N° 376

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 février 2025

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires européennes (1) sur la proposition de résolution européenne en application de l'article 73 quinquies du Règlement, sur l'intégration régionale des régions ultrapériphériques (RUP) de l'Union européenne,

Par MM. Jean-François RAPIN et Georges PATIENT,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Rapin, président ; MM. Alain Cadec, Cyril Pellevat, André Reichardt, Mme Gisèle Jourda, MM. Didier Marie, Claude Kern, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Georges Patient, Mme Cathy Apourceau-Poly, M. Louis Vogel, Mme Mathilde Ollivier, M. Ahmed Laouedj, vice-présidents ; Mme Marta de Cidrac, M. Daniel Gremillet, Mmes Florence Blatrix Contat, Amel Gacquerre, secrétaires ; MM. Pascal Allizard, Jean-Michel Arnaud, François Bonneau, Mmes Valérie Boyer, Sophie Briante Guillemont, M. Pierre Cuypers, Mmes Karine Daniel, Brigitte Devésa, MM. Jacques Fernique, Christophe-André Frassa, Mmes Pascale Gruny, Nadège Havet, MM. Olivier Henno, Bernard Jomier, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Ronan Le Gleut, Mme Audrey Linkenheld, MM. Vincent Louault, Louis-Jean de Nicolaÿ, Teva Rohfritsch, Mmes Elsa Schalck, Silvana Silvani, M. Michaël Weber.

Voir les numéros :

Sénat :

248 et 377 (2024-2025)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Mme Micheline Jacques, présidente de la délégation sénatoriale aux outre-mer, a déposé, avec MM. Christian Cambon, Stéphane Demilly et Georges Patient, membres de ladite délégation, une proposition de résolution européenne sur l'intégration régionale des régions ultrapériphériques (RUP) de l'Union européenne.

Le dépôt de ce texte fait suite à la présentation, devant la commission des affaires européennes, le 6 novembre dernier, d'un rapport d'information de la délégation aux outre-mer sur la coopération et l'intégration régionales des outre-mer dans le bassin de l'océan Indien1(*), publié par les auteurs de la présente proposition.

Cette proposition de résolution européenne s'inscrit dans la continuité des actions portées par la délégation sénatoriale aux outre-mer et intervient à un moment opportun, alors que la Commission européenne commence à tracer les perspectives du prochain cadre financier pluriannuel (CFP) de l'Union européenne pour la période 2028-2034, tout en évaluant à mi-parcours l'exécution du CFP en cours, pour la période 2021-2027.

Le présent texte correspond au souci constant de la commission des affaires européennes de mieux faire prendre en compte les RUP par les institutions et politiques européennes, ainsi que les pays et territoires d'outre-mer (PTOM), dont la dimension stratégique dans le contexte géopolitique mondial doit être souligné.

I. UNE PRISE EN COMPTE INSUFFISANTE DES RÉGIONS ULTRAPÉRIPHÉRIQUES (RUP) MALGRÉ UNE BASE JURIDIQUE CLAIRE ET UNE DIVERSITÉ D'INSTRUMENTS POUR SOUTENIR LEUR INTEGRATION ET LEUR COOPÉRATION RÉGIONALES

A. LA RECONNAISSANCE DU STATUT DES RUP

1. Le statut particulier des RUP est reconnu par l'article 349 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne

Le traité d'Amsterdam du 1er mai 1999 ayant posé le fondement juridique des régions ultrapériphériques, c'est le traité de Lisbonne du 1er décembre 2009, qui les a pleinement intégrées au marché intérieur et à l'ordre juridique de l'Union européenne (UE), avec un statut particulier.

Au sein de l'Union européenne, la Guyane, la Guadeloupe, Saint-Martin, la Martinique, La Réunion, Mayotte, les Canaries2(*), les Açores et Madère3(*) bénéficient du statut de régions ultrapériphériques (RUP).

Les RUP font partie intégrante de l'Union européenne et sont assujetties au droit communautaire, au même titre que les autres régions européennes.

Toutefois, leur statut leur ouvre la possibilité d'un traitement différencié dans l'application du droit de l'Union, depuis l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam en 1999.

Ce statut est reconnu par l'article 349 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) qui ouvre la possibilité d'adapter les règles européennes pour ces territoires aux caractéristiques particulières : éloignement, insularité, climat, faible superficie et dépendance économique vis-à-vis d'un nombre limité de produits, le tout entraînant des surcoûts.

Les dispositions spécifiques en faveur des RUP couvrent aujourd'hui la politique régionale, la politique agricole commune, la politique commune de la pêche et le régime applicable aux aides d'État.

Le champ de l'article 349 est vaste et permet aux institutions européennes d'agir résolument en faveur des RUP, en reconnaissant leurs spécificités, sur le fondement de cette base juridique.

L'article 349 du TFUE : texte intégral

Compte tenu de la situation économique et sociale structurelle de la Guadeloupe, de la Guyane française, de la Martinique, de la Réunion, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, des Açores, de Madère et des îles Canaries, qui est aggravée par leur éloignement, l'insularité, leur faible superficie, le relief et le climat difficiles, leur dépendance économique vis-à-vis d'un petit nombre de produits, facteurs dont la permanence et la combinaison nuisent gravement à leur développement, le Conseil, sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, arrête des mesures spécifiques visant, en particulier, à fixer les conditions de l'application des traités à ces régions, y compris les politiques communes. Lorsque les mesures spécifiques en question sont adoptées par le Conseil conformément à une procédure législative spéciale, il statue également sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen.

