B. DES CRÉDITS POUR L'ÉDUCATION ARTISTIQUE ET CULTURELLE QUI S'ÉLÈVENT À PRÈS DE 380 MILLIONS D'EUROS
1. Une stabilité du volet individuel du Pass Culture dans un contexte de multiplication des incitations à le réformer
Expérimenté depuis juin 2019 puis généralisé et élargi en 2021, le Pass Culture consiste en une application gratuite, qui révèle et relaie les offres culturelles et artistiques accessibles à proximité pour les jeunes âgés de 15 à 18 ans. Ces jeunes disposent d'une somme comprise entre 20 et 300 euros, variant en fonction de l'âge, afin de pouvoir répondre à ces offres. S'éloignant des dispositifs mis en place par les collectivités territoriales, le pass a repris les contours de l'application « 18app » mise en place en septembre 2016 en Italie par le Gouvernement Renzi et permettant à tout jeune de 18 ans de disposer d'une somme de 500 euros - Bonus Cultura - dédiée à l'acquisition de biens culturels.
Le présent projet de loi de finances prévoit une dotation de 210,5 millions d'euros de crédits (AE = CP) pour le financement du volet individuel du dispositif, soit une stabilité par rapport à 2024. Le Gouvernement a cependant déposé à l'Assemblée nationale un amendement visant à diminuer de 5 millions d'euros les crédits dédiés au Pass Culture.
Le Pass Culture représente 25 % des crédits du programme 361. La société par actions simplifiées (SAS) Pass Culture est également le deuxième opérateur du ministère de la Culture, derrière la Bibliothèque nationale de France.
Selon le décret n° 2021-1453 du 6 novembre 2021, le Pass Culture comporte désormais deux parts :
- une part individuelle applicable à chaque jeune de 15 à 17 ans, financée par le ministère de la Culture ;
- une part dite collective, destinée exclusivement à financer des activités rattachées à l'éducation artistique et culturelle effectuées en groupes et encadrées par des professeurs. Cette part s'applique aux élèves de la sixième à la terminale scolarisés dans un collège ou lycée public ou privé sous contrat, ainsi qu'à tout élève inscrit en certificat d'aptitude professionnelle sous statut scolaire. Cette part est financée au prorata de leurs effectifs concernés par les ministères en charge de l'éducation nationale, de la mer, des armées et de l'agriculture.
Le volet collectif du Pass Culture
La loi de finances pour 2022 a permis de faire évoluer le dispositif en l'ouvrant aux élèves à partir de la classe de 4e, qui sous la responsabilité des enseignants, bénéficient d'un crédit (25 euros par élève en quatrième et en troisième, 30 euros en seconde et 20 euros en première et en terminale) à dépenser dans un cadre collectif : sortie culturelle, accueil d'un professionnel... Le dispositif a été étendu aux élèves de sixième et de cinquième à compter de la rentrée scolaire 2023.
Sur l'année scolaire 2023-2024, 72 % des élèves éligibles à la part collective ont bénéficié d'au moins une action financée grâce au Pass Culture durant l'année scolaire 2023-2024 et 96 % des établissements scolaires ont effectué au moins une réservation sur la même période.
Pour l'année scolaire 2023-2024, les fonds de la part collective du Pass Culture apportés par le MEN sont utilisés par les établissements dans les domaines suivants :
- atelier de pratique : 17,7 % ;
- conférence rencontre : 7,0 % ;
- projection audiovisuelle : 20,5 % ;
- représentation : 28,5 % ;
- visite guidée : 13,7 % ;
- visite libre : 4,9 % ;
- autre : 7,7 %.
Source : commission des finances d'après le ministère de l'Éducation nationale
Les crédits accordés au Pass culture augmentent cependant globalement de 15 millions d'euros par rapport à 2024 en tenant compte de la montée en charge du volet collectif du Pass Culture, financé par les crédits de la mission « enseignement scolaire ».
Évolution des crédits
affectés au financement du Pass Culture
depuis 2019
(en millions d'euros)
Source : commission des finances
Le livre demeure toujours le premier poste d'achat sur la plateforme dédiée au Pass Culture (pour 56 % du montant total des achats), mais on assiste à la progression d'autres produits culturels, et notamment vers la musique enregistrée.
Répartition des achats effectués par
le volet individuel du Pass Culture
selon leur montant
(en %)
Source : commission des finances d'après le ministère de la Culture
Les rapporteurs spéciaux ont consacré une analyse développée au Pass Culture dans leur récent rapport sur le sujet13(*).
S'agissant du volet individuel, ils relèvent que la logique prescriptive du pass demeure relativement faible. Il est, plus largement, regrettable qu'aucun objectif n'ait été assigné à cette politique publique en matière de médiation culturelle, de diversification culturelle ou d'affirmation des droits culturels. Ce faisant, le ministère de la culture prend le risque de résumer le volet individuel du pass à une simple plateforme d'achat de biens et de services.
Il est indispensable qu'il soit plus « éditorialisé » afin de participer à la mise en place d'un véritable parcours culturel qui permette notamment de mieux orienter les réservations vers deux grands absents : le spectacle vivant et les musées. Au-delà de la question de la médiation culturelle, l'accent doit également être mis sur l'accès des jeunes non-scolarisés au pass.
Les rapporteurs spéciaux relèvent par ailleurs que le volet collectif semble plus enclin à atteindre l'objectif de diversification des pratiques culturelles assigné au pass que le volet individuel et que l'articulation entre les deux parts semble insuffisante.
