D. QUELS FORMATS ET QUELS SUPPORTS ?

Deux questions restent en suspens pour aider au développement des télévisions locales : quel format privilégier et, surtout, quel support soutenir ?

1. Des décrochages locaux ou des télévisions de plein exercice ?

Compte tenu de la diversité des procédures permettant à un service de télévision d'émettre localement, le CSA n'a pas les instruments juridiques pour procéder à une régulation d'ensemble des télévisions de proximité.

En cas de concurrence entre le décrochage local d'un service national et un service local, la loi est muette sur les critères au regard desquels le Conseil doit autoriser de tels décrochages.

Se fondant sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel ( ( * )22) , le CSA peut limiter la durée d'un décrochage dans une zone où existe un service local de télévision hertzienne, lorsque son existence pourrait être compromise par la concurrence, dans des conditions ne permettant pas l'égalité de traitement du décrochage d'un service national. Mais dans les zones où n'existe pas encore de service local, l'autorisation d'un décrochage important pourrait compromettre durablement les chances d'émergence d'un service local viable. Le CSA n'a pas, dans ce cas, les moyens de mettre en compétition les initiatives qui pourraient se développer.

Le cas de Lille est à cet égard exemplaire.

Face aux demandes concurrentes d'extension du décrochage local de M6, et à un projet de programme local de France 3, d'une part, et un projet de télévision locale hertzienne permanente, d'autre part, le CSA n'a pu, faute de dispositions législatives adaptées, jouer son rôle de régulateur. Chacun des projets pris isolément était viable, mais leur juxtaposition ne l'était sans doute pas. De plus, les régimes juridiques des différentes demandes étaient formellement indépendants, ce qui ne permet pas de faire jouer la concurrence. L'appréciation du CSA devrait être globale. Mais, en l'état actuel du droit, une telle appréciation pourrait être censurée par le juge de l'excès de pouvoir. Par ailleurs, l'arbitrage du CSA ne peut se réduire à un dialogue avec les seuls demandeurs, mais doit faire intervenir l'ensemble des acteurs locaux, collectivités locales et représentants des média locaux.

Le CSA devrait donc pouvoir disposer d'une marge de manoeuvre suffisante pour opérer un choix entre décrochages locaux et télévisions locales de plein exercice, après consultation de toutes les parties intéressées et en appréciant l'équilibre global des projets concurrents et leur environnement économique.

2. Des télévisions câblées ou hertziennes ?

Les fréquences hertziennes dont les télévisions locales ont besoin pour se développer sont, dans la plupart des agglomérations, les dernières disponibles.

Regroupées au sein du réseau multivilles, elles suscitent de nouveaux appétits avec les projets d'expérimentations numériques hertziennes, voire de création d'une nouvelle chaîne nationale, privilégiant fiction et musique, ayant des décrochas locaux, et destinée aux banlieues...

La création de télévisions locales hertziennes permettrait toutefois de geler les dernières fréquences disponibles dans la plupart des grandes villes et donc d'empêcher la constitution d'une nouvelle chaîne nationale (au moins dans les dix prochaines années, avant le développement de la diffusion numérique hertzienne), qui pourrait déstabiliser le paysage audiovisuel national et entraver définitivement le développement des chaînes câblées.

Faut-il, au contraire, affecter les services locaux aux réseaux câblés afin d'éviter une concurrence de ces derniers par de nouvelles télévisions locales ? Le débat est ouvert.

Il est encore temps de favoriser le développement de la télévision locale. Dans quelques années, on peut craindre que l'évolution du paysage audiovisuel, avec les chaînes diffusées par satellite, rendra leur existence aléatoire. On peut à l'inverse estimer que la demande de programmes locaux ira croissante, et que la télévision locale finira par exister en France comme dans d'autres pays d'Europe ou comme aux États-Unis.

Comme le CSA l'a rappelé, une telle évolution ne peut résulter d'une simple évaluation technique mais elle passe par un large débat associant l'ensemble des intervenants, notamment la presse régionale et les collectivités locales et s'achevant au Parlement.

La réflexion sur ce dossier s'est poursuivie au Sénat, avec l'organisation par Médiaville, le 23 octobre 1996, d'un débat sur le thème du développement des télévisions locales.

Dans le prolongement de ce débat, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a décidé, le 24 octobre 1996, de mener une concertation approfondie avec le syndicat de la presse quotidienne régionale, en créant un groupe de travail chargé « d'évaluer les perspectives offertes par les nouvelles technologies de l'information et leur impact sur la communication locale, en particulier à l'égard du pluralisme et des équilibres économiques » en vue, le cas échéant, de formuler des propositions afin d'actualiser le régime légal et réglementaire des média locaux.

* (20) Marketing direct, tracts, dépliants publicitaires, "gratuits".

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