B. LE FONCTIONNEMENT DE L'OIT
L'OIT est unique parmi les institutions internationales en raison de sa structure tripartite, qui rassemble à parts égales des représentants des gouvernements, des employeurs et des salariés. Cette configuration permet de refléter une diversité de points de vue et d'assurer que les décisions prises intègrent les réalités du terrain. Les politiques et les programmes élaborés par l'OIT visent à promouvoir les droits au travail, encourager la création d'emplois décents, renforcer la protection sociale et développer le dialogue social. Ces objectifs constituent le coeur de la mission de l'organisation.
Parmi ses organes clés, la Conférence internationale du Travail, souvent comparée à un parlement international du travail, joue un rôle central. Se tenant chaque année en juin à Genève, cette conférence réunit des délégués des États membres pour élaborer et adopter des normes internationales du travail. C'est également lors de ces sessions que sont adoptées des résolutions orientant la politique générale de l'OIT. Les normes internationales du travail élaborées par la conférence couvrent un large éventail de sujets, de la sécurité au travail à l'égalité de rémunération, en passant par la lutte contre le travail des enfants. La convention n° 155, adoptée en 1981, qui met l'accent sur la sécurité et la santé des travailleurs, a été adoptée lors de la soixante-septième session de ladite Conférence.
En parallèle, le fonctionnement quotidien de l'OIT repose sur le Bureau international du Travail (BIT), qui agit comme son secrétariat. Cet organe exécute les décisions prises par les États membres, coordonne les activités et fournit une expertise technique.
Ainsi, grâce à sa structure tripartite et ses mécanismes bien établis, l'OIT continue de jouer un rôle indispensable dans la promotion de normes universelles pour un travail décent et équitable.
C. LA CONSTRUCTION ET LA PROCLAMATION D'UN BLOC DE « PRINCIPES ET DE DROITS FONDAMENTAUX AU TRAVAIL » PAR LE CONSEIL D'ADMINISTRATION DU BIT
Au fil des décennies, le Conseil d'administration du BIT a progressivement construit un cadre cohérent de principes et de droits fondamentaux du travail. Ce processus a permis de définir un socle universel de normes visant à garantir le respect des droits humains dans le monde du travail. La France, membre actif de ce Conseil, a contribué à cette démarche, qui s'est traduite par la reconnaissance de huit conventions fondamentales initiales. Ces conventions traitent de thèmes jugés essentiels pour la dignité et les droits des travailleurs : la liberté syndicale, la négociation collective, l'élimination du travail forcé, la lutte contre le travail des enfants et la discrimination.
Les conventions fondamentales de l'OIT possèdent une valeur juridique particulière au sein du droit international. En vertu de la Déclaration de 1998 de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail, même les États membres qui n'ont pas ratifié ces conventions s'engagent à respecter les principes qu'elles énoncent. Cette obligation découle de leur appartenance à l'OIT et de leur adhésion aux objectifs constitutionnels de l'organisation. Par conséquent, ces principes fondamentaux constituent des normes minimales universelles, qui transcendent les ratifications nationales.
De plus, les conventions ratifiées acquièrent un caractère contraignant pour les États membres concernés, les engageant à adapter leurs législations nationales pour les mettre en conformité avec ces normes. Les mécanismes de contrôle de l'OIT, tels que les rapports réguliers des États, le Comité d'experts et les procédures de plaintes, assurent un suivi rigoureux de l'application de ces conventions. Par ailleurs, leur caractère fondamental renforce leur impact au niveau des juridictions nationales et internationales, où elles peuvent être invoquées comme référence pour protéger les droits des travailleurs.
Au fil du temps, ce bloc normatif a été enrichi pour répondre aux défis émergents. L'adoption du Protocole de 2014 relatif à la convention n°29 sur le travail forcé a marqué une avancée majeure, ajoutant une dimension contemporaine à la lutte contre les formes modernes d'exploitation. Avec ce Protocole, l'OIT a non seulement réaffirmé l'importance de l'élimination du travail forcé, mais a également renforcé les obligations des États membres en matière de prévention, de protection et d'accès à des réparations pour les victimes. Ce texte est devenu le neuvième instrument fondamental de l'OIT.
En juin 2022, lors de la 110e session de la Conférence internationale du Travail, une nouvelle avancée a été réalisée avec l'adoption d'une résolution intégrant la sécurité et la santé au travail dans le cadre des principes fondamentaux. Cette résolution a reconnu deux nouvelles conventions comme fondamentales : la convention n° 155 sur la sécurité et la santé des travailleurs (1981) et la convention n°187 sur le cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail (2006). Ces textes élargissent le champ des droits fondamentaux en les adaptant aux enjeux liés à la santé et à la sécurité au travail, consolidant ainsi la notion d'un travail décent.