B. LES DOTATIONS AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES RÉHAUSSÉES DE 105,4 MILLIONS D'EUROS
L'action 6 « Collectivités territoriales » du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » est dotée de 490,2 millions d'euros en AE et de 452,7 millions d'euros en CP, en baisse de 166,8 millions d'euros en AE mais en hausse de 105,5 millions d'euros en CP par rapport à la LFI pour 2025.
1. Une hausse conséquente des dotations spécifiques aux collectivités territoriales en raison du renforcement du soutien à Mayotte
Les dotations financées par l'action 6 du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » ont pour objet de favoriser l'égal accès aux services publics locaux des populations ultra-marines, notamment en termes d'éducation. Le versement de dotations permet de maintenir la capacité financière des collectivités.
En particulier, des dotations sont prévues pour pallier aux crises survenues à fin 2024 et en 2025, notamment les émeutes en Nouvelle-Calédonie, le cyclone Chido et la tempête Dikeledi à Mayotte et le cyclone Garance à La Réunion :
- ce sont 200 millions d'euros en AE et 125 millions d'euros en CP qui sont programmés pour la reconstruction de Mayotte, contre 100 millions en AE et 35 millions en CP en 2025. La dotation du conseil départemental de Mayotte est de plus maintenue à hauteur de 100 millions d'euros ;
- une dotation de 30 millions d'euros sera attribuée à la Réunion suite au passage du cyclone Garance ;
- une subvention de 10 millions d'euros est prévue pour la Nouvelle-Calédonie, contre 200 millions d'euros l'année dernière. Sur ce point, la direction générale des outre-mer a en effet précisé que l'enveloppe de l'an dernier n'avait pas pu être intégralement consommée. En outre, les besoins du territoire calédonien n'ont été chiffrés qu'à 110 millions d'euros.
Pour la Guyane, une dotation de seulement 15 millions d'euros en CP est prévue pour la collectivité territoriale unique en raison de l'amélioration de sa situation financière, dans la continuité de la signature de l'accord structurel entre l'État et la collectivité territoriale unique de Guyane, alors que l'État s'était engagé à fournir 30 millions d'euros par an de subvention jusqu'en 2025. De plus, les dotations d'équipements scolaires diminuent, puisqu'elles représentent 37,6 millions d'euros en AE et 24,43 millions d'euros en CP, contre 80,5 millions d'euros en AE et 31,9 millions d'euros en CP en LFI 2025. Une telle diminution des subventions d'équipements scolaires est très regrettable, au vu des besoins importants du territoire guyanais.
Évolution des dotations aux
collectivités portée par l'action 6
du
programme 123 « Conditions de vie
outre-mer »
(en millions d'euros)
Note : l'attribution de certaines subventions n'est pas toujours indiquée dans les documents budgétaires, puisqu'elles sont dégelées au cours de l'année.
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
La dotation d'équipements scolaires destinée à Mayotte a également été divisée par deux, ce qui est particulièrement étonnant et regrettable au vu de la situation des écoles mahoraises.
La subvention exceptionnelle pour le syndicat des eaux de Guadeloupe devrait être reconduite, à hauteur de 14,5 millions d'euros. Elle avait été annoncée l'an dernier à 20 millions d'euros, mais sans être inscrite explicitement dans les documents budgétaires. Cette subvention avait été introduite par la loi13(*) de finances pour 2023, avec une enveloppe exceptionnelle de 30 millions d'euros, dans le but de pallier rapidement les difficultés rencontrées en termes de distribution et de desserte en eau potable. Dans ce contexte, un contrat d'accompagnement renforcé pour la période 2023-2025 a été signé avec pour objectif de définir une trajectoire budgétaire financière, de préciser les modalités de mise à disposition des assistants techniques et d'organiser la gouvernance et le suivi du contrat au regard du soutien de l'État.
