TROISIÈME CHAPITRE :
LES RISQUES PESANT SUR L'AVENIR DE NOTRE COOPÉRATION

I. LA COOPÉRATION AU SECOURS DU BUDGET DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ?

Le budget " coopération " présente de fortes économies, les unes vertueuses (fruit de la réforme des services), les autres plus contestables (fruit de la contraction de 4,3 % des moyens d'intervention) qui viennent abonder le budget général des affaires étrangères.

Il paraît donc légitime d'écrire que ce budget procède à des économies importantes sur les pays pauvres, qui servent à augmenter non pas, comme on aurait pu le penser en 1999, les crédits au Kosovo ou à l'humanitaire, mais les moyens ordinaires du quai d'Orsay et ses priorités que sont l'audiovisuel et la culture.

Parallèlement, ces crédits d'interventions en baisse seront destinés à une zone considérablement accrue.

A. LES ECONOMIES ENTREPRISES...

1. La rationalisation vertueuse des moyens de fonctionnement

a) Les importants transferts sur les dépenses ordinaires...

Le titre III (moyens des services) n'identifie plus aucune ligne pour la coopération puisque celle-ci n'existe plus en tant que telle. L'examen des crédits inscrits permet cependant de se rendre compte à la fois des transferts dont bénéficie le titre III sur des crédits relevant du titre IV auparavant et des économies faites grâce aux restructurations de services.

24 millions de francs provenant d'anciennes interventions du titre IV " coopération " abonderont en 2000 le titre III. Ces mesures concernent :

Mesures de transfert du titre IV vers le titre III

(en millions de francs)

Nom de la mesure nouvelle

Montant

Crédits pour la rémunération de collaborateurs susceptibles d'être sollicités par la DGCID

0,6

Moyens de fonctionnement de la Direction de la coopération militaire et de défense

16,3

Crédits destinés aux publications de la DGCID

2,2

Moyens de fonctionnement des centres culturels franco-africains

4,9

Total

24

Ces réajustement peuvent paraître le plus souvent légitimes. Cependant, ils ont pour conséquence de réduire le volume des interventions titre IV, tout en augmentant les moyens du ministère des affaires étrangères.

Par ailleurs, s'agissant des restructurations de services, 15 millions de francs ont été économisés sur l'enveloppe globalisée de fonctionnement des postes grâce au nouveau mode de gestion et à l'intégration des missions de coopération et d'action culturelle dans les ambassades (chapitre 34-98).

De plus, des économies en personnel ont été effectués, d'une part sur le nombre d'agents permettant des redéploiements dans l'administration centrale du ministère, d'autre part sur la masse des traitements puisque l'intégration des corps a permis d'économiser déjà près de 10 millions de francs.

Economies tirées des transformations d'emplois (en millions de francs)

Nom de la mesure

Montant

Transformation d'emplois de chefs de mission (mesure 008)

- 1,8

Transformation d'emplois d'administrateurs civils (mesure 009)

+ 2,2

Transformation d'emplois des services culturels (mesure 012)

- 0,7

Transformation d'emplois des services de coopération et des centres médico-sociaux (mesure 013)

- 7,9

Réorganisation des établissements culturels

- 1,7

Total

- 9,9

Au total, la réforme de la coopération permet donc des économies de fonctionnement dont on ne peut que se réjouir, surtout lorsqu'elles mettent un terme à des " doublons " fâcheux. Cependant elles ne sont pas utilisées pour financer des redéploiements dans les nouveaux pays de la ZSP ni pour accroître certains moyens d'intervention. Elles participent à l'augmentation générales des moyens des services du quai d'Orsay qui progressent de plus de 122 millions de francs.

b) ... accentuent la réduction des moyens d'intervention

Le titre IV du ministère des affaires étrangères diminue de plus de 194 millions de francs. Or, les lignes concernant la coopération sur le titre IV diminuent, elles, de 312,7 millions de francs. Les interventions " coopération " baissent donc pour permettre d'augmenter certaines dépenses d'intervention dans un contexte général de réduction du titre IV au profit du titre III. La coopération offre donc au ministère un volant d'action pour augmenter ses autres moyens de fonctionnement sans réduire ses moyens d'intervention hors de la ZSP, voire en revalorisant certains d'entre eux au détriment des pays les plus pauvres !

