C. UNE RÉFORME AU COÛT FINANCIER PARTICULIÈREMENT ÉLEVÉ, DANS UN CONTEXTE BUDGÉTAIRE INQUIÉTANT
Alors que la situation des finances publiques apparaît pour le moins préoccupante et rend nécessaire un effort significatif de redressement des comptes publics, la réforme envisagée générerait d'importantes dépenses supplémentaires.
En premier lieu, le dédoublement de l'élection des conseillers municipaux et des conseillers d'arrondissement imposerait l'achat de matériels supplémentaires par les communes (panneaux d'affichage, tables pour les bulletins de vote, urnes, isoloirs, etc.), entraînant le doublement des frais d'assemblée électorale49(*). Pour la seule ville de Lyon, l'organisation de trois scrutins le même jour générerait un coût supplémentaire de 500 000 €, selon Grégory Doucet, maire de Lyon.
En second lieu, la dissociation des mandats de conseiller municipal et de conseiller d'arrondissement entraînerait une hausse du nombre d'élus. Il y aurait ainsi potentiellement 347 élus supplémentaires, ce qui conduira par exemple à l'augmentation :
- des frais de campagne ;
- des dépenses de formation ;
- des dépenses liées à la prise en charge des frais de représentation des élus dans l'exercice de leur mandat (frais de transport, frais de séjour...) ;
- des dépenses liées à la prise en charge des frais de garde d'enfant ou d'assistance aux personnes âgées, handicapées ou ayant besoin d'une aide personnelle à leur domicile ;
- des indemnités de mandat versées aux élus, etc.
Au total, selon la DMATES, le coût de la réforme s'élèverait à 15 millions d'euros, sans compter les indemnités de mandat supplémentaires.
D. UNE RÉFORME QUI GÉNÉRERAIT UNE FORTE INSTABILITÉ POLITIQUE
En outre, le dispositif proposé conduirait à une importante instabilité politique.
Celle-ci serait d'abord liée à la modification profonde des équilibres politiques au sein des conseils municipaux qu'elle pourrait induire.
Ensuite, la fixation d'une prime majoritaire à 25 % pour l'élection des conseillers municipaux risque d'aboutir à une absence de majorité au sein des conseils municipaux et du conseil de Paris.
À titre d'exemple, à Paris, une liste qui obtient 30 % des voix avec le mode de scrutin obtient 82 sièges au conseil de Paris, grâce à la prime majoritaire de 50 %, auxquels s'ajoutent 24 sièges supplémentaires, correspondant à la répartition à la proportionnelle des sièges restant à attribuer. Au total, la liste obtient ainsi 106 sièges, sur les 163 sièges du conseil de Paris, ce qui lui assure une majorité stable.
Si la réforme entrait en vigueur, une liste avec un score de 30 % n'obtiendrait plus que 78 sièges, dont 41 au titre de la prime majoritaire et 37 au titre de la répartition proportionnelle des sièges restants et ne serait donc pas majoritaire au conseil de Paris.
Au final, comme l'a indiqué Benoît Payan, maire de Marseille, à la rapporteure, « avec une prime de 25 %, les hémicycles de ces villes risquent de se retrouver fractionnés et fracturés, et là encore de favoriser, au lieu d'un projet municipal concret, des accords au texte par texte tout au long de la mandature ».
Enfin, la difficulté évoquée précédemment pour retracer les dépenses de campagne pourrait entraîner une forte hausse des contentieux liés aux comptes de campagne et, in fine, entraîner le prononcé de peines d'inéligibilité par le juge de l'élection, assorties de l'annulation des élections en cause - ce qui, là aussi, participerait de l'augmentation de l'instabilité politique.
* 49 Article L. 70 du code électoral.