B. BRANCHE MALADIE : RENFORCER LA GOUVERNANCE DE L'ONDAM
1. Des prévisions d'Ondam systématiquement sous-estimées depuis 2020
Toujours respecté de 2011 à 2019, l'Ondam est systématiquement dépassé depuis 2020.
Si cela était normal pendant la crise sanitaire, les dépassements de 2023, 2024, et vraisemblablement 2025 (cf. infra), traduisent une insuffisance de la gouvernance, résultant notamment d'un « biais optimiste » systématique.
L'irréalisme des prévisions d'Ondam pour les exercices 2023282(*) et 2024283(*) avait été souligné, notamment, par le Haut Conseil des finances publiques et par la commission des affaires sociales.
Ondam : prévision et exécution
(en milliards d'euros)
LFSS : loi de financement de la sécurité sociale. LFRSS : loi de financement rectificative de la sécurité sociale. Placss : projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale.
Pour chaque texte, les montants des trois dernières années sont calculés à partir des taux de croissance de l'Ondam figurant dans la progammation à moyen terme annexée.
Source : Mecss du Sénat, d'après les LFSS et Placss concernés
Avant mesures correctrices, le dépassement de la prévision pourrait avoir été encore plus élevé en 2025. Ainsi, le comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie a publié le 18 juin son deuxième avis obligatoire de 2025 (censé être publié « au plus tard le 1er juin »284(*)), dans lequel il estime qu'il existe un « risque sérieux » que l'Ondam dépasse l'objectif fixé par la LFSS d'au moins 0,5 %, soit 1,3 milliard d'euros (le total des risques évoqués par le comité d'alerte étant toutefois supérieur à ce montant).
Synthèse des risques de dépassement indiqués par le comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie dans son avis du 18 juin 2025
(en milliards d'euros)
Montant |
Remarque |
|
Principaux risques mis en avant par le
comité pour justifier |
||
Indemnités journalières (IJ) |
0,5 |
A minima |
Moindres économies sur les médicaments |
0,7 |
Reposent pour 0,6 milliard d'euros sur la conclusion d'un protocole d'accord entre le Leem et l'État, non signé à ce jour. |
Abaissement du taux plafond de remises commerciales sur les génériques |
0,1 |
L'arrêté n'a pas été pris. |
Total IJ et médicaments |
1,3 |
Total mentionné dans l'avis |
Autres écarts par rapport à la LFSS 2025 mentionnés dans l'avis |
||
Dépenses 2024 inférieures aux prévisions de la LFSS 2025 |
- 0,3 |
|
Report de négociations conventionnelles avec certaines professions de santé |
- 0,1 |
|
Economies incertaines (nouvelle convention avec les taxis, transport partagé, dispositifs médicaux...) |
0,2 |
|
Possible dépassement de l'activité tarifaire MCO du secteur « ex-DG » |
1,0 |
|
Possible non-atteinte des objectifs de maîtrise médicalisée de soins de ville |
ND |
L'objectif était de 0,9 Md€ dans la construction de l'Ondam 2025, dont 0,3 Md€ hors maîtrise médicalisée relative aux indemnités journalières et aux médicaments. |
Source : Mecss du Sénat, d'après l'avis du comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie du 18 juin 2025 (avis n° 2025-2)
La suite de la procédure, prévue par l'article L. 114-4-1 du code de la sécurité sociale, est que les caisses « proposent des mesures de redressement », et que le comité d'alerte « rend un avis sur l'impact financier de ces mesures et, le cas échéant, de celles que l'État entend prendre pour sa part ».
Le 23 juin 2025, la Cnam et la MSA ont transmis au Gouvernement une proposition de mesures, pour un montant total de 1,7 milliard d'euros, dont 0,7 milliard d'euros d'annulation de mises en réserve relatives à l'hôpital et 0,6 milliard d'euros pour la conclusion du protocole d'accord avec le Leem.
Le 25 juin 2025, le Gouvernement a annoncé des mesures quasiment identiques, également pour un montant de 1,7 milliard d'euros.
