B. ... QUI S'EST ACCOMPAGNÉE D'UNE HAUSSE DES REPORTS DE CRÉDITS, POUVANT CONDUIRE À LA MISE EN PLACE DE FACTO D'UN « FONDS DE ROULEMENT »

Sur la même période que pour la hausse du report de charges, à savoir de fin 2022 à fin 2024, les reports de crédits ont également nettement augmenté. Alors que seuls 51 millions d'euros de CP avaient été reportés de 2021 à 2022, 263 millions d'euros l'ont été de 2022 vers 2023, puis 1,648 milliard d'euros de 2023 vers 2024.

Évolution du montant des reports des crédits en CP sur trois ans

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du ministère des armées au questionnaire du rapporteur spécial

Cette très forte progression du niveau de report de crédits est essentiellement due à l'ouverture d'une enveloppe de près de 1,6 milliard d'euros en loi de finances de fin de gestion pour 202319(*), très rapidement gelée puis reportée vers 2024, pour des raisons de maîtrise du déficit public exécuté20(*). Néanmoins, selon les informations recueillies par le rapporteur spécial, le montant des crédits qui seraient reportés de 2024 vers 2025 serait « similaire au montant des crédits reportés de 2023 vers 2024 », à savoir environ 1,6 milliard d'euros. Ce report de crédits serait dû « à des dépenses initialement prévues fin 2024, qui auront finalement lieu début 202521(*) ». Il convient tout de même de constater que la hausse du report de charges s'accompagne de facto d'une progression des reports de crédits, et ce dès fin 2022.

Une telle évolution simultanée à la hausse, par rapport à fin 2022, des reports de charge et de crédits est de nature à faire craindre que ne se mette en place une forme de « fonds de roulement », consistant à reporter les paiements et les crédits d'une fin d'année au début de la suivante, comme le constatait d'ailleurs récemment la Cour des comptes pour ce qui concerne l'exercice 202322(*). Or, un tel mécanisme est contradictoire avec le principe d'annualité budgétaire et nuit à la lisibilité de l'exécution de la trajectoire de programmation. Il favorise en outre l'augmentation du report de charges.

Finalement, il apparaît que pour des raisons tenant à l'anticipation des commandes pour parvenir aux objectifs capacitaires et opérationnels à l'horizon 2030, au maintien du programme des achats en période de forte inflation, et à la régulation gouvernementale des objectifs de dépenses du ministère des armées et de déficit public affiché exécuté, l'exécution budgétaire de la mission « Défense » est marquée depuis 2023 par des contraintes budgétaires devenues aiguës, tenant à son niveau de report de charges et de crédits.


* 19 Loi n° 2023-1114 du 30 novembre 2023 de finances de fin de gestion pour 2023.

* 20 Voir supra.

* 21 Réponse du ministère des armées au questionnaire du rapporteur spécial.

* 22 Analyse de l'exécution budgétaire 2023, Mission « Défense », avril 2024, Cour des comptes.

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