B. LES TÉLÉVISIONS LOCALES NE PORTERAIENT-ELLES PAS ATTEINTE À L'ÉCONOMIE DE LA PRESSE LOCALE OU DU CÂBLE ?
1. Le débat de la concurrence avec la presse locale
L'interdiction de la publicité du secteur de la distribution sur les télévisions locales se justifierait par la nécessité de protéger les ressources de la presse quotidienne régionale.
Mais l'absence de télévisions de proximité n'a pas empêché le déclin régulier de l'audience de la presse écrite, même si la presse quotidienne régionale résiste mieux que la presse quotidienne nationale : en 20 ans, le temps moyen qu'un Français consacre à la télévision (3 heures 40) a été multiplié par quatre ; il ne consacre plus que 14 minutes par jour en moyenne à la lecture de la presse, dont plus de la moitié à la lecture de magazines de programmes télévisés.
Confronté, d'une part, à la perte d'audience et d'impact de la presse, et, d'autre part, à l'interdiction de l'accès à la télévision, le secteur de la distribution a recouru massivement à la publicité hors média ( ( * )20) . En 1993, pour la première fois, le chiffre d'affaires de la presse gratuite a été supérieur à celui de l'ensemble de la presse quotidienne.
Le volume de ce prélèvement par la presse gratuite sur le marché publicitaire (4,7 milliards) correspondrait au budget de fonctionnement de 188 télévisions locales sur le format de TLT.
La France est, de tous les pays d'Europe, celui où la part des investissements publicitaires hors média est la plus élevée (74 %, contre 67 % en Allemagne ou 53 % en Grande-Bretagne). C'est le seul pays d'Europe où la télévision n'a pas accès au marché publicitaire de la distribution. Ceci explique que la France, deuxième investisseur en publicité par habitant en Europe, occupe l'avant-dernière place en ce qui concerne les investissements publicitaires dans la télévision.
Cette interdiction a eu pour conséquence de faire déborder les boîtes à lettres de tracts et dépliants publicitaires, de laisser envahir les abords des villes de panneaux publicitaires inesthétiques et de favoriser le développement d'une presse gratuite vide de tout contenu.
L'économie de la presse quotidienne régionale est davantage menacée par le développement de la publicité hors média que par la création de chaînes locales, auxquelles elle pourrait, de surcroît, s'associer.
On peut prendre en exemple le cas de la région Lorraine. Dans cette région, RTL TV , chaîne locale hertzienne basée à Metz, vit de la publicité locale et notamment de celle du secteur de la distribution. Or, la Lorraine est de toutes les régions de France celle qui a perdu le moins de lecteurs, tout en connaissant le pluralisme de la presse quotidienne régionale le plus large. Le Républicain Lorrain est l'un des rares quotidiens régionaux à avoir vu sa diffusion augmenter, alors que sa zone de diffusion recoupe celle de RTL TV.
2. La concurrence entre télévisions locales et chaînes câblées
L'engagement des collectivités locales dans le câblage des villes reposait sur une triple logique : augmenter la quantité de programmes, favoriser l'émergence de services interactifs, mais également développer une télévision locale de proximité.
Face à la concurrence des réseaux hertziens et du satellite et au développement technologique favorisé par l'introduction du numérique, le câble ne sera plus, bientôt, le vecteur privilégié des deux premières logiques. Entre câble et diffusion hertzienne, les données économiques s'équilibrent : les économies de diffusion sur le câble -qui ne nécessitent pas de location, onéreuse, d'émetteurs hertziens-, sont compensées par des recettes publicitaires moins importantes compte tenu d'une audience plus faible.
Plus que concurrentes, télévisions locales et chaînes câblées sont complémentaires.
Les télévisions locales peuvent tout d'abord offrir une vitrine en clair aux chaînes du câble, en consacrant une partie significative de leur programmation à la promotion des chaînes câblées. Elles peuvent ensuite relayer l'action commerciale du câblo-opérateur.
* (18) Disposition codifiée à l'article L. 2251-4 du code des collectivités territoriales pour les communes et à l'article L. 3232-4 pour les départements.