CHAPITRE III
LES RECETTES DU PROJET DE BUDGET POUR 2000
I. L'ARCHITECTURE DU FINANCEMENT EUROPÉEN : UN SYSTEME COMPLEXE ET OPAQUE
Répartition des ressources propres par
catégories
dans le projet de budget de la Communauté pour 1999
et 2000
(en euros)
Origine de la recette |
1999 |
Projet 2000 |
Prélèvements agricoles |
949.050.000 |
999.980.000 |
Cotisations sucre et isoglucose |
972.000.000 |
1.046.430.000 |
Droits de douane |
11.893.860.000 |
11.070.000.000 |
Ressources propres TVA |
30.374.249.501 |
32.554.614.472 |
Ressources propres fondées sur le PNB |
41.052.819.576 |
41.615.970.043 |
Excédent disponible |
- |
- |
Recettes diverses |
630.841.058 |
665.674.204 |
Total |
85.872.820.135 |
87.944.668.719 |
Source : Conseil des Communautés européennes
Le
montant total des ressources propres s'élève à environ
1,08 % du PNB communautaire prévu pour 2000.
Ce pourcentage est stable, en tout cas sur la base des prévisions
économiques associées à l'exercice budgétaire, par
rapport à celui prévu l'an dernier et inférieur au plafond
fixé par le nouvel accord interinstitutionnel qui est de 1,27 %.
L'architecture des ressources du budget européen se
caractérise par sa particulière complexité et
opacité. Ces caractéristiques privent les citoyens de l'Union
européenne de l'idée même de participer au financement de
l'Union européenne.
Hors recettes diverses, on a coutume de distinguer entre les ressources propres
traditionnelles et les autres ressources propres. Les premières sont
composées des prélèvements agricoles, des "cotisations
sucre et isoglucose" et des droits de douane, les secondes des
" contributions TVA et PNB ".
L'on met alors en évidence l'infléchissement continu des
premières au profit de l'accroissement résolu de la part relative
des secondes (voir le tableau ci-dessous).
Composition des ressources propres de l'Union
européenne
(en pourcentage du total, chiffres consolidés ; les
données pour 1999 et 2000
sont des projections)
|
1988 |
1989 |
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
Ressources propres traditionnelles |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
TVA 1 |
60,0 |
60,7 |
69,9 |
59,5 |
61,9 |
54,0 |
51,9 |
57,8 |
51,3 |
45,5 |
39,7 |
35,6 |
37 |
PNB |
10,9 |
10,6 |
0,7 |
14,1 |
14,5 |
25,7 |
27,5 |
20,9 |
29,6 |
35,7 |
43,6 |
48,1 |
47,3 |
1. Y
compris la correction en faveur du Royaume-Uni
L'effritement des ressources traditionnelles est incontestable
. Leur
niveau absolu s'est, au cours des dernières années, toujours
situé entre 12 et 14 milliards d'écus, ce qui s'est traduit
par une baisse de leur part dans le financement du budget européen.
On en connaît certaines raisons : pour les droits de douane, un
désarmement tarifaire continuel, pour les prélèvements
agricoles, le rapprochement des prix intérieurs et mondiaux et
l'autosuffisance de la Communauté.
On en devine d'autres : la volonté inégale des Etats de
recouvrer certaines de ces ressources, évoquée en ces termes par
la Commission européenne :
" Dans ces conditions, les Etats membres préfèrent
apparemment financer le budget de l'Union européenne par le biais du PNB
plutôt que d'instaurer un système plus efficace de perception
des ressources propres traditionnelles... en effet, pour des raisons
compréhensibles, ils ne sont disposés ni à renforcer le
cadre réglementaire du système douanier ni à engager les
ressources nécessaires au recouvrement des droits de
douane "
4(
*
)
.
La baisse de la part des ressources propres traditionnelles dans le financement
européen devrait s'accentuer encore l'avenir puisque les Etats seront
autorisés à prélever sur ces ressources un montant
représentatif de frais d'assiette et de recouvrement majoré par
rapport à l'existant.
Parallèlement, les " autres ressources propres "
connaissent une montée en charge continue mais inégale
. Elles
représentent 83,8 % du total en 2000, contre 70,9 % en 1988.
Mais, une inversion de tendance doit être soulignée. A partir de
1994, la part de la " ressource-TVA " se réduit et celle de la
ressource-PNB augmente.
Cette évolution asymétrique des deux " contributions "
qui n'est que suspendue cette année
5(
*
)
résulte pour l'essentiel des
dispositions de la décision 94/728/CE du 31 octobre 1994 qui a
amplifié les effets d'une précédente décision de
1988. Alors, l'assiette-TVA des Etats membres qui sert à calculer leur
contribution avait été plafonnée à 55 % de
leur PIB. En 1994, cet écrêtement fut ramené à
50 % du PIB, immédiatement pour le Portugal, la Grèce,
l'Espagne et l'Irlande, progressivement pour les autres Etats. En outre, le
taux maximal d'appel de la ressource fut abaissé passant, là
aussi progressivement, de 1,4 à 1 % en 1999.