Ainsi, les 318,7 millions de francs d'économies sur le titre IV se répartissent ainsi :

• 105 millions de francs justifiés par la diminution de l'ajustement structurel au bénéfice des dons-projets (chapitre 41-43) ;

• 174,5 millions de francs au titre de l'assistance technique (chapitre 42-12) dont 137 millions correspondent à une réelle diminution;

• 10 millions de francs sur l'aide alimentaire en raison de la signature à venir de la convention faisant de l'ONIC l'opérateur unique de l'aide alimentaire programmée (chapitre 42-26) ;

• 25,7 millions de francs pour la coopération de défense (chapitre 42-29) dont 16 sont un transfert vers le titre III ;

• 3,5 millions de francs sur l'appui à la coopération décentralisée.

A l'inverse, les lignes coopération ne bénéficient d'aucune progression des crédits, mise à part celle du Fonds humanitaire d'urgence mais seulement pour un montant de 6 millions de francs.

Enfin, l'apparente stabilisation des subventions publiques accordées sur titre VI cache mal une baisse très importante du volume des crédits de paiement dont bénéficiera l'ancien FAC devenu Fonds de solidarité prioritaire. Ceux-ci passent en effet de 1.018 millions de francs à 922 millions. Parallèlement, la direction du Trésor a obtenu que les dons transitant par l'AFD soient désormais isolés. Les crédits de paiement à ce titre ont d'ailleurs augmenté, s'élevant pour 2000 à 922 millions de francs contre 726 millions de francs en 1999.

2. La diminution inquiétante des crédits d'intervention propres aux pays de la ZSP

a) La diminution de nos moyens d'intervention se fait d'abord au profit de l'audiovisuel extérieur et de la coopération culturelle

Les crédits en faveur de l'aide technique au développement (42-12) ont diminué de 174,4 millions de francs tandis que ceux de la coopération culturelle et scientifique (42-11) ont augmenté de 117,8 millions de francs. Ainsi que l'indiquait le ministre délégué à la coopération et à la francophonie devant la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale aux députés : " vous avez observé une baisse des crédits du chapitre 42-12 au bénéfice du 42-11. C'est le résultat d'un arbitrage qui a été rendu en faveur de la coopération culturelle et au détriment de la coopération technique " 14( * ) .

Le ministre délégué aurait pu compléter son propos en y ajoutant la baisse des crédits en faveur des concours financiers (105 millions de francs) et celle des crédits de la coopération militaire (25,8 millions de francs), et en plaçant en regard la seconde priorité du Gouvernement qui est l'action audiovisuelle extérieure (25,3 millions de francs supplémentaires).

Le Gouvernement fait le choix d'opérer des réductions de crédits sur l'aide au développement et d'affecter une partie des économies réalisées à la culture et à l'audiovisuel.

En réalité, ces priorités sont plus chichement dotées que ne l'indique le Gouvernement.

En effet, selon que l'on effectue des comparaisons en gestion ou bien de loi de finances initiale à loi de finances initiale, les ordres de grandeur changent en raison du transfert de 40 millions de francs (92 millions de francs étaient prévus à l'origine) de crédits du chapitre de la coopération technique au développement vers celui de la coopération culturelle et scientifique. Il convient donc d'être cohérent en retenant le même mode de calcul pour évaluer la baisse des crédits de l'assistance technique. Soit la coopération culturelle progresse de 6,4 % et alors la coopération technique diminue de 9,3 % ; soit la coopération culturelle augmente de 4 % et alors la coopération technique diminue de 7,9 %.

Transferts de la coopération technique vers la coopération culturelle

(en millions de francs)

 

LFI 1999

Exécution 1999 (*)

LFI 2000

Changement de périmètre (**)

LFI 2000/ LFI 1999

LFI 2000 / exécution et changement de périmètre

Coopération culturelle et scientifique (42-11)

1.746,7

1786,7

1.858,6

-

+ 111,9

+ 6,4 %

+ 71,9

+ 4 %

Coopération technique et au développement (42-12)

1.887,1

1.847,1

1.711,8

- 13

- 175,3

- 9,3 %

- 135,3 %

- 7,9 %

Total

3.633,8.

3.633,8

3.570,4

- 13

- 63,4

- 1,7 %

- 76,4

- 2,1 %

(*) Transfert de 40 millions de francs pour mauvaise estimation des crédits la première année de la réforme de la coopération

(**) Transfert des dépenses d'hébergement des assistants techniques du chapitre 41-43 vers le chapitre 42-12


Il s'agit bien de montrer des priorités et d'y affecter des crédits supplémentaires. Votre rapporteur spécial ne contestera jamais au Gouvernement le droit de choisir. Il compte cependant éclairer ces choix et les discuter.

b) Elle se fait également au profit du budget des affaires étrangères

L'analyse globale des grandes masses du budget des affaires étrangères et de la structure " coopération " montre que les économies réalisées sur cette dernière permettent d'augmenter les moyens du quai d'Orsay et de financer les investissements de l'Etat comme la construction des ambassades de France à Berlin et Abuja, la réhabilitation du Palais Farnèse, celle du lycée français de Milan ou des Instituts français de Mexico et Tunis.