Dans son avis du 17 septembre 2025, le comité d'alerte, suggère que les mesures annoncées par le Gouvernement (qu'il évalue à 1,5 milliard d'euros, contre 1,7 milliard d'euros pour le Gouvernement) pourraient ne pas complètement suffire à respecter l'Ondam.
2. Un dispositif de pilotage infra-annuel insuffisant
a) Un deuxième avis du comité d'alerte trop tardif
Le tableau ci-après synthétise les principales échéances en matière de finances sociales au premier semestre.
Les principales échéances en matière de finances sociales au premier semestre
2022 (exercice 2021) |
2023 (exercice 2022) |
2024 (exercice 2023) |
2025 |
|
Annexes provisoires aux comptes |
31-mars |
31-mars |
entre le 8 et le 22 mars |
entre le 8 et le 22 mars |
Annexes définitives aux
comptes |
15-avr |
15-avr |
05-avr |
05-avr |
Production des comptes |
15-avr |
15-avr |
15-avr |
15-avr |
Publication par la Cour du rapport de certification des
comptes |
24-mai |
16-mai |
17-mai |
16-mai |
Réunion de la CCSS |
12-juil |
25-mai |
30-mai |
3-juin |
Avis du comité d'alerte |
30-mai |
07-juin |
26-juil |
18-juin |
Dépôt du Placss |
- |
24-mai |
31-mai |
23-mai |
Discussion du Placss en séance (AN) |
- |
06-juin |
15-oct |
10-juin |
AN : Assemblée nationale. CCSS : commission des comptes de la sécurité sociale. CJF : code des juridictions financières. CSS : code de la sécurité sociale. Placss : projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale.
Source : Mecss du Sénat
La date de production des comptes par les caisses ne permet pas au comité d'alerte sur l'Ondam de rendre son avis sur l'exécution de l'année en cours avant le 1er juin, comme il est censé le faire285(*).
En effet, la date de production des comptes par les caisses conditionne notamment la date de la première réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS), qui ne peut actuellement avoir lieu avant fin mai-début juin.
Or, le rapport à la CCSS et l'avis du comité d'alerte mettent à contribution les mêmes personnes : le secrétaire général de la CCSS (un magistrat de la Cour des comptes)286(*) est de droit l'un des trois membres du comité d'alerte, dont il est chargé d'organiser les travaux287(*), et la DSS est bien sûr sollicitée par le comité d'alerte.
Tout cela a pour effet qu'en pratique le comité d'alerte ne peut pas respecter l'échéance du 1er juin. En 2023, l'avis, appelant à « une grande vigilance [...] pour respecter l'Ondam », a été publié avec près d'une semaine de retard288(*), le lendemain de l'examen du Placss en séance publique par l'Assemblée nationale. En 2024, l'avis n'avait toujours pas été adopté lors de la dissolution de l'Assemblée nationale le 9 juin, qui a conduit à en reporter encore la publication, au 26 juillet289(*). En 2025, l'avis a été publié le 18 juin en fin d'après-midi, alors que l'examen du Placss par l'Assemblée nationale avait eu lieu le 10 juin et que la commission des affaires sociales du Sénat avait examiné le texte le matin du 18 juin.
Plus des mesures correctrices sont adoptées tardivement, plus leur effet sur l'exercice concerné est faible. Toutefois le Gouvernement a présenté le 25 juin 2025 des mesures de redressement d'un montant selon lui suffisant.
Le problème semble surtout concerner les prérogatives du Parlement. La publication de l'avis dans la seconde quinzaine de juin rend en pratique impossible l'adoption de mesures législatives, par exemple dans le cadre d'une loi de financement rectificative de la sécurité sociale (LFRSS). Par ailleurs, ce calendrier n'est pas cohérent avec celui de l'examen du Placss.
b) La mise en réserve prudentielle sur l'Ondam, qui repose essentiellement sur l'hôpital et les ESMS, contribue à aggraver leur déficit
Le principal instrument de régulation infra-annuelle, la mise en réserve prudentielle sur l'Ondam, n'a pas d'effet évident sur le solde des administrations publiques.
(1) Une mise en réserve portée à 0,4 % en 2025
La loi de programmation des finances publiques (LPFP) 2023-2027 dispose qu'« à compter du 1er janvier 2024, une fraction représentant 0,3 % du montant de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie de l'ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale est mise en réserve au début de chaque exercice »290(*).
