C. LA PRÉSERVATION DES CRÉDITS DU RÉSEAU FRANCE SERVICES : UN POINT DE SATISFACTION POUR UN DISPOSITIF AU SUCCÈS INDÉNIABLE

Inscrit initialement comme une priorité de l'Agenda rural avec pour ambition de faciliter l'accès aux services publics pour tous les usagers, et repris depuis à travers France Ruralités, le réseau France Services qui porte les « maisons France services » (MFS), créé en 2019, résulte en partie de la structuration au niveau national d'initiatives locales antérieures.

Il s'agit d'un réseau de services publics mutualisés devant permettre aux usagers d'effectuer différentes démarches administratives dans un lieu unique vers lequel ils se rendent, ou qui vient à eux via les maisons France services mobiles, et au sein duquel ils bénéficient de l'aide de conseillers « France services » polyvalents.

a) Une nouvelle extension du bouquet de services des MFS qui s'est opérée en 2024

Les sites France services permettent aux usagers d'accéder à un bouquet de services du quotidien. Ils peuvent bénéficier, dans chaque structure, de l'accès à un socle minimal de onze missions de services publics39(*). Ce socle minimal comprend La Poste, France travail, la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam), la caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav), la caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (MSA), le ministère de l'intérieur, le ministère de la justice, et la direction générale des finances publiques auxquels se sont ajoutés, le 1er janvier 2024, la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) du ministère st un service du ministère de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques, ainsi que l'agence nationale de l'habitat.

Par ailleurs, à compter du 1er janvier 2025, deux autres opérateurs (l'Agirc Arcco ainsi que les Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales - URSAFF) intégreront le bouquet de services dans plusieurs départements.

Concrètement, les MFS ont été installées soit au sein de structures préexistantes (MSAP, bureau de poste, etc.) soit, le plus souvent, « créées » ex nihilo par les collectivités territoriales.

Parmi les 2 751 MFS labellisées au 1er août 2024, en activité, 67 % sont portées par une collectivité territoriale ou leur groupement40(*), 15 % par La Poste, 13 % par une association locale ou un réseau d'association, 2 % par la MSA, 1 % par les sous-préfectures elles-mêmes et 2 % seulement résultent d'un co-portage entre plusieurs organismes41(*).

Enfin, la MSA et les services déconcentrés de l'État (préfectures et sous-préfectures) portent respectivement 2 % et 1 % des France services. Il est à noter que 2 % des France services sont co-portées par plusieurs organisations.

Au-delà de ce socle de services, les structures porteuses peuvent déployer des offres de services complémentaires, en fonction de besoins locaux.

Répartition des maisons France services, en valeur absolue et en pourcentage, sur le territoire national au 8 novembre 2024

Régions
(sauf mention contraire)

Départements

Nombre de France services ouvertes

Auvergne-Rhône-Alpes

Ain

24

Allier

23

Ardèche

29

Cantal

19

Drôme

26

Haute-Loire

21

Haute Savoie

22

Isère

28

Loire

24

Puy-de-Dôme

38

Rhône

34

Savoie

31

Bourgogne France Comté

Côte-d'Or

26

Doubs

30

Haute-Saône

26

Jura

25

Nièvre

33

Saône-et-Loire

48

Territoire de Belfort

4

Yonne

34

Bretagne

Côte d'Armor

33

Finistère

32

Ille-et-Vilaine

32

Morbihan

32

Centre-Val de Loire

Cher

23

Eure-et-Loir

25

Indre

26

Indre-et-Loire

29

Loir-et-Cher

23

Loiret

23

Corse

Corse-du-Sud

15

Haute Corse

23

Grand Est

Ardennes

28

Aube

22

Bas-Rhin

27

Haut-Rhin

21

Haute-Marne

16

Marne

24

Meurthe-et-Moselle

28

Meuse

21

Moselle

33

Vosges

26

Hauts-de-France

Aisne

30

Nord

52

Oise

35

Pas-de-Calais

50

Somme

26

Ile-de-France

Essonne

25

Hauts-de-Seine

13

Paris

11

Seine-et-Marne

35

Seine-Saint-Denis

30

Val-d'Oise

27

Val-de-Marne

18

Yvelines

23

Normandie

Calvados

42

Eure

32

Manche

32

Orne

21

Seine-Maritime

37

Nouvelle Aquitaine

Charente

35

Charente-Maritime

35

Corrèze

23

Creuse

21

Deux-Sèvres

26

Dordogne

36

Gironde

43

Haute-Vienne

24

Landes

19

Lot-et-Garonne

22

Pyrénées-Atlantiques

31

Vienne

26

Occitanie

Ariège

14

Aude

25

Aveyron

32

Gard

30

Gers

24

Haute-Garonne

25

Hautes-Pyrénées

19

Hérault

42

Lot

23

Lozère

18

Pyrénées-Orientales

27

Tarn

26

Tarn-et-Garonne

22

Pays de la Loire

Loire-Atlantique

31

Maine-et-Loire

28

Mayenne

18

Sarthe

26

Vendée

22

Provence-Alpes-Côte-d'Azur

Alpes-de-Haute-Provence

17

Alpes-Maritimes

34

Bouches-du-Rhône

34

Hautes-Alpes

17

Var

30

Vaucluse

26

Guadeloupe

30

Guyane (Collectivité unique)

23

La Réunion

29

Martinique (Collectivité unique)

18

Mayotte

13

Saint Martin (Collectivité d'outre-mer)

3

Source : réponse de l'ANCT au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

Le rapporteur spécial souligne le succès que remporte le dispositif. Il considère que les MFS constituent un noyau dur de la « cohésion » entre les territoires, au sens premier du terme. Le nombre d'accompagnements d'usagers et la fréquentation des France services n'ont cessé de croître depuis leur création début 2020. Alors qu'une MFS accompagnait en moyenne 7,8 demandes par jour en 2020, la moyenne quotidienne des accompagnements est aujourd'hui de 16. Chaque mois, 834.000 usagers sollicitent une maison France services ce qui correspond à 960.000 démarches. L'objectif d'1 million d'accompagnements par mois prévu pour 2026 devrait donc être atteint dès la fin de 2024.

