B. IL N'EN EST PAS MOINS NÉCESSAIRE DE RAMENER LA SÉCURITÉ SOCIALE À L'ÉQUILIBRE

1. La sécurité sociale ne peut rester durablement déficitaire
a) La sécurité sociale ne peut pas être durablement en déséquilibre

Toutefois la sécurité sociale ne peut pas être en déséquilibre structurel entre les recettes et les dépenses.

Elle n'est en effet pas censée faire financer les dépenses des générations présentes par les générations futures.

C'est pour cette raison que l'Acoss n'est autorisée par la loi à s'endetter qu'à court terme, et que l'architecture financière actuelle prévoit que la dette de la sécurité sociale doit être amortie par la Cades.

b) La sécurité sociale risquerait de ne pas pouvoir jouer son rôle d'amortisseur en cas de nouvelle crise

La sécurité sociale aurait, selon les prévisions du rapport de juin 2025 à la commission des comptes de la sécurité sociale, un déficit de 21,9 milliards d'euros en 2025 et 24,8 milliards d'euros en 2029.

Il s'agirait d'une situation sans précédent hors période de crise, d'autant plus que le déficit serait durable et s'accroîtrait.

Aussi, si une nouvelle crise survenait, il ne serait pas évident que la sécurité sociale puisse jouer son rôle d'amortisseur social et de stabilisateur automatique, comme lors de la crise de 2008-2009 ou de la récente crise sanitaire. On partirait en effet d'une situation dégradée, marquée par un déficit élevé.

c) La sécurité sociale risque une crise de liquidité

À cela s'ajoute une fragilité propre à la sécurité sociale, qui est que son mécanisme de financement, prévu pour satisfaire de simples besoins de trésorerie, n'est pas conçu pour lui permettre d'accumuler les déficits.

En effet, du fait des déficits cumulés, le plafond de trésorerie de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), qui ne peut s'endetter qu'à court terme sur les marchés financiers, atteint un niveau tel que le financement de la sécurité sociale est menacé à brève échéance. Selon les responsables de l'Acoss, auditionnés par les rapporteures, la sécurité sociale se trouvera fin 2025 dans une zone de risque, et en conséquence de l'accumulation des déficits prévisionnels, la capacité de l'Acoss à financer son besoin de trésorerie pourrait devenir critique dès 2027 (cf. infra).

2. Le déficit actuel des administrations publiques considérées dans leur ensemble n'est pas soutenable
a) Le déficit actuel des administrations publiques, de près de 6 points de PIB, n'est pas soutenable

Le déficit de la sécurité sociale n'est qu'une composante d'un déficit des administrations publiques lui aussi sans précédent hors période de crise.

Selon le Gouvernement, la France aurait en 2025 un déficit des administrations publiques de 5,4 points de PIB (après 5,8 points de PIB en 2024), ce qui en ferait le plus élevé de la zone euro65(*), loin du seuil maximal de 3 points de PIB fixé par le pacte de stabilité et de croissance.

La France ne peut conserver durablement un tel niveau de déficit, qui se traduirait par une forte augmentation de sa charge d'intérêt. Elle se trouverait alors dans l'obligation de réaliser des arbitrages difficiles entre ses dépenses dans des secteurs comme l'éducation, la recherche, la défense, la protection sociale.

b) Un effort prévu par le Gouvernement démissionnaire d'environ 170 milliards d'euros d'ici 2029 pour l'ensemble des administrations publiques

Le Gouvernement démissionnaire prévoyait donc des mesures d'ampleur afin de réduire le déficit des administrations publiques.

Ainsi, son premier plan budgétaire et structurel national à moyen terme (PSMT), transmis le 31 octobre 2024 à la Commission européenne, prévoit que le déficit des administrations publiques passerait sous le seuil de 3 points de PIB en 2029, avec un déficit de 2,8 points de PIB (cfencadré).