En 2024, la mise en réserve a correspondu à ce taux de 0,3 %. Cela n'a pas empêché (malgré un gel de 0,3 milliard d'euros sur les établissements de santé) un dépassement de l'Ondam de 1,5 milliard d'euros, soit 0,6 % de l'objectif initial (le comité de suivi de l'Ondam n'ayant pas considéré en cours d'année qu'il existait un « risque sérieux » de dérapage de plus de 0,5 %).
En 2025, la mise en réserve a été portée à 1,1 milliard d'euros, soit 0,4 % du montant de l'Ondam.
La mise en réserve prudentielle sur l'Ondam en 2024 et en 2025
(en millions d'euros)
2024 |
2025 |
|||||
Ondam* |
Montants |
Ondam*** |
Montants mis en réserve |
|||
Sous-objectifs |
En milliards d'euros |
En milliards d'euros** |
En % du sous-objectif |
En milliards d'euros |
En milliards d'euros**** |
En % du sous-objectif |
Soins de ville |
108,4 |
- |
- |
113,2 |
- |
- |
Établissements de santé |
105,6 |
0,492 |
0,47 |
109,6 |
0,687 |
0,6 |
Établissements et services médico-sociaux |
31,5 |
0,134 |
0,43 |
33,3 |
0,241 |
0,7 |
Dépenses relatives au Fonds d'intervention régional et soutien national à l'investissement |
6,1 |
0,084 |
1,38 |
6,3 |
0,060 |
1,0 |
Autres prises en charge |
3,3 |
0,055 |
1,67 |
3,4 |
0,111 |
3,3 |
Total |
254,9 |
0,765 |
0,30 |
265,9 |
1,100 |
0,4 |
* Source : LFSS 2024.
** Source : Comité d'alerte des dépenses d'assurance maladie, avis n° 2024-2 du 26 juillet 2024.
*** Source : LFSS 2025.
**** Source : Gouvernement, Installation du comité d'alerte du budget 2025, diaporama, 15 avril 2025.
Source : Mecss du Sénat, d'après les sources indiquées
La mise en réserve de l'Ondam
La mise en réserve d'une fraction de l'Ondam a été instituée par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2011 à 2014291(*) et reconduite par les lois de programmation successives. La loi de programmation pour les années 2023 à 2027 dispose qu'« à compter du 1er janvier 2024, une fraction représentant 0,3 % du montant de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie de l'ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale est mise en réserve au début de chaque exercice »292(*).
Le code de la sécurité sociale293(*) dispose qu'une annexe au PLFSS doit préciser le périmètre de l'Ondam et sa décomposition en sous-objectifs, et fournir des éléments sur l'exécution de l'objectif national en détaillant, le cas échéant, les mesures correctrices envisagées.
Pour autant, cette annexe ne procure, chaque année, que peu d'informations sur la mise en réserve de l'Ondam ou sur les modalités de son éventuel dégel. Seuls les avis du comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie évoquent la mise en réserve de façon plus détaillée, notamment sur sa répartition entre les sections de l'Ondam, mais là encore, le niveau d'information peut s'avérer inégal selon les années.
(2) Un effort qui exclut les soins de ville et porte presque exclusivement sur l'hôpital
Les soins de ville sont systématiquement dispensés de toute mise en réserve et peu régulés. En pratique, les mises en réserve sur l'hôpital servent à financer les dépassements des dépenses relatives aux soins de ville.
La mise en réserve en 2025 porte donc essentiellement sur les établissements hospitaliers (0,687 milliard d'euros sur 1,1 milliard d'euros), répartie entre le « coefficient prudentiel » (0,420 milliard d'euros) et les dotations (0,267 milliard d'euros).
Dans son avis du 18 juin 2025, le comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie estime qu'en 2025, les dépenses hospitalières de médecine, chirurgie et obstétrique (MCO) pourraient être supérieures d'un milliard d'euros aux prévisions. Si tel était le cas, la somme mise en réserve ne permettrait même pas de compenser les dépassements de l'hôpital.