A. LE DÉCLIN DE LA " RESSOURCE-TVA "
Ces réformes ont provoqué une baisse accusée du poids relatif de la " ressource-TVA " décrite dans le tableau ci-dessus .
Le calcul de la "contribution-TVA"
Le
calcul de la "contribution-TVA" des Etats-membres suppose d'abord la
définition d'une assiette commune dont les modalités ont
été arrêtées dans la 6
ème
directive TVA du 17 mai 1977. Il s'agit pour l'essentiel de rapporter les
recettes nettes de TVA dans chaque Etat à un taux moyen
pondéré de TVA qui résulte d'une pondération des
différents taux appliqués par chaque Etat en fonction de la
structure de l'assiette fiscale (la consommation pour l'essentiel) dans chaque
Etat. Un certain nombre de compensations sont alors effectuées pour
tenir compte des particularités nationales en matière
d'exonération de TVA. Puis, l'assiette de TVA fait l'objet d'un
écrêtement à hauteur, désormais, de 50 % des
PIB nationaux.
L'assiette se voit alors appliquer un taux d'appel.
Le taux maximal d'appel est en 1999 de 1 % -v. supra. Le taux uniforme
d'appel tient compte de la compensation britannique et le taux d'appel effectif
est le quotient entre le versement effectif et l'assiette uniforme
écrêtée.
Cette diminution de la part de la " contribution-TVA " a, dans une
certaine mesure, permis d'atténuer les inconvénients des biais
statistiques d'un système difficilement maîtrisable
-v.
encadré ci-dessus. En effet, comme la définition de
l'assiette-TVA européenne dépend de la qualité des
systèmes nationaux de perception des impôts, les Etats rigoureux
en la matière se voyaient imposer des contributions comparativement plus
importantes que celles que devaient supporter les Etats plus laxistes.
Le plafonnement de l'assiette a pour effet d'atténuer cette distorsion.
En revanche, il laisse aux Etats laxistes en la matière, le
bénéfice d'une sous-estimation de leur assiette-TVA. En
conséquence, la contribution-TVA qui représente encore plus du
tiers des moyens du budget européen reste probablement à
l'origine de transferts de charge dissimulés entre Etats, transferts
d'autant moins admissibles que le budget européen repose,
précisément, pour une grande partie sur des mécanismes de
solidarité entre Etats.
La diminution du poids de la " ressource-TVA " dans le total des
ressources du budget européen est également susceptible de
provenir des évolutions économiques constatées dans les
Etats-membres. Par approximation, on peut estimer que si le taux
d'épargne s'accroît dans les Etats-membres alors la ressource-TVA
s'accroît moins que le PIB. Il en va de même si les exportations
prennent une part croissante dans la formation du PIB.
Deux observations s'imposent donc :
- l'évolution de la " ressource-TVA " est susceptible de
différer sensiblement de celle de la croissance ;
- les disparités de structure ou de conjoncture économique entre
Etats-membres sont susceptibles d'influer sur la répartition de la
charge de financement de l'Union.
De ce point de vue, celle-ci tenait à ce que
l'écrêtement de l'assiette-TVA programmé dans la
décision de 1994 a eu pour heureux effet d'éliminer une grave
distorsion. Les Etats les moins riches, dans lesquels la part de l'assiette-TVA
dans le PIB était comparativement importante, contribuaient au titre de
la TVA relativement plus que ce qu'aurait été leur contribution
si elle avait été assise sur le PIB, référence plus
significative de la richesse nationale.
La réforme de 1994 a donc eu pour effet de rapprocher les contributions
des Etats de leurs capacités contributives.
Toutefois, ce
rapprochement n'est pas complet comme le montre le tableau ci-dessous :
Différence entre la contribution TVA
réelle
et
la contribution PNB théorique
(1)
B |
DK |
D |
GR |
E |
F |
IRL |
I |
L |
NL |
A |
P |
FIN |
S |
UK |
- 266 |
- 71 |
708 |
20 |
98 |
159 |
8 |
- 1.236 |
7 |
42 |
93 |
79 |
- 45 |
72 |
332 |
Source : " Le financement de l'Union
européenne ". Rapport de la commission européenne - 7
octobre 1998.
Il apparaît ainsi que quatre pays " profitent " du " statu
quo " et que leurs " contribution-TVA " sont inférieures
à ce que seraient leurs contributions si elles étaient
entièrement assises sur leur PNB :
- l'Italie pour 1.236 millions d'écus ;
- la Belgique pour 266 millions d'écus ;
- le Danemark pour 71 millions d'écus ;
- et la Finlande pour 45 millions d'écus.
Le maintien du " statu quo " pénalise tout
particulièrement l'Allemagne (708 millions d'écus), le
Royaume-Uni - 332 millions d'écus) et la France (159 millions
d'écus).