Les besoins des territoires ultramarins, et de la Guadeloupe en particulier, en termes d'investissements dans la gestion de l'eau et de l'assainissement sont très forts, comme l'ont montré les rapporteurs dans un rapport14(*) récent. En Guadeloupe par exemple, près de 60 % de l'eau potable est perdue en raison d'un entretien insuffisant des réseaux de distribution.
Il est d'ailleurs dommage d'avoir diminué la subvention attribuée au syndicat des eaux de Mayotte, qui est passée de 20 millions d'euros à 2 millions d'euros, au vu des forts besoins et de l'assainissement de la situation financière du syndicat. Ainsi, près de 30 % de la population mahoraise n'a pas d'accès à l'eau potable. Toutefois, l'action 2 « Aménagement du territoire » du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » (voir infra) comprend une dotation de 14,3 millions d'euros en AE et de 18 millions d'euros en CP pour le plan eau Mayotte, dont bénéficiera le syndicat des eaux de Mayotte (Les eaux de Mayotte, LEMA).
Répartition des dotations portées par l'action 6 entre les territoires ultra-marins
(en pourcentage)
Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire
Ainsi, au total, les dotations portées par l'action 6 du programme 123 bénéficient aux collectivités de Mayotte à hauteur de 56,7 %, à la Polynésie française à hauteur de 14,8 %, à la Guyane à hauteur de 9,5 % et à la Nouvelle-Calédonie, à hauteur de 5,3 %.
L'importance des subventions accordées à Mayotte est parfaitement justifiée, au vu de la crise grave que traverse le territoire mahorais depuis le passage du cyclone Chido. Toutefois, la hausse des dotations pour Mayotte ne doit pas conduire à une diminution des subventions dans les autres territoires, également en difficulté.
Concernant les contrats de redressement outre-mer (COROM), ils sont dotés de 10,5 millions d'euros en AE et de 15,9 millions d'euros en CP, soit un niveau en crédits de paiement équivalent à celui de 2024. En 2025, un amendement avait été adopté en projet de loi de finances pour abonder de 10 millions d'euros supplémentaires les COROM, alors qu'une forte baisse des crédits était prévue par le projet de loi initial.
Le dispositif COROM
Pour aider les communes des DROM présentant des difficultés financières importantes, la loi de finances initiale pour 2021 a introduit par amendement les contrats de redressement outre-mer (COROM). Ce dispositif résulte des constats du rapport « Soutenir les communes des départements et régions d'outre-mer : pour un accompagnement en responsabilité » du député Jean-René Cazeneuve et du sénateur Georges Patient publié en décembre 2019 qui relevait que, sur les 129 communes des DROM, un tiers avait des délais de paiement supérieurs à 30 jours et plus de la moitié étaient inscrites dans le réseau d'alerte des finances publiques. Les critères d'éligibilité, modalités de signature et de suivi des contrats sont définis dans une circulaire conjointe des ministères de l'économie, des finances et de la relance, des collectivités territoriales et de la ruralité et des outre-mer du 2 février 2021.
Les COROM visent à apporter un soutien spécifique de l'État aux communes ultramarines souhaitant assainir leur situation financière et réduire les délais de paiement de leurs fournisseurs locaux. Les communes qui signent un COROM s'engagent, en contrepartie d'un soutien financier de l'État, à redresser leur situation financière. Ce dispositif d'accompagnement est donc basé sur :
- un effort de diagnostic et d'ingénierie préalable qui doit être mené au niveau local avec l'appui de l'agence française de développement (AFD) ;
- un accompagnement afin de mener certaines réformes structurelles indispensables concernant par exemple la fiscalité (meilleure identification des bases), la maitrise de certaines dépenses de fonctionnement, l'amélioration de la gestion de la chaîne de la dépense ou de la sincérité des comptes ;
- la restauration des marges de manoeuvre en section de fonctionnement, notamment sur la maitrise des frais de personnel, qui reste un enjeu majeur dans les collectivités ultramarines ;
- une aide de l'État au processus de redressement, apportée en fonction des efforts de la collectivité ;
- une perspective pluriannuelle afin de redresser la situation financière de la collectivité contractante.