Lors de son audition par le rapporteur spécial, la DGCL a fait savoir que les MFS permettent de résoudre plus de quatre démarches administratives sur cinq42(*). Les demandes les plus sollicitées sont liées aux démarches auprès de l'administration fiscale (20 %), aux pré-demandes de titre d'identité et de voyage ainsi qu'aux immatriculations de véhicules (20 %), aux démarches en lien avec la liquidation des droits de retraite et le calcul de la pension (15 %), à l'assurance maladie (14 %) et aux allocations familiales (14 %).

En outre, le rapporteur spécial a été informé de la volonté de procéder à la labellisation de presque 300 France services supplémentaires lors des deux prochaines années, ce qui conduirait à atteindre 2 900 MFS en 2025 et 3 000 MFS en 2026, toutes structures comprises (en incluant les structures mobiles qui peuvent prendre des formes très variées : outre les bus itinérants dans les zones les plus rurales ou les plus difficiles d'accès43(*), on note même l'existence d'une maison France Services mobile sur pirogue, la « pirogue France services de l'Est guyanais » qui circule sur le Maroni de commune en commune). Toutefois, pour 2025, cette volonté pourrait se heurter à des considérations budgétaires (cf infra).

Une 14ème phase de labellisation est ainsi en cours. La finalisation et la pérennité de France services repose désormais sur une nouvelle étape que le rapporteur spécial avait eu l'occasion de présenter à l'issue d'une mission gouvernementale qu'il a conduite avec Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, alors députée de Seine-Maritime.

En effet, alors que la couverture territoriale est en passe d'atteindre les objectifs fixés, il souhaite insister sur la nécessité de donner au dispositif les moyens d'une amélioration continue de la qualité du service et, d'autre part, sur la politique d'« aller-vers » l'usager, pour lutter contre le non-recours aux droits, laquelle a abouti à un rapport comprenant 33 préconisations réparties autour de trois axes44(*).

Concernant, en premier lieu, le périmètre du bouquet de services proposé, le rapporteur spécial a eu l'occasion, dans le prolongement de la mission précitée, d'échanger longuement avec plusieurs organismes concernés pour aboutir à la conclusion que des extensions étaient nécessaires afin de couvrir davantage les besoins de services aujourd'hui non satisfaits. Il se réjouit qu'une première étape ait été franchie avec l'entrée, au 1er janvier dernier, de deux nouveaux opérateurs dans le dispositif : l'Anah et le ministère de la transition écologique. France Services est désormais en capacité de conseiller les particuliers dans leurs démarches administratives pour bénéficier des aides de type MaPrimeRénov' ou MaPrimeAdapt' et une montée en puissance des demandes en ce sens est d'ailleurs d'ores et déjà observée45(*).

Il renouvelle sa préconisation que soient intégrés au dispositif d'autres opérateurs comme le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS) ou encore la fédération des particuliers employeurs.

Il entend les difficultés techniques qu'il faut surmonter ainsi que les efforts de concertation que suppose l'élargissement du périmètre proposé aux usagers.

Toutefois, le rapporteur spécial insiste tout particulièrement sur un aspect qu'il est régulièrement amené à rappeler aux décisionnaires. L'élargissement des opérateurs accessibles via les MFS ne fait en rien peser un risque sur la capacité « d'absorption » par les conseillers France services d'usagers supplémentaires et de nouvelles demandes. Au contraire, dans la pratique, les conseillers France services cherchent déjà systématiquement à aider l'usager, y compris lorsqu'il les sollicite pour accomplir des démarches qui ne relèvent pas en théorie de leurs compétences.

Concrètement, le fait d'élargir le nombre d'opérateurs facilite donc le travail des conseillers France services. Il est plus simple pour ces derniers d'orienter l'usager vers un opérateur, lorsque la demande ne relève pas de leurs compétences. De manière contre intuitive, c'est donc l'intérêt des conseillers France services, tout autant que des usagers, que de viser un nouvel élargissement des opérateurs associés.

Le rapporteur spécial renouvelle également certaines préconisations. Il plaide de nouveau pour généraliser les agendas partagés afin de garantir à l'usager la possibilité d'une prise de rendez-vous immédiate avec chaque partenaire pour les demandes complexes. Ces rendez-vous pourraient s'effectuer à la maison France services lors d'une permanence de l'opérateur, dans les locaux de l'opérateur ou en visioconférence, en fonction du type de demande et du souhait de l'usager. Il insiste sur la possibilité de compléter, dans chaque France services, les permanences physiques des opérateurs par des rendez-vous en visioconférence, évitant des déplacements aux usagers, parfois géographiquement éloignés des locaux des opérateurs. Cette offre apparaît d'autant plus indispensable que le nombre de permanences effectuées dans les locaux des France Services reste faible, même si des améliorations ont été apportées au cours de l'année 2024.

