C. UNE HAUSSE DE LA DOTATION DES CONTRATS DE CONVERGENCE ET DE TRANSFORMATION POUR 2024-2027 MAIS INSUFFISANTE PAR RAPPORT AUX MONTANTS CONTRACTUALISÉS

1. Une première génération de CCT (2019-2023) dont les engagements n'ont pas été intégralement couverts

Prévus par la loi16(*) du 28 février 2017 relative à l'égalité réelle Outre-mer qui avait pour but de réduire les écarts de développement persistants avec l'hexagone, les contrats de convergence et de transformation (CCT) succèdent aux contrats de plan État-Région (CPER). Ils ont pour objectif d'investir en faveur du développement des territoires tout en prenant en compte les spécificités et les besoins de l'outre-mer et s'inscrivent, par ailleurs, dans la « Trajectoire 5.0 » déclinée pour les territoires ultramarins (zéro carbone, zéro déchet, zéro vulnérabilité au dérèglement climatique, zéro intrant polluant, zéro exclusion).

Une première génération de contrats a été signée le 8 juillet 2019 pour les collectivités territoriales de Guyane et de Martinique, les régions Guadeloupe et La Réunion, le département de Mayotte et les collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna, ainsi que le 22 juin 2020 pour Saint-Martin. Le contrat de développement et de transformation 2021-2023 a été signé en 2021 par la Polynésie française. La Nouvelle-Calédonie utilise un contrat de développement (CDEV), qui repose sur les dispositions spécifiques de l'article 210 de la loi17(*) organique du 19 mars 1999.

L'ensemble de ces contrats devaient initialement se terminer en 2022 mais ont été prolongés jusqu'en décembre 2023.

Au titre des seuls CCT, le montant contractualisé avec l'État sur le programme 123 s'élève à 417,67 millions d'euros pour la période 2019-2023, et à 580,7 millions d'euros en incluant la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie.

Or il est frappant de constater que l'intégralité des montants contractualisés entre 2019 et 2023 n'ont pu être intégralement engagés. Ainsi, au total, le taux d'engagement sur les montants contractualisés fin 2025 est de 94 %, et de 82 % en excluant les engagements relatifs à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie. Le taux de couverture des engagements sur les montants contractualisés n'est que de 75 % en 2025. En 2026, ce sont 49,5 millions d'euros en crédits de paiement qui seront consommés au titre des engagements pris dans le cadre des CCT de première génération (2019-2023).

En particulier, à Mayotte, seuls 64 % des montants contractualisés ont été engagés ; en Guyane la proportion n'est que de 73 % et à La Réunion ce sont 86 % des montants contractualisés qui ont pu être engagés seulement. Par ailleurs, le taux de couverture des engagements est particulièrement faible en Guadeloupe (à hauteur de 29 %), en Martinique (47 %) et à Saint-Martin (43 %).

Exécution des CCT de première génération (2019-2023) entre 2019 et 2025

(en millions d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Les faibles taux de consommation en 2020 et 2021 s'expliquaient en partie par l'impact de la crise sanitaire sur la vie économique des territoires d'outre-mer, et par voie de conséquence le ralentissement des chantiers et de la programmation des opérations. Toutefois, la consommation des années 2022 et 2023 n'a pas permis de rattraper ce retard.

Or, les autorisations d'engagement (AE) et les crédits de paiement étant soumis au principe d'annualité, conformément à l'article 15-I de la LOLF, les AE non engagées à la fin des contrats n'ont donc pas pu être reportées sur des nouveaux contrats et sont normalement annulées. Ce sont donc 36,4 millions d'euros en AE qui n'auront pas été engagées au titre des CCT via le programme 123 « Conditions de vie outre-mer » et qui sont perdues pour les collectivités ultra-marines.

Concernant spécifiquement le contrat de développement et de transformation de la Polynésie, signé en 2021 et couvrant la période 2021-2023, le taux d'engagement fin 2024, s'élève à 103 % et le taux de couverture des engagements à 92 %.

Au global, en prenant compte l'intégralité des montants contractualisés par l'État dans le cadre des CCT et non uniquement ceux transitant par la mission « Outre-mer », la consommation des crédits contractualisés par l'État est relativement satisfaisante en termes d'engagement, mais reste en-deçà des espérances en termes de consommation des crédits de paiement », comme l'ont montré les rapporteurs dans un rapport18(*) récent.

