B. L'AGENCE NATIONALE DES FRÉQUENCES

1. Une création par voie réglementaire écartée

En 1993, le Premier ministre avait confié à M. Pierre Huet, conseiller d'Etat, une mission d'étude ayant pour objet l'amélioration de la gestion du spectre des fréquences radioélectriques et le renforcement des moyens qui lui sont consacrés.

Les conclusions de M. Huet, consignées dans un rapport remis en février 1994, plaident en faveur de la création d'un établissement public dont la mission principale serait la gestion prévisionnelle du spectre des fréquences, M. Huet précise cependant qu'une telle création n'atteindra le résultat recherché que si les moyens affectés à ces tâches sont augmentés. Pour y faire face, il propose une généralisation de la redevance d'occupation du spectre.

La mise en place de cette agence et son financement par une redevance assise sur l'utilisation des fréquences ont suscité de longues discussions au cours de réunions interministérielles organisées dès le mois de mars 1994. Le ministère du Budget qui devait assurer la tutelle de cette agence, en partage avec le Premier ministre, a préparé un projet de décret.

Il a été transmis au Conseil d'État qui l'a examiné en février 1995 pour conclure que la création d'une telle agence n'était pas du ressort d'un texte réglementaire mais législatif.

2. Les dispositions de la loi du 26 juillet 1996

L'article 14 de la loi de réglementation des télécommunications du 26 juillet 1996 a donc créé une agence nationale des fréquences.

Conformément à l'arbitrage rendu par le Premier ministre, cette agence respecte les prérogatives du CSA en matière de communication audiovisuelle.

L'agence nationale des fréquences proposera au Premier ministre la répartition des bandes de fréquences et tiendra à jour le tableau d'allocation de ces bandes. Le Premier ministre continuera, en application de l'article 21 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, à déterminer les bandes attribuées aux administrations et celles dont la gestion est confiée au Conseil supérieur de l'audiovisuel. Le CSA et les autorités administratives affectataires conserveront leurs prérogatives sur les bandes de fréquences qui leur sont ainsi affectées.

Dans son rapport annuel pour 1995, le CSA a en effet estimé « indispensable de conserver l'intégralité de ses compétences en matière de planification, d'attribution et de contrôle des fréquences ». Dans le cas où il confierait certaines tâches à l'agence, il « tient à ce que cela découle d'un choix qui lui soit propre ». Il ne saurait en effet accepter que « des pressions extérieures ou des contraintes budgétaires influent sur ses décisions ».

La loi confie à l'agence un triple rôle :

1°) La « planification du domaine public des fréquences radio-électriques » , c'est-à-dire de prospection. Cette mission devrait permettre une meilleure planification des besoins de fréquences et, partant, une meilleure gestion du spectre.

2°) La préparation de la position française dans les négociations internationales.

L'agence nationale des fréquences aura la responsabilité d'élaborer la position de l'État dans les négociations conduites dans le cadre de l'Union internationale des télécommunications (UIT) et, au sein de cette organisation, dans le cadre du comité interministériel d'enregistrement des fréquences (IRFB), organe permanent chargé de gérer le spectre des fréquences.

En outre, l'agence devra « coordonner l'action de la représentation française ». De fait, la multiplicité des ministères concernés par la radiocommunication implique une concertation permanente et nécessite parfois la participation directe de certaines administrations aux réunions de l'UIT.

En matière de négociations internationales, la mission de l'agence est générale. Elle ne se limite pas à la seule enceinte de l'UIT et peut donc également s'exercer au sein de la conférence européenne des postes et télécommunications (comité et bureau européens des radiocommunications).

3°) La coordination de l'implantation des stations radioélectriques sur le territoire national.

Le comité de coordination veillant déjà à « l'aménagement de la localisation des stations radioélectriques sur le territoire national », il s'agit ici aussi d'une reprise d'une mission du comité consultatif. L'agence devra donc s'efforcer d'optimiser l'utilisation des sites.