Le second axe que le rapporteur spécial suit tout particulièrement, également dans le prolongement de sa mission ministérielle, concerne les démarches engagées pour aller vers les usagers les plus en retrait des services publics. Cet objectif est également en passe d'être atteint puisque 99,4 % de la population française (hors Mayotte) est domiciliée à moins de 20 minutes46(*) et, 99,9 % de la population française (hors Mayotte) est domiciliée à moins de 30 minutes d'une implantation France services.

Par ailleurs, le rapporteur spécial a été informé, lors de l'audition du cabinet de M. Kasbarian, ministre de la Fonction publique, de la Simplification et de la transformation de l'action publique du fait que la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) travaille actuellement à la réalisation d'une cartographie des services publics afin de disposer d'une carte de France des « zones blanches du service public ». Le rapporteur spécial appuie cette démarche en considérant qu'il n'est pas entendable qu'en l'état actuel des choses, on ne dispose pas des données d'implantation des guichets des opérateurs partenaires : l `implantation des France services ne peut pas se faire à l'aveugle, sans disposer de toutes les données sur l'existant.

Le rapporteur spécial préconise, comme il l'avait déjà indiqué l'an dernier, d'aller plus loin en offrant, en l'absence de transports en commun, la possibilité d'une prise en charge partielle du coût d'un service de transport à la demande vers les structures fixes, ou éventuellement vers les structures mobiles qui n'ont pas vocation à se déplacer à chaque domicile d'usager.

Dans les zones où l'offre de transport en commun est faible ou inexistante, un service de transport à la demande doit pouvoir répondre aux besoins de déplacement des personnes non motorisées ou âgées. C'est notamment le cas dans les zones rurales où ce type de transport souple et adapté pallie souvent l'absence de transports en commun réguliers.

b) Progressivement, un financement par structure France services davantage à la hauteur de l'intérêt du dispositif

Le financement du réseau France Services suit différents canaux : des crédits sont alloués à l'animation du réseau départemental, tandis que depuis 2019, un financement forfaitaire, par MFS a été acté.

Initialement de 30 000 euros47(*), ce financement forfaitaire, répondant à l'une des principales préconisations formulées par le rapporteur spécial48(*), sera progressivement porté à 50 000 euros, forfait qui s'appliquera à compter de 2026, en maintenant le principe d'un co-financement entre l'État et les opérateurs. En 2023, l'État a donc majoré sa participation de 5 000 euros, portant ainsi à 35 000 euros le forfait par structure, à travers une revalorisation du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT). Les opérateurs ont ensuite majoré leur participation en 2024 pour financer les 5 000 euros supplémentaires par structure, en parallèle de l'arrivée des deux nouveaux opérateurs dans le dispositif au 1er janvier 2024. Cette arrivée a d'ailleurs conduit à une nouvelle répartition du financement du fonds national France services (FNFS) entre les opérateurs comme l'illustre le tableau ci-après.

Alimentation du FNFS par les opérateurs

(en euros)

Opérateur

2023

2024

Ministère de l'Intérieur

13,75 %

5 051 750

13,92 %

7 038 029

DGFIP

13,75 %

5 051 750

10,21 %

5 161 221

CNAV

6,50 %

2 388 100

9,28 %

4 692 020

MSA

6,50 %

2 388 100

4,33 %

2 189 609

CNAF

11,75 %

4 316 950

11,86 %

5 995 358

CNAM

13,75 %

5 051 750

12,69 %

6 412 427

France Travail

13,75 %

5 051 750

8,97 %

4 535 619

La Poste

13,75 %

5 051 750

7,32 %

3 701 482

Ministère de la Justice

6,50 %

2 388 100

3,92 %

1 981 075

DGEC

   

6,71 %

3 390 800

Anah

   

10,78 %

5 451 170

TOTAL

100,00 %

36 740 000

100,00 %

50 548 810

Source : Commission des finances du Sénat à partir des réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

Alternativement, jusqu'en 2026, l'État et les opérateurs majoreront donc de nouveau leur participation de 5 000 euros pour atteindre le montant forfaitaire de 50 000 euros par structure. Cette hausse du montant forfaitaire est d'autant plus à souligner qu'elle s'accompagne d'une progression du nombre de maisons France services ouvertes. Pour l'instant, la trajectoire telle qu'elle résulte de la loi de programmation des finances publiques49(*) (LPFP) est donc respectée.

Financement par structure France services

(en euros)

 

Part du FNADT

Part du FNFS

Total par structure France services*

2023

20 000

15 000

35 000

2024

20 000

20 000

40 000

2025

25 000

20 000

45 000

2026 (prévisionnel)

25 000

25 000

50 000

Note : total hors bonification pour les France services portées par les collectivités territoriales en zone FRR (cf. infra).

Source : Commission des finances du Sénat

C'est pourquoi l'enveloppe du FNADT sur le programme 112 avait été revalorisée en 2024, passant de 36,3 millions d'euros à 53,2 millions d'euros, en AE comme en CP, dans le PLF 2024. Ajoutons qu'une partie de l'abondement supplémentaire de la subvention pour charges de service public dont avait bénéficié l'ANCT en 2024 était destinée à l'animation nationale du programme.

