III. DES DIFFICULTÉS PERSISTANTES DANS LA PRISE EN CHARGE DES BLESSÉS
Le rapporteur identifie des difficultés de deux ordres insuffisamment pris en compte ou non prises en compte par le plan blessé.
Les premières sont liées à une inadaptation des démarches et de l'accompagnement actuels au cas de la blessure psychique s'étant déclarée après le départ des armées.
La seconde difficulté est liée aux modalités de revalorisation des PMI, entrainant une perte de valeur réelle de ces dernières face à l'inflation.
A. DES DÉMARCHES ADMINISTRATIVES SIMPLIFIÉES MAIS RESTANT INADAPTÉES À CERTAINES BLESSURES PSYCHIQUES
1. Une procédure de demande de PMI lourde pour laquelle une simplification forte a été engagée
Les dispositifs d'aide aux militaires blessés, dont les PMI, se caractérisent par leur complexité. Cette dernière s'explique par deux éléments principaux : premièrement, l'ancienneté de cette aide a entrainé une agrégation de dispositifs et procédures ayant comme résultat des aides complexes à comprendre et à demander ; deuxièmement, elle résulte aussi de la volonté de coller au plus près à la situation de ce dernier, ce qui est louable.
Pour autant, cela rend leur accès complexe pour les blessés, notamment les blessés psychiques, qui se trouvent généralement dans une situation de détresse peu compatible avec des démarches administratives, même simples.
S'agissant des militaires dont la blessure est subie lors de leur service, l'administration des armées fait preuve d'une certaine proactivité : le SSA va prendre en charge le blessé et le commandement rédige un rapport circonstancié décrivant les circonstances de survenue de la blessure. Les demandeurs disposent par ailleurs d'un portail spécifique pour les demandes de PMI. La demande initiale a été simplifiée par le plan blessé.
Les militaires sont généralement encouragés à réaliser une demande de PMI lorsqu'ils sont blessés, afin de permettre un traitement plus rapide de la demande et parce que la PMI, si elle est concédée, est versée à compter de la date de la demande. Avec la fusion de la demande de PMI et de la demande d'indemnisation complémentaire Brugnot, ces deux demandes sont ainsi déposées très tôt.
Cependant, les PMI sont attribuées au moment de la stabilisation de la blessure, après expertise par un médecin.
De plus, l'attente de la stabilisation de la blessure entraine nécessairement un temps de traitement important de la demande et donc des démarches, notamment en ce qui concerne l'expertise médicale, étalées dans le temps. Le militaire bénéficiera néanmoins d'un congé en position d'activité ou de non-activité le temps de cette stabilisation.
Il faut également souligner que cette demande met le blessé dans une situation contradictoire : meilleure sera sa situation lors de la stabilisation, moins importante sera son indemnisation.
Le plan blessé a heureusement automatisé les demandes de renouvellement de PMI et de remontée au taux du grade lors du départ du militaire de l'institution, évitant la multiplication des démarches administratives.
Aussi, si les démarches administratives des blessés restent relativement lourdes, dans le cas d'un blessé physique assisté par l'ASA, le plan blessé semble avoir significativement simplifié les procédures de demande d'indemnisation, ce qu'il faut saluer. Si sa mise en oeuvre est encore récente, ces mesures devraient avoir un impact concret sur les démarches que doivent réaliser les blessés.
2. Pensée pour la blessure physique, la procédure est mal adaptée à la blessure psychique
Si le parcours de la PMI pour le cas d'une blessure physique - se basant sur l'hypothèse d'une déclaration au sein des armées - apparait largement simplifié, tel n'est pas le cas pour le blessé psychique, notamment si sa blessure ne se déclare qu'après la radiation des cadres.
a) Un type de blessure dont la déclaration est tardive, plus difficilement détectable et entravant la capacité à réaliser des démarches administratives
La blessure psychique présente des particularités qui rendent sa prise en compte difficile.