Evolutions des budgets des affaires étrangères et de la coopération

(en millions de francs)

 

Variation totale du budget des affaires étrangères
PLF 2000/LFI 1999

Variation " structure coopération " (*)
PLF 2000/LFI 1999

Titre III

+ 112 soit + 1,3 %

n.d.

Titre IV

- 195 soit - 2 %

- 312,6 soit - 9,4 %

Titre V

 
 

AP

+ 197 soit + 70,1 %

- 30 soit - 100 %

CP

+ 120 soit + 43,2 %

- 27 soit - 100 %

Titre VI

 
 

AP

- 3 soit - 0,1 %

0

CP

+ 96 soit + 5,3 %

+ 96

Total DO + CP

+ 133

- 243,6

(*) Hors coopération culturelle et scientifique et action audiovisuelle extérieure

Le ministère des affaires étrangères ne peut en réalité effectuer sa réforme, présenter un budget en légère hausse et financer ses priorités (audiovisuel, bourses) que grâce aux fortes économies en personnel réalisées par l'intégration du ministère de la coopération d'une part, par la baisse des moyens d'intervention de l'ancienne structure " coopération " d'autre part. Ce ne sont pas les économies qui sont contestables mais le redéploiement des crédits ainsi libérés.

c) La coopération reste la première cible des mesures de régulation budgétaire.

En 1999, les crédits du FAC ont subi 460 millions de francs d'annulation d'autorisations de programme et 78 millions de francs d'annulation de crédits de paiement.

La régulation budgétaire en 1999 sur le chapitre 68-91

(en millions de francs)

 

Article 10
(FAC)

Article 20
(Premier ministre)

Article 40
(dons-projets AFD)

Autorisations de programme

 
 
 

Crédits ouverts en LFI

1.250

50

1.000

Report

19

0

0

Mouvements de crédits

0

0

0

Annulation de crédits

- 410

- 50

- 167

Total des crédits ouverts

859

0

833

Crédits de paiement

 
 
 

Crédits ouverts en LFI

1.018

50

726

Report

3

5

132

Mouvements de crédits

0

0

5

Annulation de crédits

- 28

- 50

- 25

Total des crédits ouverts

990

0

838

Ces mesures de régulation portent donc sur 32,8 % des AP ouvertes en loi de finances initiale sur l'article 10. Elles ont pour origine principale les besoins en aide humanitaire pour le Kosovo (210 millions de francs en AP et 83 millions de francs en CP). Une partie de l'effort humanitaire de la France pour les Balkans a donc pesé sur les pays du Tiers Monde.

Cette régulation s'est moins fait sentir s'agissant des crédits de paiement puisque " seulement " 83 millions de francs ont été touchés (soit en net 78 millions de francs si on intègre 5 millions de francs de crédits ouverts à l'AFD par le décret du 24 novembre 1999 au titre de ses nouvelles ocmpétences). Il ne faut pas se réjouir de cette moindre diminution. Elle révèle que l'écart entre les autorisations de programme et les crédits de paiement ouverts en loi de finances impose des contraintes qui deviennent insurmontables. Il était de 232 millions pour le FAC et de 274 millions de francs pour l'AFD en loi de finances initiale pour 1999.

Le décalage entre autorisations de programme et crédits de paiement commence à devenir vraiment délicat comme le montrent certaines mesures :

• bien plus forte régulation sur les autorisations de programme que sur les crédits de paiement ;

• augmentation des reports de crédits d'une année sur l'autre ;

• allongement des délais de vie des projets FAC pour atteindre en moyenne 44 mois (même si d'autres raisons s'ajoutent aux difficultés et lenteurs des décaissements).

Ainsi la France engage-t-elle de plus en plus sa parole et suscite de plus ne plus d'en allongeant les délais de réalisation, quand il ne s'agit pas de revenir sur certaines décisions pour des raisons de régulation.

Pour la loi de finances 2000, il est à espérer qu'une future régulation ne touche pas à nouveau à ces crédits de paiement. Rien n'est moins sûr puisque les autorisations de programme de l'AFD ont été augmentées de 140 millions de francs en seconde délibération, sans que ses crédits de paiement n'augmentent en parallèle.

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