En 2025, les crédits prévus en PLF au titre de ce dispositif permettent de maintenir cette trajectoire et d'augmenter la part FNADT à 25 000 euros par structure, d'où un total de 65,5 millions d'euros en AE comme en CP (soit une hausse de 23,10 % par rapport aux 53,2 millions d'euros ouverts en LFI 224).

Cette progression couvre la montée en puissance du financement par structure sur la base 2 800 MFS qui devraient être labellisées à fin 2024. En revanche, à ce stade, les crédits ne permettent pas de financer davantage de MFS dont on indique pourtant au rapporteur spécial qu'elles ont bien vocation à ouvrir en 2025 : le rapporteur spécial pose donc la question du financement de ce nouvelles structures en 2025 et de la réalité de l'ampleur de la nouvelle vague de labellisation à venir (+ 100 en 2025 et + 100 en 2026 pour atteindre la cible mentionnée supra de 3 000 MFS).

Il faut souligner, enfin, comme l'an dernier qu'une enveloppe de 7 550 000 euros est ouverte en PLF pour 2025 sur le programme 112, afin de majorer la dotation forfaitaire des MFS situées, au 1er janvier 2025, en zone France ruralités revitalisation (FRR)50(*), uniquement pour les MFS portées par des collectivités territoriales. Toutefois, le rapporteur spécial souligne que cette dotation visant à financer une bonification MFS dans les FRR a été calculée sur le fondement du périmètre des FRR tel qu'arrêté au 1er juillet 2024. Or, l'article 27 du projet de loi de finances pour 2025, dans sa rédaction initiale, ferait entrer 2 168 communes supplémentaires en FRR. Une partie d'entre elles porte des structures France services qui seraient donc éligibles à la bonification.

Selon les informations recueillies par le rapporteur spécial qui a interrogé la DGCL sur ce point, à l'issue du PLF pour 2025, ce sont 1 305 MFS portées par des collectivités qui devraient être éligibles à la bonification, à l'issue du PLF pour 2025. Selon les estimations du rapporteur spécial, les crédits ouverts ne couvriraient pas la bonification prévue à hauteur de 10 000 euros par MFS. Le rapporteur spécial propose donc, par le biais d'un amendement adopté par la commission des finances, une majoration des crédits afférents qui passeraient de 7 550 000 euros à 13 050 575 euros, soit une augmentation de 5 500 575 euros51(*).

Au-delà des crédits budgétaires du programme 112, l'attractivité des territoires nécessite des dépenses fiscales efficaces et un soutien à des dispositifs satellites.

2. Plusieurs dispositifs de zonage sont associés au programme 112 : les dépenses fiscales représentent une proportion croissante du total des dépenses du programme

Le nouvel état F, annexé au projet de loi de finances pour la deuxième année consécutive en application de l'article 34 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), récapitule les moyens globaux des missions.

Aux crédits de paiement décrits supra, il ajoute le montant des dépenses fiscales, des ressources affectées et, pour les missions concernées, des prélèvements sur recettes et des crédits des comptes spéciaux qui concourent à la mise en oeuvre des politiques publiques financées par cette mission.

Dans le périmètre des dépenses de l'État, la mission « Cohésion des territoires » constitue le cinquième poste en termes de crédits ouverts, hors remboursements et dégrèvements, et représente 7,1 % de l'engagement total prévu pour 2025.

En outre, la mission se distingue des autres par le montant élevé des dépenses fiscales qui lui sont rattachées. Ces dernières atteignent 10,9 milliards d'euros en 2025, ce qui classe la mission troisième en termes de volume de dépenses fiscales rattachées, après les missions « Solidarité, insertion et égalité des chances » et « Travail et emploi ».

La mission se caractérise enfin par un niveau notable de fonds de concours et d'attributions de produit, atteignant 0,5 milliard d'euros, et de ressources affectées, qui s'élèvent à 1 milliard d'euros.

Moyens globaux alloués à la mission « Cohésion des territoires »

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir de l'état F annexé au projet de loi de finances

Au sein de la mission, le programme 112 ne pesant que 1,05 % du total des crédits ouverts en AE dans le PLF pour 2025, le montant des dépenses fiscales qui lui sont rattachées demeure corrélativement modeste en valeur absolue. Néanmoins, en proportion, au sein du programme, les dépenses fiscales représentent une part très importante et croissante du total des dépenses.

D'après les chiffres fournis par la DGFiP, le coût total des dépenses fiscales en PLF pour 2025 est en effet estimé à 747 millions d'euros dont 328 millions d'euros spécifiquement destinées à la Corse. Ces dépenses fiscales ont ainsi augmenté de 16,4 % entre 2020 et 2025 (passant de 642 à 747 millions d'euros).

Le programme 112 recouvre vingt-six dépenses fiscales.

Parmi celles-ci, onze sont relatives à des dispositifs qui sont rattachés au programme 112 bien qu'elles soient éloignées de son coeur de mission (sept dépenses se rapportent à des exonérations ciblées sur le territoire de la Corse tandis que quatre dépenses se rapportent à des exonérations de droits et déductions d'actifs en matière de propriété immobilière).

Le rapporteur spécial note donc que, parmi ces 26 dépenses fiscales formellement rattachées, seules 15 concernent exclusivement les dispositifs pris sur le fondement du programme 112. Ces diverses dépenses comprennent principalement des exonérations ou des réductions d'impôt associées au classement dans divers dispositifs de zonages. L'objet des 15 dépenses fiscales relevant des missions exécutées au titre du programme 112 sont récapitulées dans le tableau infra.

