C. QUELLES SONT LES CONDITIONS DE DÉVELOPPEMENT DES TÉLÉVISIONS LOCALES ?

Un assouplissement du cadre juridique, économique et financier permettrait de financer entre 25 et 30 télévisions locales.

Cette évolution nécessite une large concertation des parties intéressées. Elle est urgente, compte tenu des bouleversements qui attendent l'audiovisuel, en raison des progrès de la diffusion numérique et du développement des chaînes satellitaires.

1. L'assouplissement du cadre juridique

a) Simplifier les procédures d'autorisation

Les chaînes locales offrent globalement le même type de programmation. Une procédure unique d'autorisation simplifierait fortement les dispositions actuelles. Deux solutions apparaissent.

La procédure de l'appel à candidature, trop lourde, pourrait être abandonnée au profit de celle consistant à souscrire une convention auprès du CSA.

L'appel à candidature, sous la maîtrise du CSA, constitue cependant une garantie de transparence. Le rapport du CSA penche bien entendu pour cette procédure.

Par ailleurs, les associations pourraient se porter également candidates à de tels services.

b) Différencier le régime d'exploitation

Il pourrait être mis fin à l'alignement du régime des télévisions locales sur celui des télévisions nationales. Exiger les mêmes obligations que celles attendues d'une chaîne nationale conduit souvent à hypothéquer leur existence.

c) Assouplir le dispositif anti-concentration

Un dispositif anti-concentration au niveau local est constitutionnellement nécessaire ( ( * )21) .

Cependant, la constitution de groupes multimédia au niveau local et régional peut être autorisée, tout en prenant mieux en compte l'ensemble des services locaux présents dans une zone, comme les services locaux du câble qui ne sont pas visés actuellement par l'article 41-2 de la loi de 1986.

Le CSA pourrait bénéficier d'une plus grande marge de manoeuvre dans l'appréciation des besoins locaux.

d) Reconnaître aux collectivités locales la compétence pour intervenir dans une télévision locale

La réglementation, comme on l'a vu, ne permet que de manière très restrictive la participation des collectivités locales à la création et à l'exploitation d'une chaîne locale de télévision.

Plusieurs moyens peuvent être envisagés pour remédier à cette situation :

- créer un « s ervice local de télévision » , qui serait le pendant du « secteur public de la communication audiovisuelle » , prévu au titre III de la loi du 30 septembre 1986. Cette solution présente toutefois le risque de « municipaliser » les télévisions locales en consacrant le rôle prépondérant des collectivités locales. Or, cette voie a échoué en matière de radio, et on ne voit pas ce qui pourrait assurer son succès en matière de télévision. En outre, il serait nécessaire de prévoir des garanties lourdes et contraignantes pour assurer un réel pluralisme démocratique.

- reconnaître la capacité pour les collectivités locales de créer des sociétés locales de programmes éditrices de chaînes de service public local. La loi pourrait rendre obligatoire la conclusion d'un cahier des missions et des charges entre la société locale de programmes et la collectivité concernée. Ce document fixerait les missions et charges de service public ainsi que les contreparties financières apportées par la collectivité intéressée.

- consacrer la capacité pour les collectivités territoriales de participer financièrement au budget de ces chaînes, en modifiant les dispositions pertinentes du code des collectivités territoriales, comme la loi du 13 juillet 1992 l'avait fait pour autoriser les subventions aux entreprises gérant des salles de spectacle cinématographique.

2. L'ouverture contrôlée de l'accès aux ressources publicitaires locales

a) Une ouverture inéluctable en raison des évolutions technologiques et juridiques

Cette ouverture semble inéluctable pour deux raisons.

L'accès de la distribution à la publicité télévisée est tout d'abord inévitable pour des raisons juridiques. Dans aucun autre pays de la Communauté européenne la distribution n'est interdite de télévision. On est arrivé au paradoxe selon lequel un distributeur du département du Nord peut faire de la publicité sur une chaîne en Belgique, mais non sur une chaîne française. Les distorsions de concurrence produites par cette interdiction pourraient amener la commission à considérer que les entreprises intervenant sur plusieurs pays européens ne sont pas en situation de compétition comparable sur le marché français. Une condamnation de la réglementation française n'est donc pas à exclure dans un proche avenir.

La multiplication des chaînes reçues par satellite va également profondément affecter l'économie de l'audiovisuel. Même si l'interdiction de la publicité télévisée sur la distribution était maintenue, le risque est grand de voir les investissements publicitaires français de ce secteur se délocaliser et être diffusés sur des chaînes étrangères multilingues. On pourrait alors assister à une déréglementation de fait, puis de droit, qui pourrait ouvrir l'ensemble du média télévisé à la publicité pour la distribution. Une ouverture brutale pourrait avoir des conséquences sans commune mesure avec une ouverture contrôlée et réservée aux télévisions locales.

Dans ces conditions, ne vaudrait-il pas mieux organiser la réappropriation du marché hors média par la télévision locale associée à la presse régionale ?

b) Permettre à la publicité hors média de retrouver le chemin des média

L'autorisation contrôlée de la diffusion de publicités du secteur de la distribution sur les télévisions locales est une condition indispensable à leur développement économique. L'association de la presse quotidienne régionale et de ces télévisions locales, ainsi que l'interdiction de la diffusion de petites annonces seraient également des conditions préalables à cette ouverture.

L'association nationale des télévisions de ville estime que cette ouverture n'aurait pas d'impact significatif sur les recettes de la presse quotidienne régionale, pour trois raisons :

- le prélèvement d'une télévision locale sur le marché publicitaire local est relativement faible.

- comme tout nouvel intervenant sur un marché, l'arrivée d'une télévision locale a tendance à faire croître le potentiel publicitaire du marché local.

- le prélèvement de la télévision locale s'effectuera en majorité sur le hors média, pour des raisons de stratégie publicitaire. Les caractéristiques techniques de la télévision en terme d'audience sont plus proches de celles du hors média (couverture totale d'une zone et gratuité du support pour le consommateur).

Néanmoins, il n'est pas assuré que l'accès du secteur de la distribution à la publicité télévisée garantisse la viabilité des chaînes locales, comme le montre l'exemple des DOM-TOM. Dans ces régions, les télévisions locales peuvent diffuser, selon un régime dérogatoire, de la publicité pour le secteur de la distribution. Mais elles subissent la concurrence du premier canal de RFO, qui a également accès à la publicité pour ce secteur.

Cette ouverture pourrait donc être assortie d'un assouplissement de cadre financier.

3. Un accompagnement fiscal

Les télévisions locales ont le statut juridique d'une entreprise de presse pour leur activité éditoriale. Elles doivent respecter les règles de l'indépendance éditoriale. Leurs journalistes sont titulaires de la carte de presse.

Néanmoins, elles ne disposent pas du statut fiscal des entreprises de presse.

Sans aller jusqu'à réclamer une aide de l'État dans les mêmes proportions que pour la presse écrite, lesquelles ont été chiffrées par votre Rapporteur dans le rapport budgétaire pour 1996 à plus de 7,5 milliards de francs, l'association des villes câblées réclame un alignement fiscal des télévisions locales, assujetties au taux de droit commun de 20,6 %, sur la presse écrite, taxée pour sa part à 5,5 %.

Cette aide pourrait être complétée par des mesures d'exonération temporaire de taxe professionnelle.

* (19) La syndication regroupe deux activités complémentaires : l'édition de programmes et l'activité de régie publicitaire. Un syndicateur achète ou coproduit des programmes qu'il revend à des chaînes locales de télévision après avoir au préalable vendu l'espace publicitaire contenu dans ces programmes.

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