ARTICLE 2
Régime fiscal des cessions d'éléments
d'actif pour les entreprises soumises à l'impôt sur les
sociétés
Commentaire : Le présent article prévoit
de supprimer le régime des plus ou moins-values à long terme pour
l'imposition du résultat provenant de la cession de l'ensemble des
éléments de l'actif immobilisé, à l'exception des
titres de participation et de la concession d'éléments de la
propriété industrielle (licences d'exploitation de brevets ou
d'inventions brevetables).
Le régime d'imposition des plus-values provenant de la cession des
éléments de l'actif immobilisé repose sur la distinction
entre, d'une part, les plus et moins-values à long terme soumises
à un régime de taxation réduite et de déduction
spécifique et, d'autre part, les plus ou moins-values à court
terme qui sont comprises dans le résultat d'exploitation imposable dans
les conditions et au taux de droit commun.
Ce régime s'est substitué en 1965 au
système de
l'exonération des plus-values professionnelles sous condition de
remploi
, en raison de la trop grande complexité de ce dernier. Mais
ce dernier système
demeure la règle de droit commun dans la
plupart des pays concurrents de la France
.
Arguant de la faiblesse de l'inflation, le Gouvernement souhaite, en mettant
partiellement fin au régime plus que trentenaire de taxation des
plus-values à long terme, élargir l'assiette de l'impôt sur
les sociétés en y incluant les plus-values à long terme
réalisées à l'occasion de la cession d'actifs
immobilisés tels que des immeubles, des terrains ou des brevets, afin
d'accroître le rendement de l'IS.
Un tel dispositif revient à multiplier par deux le taux d'imposition des
plus-values à long terme pour les entreprises assujetties à
l'impôt sur les sociétés.
Le supplément de
recettes issu de cette réforme est ainsi estimé à
6,7 milliards de francs en 1997.
Six arguments conduisent cependant votre commission à ne pas approuver
la suppression partielle du régime des plus-values à long
terme :
- la suppression d'un tel régime irait
à
contre-courant
des législations fiscales de la plupart de nos partenaires
économiques
qui continuent à exonérer ou à
reporter l'imposition des plus-values à long terme sous condition de
remploi, ce qui encouragerait les délocalisations ;
- en renchérissant le coût des mutations, la taxation des
plus-values à long terme au taux de droit commun aurait pour
conséquence d'
encourager l'inertie économique
, en rendant
moins fluides les mouvements économiques nécessaires à
l'adaptation des structures industrielles ;
- la suppression du régime des plus-values à long terme pour les
entreprises assujetties à l'impôt sur les sociétés
est susceptible de se heurter au
principe de l'égalité devant
l'impôt
, dans la mesure où les entreprises assujetties
à l'impôt sur le revenu continueraient à
bénéficier du régime de faveur ;
- le
changement en cours d'année du régime fiscal des
plus-values à long terme pénaliserait d'autant plus les
entreprises qu'il s'appliquerait à des
opérations
déjà réalisées :
il concernerait en effet
les cessions effectuées depuis le 1
er
janvier dernier, voire
avant ;
- la modification du régime des plus-values à long terme
serait la 14
ème
modification de ce régime en
11 ans ;
- enfin, le
maintien d'un taux réduit de taxation des plus-values
à long terme
pour contrer les effets de l'inflation est
toujours
justifié
pour les plus-values provenant de la cession de biens
acquis depuis une longue période.
Au total, votre commission des finances constate une nouvelle fois que la
modification du périmètre d'application du taux réduit
d'imposition obère la compétitivité de nos entreprises et
semble de nature à alimenter des demandes tendant à
recréer des catégories spécifiques ou même à
réintroduire un dispositif d'exonération en cas de remploi.
I. LE DROIT EN VIGUEUR RÉSULTE D'AMÉNAGEMENTS SUCCESSIFS DE LA LOI DE 1965
A. LES GRANDS PRINCIPES DU RÉGIME DE TAXATION DES PLUS-VALUES À LONG TERME
Le système fiscal français considère de
longue date que les plus-values provenant de la cession des
éléments de l'actif immobilisé sont un
bénéfice exceptionnel généralement destiné
à être réinvesti dans l'entreprise, et que le montant de la
plus-value provient pour une part des effets de la hausse
générale des prix.
En conséquence, depuis l'adoption de la loi n° 65-566 du 12
juillet 1965, qui a mis fin à un dispositif difficilement gérable
d'exonération des plus-values en cas de remploi, le régime
français est fondé sur la distinction entre plus ou moins-values
à court terme et plus ou moins-values à long terme, ces
dernières étant soumises à un régime d'imposition
moins sévère
13(
*
)
que celui des bénéfices courants de l'entreprise. La distinction
entre les deux catégories de plus ou moins-values s'opère en
fonction de la durée de détention du bien et de son
caractère amortissable ou non, comme le rappelle l'encadré
ci-après.
Cession d'immobilisations non amortissables
La plus-value, ou éventuellement la moins-value, est à court
terme lorsque l'immobilisation cédée figure au bilan depuis moins
de deux ans. Elle est à long terme au delà.
Cession d'immobilisations amortissables
Deux hypothèses sont à envisager :
- si le bien est inscrit au bilan depuis moins de deux ans, la plus-value est
nécessairement à court terme ;
- si le bien est inscrit au bilan depuis plus de deux ans, la plus-value est
à court terme dans la limite des amortissements pratiqués et
à long terme pour le surplus.
Mais, s'agissant d'immobilisations amortissable, la moins-value est toujours
à court terme, même si le bien figure au bilan depuis plus de deux
ans.
Le tableau ci-après rappelle les grands principes du régime des
plus-values dégagées par les sociétés.
Les plus ou moins-values à long terme dégagées au cours
d'un même exercice sont ventilées entre les différentes
catégories prévues par la législation - titres de
trésorerie, titres de participation, titres de placement, terrains
à bâtir, produits de la propriété industrielle,
autres éléments d'actifs - chacune d'entre elles étant
assortie d'un taux d'imposition différent.
Dans un premier temps, les plus ou moins-values afférentes à une
même catégorie font l'objet d'une compensation qui permet de
dégager une plus ou moins-value nette.
La plus-value nette dégagée au titre d'une catégorie
d'actifs peut alors être utilisée pour compenser :
- le déficit d'exploitation de l'exercice ou les déficits
antérieurs encore reportables ;
- les moins-values nettes relevant d'un taux différent mais
supérieur.
A l'issue de ces opérations, le solde de chaque plus-value nette est
soumis à l'impôt au taux correspondant, le résultat net
devant être porté à la réserve spéciale des
plus-values. Si la société décide ultérieurement de
distribuer des dividendes par prélèvement sur la réserve
spéciale, elle devra acquitter un complément d'impôt.
Les moins-values nettes à long terme ne sont pas imputables sur les
résultats imposables au taux normal. Elles pourront seulement être
imputées sur des plus-values à long terme au cours des dix
exercices suivants celui au titre duquel elles ont été
constatées.