B. L'AIDE ALIMENTAIRE : DES CRÉDITS PRÉSERVÉS DES COUPES BUDGÉTAIRES
1. Les crédits de l'aide alimentaire progresseraient légèrement par rapport à la budgétisation initiale pour 2025
Le projet de loi de finances pour 2026 prévoit d'ouvrir 159,3 millions d'euros de crédits sur l'action n° 14 « Aide alimentaire » du programme 304, soit une progression de 8,1 % par rapport à la LFI 2025.
Évolution des crédits nationaux en
faveur de l'aide alimentaire
entre la LFI 2025 et le PLF
2026
(en millions d'euros)
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LFI 2025 |
PLF 2026 |
Évolution |
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P304 - Action 14 |
149,4 |
159,3 |
+ 6,6 % |
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dont contribution nationale au FSE + |
11,7 |
11,9 |
+ 1,7 % |
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Prise en charge des dépenses inéligibles au titre des exercices précédents |
10,6 |
10,4 |
- 1,9 % |
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(exercices 2022 et 2023) |
(exercices 2023 et 2024) |
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dont épiceries sociales |
13,1 |
13,1 |
0,0 % |
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dont subventions aux têtes de réseau associatives nationales |
11,2 |
11,1 |
- 0,9 % |
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dont aide alimentaire déconcentrée |
19,3 |
29,3 |
+ 51,8 % |
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dont subvention pour charge de service public à FranceAgriMer |
3,5 |
3,5 |
0,0 % |
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dont Fonds pour les nouvelles solidarités alimentaires et Programme "Mieux manger pour tous" |
80,0 |
80,0 |
0,0 % |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Cette hausse est supérieure à l'augmentation budgétée dans la LFI pour 2025 (+ 3,4 %). Surtout, alors que dans les PLF pour 2023 et 2024 une part significative de l'augmentation des crédits était captée par la participation de l'État aux refus d'apurement au titre du FEAD18(*), cette dépense a fortement diminué en 2025 (- 13,9 millions d'euros) et connaitrait une nouvelle baisse en 2026 (- 200 000 euros).
La baisse des refus d'apurement, qui traduit celle des montants des remboursements demandés à l'Union européenne avec la transition du FEAD au FSE +, permet en compensation de poursuivre l'augmentation de crédits réellements affectés à la lutte contre la précarité alimentaire. Le PLF pour 2026 prévoit ainsi une hausse des crédits dédiés à l'aide alimentaire déconcentrée, qui augmenteraient de 10 millions d'euros.
2. Une légère augmentation en budgétisation initiale qui masque une diminution faute d'enveloppe exceptionnelle ouverte en fin d'année
a) Des montants stables et globalement préservés pour les principaux dispositifs
Les crédits de l'action 14 « Aide alimentaire » seraient globalement préservés des coupes budgétaires en 2026, mais leur montant n'augmenterait pas pour autant.
Ainsi, le projet de loi de finances pour 2026 propose de pérenniser la hausse de 2 millions d'euros des crédits nationaux aux épiceries solidaires (CNES), décidée à l'initiative du Sénat, portant ces crédits à 13,1 millions d'euros - mais sans les augmenter.
De même, les crédits du programme « Mieux manger pour tous », qui s'inscrit dans le « Pacte des solidarités », qui vise à améliorer la qualité des denrées distribuées au titre de l'aide alimentaire ainsi qu'à accroitre et renouveler l'offre sur le territoire, s'établiraient à 80 millions d'euros en 2026, un montant identique à celui prévu pour 2025.
Les rapporteurs relèvent que les associations ont appelé d'une voix unanime, en réponse à un récent rapport de la Cour des comptes19(*), à préserver et augmenter les crédits de ce programme, considérant que « rares sont les politiques publiques qui font l'unanimité » mais que tel est le cas du programme « Mieux manger pour tous »20(*).
Ils prennent toutefois acte de la stabilisation des crédits de ce programme, qui témoigne de la volonté du Gouvernement de préserver - à défaut de développer - ce programme plébiscité.
b) Une diminution des moyens en l'absence d'ouverture d'une enveloppe exceptionnelle
La comparaison avec les crédits budgétés dans les lois de finances initiales précédentes est cependant trompeuse dans la mesure où la forte inflation constatée sur les exercices 2023 et 2024 avait conduit à ouvrir, en fin d'année par le biais de lois de finances de fin de gestion21(*), des enveloppes exceptionnelles dont les crédits, reportés sur les exercices suivants, permettaient de compléter des montants budgétés en faveur de l'aide alimentaire.
