ARTICLE 18 bis
Institution d'une taxe sur certaines dépenses de
publicité
Commentaire : le présent article additionnel tend
à instaurer à compter du 1er janvier 1998 une taxe sur certaines
dépenses de publicité. Cette taxe est assise sur les
dépenses ayant pour objet l'édition ou la distribution
d'imprimés publicitaires, les annonces et insertions dans les journaux
mis gratuitement à la disposition du public. Elle est fixée
à 1 % du montant hors taxes de ces dépenses.
Il s'agit d'un amendement parlementaire sur lequel le gouvernement s'en
était remis à la sagesse de l'Assemblée.
A l'appui de son initiative, son auteur, M. Jean-Marie Le Guen, a fait valoir
que "
l'une des difficultés, non la seule, certes, que rencontre
la presse quotidienne, est due au transfert massif des dépenses de
publicité, recettes traditionnelles des médias vers un autre
secteur, le hors média, qui consiste notamment en la distribution de ces
imprimés publicitaires que nous trouvons le plus souvent qu'il ne
faudrait dans nos boîtes à lettres
".
La presse qui constitue l'un des rouages essentiels de la démocratie a
besoin dans notre pays des recettes publicitaires pour survivre. Or, un certain
nombre de supports publicitaires se sont développés au
détriment de la presse, profitant de ce qu'ils ne sont pas soumis aux
contraintes de la loi dite " Evin "de 1991.
Toutefois, si le principe de cette taxe peut être accepté, sa mise
en oeuvre soulève une série de difficultés techniques.
I. LES PERSONNES IMPOSABLES
Le champ d'application de cet impôt, défini par
référence à la taxe à la valeur ajoutée,
doit être explicité.
Le texte précise que la taxe sur certaines formes de publicités
est due par tout redevable de la taxe sur la valeur ajoutée soumis de
plein droit au régime réel normal d'imposition.
Il résulte de ce texte que, pour entrer dans le champ d'application de
cet article, il faut remplir deux conditions :
être soumis à la TVA ;
et
avoir un chiffre d'affaires, dépassant le seuil
d'application du régime normal de la TVA, soit 5 millions de francs,
sauf pour les entreprises de services pour lesquelles ce seuil est de 1,5
millions de francs.
Précisons la première condition d'application de la taxe sur la
publicité : il faut être soumis à la TVA, c'est
à dire effectuer, en qualité d'assujetti, des opérations
imposables qui sont, soit des livraisons de biens ou des prestations de
services, à titre onéreux, soit des opérations
expressément soumises à la TVA par la loi.
La qualité d'assujetti à la TVA résulte de l'exercice, de
manière indépendante, d'une des activités
économiques mentionnées à l'article 256 I du code
général des impôts : producteur, commerçant
prestataire de services, y compris les activités libérales,
agricoles civiles ou extractives exercées à titre habituel.
Mais certaines opérations ci-dessus sont " hors champ ",
tandis que d'autres sont exonérées.
Les personnes morales de droit public sont en principe " hors
champ ".
Elles ne sont pas assujetties à la TVA pour
l'activité de leurs services administratifs. sociaux, éducatifs,
culturels et sportifs, sauf lorsque leur non assujettissement
entraînerait des distorsions de concurrence .A titre d'exemple, on
peut rappeler que cette non concurrence est présumée pour tout ce
qui a trait à l'assistance sociale, l'hospitalisation, la protection de
l'enfance, les prestations sportives et culturelles, sauf pour les
activités accessoires (buvettes, ventes diverses..) ; en revanche,
la concurrence est présumée pour des activités plus
importantes par la nature des moyens mis en uvre : golf, parc zoologique,
parc d'attraction, salle de spectacle ou de cinéma, festival
établissements thermaux etc.
Les collectivités publiques sont donc - pour ces activités ainsi
que pour d'autres tels les transports - des assujettis partiels.