Ainsi, au total, en tenant compte des contrats de développement signés pour la Polynésie française (2021-2023) et la Nouvelle-Calédonie (2017-2023), le taux d'engagement des crédits s'élève fin 2023 à 76,6 %. Le taux de consommation des crédits n'est que de 48,6 %. En excluant la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, le taux d'engagement des crédits est de 79,6 %. Ce sont 47,1 % des crédits qui ont été consommés.

Part consommée des crédits contractualisés
dans le cadre des CCT de première génération (2019-2023)

(en pourcentage)

Source : commission des finances d'après la DGOM

Les rapporteurs préconisent, en vue d'améliorer l'engagement et la consommation des crédits contractualisés dans le cadre des CCT, de mieux associer les collectivités aux décisions d'investissement, et d'augmenter la fongibilité des financements de l'État, afin de favoriser l'adaptation à l'évolution des projets locaux.

2. Une ambition revue à la baisse sur les CCT de deuxième génération (2024-2027)

Une nouvelle génération de CCT a été signée en 2024 dans toutes les collectivités ultramarines. Ces contrats devraient permettre de mobiliser 8,7 milliards d'euros pour les territoires ultra-marins, dont 2,7 milliards d'euros en provenance de l'État. Au total, ce sont 794,7 millions d'euros qui devraient être décaissés au titre du programme 123, entre 2024 et 2027, alors que l'annonce initiale était un engagement de 890 millions d'euros sur les crédits de la mission outre-mer entre 2024 et 2027.

Comme l'ont relevé les rapporteurs dans un rapport précité, en tenant compte de la différence de durée entre les deux générations de CCT, les montants mobilisés dans le cadre de la deuxième génération des CCT (2024-2027) n'ont significativement augmenté par rapport à la période 2019-2023 qu'en Guyane, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Martin et à Wallis-et-Futuna. En tenant compte de l'inflation, la hausse des crédits est par ailleurs pratiquement nulle à Mayotte et en Guyane.

Une telle diminution des financements contractualisés entre la première et la deuxième génération des CCT pour l'investissement local en outre-mer est regrettable, même si le contexte budgétaire peut l'expliquer en partie. La direction générale des outre-mer a par ailleurs indiqué qu'au vu des contraintes budgétaires fortes, une révision à la baisse de l'engagement de l'État vis-à-vis des collectivités locales au titre du programme 123 pourrait être opérée en 2026, entrainant la signature d'avenants aux CCT.

Montant contractualisé, engagé et consommé en 2025 et 2026 sur les CCT
de deuxième génération (2024-2027)

(en millions d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Sur cette base, en PLF 2026, les crédits alloués à l'action 2 s'élèvent à 158,5 millions d'euros en AE et à 181,7 millions d'euros en CP, soit une baisse de 26 millions d'euros en AE, mais une hausse de 90,1 millions d'euros en CP par rapport à la LFI 2025. La hausse des crédits de paiement est bienvenue pour permettre de couvrir les engagements passés, surtout que très peu de ces crédits étaient prévus en LFI pour 2025. Au titre de la contractualisation, 113 millions d'euros en AE et 137,4 millions d'euros en CP ont été ouverts, soit une baisse de 139,8 millions d'euros en AE, mais une hausse de 43,7 millions d'euros en CP.

3. Des engagements difficiles à tenir par l'État au vu de la trop faible programmation des crédits

Avec l'apport du PLF 2026, ce sont 46 % des montants contractualisés qui pourront être engagés à fin 2026. Seuls 33,7 % des engagements pourront être couverts par des crédits de paiement. Cette situation est particulièrement dommageable, alors que la période de contractualisation ne s'étend que jusqu'à 2027. Au terme des trois-quarts de la période couverte par les CCT de deuxième génération (2024-2027), la moitié des montant contractualisés a pu être engagée.

Les rapporteurs seront très attentifs à la renégociation possible des CCT. Il serait souhaitable que les crédits de paiement programmés en 2027 permettent au moins de couvrir l'intégralité des engagements, à défaut de l'ensemble des montants contractualisés.

Les autres opérations de l'action 2 « Aménagement du territoire » permettent de financer notamment la convention de fonctionnement de la Nouvelle-Calédonie, à hauteur de 11 millions d'euros en AE et en CP.


* 16 Loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.

* 17 Loi n° 99-209 organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.

* 18 Soutien de l'État à l'investissement ultramarin : mieux écouter les collectivités, rapport d'information n° 5 (2025-2026) de MM. Stéphane FOUASSIN et Georges PATIENT, déposé le 1er octobre 2025.

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