Liste et nature des 15 dépenses fiscales
dont l'objet relève directement du programme 112

Numéro de la dépense fiscale

Nature de la dépense fiscale

Montant 2025 en millions d'euros

220 104

Exonération d'impôt sur les bénéfices pour les entreprises créées ou reprises dans les zones de revitalisation rurale (ZRR)

345

220 109

Exonération d'impôt sur les bénéfices pour les entreprises créées ou reprises dans les zones France ruralités revitalisation (FRR)

10

230 602

Exonération totale ou partielle des bénéfices réalisés par les entreprises nouvelles qui se créent dans les zones d'aide à finalité régionale ou qui se sont créées entre le 1er janvier 1995 et le 31 décembre 2010 dans les zones de revitalisation rurale (ZRR) et de redynamisation urbaine (ZRU)

56

230 606

Exonération d'impôt sur les bénéfices pour les entreprises qui exercent ou créent une activité dans les bassins d'emploi à redynamiser (BER)

10

530 206

Exonération du droit budgétaire de 2 % de mutation pour les acquisitions de fonds de commerce dans certaines zones prioritaires d'aménagement du territoire (ZRR-ZRU-Zones Franches Urbaines)

nc

230 303

Majoration de la base de calcul des amortissements des immobilisations acquises au moyen de primes de développement régional, de développement artisanal ou d'aménagement du territoire (PAT)

1

230 609

Exonération d'impôt sur les bénéfices pour les entreprises créées dans les zones de développement prioritaire (ZDP)

1

050 112

Exonération des immeubles situés dans une zone de développement prioritaire (ZDP) et rattachés à un établissement implanté dans une ZDP pouvant bénéficier de l'exonération de cotisation foncière des entreprises

0

050 113

Exonération des immeubles situés dans une zone de revitalisation des commerces en milieu rural et rattachés à un établissement implanté dans une ZoRCoMiR pouvant bénéficier de l'exonération de cotisation foncière des entreprises

Inférieur à 0,5

090 101

Exonération en faveur de certaines opérations réalisées dans les ZRR

Inférieur à 0,5

040 101

Exonération en faveur des entreprises réalisant certaines opérations en ZRR pouvant ouvrir droit à une exonération de Contribution foncière des entreprises (CFE) en l'absence de délibération contraire d'une commune ou d'un établissement public de coopération intercommunale

1

040 112

Exonération en faveur des établissements créés entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2020 dans une zone de développement prioritaire (ZDP) pouvant bénéficier de l'exonération de cotisation foncière des entreprises

0

040 113

Exonération en faveur des établissements exerçant une activité commerciale dans une zone de revitalisation des commerces en milieu rural pouvant bénéficier de l'exonération de cotisation foncière des entreprises

0

090 113

Exonération en faveur des établissements créés dans une zone de développement prioritaire

Inférieur à 0,5

090 114

Exonération en faveur des établissements exerçant une activité commerciale dans une zone de revitalisation des commerces en milieu rural

0

Source : Commission des finances du Sénat à partir des réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

Compte tenu de l'importance relative de ces dépenses fiscales rattachées, qui représentent pour 2025 le triple des crédits budgétaires affectés au programme 112, sous le double effet de leur augmentation et de la baisse des crédits budgétaires, le rapporteur spécial souligne qu'il lui semble indispensable d'assurer un suivi précis de ces coûts.

3. Une refonte initiée des zonages l'an dernier qui fait l'objet d'ajustements en 2025 pour coller au mieux aux attentes des territoires

La question de l'efficience de ces dépenses fiscales liées aux dispositifs de zonage, dont une partie est portée par le programme 112, a conduit le Gouvernement à solliciter de quatre inspections générales52(*), par une lettre de mission du 13 janvier 2020, une évaluation des dispositifs zonés de soutien du développement économique et de l'emploi dans les territoires.

L'évaluation conduite prête trois caractéristiques principales à ces dispositifs :

- une faible part des entreprises éligibles recourait effectivement au dispositif le plus couteux pour l'État, à savoir celui des ZRR ;

- les activités libérales, peu créatrices d'emploi, mais très au fait de l'existence de dispositifs d'exonération, sont les plus concernées. Le commerce ou l'industrie ne bénéficient que très peu de mécanismes pourtant initialement pensés pour eux ;

- l'absence d'harmonisation des paramètres des exonérations (conditions, durée, etc.) altère leur efficacité.

Tout en reconnaissant que ces points sont susceptibles de faire l'objet d'amélioration, le rapporteur spécial avait alors souligné qu'il ne partageait pas l'intégralité des conclusions tirées par la mission sur l'inefficacité partielle de ces dépenses fiscales en matière de création d'entreprises, lesquelles ne peuvent être envisagées qu'à une échelle modeste sur les territoires concernées. Il note d'autre part l'attachement des élus locaux et des administrés à ces dispositifs fiscaux dans les zones rurales.

Il note qu'une première initiative de rationalisation des zonages a été prise, en particulier pour harmoniser les dispositifs et leur durée de validité, au titre de l'article 73 de la loi de finances pour 2024.

La réforme portée a entraîné la fusion des zones de revitalisation rurales (ZRR) et des zones de revitalisation des commerces en milieu rural (ZoRCoMiR), au 1er juillet 2024, sous l'appellation de zones « France Ruralités revitalisation » (FRR). Le tableau suivant récapitule les principales caractéristiques des différents types de zonages incluant les nouvelles FRR (dont une parte seulement est rattachée au programme 112).