Pour atteindre cet objectif, le PSMT prévoit, pour l'ensemble des administrations publiques, en cumulé de 2026 à 2029, un ajustement structurel primaire (c'est-à-dire schématiquement un effort sur les recettes et les dépenses, en prenant pour référence une croissance des dépenses égale à celle du PIB potentiel) d'environ 3 points de PIB, soit environ 110 milliards d'euros66(*). En prenant en compte le fait que les dépenses tendent spontanément à augmenter plus rapidement que le PIB, les économies à réaliser sont encore plus importantes, et peuvent être estimée à environ 170 milliards d'euros67(*).

c) Ramener la sécurité sociale à l'équilibre en 2029 : un effort de 40 milliards d'euros en dépenses et en recettes

À titre de comparaison, l'objectif du Gouvernement démissionnaire de ramener la sécurité sociale à l'équilibre d'ici 2029 implique des mesures d'amélioration du solde d'environ 40 milliards d'euros68(*), en supposant que les hypothèses de croissance du Gouvernement sont vérifiées.

Les mesures d'amélioration du solde pour la sécurité sociale (40 milliards d'euros) représenteraient donc environ un quart de celles pour l'ensemble des administrations publiques (170 milliards d'euros). À titre de comparaison, la sécurité sociale représente 40 % des dépenses publiques.

Cet objectif de retour à l'équilibre semble suffisant.

Les mesures sur les dépenses et les recettes à prendre en cumulé en 2026-2029 pour respecter les objectifs du Gouvernement

(en milliards d'euros)

PSMT : plan budgétaire et structurel national à moyen terme (qui, avec les rapports d'avancement annuels, remplace les programmes de stabilité depuis la réforme du pacte de stabilité de 2024).

Effort structurel primaire : évolution du ratio dépenses primaires (c'est-à-dire hors charge d'intérêt)/PIB potentiel + mesures nouvelles sur les recettes. Le PIB potentiel est le PIB corrigé des effets de la conjoncture.

* Les 110 milliards d'euros figurent dans le rapport d'avancement annuel d'avril 2025. Les 60 milliards d'euros restants correspondent au cumul, sur quatre années, de l'écart entre l'effort structurel primaire prévu pour 2025 par le PSMT d'avril 2025 (1,6 point de PIB potentiel, soit environ 45 milliards d'euros) et les mesures sur les dépenses et les recettes prévues pour 2025 figurant dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2025, de 60,6 milliards d'euros.

** Les 15 milliards d'euros correspondent à une croissance de l'Ondam de 2,9 % par an (comme prévu par la LFSS pour 2025) au lieu d'une croissance spontanée de 4,5 % par an (on fait l'hypothèse que les dépenses hors dépenses de santé tendent globalement à augmenter au même taux que le PIB). Les 25 milliards d'euros restants correspondent au montant arrondi du déficit attendu en 2029 par le rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale de juin 2025 (24,8 milliards d'euros).

Source : Mecss du Sénat, d'après les sources indiquées

Le premier plan budgétaire et structurel national à moyen terme (PSMT)
et le premier rapport d'avancement annuel

Le premier PSMT (octobre 2024)

La réforme du pacte de stabilité d'avril 2024 remplace les programmes de stabilité et les programmes nationaux de réforme (PNR) par un document unique : les plans budgétaires et structurels nationaux à moyen terme (PSMT), devant être transmis tous les quatre ans.

La France a transmis le 31 octobre 2024 son premier PSMT à la Commission européenne. Ce document prévoit que le déficit des administrations publiques passerait sous le seuil de 3 points de PIB en 2029, avec un déficit de 2,8 points de PIB.

L'indicateur opérationnel unique utilisé pour piloter l'ajustement est celui dit de « dépenses nettes »69(*), qui correspond schématiquement, selon la terminologie française, à un effort structurel70(*) primaire.