Premièrement, cette dernière peut se déclarer de manière très différée dans le temps, parfois plusieurs années après l'évènement traumatique qui l'aura causée. De plus, ce n'est parfois pas toujours un évènement traumatique particulier qui cause la blessure mais une suite d'évènements et de situations qui, cumulés, entraineront la blessure. Aussi, le lien avec le service peut parfois être difficile à caractériser.
Il s'agit d'une blessure invisible. Sa détection est plus complexe quand bien même elle se serait déclarée. Or, la non détection entraine une absence de prise en charge et d'orientation du blessé vers les entités en mesure de l'aider.
Enfin, la blessure psychique peut être incompatible avec le fait de remplir un CERFA ou de réaliser un dossier administratif. Or, le versement d'une indemnité ou le bénéfice d'un dispositif restent conditionnés à la réalisation d'une démarche administrative qui passera nécessairement par des demandes de pièce et de remplissage de formulaires, ce qu'un blessé psychique seul peut être matériellement incapable de faire.
Un témoignage de blessé psychique recueilli indiquait qu'il avait eu besoin de deux mois pour réaliser son dossier de demande de PMI et que cela avait nécessité que son conseiller de l'ONaCVG vienne le voir chaque semaine à son domicile. Le blessé a également témoigné que la réalisation de ce dossier avait été très violente pour lui car elle l'avait obligé à refaire face à l'évènement traumatique qui avait causé sa blessure en le forçant à le décrire à de multiples occasions.
b) Une procédure pensée pour un blessé faisant partie de l'institution
La demande de PMI est longue, ne serait-ce que parce qu'il faut que la blessure soit stabilisée. Or, des congés existent pour le militaire blessé lorsqu'il fait encore partie de l'institution, pendant lesquels il garde le bénéfice de tout ou partie de sa solde et durant en principe le temps de sa réhabilitation. De plus, si la blessure stabilisée rend le militaire inapte et entraine sa réformation, par extension ce dernier pourra bénéficier d'une PMI, éventuellement majorée d'une allocation spéciale aux grands invalides.
La situation est très différente dans le cas où la blessure se déclare après que le blessé ait quitté l'armée.
La procédure de demande ne sera pas réduite dans le temps. Au contraire, l'association « Gueules cassées » estime qu'il faut en moyenne deux ans pour que les demandes des blessés psychiques qu'elle accompagne aboutissent.
Durant ce temps, le blessé ne bénéficie pas des congés du militaire lui permettant de conserver des revenus dans l'attente de la stabilisation de sa situation. S'il n'est pas ressortissant de l'ONaCVG au titre d'une des autres catégories de ressortissant (par exemple, titulaire de la carte du combattant), il ne peut pas non plus prétendre à l'aide sociale de l'Office.
De plus, l'imputabilité au service sera plus difficile à établir pour une blessure qui se sera déclarée plusieurs mois ou années après le fait générateur.
c) Un risque d'isolement lié à la durée du congé de longue durée maladie
La blessure psychique, lorsqu'elle se déclare avant le départ de l'institution du blessé, ouvre le droit au congé de longue durée pour maladie, d'une durée maximum de 8 ans.
Si ce congé est indéniablement nécessaire, il peut conduire le blessé psychique à s'isoler socialement.
C'est pourquoi un accompagnement des blessés psychique sur cette période et leur intégration à des dispositifs de réhabilitation comme ATHOS est essentiel afin d'éviter cet isolement.
d) La nécessité d'une adaptation des procédures à la blessure psychologique
Tous ces facteurs conjugués montrent une inadaptation de la procédure aux particularités de la blessure psychique.
Il apparait nécessaire au rapporteur que ces particularités soient prises en compte et que des adaptations soient apportées aux aides ou procédures.
En tout état de cause, un accompagnement systématique et volontariste de ces blessés dans leurs démarches et leur réhabilitation apparait nécessaire pour leur permettre d'obtenir une PMI à laquelle ils ont légitimement droit et éviter qu'ils ne sombrent dans un isolement social complet.
Recommandation n° 3 : Adapter les procédures de demande de pensions militaires d'invalidité à la situation particulière des blessés psychiques, notamment dans le cas où ceux-ci ont déjà quitté les armées.