Principales caractéristiques des zonages fiscaux

Type de Zonage (année de création)

Critères

Exonérations d'impôts sur les bénéfices

Exonérations d'impôts locaux

Dispositifs
non fiscaux

Activités économiques ciblées

Coût annuel pour l'État

en millions d'euros

FRR

(2024)

Communes de moins de 30 000 habitants dans un EPCIFP avec faible densité de population et faible revenu médian par habitant + toutes les communes des départements métropolitains dont la densité est inférieure à 35 habitants par km2 avec faible revenu médian (maille intercommunale)

IR et IS

5 ans puis dégressivité sur 3 ans (75 %, 50 % et 25 %)

Exonération de CFE sous réserve de délibération de l'entité compétente du bloc communal

Exonérations de cotisations sociales

Majoration de la dotation de solidarité rurale (DSR), de la dotation d'intercommunalité et de certaines dotations spécifiques (dotation France services dans les « FRR + », etc.)

Création ou reprise d'une activité industrielle, commerciale, artisanale ou libérale par une entreprise relevant de la catégorie des micros, petites et moyennes entreprises

nc53(*)

BER

(1995)

Taux de chômage, déclin démographique, déclin de l'emploi

5 ans

Exonération sauf délibération contraire, de

TFPB et de CET de 5 ans

Exonérations de cotisations sociales

Création d'entreprises activité industrielle, artisanale, commerciale ou libérale

(850 sociétés environ)

8

ZDP

(2019)

Taux de pauvreté, chômage des jeunes, densité

Maille régionale et intercommunale

2 ans puis dégressivité sur 3 ans (75 %, 50 % et 25 %)

Exonération obligatoire de CET et de TFPB de 7 ans puis dégressivité sur 3 ans (75 %, 50 % et 25 %) pour 50 % de la base nette imposable.

CET et TFPB, sur délibération, de 7 ans puis dégressivité sur 3 ans pour les 50 % restant

 

Création d'une PME qui exercent une activité industrielle, commerciale ou artisanale.

Non connu

QPV

Population minimale, revenu maille infra-communale

 

TFPB, sauf délibération contraire 5 ans

CET, sauf délibération contraire, 5 ans puis dégressivité sur 3 ans pour TPE (60 %, 40 % et 20)

Utilisé pour la répartition de la dotation politique

de la ville (DPV)

Création par une entreprise de moins de 50 salariés et 10 M€ de CA d'une activité commerciale

74

ZRD

Zones affectées par la réorganisation des unités militaires et touchées par une baisse d'activité des entreprises et une chute significative de l'emploi

Exonération d'impôts sur les bénéfices

Exonération de cotisation foncière des entreprises et

de taxe foncière sur les propriétés bâties

Exonération des cotisations patronales

Toutes les entreprises (individuelle ou société), quel que soit leur régime d'imposition (microentreprise, régime réel normal ou simplifié)

Activité industrielle, artisanale ou commerciale ou libérale si celle-ci s'exerce en société soumise à l'impôt sur les sociétés (activités agricoles exclues)

Activité de location d'immeubles professionnels munis de leurs équipements

Non connu

ZFU-TE (1996)

Population, taux de chômage, jeunesse, déscolarisation, potentiel fiscal par habitant

5 ans puis dégressivité sur 3 ans (60 %, 40 % et 20 %)

   

Création par une entreprise de moins de 50 salariés et 10 millions d'euros de CA d'une activité industrielle, artisanale,

commerciale ou libérale

163

BUD

(2018)

Densité, revenu médian, taux de chômage

(maille communale et intercommunale)

2 ans puis dégressivité sur 3 ans (75 %, 50 % et 25 %)

Exonération obligatoire de CET et de TFPB de 7 ans puis dégressivité sur 3 ans (75 %, 50 % et 25 %) pour 50 % de la base nette imposable.

Sur délibération, de CET et de TFPB de 7 ans puis dégressivité sur 3 ans pour les 50 % restant

 

Création d'une PME exerçant une activité industrielle, commerciale ou artisanale

2

ZRCV

(2020)

Conclusion d'une ORT, revenu

Maille communale

 

TFPB, CET, sur délibération

   

Non connu

ZAFR

(1980)

PIB par habitant, taux de chômage, densité

Maille communale

2 ans puis dégressivité sur 3 ans (75 %, 50 % et 25 %)

TFPB, CET, 2 ans sur délibération, jusqu'à 5 ans pour certaines activités

 

Création d'entreprises exerçant une activité industrielle, artisanale, commerciale ou libérale

81

ZAI-PME

Communes non situées en ZAFR (en IDF, communes de zone urbaine sensible ou de ZRR)

 

CET, sur délibération, jusqu'à 5 ans pour certaines activités

 

Création par une PME d'une activité industrielle ou de recherché scientifique et technique

Non connu

Note : FRR : France ruralités revitalisation, BER : Bassins d'emplois à redynamiser, ZDP : Zones de développement prioritaire, QPV : Quartiers prioritaires de la ville, ZRD : Zones de restructuration de la défense, ZFU-TE : Zones franches urbaines - Territoire Entrepreneur, BUD : Bassins urbains à dynamiser, ZRCV : Zones de revitalisation des centres-villes, ZAFR : Zones d'aide à finalité régionale, ZAI-PME : Zones d'Aide à l'Investissement des petites et moyennes entreprises.