En loi de finances de fin de gestion pour 2023, ce sont ainsi 40 millions d'euros - dont la moitié à l'initiative du Sénat - qui ont abondé les crédits à destination de l'aide alimentaire.
En 2025 et en 2026 cependant, aucune enveloppe de cette sorte n'a été prévue, ce qui implique, en termes concrets et si l'on tient compte de la hausse de 10 millions d'euros prévue pour 2026, une diminution de 30 millions d'euros par rapport au dernier exercice ayant bénéficié d'une enveloppe exceptionnelle.
3. Une surprogrammation des fonds européens qui semble porter ses fruits
Pour la programmation 2022-2027, le fonds européen d'aide aux plus démunis (FEAD) a été intégré au nouveau Fonds social européen plus (FSE +). La France a ainsi reçu une dotation de 647 millions d'euros dans le cadre du nouveau FSE +, contre 587 millions d'euros pour la campagne 2014-2020 du FEAD.
Entre 2020 et 2022, le FEAD français s'est également vu allouer 132 millions d'euros de crédits financés à 100 % par l'Union européenne, dans le cadre de l'initiative React-EU, permettant à l'opérateur FranceAgriMer (FAM), en charge de la passation des marchés d'achats publics de denrées pour le compte des associations d'aide alimentaire éligibles au FSE +, d'effectuer des achats complémentaires de denrées.
Les rapporteurs spéciaux ne peuvent que se féliciter de l'important effort national et européen annoncé en faveur de l'aide alimentaire pour la programmation 2022-2027. Toutefois, la programmation a été adoptée avant la poussée inflationniste qui a débuté fin 2021.
Programmation 2022-2027 du FSE + pour l'aide alimentaire
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat
En termes réels, la dotation annuelle diminuerait donc de 10 % à l'horizon 2027 d'après les hypothèses d'inflation figurant au rapport économique, social et financier (RESF) annexé au présent projet de loi de finances, réduisant donc d'autant les quantités de denrées pouvant être achetées. Les associations entendues par les rapporteurs spéciaux ont ainsi indiqué que la diminution en termes réels des fonds européens était l'une des causes de leurs difficultés.
Enfin, l'accès aux fonds européens est encore, comme l'ont à de multiples reprises relevé les rapporteurs spéciaux22(*), trop souvent obéré par un cadre normatif excessivement contraignant. Les contrôles de conformité aux normes européennes aboutissent à ce que d'importants montants engagés par FranceAgriMer soient rendus inéligibles au financement FSE +, devant en conséquence faire l'objet d'une compensation par l'État. Ces situations, dites « d'auto-apurement », peuvent représenter jusqu'à plusieurs dizaines de millions d'euros pour l'État.
Pour faire face à la diminution des crédits européens liés à l'érosion monétaire, et compte tenu des sous-consommations régulières des crédits européens du fait des montants non négligeables faisant l'objet de refus d'apurement, l'administration s'est résolu à « sur-programmer » l'aide versée au titre du FSE +. Concrètement, l'administration prévoit chaque année de consommer 20 millions d'euros supplémentaires pour limiter l'impact de leur sous-consommation prévisible. Ce véritable « sur-booking budgétaire », comme il a été malicieusement désigné par les associations auditionnées, devait permettre de solliciter jusqu'à 80 millions d'euros de crédits européens sur quatre ans.
En 2026, les dépenses liées à cette prise en charge des dépenses inéligibles au titre des exercices précédents (2023 et 2024) sont restées maîtrisées, à 10,4 millions d'euros (soit une diminution de 1,9 % par rapport à 2025). La stratégie de « sur-booking budgétaire » semble donc plutôt prometteuse, mais les rapporteurs spéciaux se montreront particulièrement attentifs à l'évolution des refus d'apurement pour les exercices suivants.
* 18 Ces dépenses visent à permettre à FranceAgriMer de rembourser ses emprunts non couvert par les fonds européens, faute de certification.
* 19 Cour des comptes, L'aide alimentaire financée par l'Etat et les fonds européens, juillet 2025.
* 20 Communiqué inter-associatif, « Le programme Mieux manger pour tous, une approche globale vertueuse pour l'accès à l'alimentation », 8 octobre 2025.
* 21 Loi n° 2023-1114 du 30 novembre 2023 de finances de fin de gestion pour 2023
* 22 « Aide alimentaire : un dispositif vital, un financement menacé ? Un modèle associatif fondé sur le bénévolat à préserver », rapport d'information d'Arnaud Bazin et Éric Bocquet, fait au nom de la commission des finances du Sénat octobre 2018.