L'évaluation menée par l'inspection générale des affaires culturelles (IGAC) de mai 202414(*) a livré une vision pour le moins mitigée du dispositif. Elle note que les impacts sur les pratiques culturelles des bénéficiaires du dispositif apparaissent « contrastés » et que la capacité du pass Culture à transformer les pratiques culturelles est « incertaine ». Plus clairement encore, « la capacité du pass Culture à atteindre ses objectifs de service public ne peut être démontrée : l'intensification des pratiques culturelles des bénéficiaires du dispositif semble établie, mais son caractère durable apparaît incertain ; la diversification de ces pratiques est impossible à démontrer. Dans ces conditions, faute de pouvoir établir que l'utilisation du pass Culture favorise la réduction des écarts de pratiques culturelles entre milieux sociaux, l'existence d'effets d'aubaine ne peut être exclue ».
La ministre de la Culture a annoncé qu'une réforme du Pass Culture serait lancée dès l'automne 2024. Les documents budgétaires indiquent ainsi qu'une « réflexion devra être menée dès l'automne 2024 pour garantir la soutenabilité du montant de crédits inscrits en PLF 2025 à hauteur de 210,5 millions d'euros pour l'année, soit exactement le montant inscrit en 2024. Des modifications de certains paramètres devront être conduites pour respecter cette enveloppe ». Le Gouvernement a en outre déposé à l'Assemblée nationale un amendement visant à réduire les crédits affectés au Pass Culture de 5 millions d'euros.
2. Des moyens conservés pour l'éducation artistique et culturelle en dehors du Pass Culture
Si le Pass Culture représente une part importante des crédits dédiés à l'éducation artistique et culturelle, l'État finance sur le programme 361 d'autres actions pour un montant à peu près équivalent.
Répartition des crédits de l'action
2
« Soutien à la démocratisation et à
l'éducation artistique et culturelle » en 2025
(en % et en millions d'euros)
Source : commission des finances
Au-delà du Pass Culture, le soutien à la démocratisation et à l'éducation artistique culturelle se matérialise par deux lignes de crédits dédiées, qui s'élèvent cumulativement à 166 millions d'euros, soit une diminution de 14 millions d'euros par rapport à l'année précédente.
Les crédits dédiés à l'éducation artistique et culturelle proprement dite diminuent de 5 millions d'euros par rapport à 2024.
Évolution des crédits prévus
pour l'éducation artistique et culturelle
hors Pass Culture
(en millions d'euros)
Exécution 2023 |
LFI 2024 |
PAP 2025 |
||||
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
|
Éveil artistique et culturel |
0,24 |
0,24 |
||||
Éducation artistique et culturelle en temps scolaire |
26,95 |
26,96 |
24,04 |
23,94 |
31,96 |
31,96 |
Éducation artistique et culturelle hors temps scolaire |
30,50 |
30,51 |
14,01 |
14,12 |
23,14 |
23,14 |
Goût du livre et de la lecture |
16,55 |
18,64 |
21,47 |
21,47 |
7,85 |
7,85 |
Actions des conservatoires |
14,38 |
14,38 |
14,14 |
14,14 |
16,02 |
16,02 |
Partenariats et contractualisation avec les collectivités territoriales |
15,23 |
15,23 |
15,28 |
15,44 |
13,62 |
13,62 |
Éducation aux médias et à l'information |
9,38 |
9,37 |
7,40 |
7,40 |
3,77 |
3,77 |
Formation des acteurs de l'éducation artistique et culturelle |
9,27 |
9,26 |
7,00 |
7,00 |
2,08 |
2,08 |
Compensation gratuité enseignants |
3,94 |
3,84 |
4,00 |
4,00 |
4,00 |
4,00 |
Total |
126,19 |
128,19 |
107,34 |
107,50 |
102,68 |
102,68 |
Source : commission des finances
S'agissant de la différence entre 2023, d'une part, et 2024 et 2025, d'autre part, elle résulte en grande partie de la fin de crédits spécifiquement affectés au financement de l'Été culturel (actions d'EAC pendant les vacances d'été) qui n'a été possible en 2023 et 2024 que par le redéploiement de crédits en gestion.
Le ministère indique que la diminution des crédits constatée entre 2024 et 2025 s'explique en grande partie par des évolutions de périmètre. S'agissant de la formation des acteurs de l'EAC, la baisse (- 4,9 millions d'euros), s'explique par un redéploiement des crédits pour la formation des acteurs concourant à la démocratisation culturelle hors scolaires (participation à la vie culturelle des publics adultes en situation spécifique par exemple), désormais programmés sous d'autres sous-actions.
Reste une interrogation quant à l'efficacité de la dépense publique en la matière, alors que la multiplication d'actions ou de sous-actions pour des montants faibles peuvent faire craindre un risque de saupoudrage. Les derniers travaux d'ampleur sur le sujet remontent à 2017, avec le rapport de l'inspection générale de l'Éducation nationale15(*), concluant précisément sur des lacunes en matière d'évaluation.
À titre d'exemple, il n'existe pas dans les documents budgétaires d'indicateurs spécifiques à l'éducation artistique et culturelle hors Pass Culture. L'indicateur n° 2 (Part des enfants et adolescents ayant bénéficié d'une action d'éducation artistique et culturelle) est en effet largement tiré par la part collective du Pass et ne permet pas d'avoir une image claire des publics concernés et de l'impact concret de ces actions.
* 13 Le Pass culture face au défi de la diversification des pratiques culturelles, rapport d'information n° 866 (2022-2023), déposé le 11 juillet 2023.
* 14 Les impacts de la part individuelle du Pass Culture, IGAC 2024 - N° 2024-15.
* 15 L'évaluation de la politique d'éducation artistique et culturelle : quelles modalités, quels indicateurs ? Inspection générale de l'éducation nationale Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche, août 2017.