Le coefficient prudentiel des établissements de santé
Le I de l'article L. 162-22-3-2 du code de la sécurité sociale prévoit que les tarifs hospitaliers « peuvent être minorés par l'application d'un coefficient, de manière à concourir au respect de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie » et que « la valeur de ce coefficient peut être différenciée par catégorie d'établissements ». « Au regard notamment » de l'avis que le comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie doit rendre au plus tard le 15 octobre, « l'État peut décider de verser aux établissements de santé tout ou partie » des sommes mises en réserve.
Ces dispositions ont été instaurées par l'article 60 de la LFSS pour 2013294(*).
Leurs modalités d'application sont prévues par les articles R. 162-33-7 et R. 162-33-8 du code de la sécurité sociale, qui prévoient respectivement que la valeur du coefficient est fixée par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, et que la décision éventuelle de dégel est prise par arrêté des mêmes ministres, avant le 31 décembre de l'année en cours et après consultation de l'observatoire économique de l'hospitalisation publique et privée.
Fixé à 0,35 % en 2013, le coefficient a été porté à 0,5 % en 2017 puis 0,7 % en 2017. Le montant correspondant est de 420 millions d'euros en 2025.
(3) Des gels qui contribuent à l'aggravation du déficit hospitalier
Par ailleurs, les gels contribuent à l'aggravation du déficit hospitalier, en hausse continue depuis 2020.
Or, le déficit de la sécurité sociale n'a en tant que tel que peu d'intérêt. Ce qui importe du point de vue de la soutenabilité des finances publiques, c'est le déficit des administrations publiques, dont font partie les hôpitaux (qui sont des administrations de sécurité sociale).
Le déficit des établissements publics de santé, de 0,1 milliard d'euros en 2020, a été de 2,3 milliards d'euros en 2023, et pourrait selon le ministère chargé de la santé être compris entre 3 milliards d'euros et 3,2 milliards d'euros en 2024295(*).
3. Renforcer le pilotage des dépenses de santé
a) Mettre fin au biais optimiste dans la prévision de l'Ondam, en incluant une marge de précaution, en évitant les mesures trop coûteuses, voire en la confiant à un organisme indépendant ?
Le premier sujet est de mettre fin au biais optimiste dans la prévision de l'Ondam.
Cela implique d'évaluer correctement le tendanciel, les mesures coûteuses et les mesures d'économie. Or le tendanciel peut être sous-estimé (comme semble-t-il en 2025 dans le cas des indemnités journalières) ; et si les mesures coûteuses sont à peu près certaines, les mesures d'économie sont plus aléatoires (comme la Cour des comptes et le comité d'alerte des dépenses d'assurance maladie l'ont souligné s'agissant respectivement des exercices 2024 et 2025).
On pourrait donc intégrer, dans la prévision de l'Ondam, une marge de précaution.
Par ailleurs, réduire le montant annuel des mesures coûteuses, qui doivent être financées par des économies généralement surévaluées, tendrait à réduire l'erreur globale296(*).
Si les prévisions d'Ondam conservaient leur biais optimiste, il pourrait être décidé de confier le soin de leur réalisation à un organisme indépendant.
Une solution intermédiaire, que la Cnam préconise d'inclure dans le PLFSS pour 2026, serait de « soumettre chaque année le détail de la construction de l'Ondam à un examen approfondi indépendant, qui pourrait être réalisé par le comité d'alerte, et notamment sur deux volets :
- les tendanciels d'évolution, en ville comme à l'hôpital, des différents postes de dépenses (hypothèses prix/volume...) ;
- le contenu détaillé des mesures d'économies (quantum, modalités...) sous-jacentes à l'Ondam »297(*).
b) Veiller à ce que le comité d'alerte rende son deuxième avis « au plus tard le 1er juin », et si possible mi-mai, afin notamment de permettre une bonne articulation avec l'examen du Placss ?
Comme on l'a vu supra, le comité d'alerte ne peut en pratique pas respecter, pour son deuxième avis, l'échéance du 1er juin fixée par l'article L. 114-4-1 du code de la sécurité sociale.