Source : commission des finances du Sénat

Le dispositif FRR comprend un niveau socle et un niveau « FRR plus » donnant droit à davantage de soutien. Toutefois, la réforme a abouti à ce que 2 168 communes sur les 17 720 qui bénéficiaient d'un classement en ZRR jusqu'au 30 juin 2024 n'intègrent pas le dispositif FRR. Compte tenu de l'impact de cette situation sur les tissus économiques déjà fragiles dans les zones concernées, l'article 27 du projet de loi de finances pour 2025 vise à faire accéder de droit ces 2 168 communes dans le zonage FRR.

Le rapporteur spécial sera très attentif aux évolutions de ceux de ces dispositifs qui relèvent du programme 112, compte tenu de l'importance des différents zonages pour les territoires ruraux : il considère que leur réforme doit être à la hauteur des ambitions du nouveau Gouvernement pour la ruralité.

La cartographie suivante présente la répartition géographique des zonages fiscaux - FRR et BER - qui serait issue de l'adoption, en l'état, de l'article 27 du projet de loi de finances.

Cartographie des FRR, FRR » plus » et BER au 1er janvier 2025

Source : Commission des finances du Sénat

4. La diminution des crédits destinés aux conseillers numériques, portés par un autre programme, n'en constitue pas moins une source d'inquiétude

Alors que l'usage des services numériques est devenu indispensable pour effectuer une très grande partie des démarches du quotidien, la fracture numérique qui résulte de l'incapacité à les maîtriser concernerait un français majeur sur trois53(*). Par ailleurs, un français sur deux connaîtrait des difficultés matérielles ou techniques pour accéder à ces outils, même si leur taux de diffusion s'améliore (prix des équipements, absence de connexion internet fixe à domicile, etc)54(*).

a) Les Conseillers numériques : un dispositif porté par un autre programme mais très lié au programme 112

Dans ce contexte, a été mis en place un dispositif destiné à financer des conseillers numériques qui cherchent à accompagner les usagers en difficulté avec le « numérique du quotidien », le plus souvent au travers d'ateliers collectifs d'initiation au numérique.

Les crédits destinés à financer ce dispositif n'ont jamais figuré sur le programme 112, ce que regrette le rapporteur spécial compte tenu du caractère indissociable de cette mission et des France services, mais ont d'abord été financés via le plan national de relance et de résilience (PNRR). Au 31 juillet 2024, l'enveloppe globale de ces crédits initialement dédiés au dispositif des conseillers numériques (222,9 millions d'euros en AE comme en) avait été intégralement consommée : 200 millions d'euros d'AE et 80 millions d'euros de CP en 2021, 22,9 millions d'euros d'AE et 134 millions d'euros de CP en 2022 et 8,9 millions d'euros de CP en 2023.

Entre temps, le financement du dispositif a été transféré à l'action n° 3 « Inclusion numérique » du programme 343 « Plan France Très haut débit » de la mission « Économie »55(*).

Les enveloppes issues de ce financement étatique ont permis de financer les premières reconductions de postes à hauteur de 39 millions d'euros en loi de finances pour 2023 et 55 millions d'euros en loi de finances pour 202456(*).

Pour 2025, cette action est dotée, de 41,8 millions d'euros en AE comme en CP. Les financements portent sur la formation et l'activité des conseillers numériques, qui sont accueillis par des collectivités territoriales et des acteurs privés associatifs ou relevant de l'économie sociale et solidaire. Les conseillers sont chargés d'assurer des permanences, des ateliers et des formations afin de faciliter l'appropriation par ceux qui ont besoin des usages numériques du quotidien.

Au 30 août 2024, 4 010 conseillers numériques (incluant les coordinateurs) étaient mis à disposition de 1 539 structures publiques (59 % des postes) et de 1 355 structures privées (41 % des postes). Ils couvrent l'ensemble du territoire métropolitain ainsi que la Martinique, la Réunion, la Guyane, la Guadeloupe et Mayotte, pour 40 postes par département en moyenne, selon un maillage répondant aux spécificités de chaque territoire. 995 postes sont situés en QPV et 706 dans les anciennes ZRR (zone de revitalisation rurale).

À la même date, 4,2 millions d'accompagnements ont été réalisés par les conseillers numériques sur des thèmes variant selon l'âge et le statut des personnes accompagnées. L'utilisation des équipements (tablette, téléphone portable et ordinateur) ainsi que la réalisation de démarches administratives en ligne figurent parmi les thèmes d'accompagnement les plus récurrents, récapitulés dans le graphique qui suit.

Répartition des thèmes d'accompagnement
réalisés par les conseillers numériques (au 30 août 2024)

Source : Metabase du déploiement des conseillers numériques

b) Les conseillers numériques : un financement 2025 qui ne respecte pas les engagements pris.

La DGCL a fait savoir au rapporteur spécial que le maintien du dispositif dans son périmètre actuel pour 2025 supposerait une autorisation d'engagement à hauteur de 73 millions d'euros. Les 31 millions d'euros manquants, au regard des 41,8 millions d'euros prévus pour être ouverts, se traduiront donc par le non renouvellement du financement d'une partie des contrats arrivant à échéance, à charge pour la collectivité de supprimer le poste concerné ou d'en assurer désormais le financement.