Sont également hors du champ d'application de la TVA certaines
activités exercées par des organismes philosophiques, religieux
politiques ou professionnel
, notamment dans l'accomplissement de missions
d'intérêt public. On note que les opérations
effectuées par les centres techniques professionnels financés par
des taxes parafiscales entrent dans le champ d'application de la TVA, si, les
services sont financées par des catégories homogènes
d'entreprises qui en retirent toutes un avantage, et si les entreprises
acquittent un montant de taxe en rapport avec l'avantage obtenu.
L'exonération, c'est à dire la dispense du fait de la loi, du
paiement de la TVA,
est un autre cas de figure, qui
regroupe des
activités et des opérations très variées.
Un cas particulier important est celui des organismes sans but lucratif.
Ceux-ci sont passibles en principe de la TVA lorsqu'ils effectuent des
opérations entrant dans le champ d'application de cette taxe, mais
diverses opérations sont expressément exonérées.
Les services à caractère social, éducatif, culturel ou
sportif rendus à leurs membres ,y compris les ventes dans la limite de
10% des recettes totales - ou faites au profit d'autres personnes, lorsque ces
services ont un caractère philanthropique et que les prestations aient
un prix homologué par l'autorité publique ou sans rapport avec
celui pratiqué dans des cas comparables dans le secteur commercial.
La liste des opérations exonérées est à la fois
longue et hétérogène : certaines opérations de
banques et d'assurances, professions médicales et paramédicales,
les cercles et maisons de jeu, en passant par les organismes à but non
lucratif. C'est cette hétérogénéité, ce
mélange d'exonérations de caractère technique ou social,
qui rend la référence à la TVA insuffisante pour
définir de façon satisfaisante et équitable le champ
d'application de la taxe sur certaines formes de publicité.
La référence pour l'application de la taxe sur certaines
formes de publicité aux " redevables " de la TVA,
apparemment
simple est en fait source d'ambiguïtés du fait de l'existence des
activités et organismes " hors champ " et des
opérations exonérées.
Un organisme non soumis à la TVA mais ayant des activités
accessoires qui le sont, fait-il partie des redevables de la taxe sur la
publicité ? Si c'est le cas, cette taxe s'applique-t-elle à
toutes les publicités effectuées sous les formes
mentionnées, que les opérations concernées soient ou non
exonérées ? Ou seulement lorsque les publicités
concernent des opérations soumises à la TVA ?
L'utilisation du terme "assujetti" aurait le mérite de dissiper ces
ambiguïtés mais aussi la conséquence d'étendre de
façon peut être excessive le champ d'application de la taxe sur
certaines formes de publicité.
Dans cette optique, les non assujettis ne sont que les organismes
exerçant des activités " hors champ " essentiellement
administratives. En revanche, les entreprises et organismes
exonérés restent des assujettis. Ils sont donc soumis et a priori
sur l'ensemble de leurs activités à la taxe sur la
publicité.
Bien que les seuils du régime réel normal excluent a priori la
plupart des associations à but non lucratif, il est clair qu'il serait
paradoxal de taxer certaines organisations philanthropiques ou d'autres
activités que le législateur a précisément entendu
protéger en les exonérant de TVA.
Le débat reste ouvert sur les organismes qu'il conviendrait dans cette
hypothèse de soustraire à la taxe. Mais il faut noter que,
en
tout état de cause, l'existence de seuils élevés, 5
millions de chiffres d'affaires, a pour conséquence d'exclure la plupart
des organismes philanthropiques ou caritatifs
.
Telles sont les raisons pour lesquelles, la substitution de la notion
" d'assujetti " à celle de
" redevable " suppose que
la loi fixe avec précision la nature et l'étendue des
exemptions . La définition des assujettis à la TVA non
soumis à la taxe sur certaines formes de publicité incombe en
effet au législateur, de même que les modalités selon
lesquelles elle s'applique le cas échéant à certains
assujettis partiels.
