B. UNE MÉCANIQUE DE L'IMPÔT PARTICULIÈREMENT IMPRÉVISIBLE
Remboursements et restitutions liés à la mécanique de l'impôt (2023-2024)
(en millions d'euros)
Sous Action |
2023 |
LFI 2024 |
2024 à date |
PLF 2025 |
|
01 |
Impôts sur les sociétés |
17 878 |
11 382 |
18 500 |
15 521 |
02 |
Taxe sur la valeur ajoutée |
74 017 |
79 327 |
77 600 |
80 315 |
03 |
Plafonnement des impositions directes |
0 |
0 |
0 |
0 |
04 |
Autres remboursements et dégrèvements liés à la mécanique de l'impôt |
394 |
200 |
600 |
523 |
05 |
Impôt sur le revenu |
12 423 |
11 949 |
13 323 |
13 323 |
06 |
Restitutions de prélèvement de solidarité |
489 |
500 |
500 |
500 |
Total 11 - Remboursements et restitutions liés à la mécanique de l'impôt |
105 201 |
103 358 |
110 523 |
110 182 |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
1. Des remboursements d'impôts sur les sociétés (IS) fortement sous-estimés en loi de finances initiale pour 2024
Le poste le plus volatil est celui des remboursements d'impôts sur les sociétés. Toute entreprise soumise à l'impôt sur les sociétés doit verser des acomptes trimestriels. Le montant total des acomptes doit en théorie égaler l'impôt sur les sociétés dû au titre du dernier exercice clos. Lorsque la liquidation de l'impôt sur les sociétés fait apparaître que les acomptes versés sont supérieurs à l'impôt dû, l'excédent est restitué. Les situations d'excédent apparaissent fréquemment, notamment par la consommation de crédits d'impôt ou en période de diminution des résultats fiscaux.
Alors que le niveau de remboursements dépassait les 17 milliards d'euros en 2023, un niveau de crédits de 11 milliards d'euros a été retenu en loi de finances pour 2024 (- 36 %). Ce niveau de remboursements s'est avéré bien inférieur aux dernières estimations à date, qui les placent à 18,5 milliards d'euros. L'administration fiscale, qui reconnaît « une faible évolution agrégée des bénéfices fiscaux », explique cette sous-estimation par une « forte dispersion » de ces résultats, ce qui induit à son niveau d'importants remboursements d'excédents d'acomptes.
Pour 2025, l'hypothèse de dispersion des bénéfices taxables est ramenée à sa moyenne historique, ce qui permet une baisse des remboursements anticipés. Si une telle approche statistique peut s'entendre, elle n'est pas sans risque de sous-estimation des crédits inscrits en projet de loi de finances initiale.
Au vu de la sous-estimation criante des remboursements d'IS en loi de finances pour 2024 et du volume significatif des crédits concernés, le rapporteur spécial appelle l'administration fiscale à mener les travaux nécessaires pour comprendre les niveaux observés de dispersion des bénéfices taxables. Il appartiendra notamment de déterminer dans le cadre de cette étude si l'existence de bases taxables particulièrement faibles et sous-estimées peut être le fruit de stratégies d'optimisation fiscale des entreprises concernées.
2. Des sous-estimations significatives sont aussi observées en matière d'impôt sur le revenu (IR)
Les restitutions en matière d'IR concernent essentiellement les excédents de prélèvement à la source. De nouveau, les crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2024 (11,9 milliards d'euros) étaient inférieurs à ceux exécutés en 2023 (12,4 milliards d'euros). Et de nouveau, les restitutions effectuées ont dû être révisées à la hausse de manière non-négligeable à 13,2 milliards d'euros, soit une hausse de 1,4 milliard d'euros (+ 12 %).
L'administration fiscale explique cette sous-estimation par le fait que l'indexation sur l'inflation du barème de l'IR a entraîné une hausse des seuils d'imposition plus rapide que la croissance des revenus imposables, diminuant par là-même l'impôt dû, suscitant ainsi des trop perçus de prélèvement à la source à restituer.
Au cas présent, les effets de l'indexation de l'inflation sur le barème ne sont pas les plus difficiles à modéliser et l'erreur vient d'une surestimation des hypothèses de croissance des revenus.
Le niveau de remboursements retenu pour 2025 ne progresse pas par rapport au niveau de 2024. Le rapporteur spécial accordera donc une attention particulière au niveau de remboursement effectif, pour s'assurer de la sincérité des prévisions soumises au Parlement.
De manière générale, les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements » étant évaluatifs, et l'exercice de prévision étant par nature incertain, compte tenu des révisions parfois importantes des crédits opérés en cours d'année, le rapporteur spécial appelle l'administration à mieux communiquer sur les hypothèses prises pour construire son projet de loi de finances, afin que le Parlement puisse pleinement exercer sa mission de contrôle.
Circonstance aggravante, ce constat n'est pas nouveau. À titre d'exemple, partant d'un constat d'une sous-estimation de même ampleur des crédits votés, le rapporteur spécial appelait déjà à une fiabilisation des données prévisionnelles du programme lors de l'examen de la loi de finances pour 2021. Un travail de fiabilisation et de transparence apparaît donc indispensable pour assurer la sincérité et la crédibilité des crédits inscrits en projet de loi de finances.