Source : commission des finances du Sénat
Aucun nouveau contrat COROM ne devrait être signé en 2025 ni en 2026, ce qui est regrettable, au vu des effets positifs avérés de ce dispositif, comme en témoignait un rapport15(*) d'information de la commission de juin 2023.
2. Le fonds de secours outre-mer réabondé, malgré le transfert de la part « collectivités » sur la DSEC
L'action 6 « Collectivités territoriales » finance également les secours d'urgence et de solidarité nationale liés aux calamités, à hauteur de 17,27 millions d'euros en AE et de 17,84 millions d'euros en CP. Il s'agit d'une augmentation significative du fonds de secours outre-mer, qui était doté en 2025 de 10 millions d'euros en AE et en CP. L'objectif est en effet de répondre aux demandes d'indemnisation des producteurs de canne à sucre à La Réunion après le passage du cyclone Garance.
Le fonds de secours outre-mer permet :
- pendant une catastrophe, de financer l'acquisition de matériels destinés à protéger les bâtiments endommagés et de traiter les conséquences immédiates et urgentes de la catastrophe, en répondant aux premières nécessités des victimes ;
- après une catastrophe, de fournir une aide directe aux personnes dont les biens très endommagés ne sont pas assurés. Les exploitants agricoles non assurés peuvent par exemple bénéficier du fonds de secours outre-mer.
Le fonds de secours outre-mer a par exemple été mobilisé après le passage du cyclone Garance à La Réunion pour permettre aux préfectures de disposer de fonds immédiats. Il a également servi à accorder des aides exceptionnelles aux agriculteurs de Mayotte et de La Réunion. Le fonds était toutefois insuffisamment doté pour permettre de répondre à l'ensemble des besoins du territoire réunionnais, d'où l'augmentation, bienvenue, des crédits cette année.
Le fonds de secours outre-mer est réformé par l'article 73 du présent projet de loi, puisque la part « collectivité » du fonds va être transférée sur la dotation de solidarité en faveur de l'équipement des collectivités territoriales (DSEC), dont la gestion est opérée par la direction générale des collectivités locales (DGCL). Il s'agit d'un transfert de 5 millions d'euros en AE et de 2 millions d'euros en CP. Un tel transfert parait justifié, au sens où la DSEC a déjà permis de soutenir des collectivités hexagonales frappées par des catastrophes naturelles de grande ampleur, comme par exemple les inondations ayant eu lieu dans le Pas-de-Calais en 2024.
3. Un soutien accentué aux politiques sanitaires et sociales propres aux outre-mer
Suite à l'achèvement, en 2020, de la contribution financière au Régime de solidarité de la Polynésie française (RSPF), une « convention globale de santé 2021-2023 » a été signée le 14 octobre 2021 entre l'État et la Polynésie française. Dans le cadre de cette nouvelle convention, le ministère des outre-mer s'est engagé à verser annuellement sur la durée de la convention 4 millions d'euros en AE et CP à la collectivité de Polynésie Française au-delà des 4 millions d'euros prévus dans le contrat de développement et de transformation de ce territoire. Ces crédits ont été inscrits pour la première fois depuis la signature, en LFI 2023 et sont reconduits en 2026, au titre de l'action 4 « sanitaire, social, culture, jeunesse et sports ». Cette action est dotée de 13,15 millions d'euros en AE et en CP, en hausse de 3 millions d'euros par rapport à 2025, afin de financer des actions de prévention sanitaire.
* 13 Loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.
* 14 La gestion de l'eau potable et de l'assainissement en outre-mer, rapport d'information n° 440 (2024-2025) de MM. Stéphane Fouassin et Georges Patient, pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes.
* 15 Rapport d'information fait au nom de la commission des finances par les rapporteurs Georges Patient et Teva Rohfritsch sur « Les contrats de redressement outre-mer (COROM) : pour des moyens à la hauteur des enjeux.