Les mesures visées au premier alinéa portent notamment sur les politiques douanières et commerciales, la politique fiscale, les zones franches, les politiques dans les domaines de l'agriculture et de la pêche, les conditions d'approvisionnement en matières premières et en biens de consommation de première nécessité, les aides d'État, et les conditions d'accès aux fonds structurels et aux programmes horizontaux de l'Union.

Le Conseil arrête les mesures visées au premier alinéa en tenant compte des caractéristiques et contraintes particulières des régions ultrapériphériques sans nuire à l'intégrité et à la cohérence de l'ordre juridique de l'Union, y compris le marché intérieur et les politiques communes.

L'on peut noter d'emblée que les RUP françaises présentent trois spécificités majeures par rapport aux RUP espagnoles ou portugaises : leur répartition, leur diversité et leur très grand éloignement du continent européen.

En effet, Mayotte et la Réunion se trouvent respectivement à 8 000 km et 9 108 km de l'Hexagone.

La Guyane, d'une superficie de 83 534 km², bordée par l'Océan Atlantique sur 320 km environ, forme le plus vaste des départements français (16 % du territoire de l'Hexagone), équivalent à la surface du Portugal. Cayenne se trouve à 7 070 km de Paris.

La Guadeloupe couvre quelque 1 628 km² à environ 7 000 km de la France métropolitaine, 140 km de la Martinique et 2 000 km des États-Unis d'Amérique. La Martinique se trouve à 6 900 km de Paris et 3 150 km de New-York. Quant à l'île de Saint-Martin, à 6 712 km de Paris, mesurant 15 km dans sa plus grande longueur et 13 km dans sa plus grande largeur, elle est partagée en deux : une partie néerlandaise au sud (34 km²) et une partie française au nord (56 km²). Y coexistent quatre langues officielles (l'anglais, le français, l'espagnol et le néerlandais).

Cette diversité et cet éloignement peuvent néanmoins être valorisés, grâce notamment aux mesures spécifiques préconisées par la présente proposition.

2. Les pays et territoires d'outre-mer (PTOM) et l'Union européenne

Contrairement aux régions ultrapériphériques, les pays et territoires d'outre-mer (PTOM) ne font pas partie intégrante de l'Union européenne, mais ils bénéficient d'un régime d'association.

Le droit de l'Union ne leur est donc pas applicable, mais ils sont éligibles à de nombreux programmes horizontaux de l'Union et bénéficient d'un instrument de financement dédié, au sein du budget général de l'Union européenne, dans l'actuel cadre financier pluriannuel 2021-2027.

Depuis le départ du Royaume-Uni, les PTOM sont au nombre de 13 et liés à trois États membres : le Danemark4(*), les Pays-Bas5(*) et la France.

Les PTOM français sont la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy, les Terres australes et antarctiques française (TAAF) et Wallis-et-Futuna.

3. La coopération régionale : un atout de taille pour l'UE et pour les RUP

Les RUP et les PTOM représentent un atout considérable pour l'Union européenne, à l'heure où la dimension géopolitique de son action prend de plus en plus d'importance.

Or le rapport d'information de la délégation sénatoriale aux outre-mer précité documente précisément le constat ancien, et malheureusement constant, que nos outre-mer ont relativement peu de relations et d'échanges avec leur environnement régional, par rapport à ce que permettrait l'article 349 du TFUE.

La présente proposition tend donc à tirer parti des potentialités de l'article 349 du TFUE pour dessiner un cadre juridique ad hoc pour ces territoires au service d'une stratégie de développement et de rayonnement régional.

Les progrès de la coopération régionale peuvent être un levier déterminant de cette stratégie.

En effet, le rapport d'information précité montre, à titre d'exemple éloquent, que les importations en provenance des pays de la commission de l'océan Indien (COI), la principale organisation régionale de la zone, représentent seulement 0,7 % des importations de La Réunion et 7 % de ses exportations. L'Hexagone et l'Europe sont prédominants, et c'est encore plus marqué pour le trafic de marchandises par conteneurs.

Cet état de fait, qui concerne aussi les mobilités - avec trop peu de liaisons régionales -, les investissements ou le tourisme, est désormais perçu comme un frein au développement.

Ce constat vaut pour l'ensemble des RUP.

Les auteurs de la proposition de résolution considèrent à juste titre qu'une meilleure intégration ou insertion régionale serait porteuse de solutions pour répondre aux défis des outre-mer :

- la lutte contre la vie chère grâce à un approvisionnement régional ;

- le développement économique en ouvrant de nouveaux marchés ;

- la mobilité en facilitant les déplacements et la connectivité avec des hubs régionaux ;

- mais aussi la lutte contre les trafics qui menacent de plus en plus la stabilité de ces territoires.


* 1 Rapport d'information du Sénat n° 763 (2023-2024) sur la coopération et l'intégration régionales des outre-mer (volet 1 : bassin océan Indien) par MM. Christian Cambon, Stéphane Demilly et Georges Patient, fait au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer.

* 2 Communauté autonome espagnole.

* 3 Régions autonomes portugaises.

* 4 Le Groënland.

* 5 Aruba et les Antilles néerlandaises.

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