Le tableau ci-après indique la trajectoire d'effort structurel primaire prévue par le PSMT pour l'ensemble des administrations publiques. Après 1,6 point de PIB (soit environ 50 milliards d'euros) en 2025, cet effort serait de 0,7 ou 0,8 point de PIB (soit environ 25 milliards d'euros) chaque année jusqu'en 2029.

Effort structurel primaire prévu par le PSMT

PSMT : plan budgétaire et structurel national à moyen terme.

Source : PSMT

Dans le PSMT, l'effort, défini en termes d'effort structurel, est exprimé par construction par rapport à une situation où les dépenses augmenteraient au même taux que le PIB potentiel, soit environ 1 % par an en volume. Les dépenses publiques tendant spontanément à augmenter davantage, les mesures à prendre pour réaliser cet effort correspondent à un effort bien plus important. Ainsi, les textes initiaux des PLF et PLFSS pour 2025 prévoyaient des mesures d'amélioration du solde pour un montant de 60,6 milliards d'euros (dont 14,8 milliards d'euros pour la sécurité sociale) ; et le Gouvernement a évalué les mesures à prendre en 2026 à 43,8 milliards d'euros.

Le PSMT n'indique pas comment l'effort doit se répartir entre les différentes catégories d'administrations publiques.

Le premier rapport d'avancement annuel (avril 2025)

Le premier rapport d'avancement annuel, relatif à la mise en oeuvre du PSMT pour l'année 2025, a été adressé à la Commission européenne en avril 2025.


* 65 Selon les prévisions de la Commission européenne du 19 mai 2025, le déficit de la France en 2025, de 5,6 points de PIB (contre 5,4 points de PIB selon le Gouvernement), serait suivi de ceux de la Belgique (5,4 points de PIB), de la Slovaquie (4,9 points de PIB), de l'Autriche (4,4 points de PIB), de la Finlande (3,7 points de PIB), de l'Italie (3,3 points de PIB) et de Malte (3,2 points de PIB).

* 66 Ce montant est confirmé par le rapport d'avancement annuel d'avril 2025 : le retour sous le seuil des 3 points de PIB en 2029 implique « un effort cumulé entre 2026 et 2029 de l'ordre de 110 milliards d'euros ».

* 67 L'effort structurel primaire prévu en 2025 par le PSMT d'octobre 2024 était de 1,6 point de PIB, soit environ 45 milliards d'euros. Le rapport économique, social et financier (Resf) annexé au projet de loi de finances pour 2025 prévoyait, avant la discussion des textes financiers, des mesures d'amélioration du solde de 60,6 milliards d'euros en 2025. Sur cette base, on peut évaluer les mesures à prendre concrètement chaque année pour respecter la trajectoire à environ 15 milliards d'euros de plus que le montant de l'effort structurel primaire.

* 68 Dont 15 milliards d'euros correspondant à une croissance de l'Ondam de 2,9 % par an au lieu d'une croissance spontanée de 4,5 % par an, et 25 milliards d'euros correspondant au déficit attendu en 2029 par le rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale de juin 2025 (24,8 milliards d'euros).

* 69 Les « dépenses nettes » sont en effet définies comme « les dépenses publiques, déduction faite des dépenses d'intérêts, des mesures discrétionnaires en matière de recettes, des dépenses relatives aux programmes de l'Union entièrement compensées par des recettes provenant de fonds de l'Union, des dépenses nationales de cofinancement des programmes financés par l'Union, des éléments cycliques des dépenses liées aux indemnités de chômage et des mesures ponctuelles et autres mesures temporaires ».

* 70 L'effort structurel est une notion introduite par le ministère du budget au sujet du projet de loi de finances pour 2004. Il s'agit de l'évolution du solde structurel, corrigée de l'évolution spontanée du ratio recettes/PIB (découlant des fluctuations spontanées de l'élasticité des recettes au PIB). Concrètement, il se définit comme la somme (en points de PIB) de la diminution du ratio dépenses/PIB potentiel et des mesures nouvelles sur les recettes.

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