III. L'EXIGENCE D'UNE ATTENTION RENFORCÉE SUR LES CRÉDITS D'IMPÔTS CONNAISSANT UNE HAUSSE PARTICULIÈREMENT DYNAMIQUE
Remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques
(en millions d'euros)
Sous Action |
2023 |
LFI 2024 |
2024 à date |
PLF 2025 |
|
02 |
Impôt sur le revenu |
2 098 |
2 103 |
2 252 |
2 252 |
03 |
Impôt sur les sociétés |
7 149 |
6 338 |
6 600 |
6 702 |
04 |
Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques |
1 912 |
1 990 |
2 100 |
1 562 |
05 |
Taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel |
35 |
15 |
35 |
35 |
08 |
Acomptes de crédits et de réductions d'impôts sur le revenu |
5 613 |
5 370 |
5 800 |
5 729 |
09 |
Taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité |
474 |
100 |
100 |
150 |
10 |
Crédit d'impôt contemporain - Services aux particuliers |
846 |
1 888 |
1 600 |
2 390 |
Total 12 - Remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques |
18 128 |
17 804 |
18 487 |
18 821 |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Si les remboursements associés à la mécanique de l'impôt constituent l'essentiel en volume des remboursements et dégrèvements d'impôts d'État, la part associée à des politiques publiques renvoie à des choix du gouvernement et est tout sauf négligeable, avec des crédits prévus à 18,8 milliards d'euros, soit un peu plus de 13 % de l'ensemble des crédits de la mission, en hausse de 5,7 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2024. Toutefois, comme, pour les crédits associés à la mécanique de l'impôt, les crédits associés à des politiques publiques ont été sous-estimés en loi de finances : par rapport à la dernière estimation à date pour 2024, la hausse des crédits attendus pour 2025 de remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques n'est plus que de 1,8 %.
L'impôt sur le revenu est le premier impôt touché par ces dispositifs, avec 55 % des crédits de l'action 12 qui lui sont consacrés soit directement (12 % des crédits), soit, surtout, à travers les acomptes de crédits et réductions d'impôts (30 % des crédits), soit enfin à travers le crédit d'impôt contemporain versé pour les services aux particuliers (13 % des crédits).
Les crédits versés au titre de l'impôt sur les sociétés sont l'autre versement d'ampleur significative de cette action, avec 36 % des crédits versés en 2025.
A. LES REMBOURSEMENTS DES CRÉDITS ET RÉDUCTIONS D'IMPÔT SUR LE REVENU (IR) SONT RELATIVEMENT DYNAMIQUES ET MÉRITENT D'ÊTRE QUESTIONNÉS
1. Les remboursements et dégrèvements liés à l'IR progressent encore sous l'effet de la montée en charge du crédit d'impôt contemporain
Remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques - part IR
(en millions d'euros)
Sous Action |
2023 |
LFI 2024 |
2024 à date |
PLF 2025 |
|
02 |
Impôt sur le revenu |
2 098 |
2 103 |
2 252 |
2 252 |
08 |
Acomptes de crédits et de réductions d'impôts sur le revenu |
5 613 |
5 370 |
5 800 |
5 729 |
10 |
Crédit d'impôt contemporain - Services aux particuliers |
846 |
1 888 |
1 600 |
2 390 |
Total 12 - Remboursements et dégrèvements liés à l'impôt sur les revenus |
8 557 |
9 361 |
9 652 |
10 371 |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Les acomptes de crédits et réductions d'impôts sur le revenu représentent la majorité des remboursements et dégrèvements liés à l'IR. La sous-action dédiée (200-12-08) comptabilise l'acompte de 60 % versé en janvier au titre de certains crédits et réductions d'impôts. Cette avance, prévue à l'article 1665 bis du CGI, concerne les dispositifs suivants : crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile, crédit d'impôt pour la garde d'enfants de moins de 6 ans, crédit d'impôt pour les cotisations syndicales, réduction d'impôt pour les dons aux associations, réduction d'impôts pour frais d'hébergement en Ehpad, réductions d'impôt pour l'investissement locatif. Si le montant de ces crédits est relativement stable dans le temps, ils ont néanmoins aussi été concernés par la sous-estimation générale des crédits en LFI 2024, les crédits estimés à date pour 2024 étant supérieurs de près de 500 millions d'euros. La baisse estimée des crédits pour 2025 est expliquée par la montée en charge du dispositif d'avance immédiate du crédit d'impôt lié à l'emploi d'un salarié à domicile, lequel est budgétairement enregistré sur la sous-action 200-12-10.
La sous-action 200-12-10 comptabilise les dépenses d'avances immédiates du crédit d'impôt sur le revenu lié à l'emploi d'un salarié à domicile. Ce dispositif permet aux particuliers de bénéficier immédiatement de l'avantage fiscal. D'un montant initialement plus faible, il connaît une progression dynamique depuis 2023 qui mérite une attention particulière (cf. infra).
