 % pour la part patronale - qui est en revanche au moins deux fois plus élevée dans le privé.
Les avantages de cette retraite sont liés à l'existence d'une rémunération qui est relativement plus faible à la Comédie Française que dans les autres théâtres, qu'ils soient privés ou publics. La spécificité du lieu et de l'établissement, qui accueille la seule troupe de théâtre française à résidence fixe et permanente, constitue de même une explication du maintien d'un régime dérogatoire.
La réforme de 2023 a affecté le régime de la Comédie Française en permettant, par l'article 2 du décret d'application du 30 août 2023, de réviser les statuts en offrant la possibilité d'autoriser la retraite progressive et le cumul emploi-retraite.
La rapporteure spéciale salue cette évolution, en particulier celle sur l'ouverture à la retraite progressive. En effet, avec près de de 40 métiers pour 400 ETPT, certaines compétences sont rares et demandent à être transmises sur le long-terme. Ainsi, permettre à des personnels expérimentés de partir progressivement est un gage de continuité et de transmission des savoirs qui constitue une réforme encouragée.
2. La possibilité de rationaliser les frais de gestion des nouveaux régimes entrés dans le champ de contrôle de la mission
La rapporteure spéciale relève enfin que les frais de gestion des différents régimes dérogatoires au régime général qui bénéficient d'une subvention budgétaire d'équilibre font partie des indicateurs suivis par l'État. Cela se manifeste en premier lieu au moyen d'indicateurs de performance inscrits dans les programmes budgétaires qui suivent les dépenses de gestion du régime pour 100 euros de prestations servies. En second lieu, cela se traduit par la négociation et la signature de conventions d'objectifs et de gestion (COG) entre l'État et les gestionnaires de chaque régime.
Frais de gestion des régimes subventionnés par la mission
(en dépenses de gestion en euros pour 100 euros de prestations servies)
Note : La caisse des mines correspond au régime géré par la caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines (CANSSM); l'ENIM correspond au régime géré par l'Établissement national des invalides de la marine ; la SEITA correspond au régime de la société d'exploitation industrielle des tabacs et des allumettes.
Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires
La Comédie Française, qui est le plus petit régime de la mission en termes de nombre de pensionnés, fonctionne avec une caisse gérée en interne. Il en ressort un coût de gestion tout à fait comparable au régime des mines et à celui des marins.
En revanche, l'Opéra de Paris se distingue par des frais de gestion plus de trois fois supérieurs à ceux des autres régimes suivis par la mission. En effet, l'existence d'une structure séparée, employant 6 ETPT, pour moins de 1 900 bénéficiaires, implique une structure plus lourde que ce qui existe pour les autres régimes suivis par la mission.
* 17 cf., par exemple, Sénat, commission des finances, 17 novembre 2022, n° 115 (2022-2023), Rapport général sur le projet de loi de finances pour 2023, tome III, annexe n° 25, au rapport de Mme Sylvie Vermeillet.
* 18 v. L. n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.