Plus grave, et le rapporteur spécial le dénonce tout particulièrement, il lui a été fait état de la perspective qu'en raison de cette situation, des avenants soient notifiés aux collectivités pour réduire le financement des contrats encore en cours, s'appuyant sur une disposition juridique figurant dans les conventions avec les collectivités concernées selon laquelle les financements sont assurés sous réserve des crédits alloués. Concrètement, les collectivités qui ont embauché un conseiller numérique n'auraient alors pas d'autre choix que de prendre en charge le delta de rémunération résultant de cette diminution unilatérale du financement étatique. Sans qu'elle soit juridiquement dénonçable, cette situation n'en est pas moins inacceptable, tant pour les collectivités que pour les personnes exerçant ces fonctions, et semble de nature à porter une nouvelle fois atteinte à la crédibilité de la parole de l'État.

Afin d'inscrire ces postes de conseillers numériques dans la durée et d'assurer les conditions durables de transfert de responsabilité financière vers les structures d'accueil, plusieurs initiatives sont à l'oeuvre dans le cadre de la feuille de route France Numérique Ensemble. En premier lieu, un engagement de développement de l'emploi et des compétences (EDEC) de médiation numérique57(*) a été initié afin de « renforcer l'employabilité des médiateurs numériques et sécuriser leur mobilité professionnelle ». En second lieu, une mobilisation des préfets de département - par voie de circulaire du 28 juillet 2023 - a été effectuée par anticipation afin « d'accélérer la territorialisation de la politique publique d'inclusion numérique et la constitution de fonds d'ingénierie locaux pour financer la pérennisation des dispositifs locaux d'inclusion numérique »58(*).

Ces initiatives, fort louables, ne doivent néanmoins pas masquer le caractère regrettable du désengagement de l'État en 2025 sur le dispositif. Dans la mesure où il n'est pas porté par le programme 112, le financement des conseillers numériques ne saurait être pris en compte dans l'appréciation des crédits du programme. Néanmoins, le rapporteur spécial considère qu'il s'agit de politiques publiques « satellites » indissociables des MFS et il s'interroge sur l'impact de ces choix sur l'accès au numérique.


* 39 D'autres opérateurs pressentis comme l'Association générale des institutions de retraite des cadres-Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés (AGIRC ARRCO) ou le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS) n'ont, à ce jour, pas rejoint le dispositif.

* 40 Parmi les MFS portées par les collectivités, 47 % le sont par des communes, 48 % par des EPCI et 5 % par d'autres strates de collectivités.

* 41 Ces éléments issus des réponses au questionnaire budgétaire ont été confirmés par l'ANCT lors de l'audition de son directeur général.

* 42 La DGCL a fait savoir au rapporteur que 84,2 % des démarches administratives effectuées à l'aide des MFS sont résolues. Par ailleurs, 96,1 % des utilisateurs se déclarent satisfaits de l'accompagnement reçu en France services et 98 % recommandent France services à leurs proches.

* 43 Il existe 160 structures mobiles et à peu près autant de structures multi-sites. Dans les outre-mer, 10 % des MFS sont des structures de type mobile pour adapter au mieux le service à la réalité de territoires parfois très difficiles d'accès.

* 44 Le rapport de Bernard Delcros et Marie-Agnès Poussier-Winsback « France Services, une nouvelle étape vers un « service universel » remis en juin 2023 est consultable en ligne.

* 45 Les accompagnements en lien avec France Rénov' ont augmenté au cours de l'année 2024, passant de 5 787 accompagnements dès le mois de janvier 2024 à 9 546 accompagnements en septembre 2024.

* 46 C'est une progression de 4 points par rapport à la même donnée exprimée l'an dernier par le rapporteur spécial dans le tome III, annexe 6, volume 2 « Cohésion des territoires - Politique des territoires » déposé le 23 novembre 2023 du Rapport général n° 128 (2023-2024) sur le projet de loi de finances pour 2024.

* 47 Ce montant est financé différemment selon qu'il s'agit de structures postales (26 000 euros venant du fonds postal national de péréquation territoriale et 4 000 euros provenant du fonds national France Services) ou de structures non postales (15 000 euros provenant des crédits du fonds national d'aménagement et de développement du territoire et 15 000 euros du fonds national France Services).

* 48 Rapport d'information n° 778 (2021-2022) sur le premier bilan du financement des maisons France services fait par M. Bernard Delcros au nom de la commission des finances, déposé le 13 juillet 2022.

* 49 Loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.

* 50 Instaurées par l' article 73 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

* 51 Résultant du financement de 4 215 euros supplémentaires pour chacune des 1 305 MFS concernées soit 5 500 575 euros.

* 52 Cette inspection a été conduite par l'Inspection générale des finances (IGF), l'Inspection générale de l'administration (IGA), l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD).

* En année pleine fondée sur le coût des dispositifs antérieurs, superposant le coût des ZRR, ayant vocation à s'éteindre progressivement, celui des Zorcomir et celui des FRR, le rapporteur spécial évalue ce montant à 355 millions d'euros. À ce stade, et malgré les demandes du rapporteur spécial auprès de l'administration fiscale, ce montant n'a pas été confirmé.

* 53 Baromètre du numérique - édition 2022 - Rapport publié en janvier 2023, consultable en ligne.

* 54 Baromètre du numérique - édition 2023 - Rapport publié en janvier 2024, consultable en ligne.

* 55 Loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

* 56 Loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

* 57 Le dispositif EDEC est présenté sur le site du ministère compétent en matière de travail.

* 58 Ces éléments sont issus des réponses apportées par la DGCL au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial.

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