En conséquence, l'avis de l'agence sera requis pour toute décision d'implantation relevant du CSA ; son accord sera nécessaire dans tous les autres cas.

On peut rappeler qu'il existait en 1991, au moment de la publication du rapport « Fèvre », 1 034 000 émetteurs en France dont 18 500 environ relevaient de la compétence du CSA.

L'avis ou l'accord de l'agence sera réputé acquis à l'issue d'un délai qu'un décret en Conseil d'État devra fixer. Ce même décret déterminera, le cas échéant, les installations ne faisant l'objet d'aucune formalité administrative.

Cette dernière disposition ménage les prérogatives du CSA et respecte l'article 25 de la loi du 30 septembre 1986, qui assure au Conseil un pouvoir de définition des prescriptions techniques en matière d'usage des fréquences.

Le paragraphe IV dresse la liste des ressources de l'agence. Celles-ci comprennent d'abord la rémunération des services rendus. Les services visés sont principalement liés aux activités de contrôle de l'agence. Ainsi qu'il a été précisé au rapporteur de la commission des Affaires économiques du Sénat, le décret devrait autoriser l'agence à contrôler l'utilisation des fréquences. On peut donc imaginer qu'une autorité attributive primaire - type CSA - délègue à l'agence, moyennant finances, ses activités de contrôle.

Cette disposition nécessitera à due concurrence une augmentation des ressources financières du CSA.

Les ressources de l'agence incluent également les subventions publiques et les revenus des dons et legs; et, de façon plus atypique, les revenus des participations autorisées.

L'agence pourra également percevoir des redevances d'usage. Celles-ci, définies par les lois de finances, permettront une occupation plus rigoureuse du spectre des fréquences.

Au total, ces ressources devraient permettre à l'agence de gérer un fonds d'aménagement du spectre des fréquences radioélectriques dont la création ultérieure est prévue.

3. La question non résolue de la redevance d'usage des fréquences affectées aux services audiovisuels

Disposition passée inaperçue, le paragraphe IV de l'article 14 de la loi de réglementation des télécommunications met fin à une exception française. Les télévisions et radios bénéficiaient jusqu'à cette loi de la gratuité pour l'occupation du spectre hertzien, qui appartient au domaine public depuis l'article 10 de la loi n° 89-25 du 17 janvier 1989, contrairement aux autres pays ou aux autres occupations de ce domaine.

Le versement d'une redevance pour l'utilisation du spectre pose néanmoins un problème de principe et elle est de surcroît extrêmement complexe à mettre en oeuvre.

Sur le plan des principes, l'existence d'une redevance d'utilisation risque de mener à une valorisation des fréquences, ce qui est en contradiction totale avec l'esprit et la nature de la loi du 30 septembre 1986, laquelle stipule que les fréquences ne sont ni valorisables, ni cessibles.

Par ailleurs, le CSA ne délègue pas la gestion d'une bande globale à un opérateur, mais délivre des autorisations de diffusion qui, au cas par cas, définissent les caractéristiques précises d'utilisation de la fréquence. La prise en compte des éléments techniques (puissance d'émission, zone de couverture), démographiques (population de la zone desservie), de la catégorie de service (national ou local, commercial ou associatif...) risque de conduire à des règles de calcul de la redevance extrêmement compliquées si l'on veut qu'elles soient équitables et qu'elles ne constituent pas un frein à la liberté de communication.

C'est sans doute pour ces raisons que le CSA, dans son rapport annuel pour 1995, a précisé que, bien que le principe d'une telle redevance n'était pas à exclure a priori, celle-ci « était extrêmement délicate à mettre en oeuvre dans le secteur audiovisuel ».

De fait, l'article 23, paragraphe IV, du projet de loi de finances pour 1997, qui institue une taxe pour la délivrance, la gestion et le contrôle des autorisations nécessaires à l'exercice d'une activité dans le secteur des télécommunications, est restreint à ce dernier secteur.

En revanche, l'article 28 du projet de loi de finances rectificative semble ouvrir cette possibilité.

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