II. LES FORMES DE PUBLICITÉ COMPRISES DANS L'ASSIETTE
La référence à la
notion de " hors
média ",
souvent utilisée pour qualifier l'objet de
l'amendement, est source d'ambiguïté dans la mesure où elle
renvoie à des activités à la fois plus nombreuses et au
surplus, définies de façon plus restrictive, puisqu'elle ne vise
pas la presse gratuite.
On peut rappeler que le " hors média " correspond
essentiellement à des activités de marketing direct : mailing,
édition publicitaire, prospectus, marketing téléphonique.
Mais dans les dépenses des annonceurs, il est effectivement d'autres
dépenses qui à certains égards se rapprochent de celles
relevant du marketing direct : annonces dans des annuaires ou des guides,
relations publiques, publicité par l'événement.
En revanche, il convient de se demander si certaines activités ne
doivent pas être soustraites à la taxe.
L'Assemblée nationale a cru bon de sortir les imprimés
touristiques du champ d'application de la taxe
, eu égard à
l'importance de l'imprimé publicitaire pour le secteur concerné
et à l'intérêt collectif attaché au
développement du tourisme.
Votre commission des finances propose pour des raisons économiques
d'exclure du champ d'application de la taxe les imprimés
adressés
de façon à ne pas entraver les relations des
entreprises avec leurs clients actuels ou potentiels.
En l'occurrence,
pour la vente par correspondance, l'imprimé
adressé est le seul moyen d'entrer en contact avec la
clientèle
. Taxer ce qui est non une forme de publicité mais
le mode de fonctionnement de l'entreprise, pénalise de façon
anormale un secteur important pour l'économie française.
Cette rédaction n'exclut pas uniquement les entreprises
spécialisées dans la vente par correspondance. En effet un grand
nombre d'entreprises commercialisent une partie de leur production au moyen de
catalogues, tout en ayant leurs propres magasins ou leur réseau de
distributeurs et de commerçants.
III. LE PRODUIT DE LA TAXE
En ce qui concerne le
produit de la taxe
, celui-ci serait de l'ordre de
300 millions de francs
. C'est le montant inscrit dans l'article
d'équilibre.
On peut rappeler que le marketing direct représente ainsi un chiffre
d'affaires de plus de 47 milliards de francs, tandis que la presse
gratuite a réalisé de son côté plus de
4,4 milliards de francs de chiffre d'affaires. L'estimation avancée
est plus faible que les 1 %, compte tenu d'inévitables restrictions
d'assiette et, probablement, de transferts des dépenses de
publicité vers des secteurs non taxés. Elle demande encore
à être affinée.
Il convient de souligner le Gouvernement a prévu l'affectation des
ressources à un
compte d'affectation spéciale
spécialement créé à cet effet, intitulé
provisoirement " fonds pour l'utilisation de la taxe sur certaines
dépenses de publicité ".
Manifestement, aussi bien le dispositif fiscal que l'estimation du produit de
la nouvelle taxe méritent d'être précisés. La
commission des finances attend donc des éclaircissements du gouvernement.
Par ailleurs,
il ne suffit pas de lever un impôt nouveau.
Encore faut-il savoir ce que l'on va faire de son produit
. Il faut
reconnaître que le Parlement a reçu peu d'informations à ce
sujet. Il s'agirait d'alimenter le plan de modernisation de la presse
quotidienne préparé par le ministre de la Culture et de la
Communication, mais aucune information n'a encore filtré sur la nature
des mesures qui seront financées avec ces nouvelles ressources.
A quoi seront destinées les ressources ainsi collectées ?
Quel type de presse pourra en bénéficier, telles sont les
questions fondamentales sur lesquelles le Sénat devra être
éclairé avant de prendre une décision définitive.
Décision de la commission : dans l'attente des
éclaircissements que devra fournir le gouvernement, votre commission
vous propose
d'adopter cet article ainsi amendé.