E. UNE RÉFORME QUI METTRAIT À MAL LA DÉMOCRATIE DE PROXIMITÉ, À REBOURS DU SOUHAIT EXPRIMÉ PAR LES ÉLECTEURS

1. Le système actuellement en vigueur à Paris, Lyon et Marseille garantit la représentation des arrondissements au conseil central

En l'état actuel du droit, les conseillers municipaux et conseillers de Paris siègent nécessairement au sein d'un conseil d'arrondissement, ce qui garantit, selon Sophie Camard, maire des 1er et 7e arrondissements de Marseille, « la prise en compte des intérêts de tous les territoires ».

Ainsi, les élus d'arrondissement, qui sont en contact direct avec les administrés au quotidien, sont représentés au conseil central, ce qui permet de « défendre au mieux les intérêts de son arrondissement », comme souligné par Jérémy Redler, maire du 16e arrondissement de Paris.

Les préoccupations des habitants d'un arrondissement peuvent en effet être directement relayées au conseil central, qui constitue l'instance décisionnaire, par les conseillers municipaux ou par les conseillers de Paris élus dans ce même arrondissement.

2. La réforme envisagée, en déconnectant la mairie centrale des arrondissements, irait à l'encontre du souhait des électeurs, attachés à la démocratie de proximité
a) La dissociation des mandats de conseiller municipal et de conseiller d'arrondissement prévue par la proposition de loi

La proposition de loi prévoit une dissociation des mandats de conseiller municipal (ou de conseiller de Paris) et de conseiller d'arrondissement. Les conseillers municipaux ne siégeraient donc plus nécessairement au sein d'un conseil d'arrondissement.

Cette dissociation des mandats emporterait deux principaux risques :

- certains arrondissements pourraient être sur-représentés au conseil municipal ou au conseil de Paris ;

- a contrario, il existe un risque que certains arrondissements ne soient pas du tout représentés au conseil municipal ou au conseil de Paris, faisant obstacle à la prise en compte de leurs besoins, puisque les préoccupations des habitants de ces arrondissements ne pourraient plus être relayées au conseil central et ne seraient, par conséquent, plus prises en compte dans les décisions de la mairie centrale.

b) La conséquence de cette évolution : la suppression de l'échelon de proximité, pourtant plébiscité par les électeurs

Cette évolution aurait plusieurs conséquences concrètes.

D'abord, « la réforme éloignerait les élus municipaux de la population », selon Grégory Doucet, maire de Lyon, puisqu'ils ne seraient désormais plus en relation directe avec les habitants de la ville. Selon lui, cet éloignement « déconnecterait en outre la mairie centrale des arrondissements, alors que la présence actuelle des élus d'arrondissement au conseil central lui permet d'avoir une connaissance fine des quartiers et des problématiques rencontrées, ce qui garantit la bonne prise en compte des préoccupations des habitants ».

En effet, comme l'a souligné Jeanne d'Hauteserre, maire du 8e arrondissement de Paris, « les maires d'arrondissement constituent l'échelon de proximité à Paris. Pour répondre à leurs difficultés, les Parisiens ne sollicitent pas la maire de Paris, mais leurs élus d'arrondissement, que ce soit en matière de logement ou d'entretien de l'espace public ». Ces difficultés sont ensuite relayées directement auprès de la mairie centrale par les maires d'arrondissement.

Ce constat est partagé par Geoffroy Boulard, maire du 17e arrondissement de Paris, pour qui « la réforme risque de priver certains quartiers d'une voix directe au sein de l'organe décisionnel central », ne permettant plus d'y relayer leurs problématiques.

De plus, la réforme conduit à transformer les élus d'arrondissement en simples « super délégués de quartiers », comme affirmé par Grégory Doucet à la rapporteure, en mettant « fin à la capacité des arrondissements à devenir un échelon de décision », pour reprendre les mots d'Emmanuelle Pierre-Marie, maire du 12e arrondissement de Paris.

Ces élus d'arrondissement, même s'ils garderont les mêmes prérogatives, n'auront en effet plus le même poids politique. Aussi, « leur rapport de force avec le maire sera en leur défaveur, ce dernier rassemblant plus d'électeurs que tout maire d'arrondissement », selon Jeanne d'Hauteserre.

Cette opinion est partagée par Philippe Goujon, maire du 15e arrondissement de Paris. Avec la réforme, « le maire d'arrondissement perdrait tout poids politique et donc administratif vis-à-vis de la mairie centrale, sans conseillers de Paris au conseil d'arrondissement. La plupart des décisions importantes se prennent en conseil de Paris. Quel pouvoir de négociation - actuellement important - reste-t-il au maire d'arrondissement, présidant un conseil d'arrondissement, qui pourrait même ne compter aucun conseiller de Paris en ses rangs ? Ce projet instaure un système où la mairie centrale disposerait de pouvoirs exorbitants face à des conseils d'arrondissement marginalisés, hors sol, et à des maires d'arrondissement quasi exclus du conseil de Paris ».

Les conséquences induites par la réforme iraient à l'encontre « des attentes des habitants, qui réclament davantage de proximité et de lisibilité dans l'action publique », comme indiqué à la rapporteure par Geoffroy Boulard, et conduiraient à effacer l'échelon de proximité auxquels ils sont attachés.

Ainsi, comme l'a résumé Jérémy Redler, « alors que les habitants souhaitent avoir des élus plus proches d'eux, cette réforme va affaiblir le lien avec les arrondissements. Les élus au conseil [central] seront déconnectés et sans ancrage local. Les compétences des mairies d'arrondissement vont se retrouver très affaiblies ». 

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