Enfin, la sous-action 12.02 retrace la part restituée de tous les crédits d'impôt sur le revenu telle que calculée au solde. Elle inclut, entre autres, le crédit d'impôt lié à l'emploi d'un salarié à domicile et le crédit d'impôt pour frais de garde de jeunes enfants. Elle exclut la part qui peut, en fonction des dispositifs, être versée sous formes d'acomptes (sous-action 12-08) ou d'avances immédiates (sous-action 12-10), puis est reprise pour la liquidation du solde. Ses crédits dépassent légèrement les 2 milliards d'euros par an. Ils ont été revus à la hausse en 2024 et 2025 en raison de l'augmentation anticipée des montants du crédit d'impôt lié à l'emploi d'un salarié à domicile.
2. L'avance directe, une nouveauté à compter de 2022 dont la montée en charge est en deçà des attentes...
Depuis janvier 2022, les particuliers employeurs peuvent bénéficier d'un nouveau service d'avance immédiate de crédit d'impôt s'ils ont recours à l'emploi direct d'un salarié à domicile.
L'avance immédiate pour les services à la personne (hors garde d'enfants) permet ainsi de déduire automatiquement, chaque mois, le crédit d'impôt des dépenses effectuées pour l'emploi d'un salarié à domicile.
Depuis avril 2022, cette option est accessible aux particuliers employeurs faisant appel à un prestataire (société, association) du secteur du service à la personne. Après une expérimentation dans les départements du Nord et de Paris, ce service est désormais étendu à l'ensemble du territoire.
La généralisation de la contemporanéisation du crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile a été évaluée à 1,1 milliard d'euros en LFI 2022 puis à 2,5 milliards en LFI 2023. L'exécution est cependant très nettement inférieure à ces montants (255 millions d'euros en 2022 et 846 millions en 2023).
Partant de ce constat répété, la LFI 2024 prévoyait des crédits à hauteur de 1,9 milliard d'euros pour tenir compte du niveau d'exécution inférieur aux prévisions initiales et d'une montée en charge moins rapide qu'attendue : celle-ci s'est avérée encore inférieure à ces projections, avec de dernières estimations à date s'élevant à 1,6 milliard d'euros pour 2024. Les projections pour 2025 restent malgré tout très dynamiques, avec des crédits inscrits à hauteur de 2,4 milliards d'euros, soit une hausse de près de 800 millions d'euros (+ 49 %).
3. ... mais reste substantielle, et mérite d'être interrogée
Par opposition aux remboursements et restitutions liées à la mécanique de l'impôt, l'État a plus de prise sur la définition de ces mécanismes incitatifs de nature fiscale. Or, comme exposé précédemment, leur progression est tout sauf négligeable dans le cas de l'IR entre la LFI 2024 et le PLF 2025, avec une hausse de 719 millions d'euros (+ 7,4 %).
Le rapporteur estime qu'il est nécessaire d'interroger les fondements et les effets de cette hausse, alimentée par une augmentation des versements dans le « cadre du crédit d'impôt contemporain services aux particuliers » qui vient détériorer chaque année un peu plus la trésorerie de l'État et qui, d'après les informations communiquées par l'administration fiscale, correspond pour près de 60 % à des dépenses d'entretien de la maison, de travaux ménagers ou de petits travaux de jardinage.
En premier lieu, la Cour des comptes14(*) constate que le crédit d'impôt au titre de l'emploi d'un salarié à domicile ne répond pas aux objectifs qui lui sont assignés. En particulier, son taux, combiné à d'autres soutiens publics, aboutit à rendre le travail déclaré substantiellement moins coûteux (9,35 euros de l'heure) que le travail dissimulé (estimé à 11,38 euros de l'heure). En d'autres termes, un crédit d'impôt au taux de 40 % (au lieu de 50 %) suffirait à remplir l'objectif de décourager le travail non déclaré.
Plus spécifiquement, c'est la logique même d'un crédit d'impôt contemporain sur les services à la personne qui peut être interrogée. C'est ce que fait le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO)15(*), qui note en particulier que « le choix de recourir à un crédit d'impôt avec avance immédiate revient à rapprocher la dépense fiscale d'une logique de dépense budgétaire, sans présenter les mêmes avantages en termes de contrôle. »
Partant de ces multiples constats, le rapporteur spécial s'interroge sur le périmètre d'un dispositif aussi coûteux et peu contrôlable. Par ailleurs, pour certains contribuables ce crédit d'impôt peut générer un effet d'aubaine, en sollicitant le remboursement de dépenses non-contraintes. Le risque de travail dissimulé ne peut motiver à elle seule le maintien d'une dépense fiscale si conséquente pour les finances publiques. Il convient donc de mettre en débat la nature des dépenses, le taux de prise en charge et le profil socio-économiques des bénéficiaires.
* 14 « Le soutien de l'État aux services à la personne », mars 2024.
* 15 « Conforter l'égalité des citoyens devant l'imposition des revenus », octobre 2024.