Si l'on souhaitait que le comité d'alerte rende cet avis en temps plus utile, notamment pour permettre une bonne articulation avec l'examen du Placss298(*), une première possibilité serait d'anticiper la production des comptes, afin de permettre à la CSSS de se tenir plus tôt. Ainsi, la Cour des comptes, dans ses rapports sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale (Ralfss) de mai 2023, mai 2024 et mai 2025, demande que la production des comptes soit anticipée (de 15 jours selon le Ralfss 2023, de 10 jours selon les Ralfss 2024 et 2025).
Une deuxième possibilité serait de dissocier le statut d'organisateur des travaux du comité d'alerte de celui de secrétaire général de la CCSS. Toutefois une telle mesure pourrait se heurter à une faible réactivité de la DSS, fortement mise à contribution à la fois pour les travaux de la CCSS et pour ceux du comité d'alerte.
c) Se doter de nouveaux instruments de régulation ?
(1) Étendre la mise en réserve aux soins de ville ?
Une réflexion pourrait être menée sur la répartition de l'effort de régulation entre les différentes sections de l'Ondam, au regard par exemple des dépassements observés de façon récurrente pour les soins de ville.
La commission des affaires sociales avait adopté un amendement299(*) en ce sens lors de l'examen de la loi de programmation des finances publiques 2023-2027, pour que la mise en réserve s'applique de manière uniforme à chacun des sous-objectifs de l'Ondam. Il n'avait pas été retenu par le Gouvernement.
(2) Développer des mécanismes d'ajustement prix-volume ?
Avant la LFSS pour 2025, il existait déjà des mécanismes d'ajustement prix-volume, avec la clause de sauvegarde des médicaments et le protocole relatif à la biologie.
De tels mécanismes ont été instaurés en 2025 pour la radiologie et des transports de patients.
Les mécanismes de régulation prix-volume existants
La biologie
Le principal outil de régulation prix-volume existant dans le champ conventionnel concerne la biologie. Inscrit dans le protocole 2024-2026 conclu entre l'Assurance maladie et les biologistes, il prévoit la mise en place de mécanismes de régulation (se traduisant principalement par une « baisse du B »300(*)) en cas de dépassement prévisible de l'enveloppe de dépenses prévue pour l'année en cours.
Cette clause a été activée à plusieurs reprises (pour la dernière fois par voie conventionnelle pour un montant d'économies de 140 millions d'euros en janvier 2024, puis, en août 2024 par décision unilatérale du directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam) pour un montant de 360 millions d'euros d'économies en année pleine).
Elle nécessite la signature d'un avenant conventionnel, et donc l'accord des organisations syndicales. La forte mobilisation des organisations syndicales en 2024 a conduit à suspendre l'application du dispositif jusqu'à fin 2026.
L'imagerie et les transports de patients
L'article 41 de la LFSS 2025 étend la logique de ce dispositif à l'imagerie et au transport de patients (transport sanitaire et transport par taxi).
Il prévoit que des accords de maîtrise des dépenses peuvent être conclus dans le champ de la biologie, de l'imagerie médicale et du transport de patients301(*). Ces accords doivent comprendre des objectifs quantitatifs ou une trajectoire de maîtrise des dépenses, ainsi que des mesures correctrices à adopter en cas de non-respect annuel ou infra-annuel de ceux-ci.
Dans le cas particulier de l'imagerie médicale et des transports de patients, en l'absence de conclusion au 30 septembre 2025 d'un accord de maîtrise des dépenses permettant de réaliser, dans chaque cas, un montant d'au moins 300 millions d'euros d'économies sur les années 2025 à 2027, le directeur général de l'Uncam peut procéder jusqu'au 31 octobre 2025 à des baisses de tarifs permettant d'atteindre le montant d'économies prescrit.
Le texte initial prévoyait d'autres possibilités de baisse des tarifs :
- par le directeur général de l'Uncam, en cas de dérapage des dépenses, et lorsque les mesures correctrices n'étaient pas adoptées ou étaient insuffisantes ;
- par les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, en l'absence de la conclusion d'un accord de maîtrise des dépenses dans un délai de quatre mois à compter de la saisine.
Ces possibilités d'imposer des baisses de tarifs ont été supprimées par le Parlement, à l'initiative du Sénat et de sa commission des affaires sociales. En effet, attachée à l'exercice conventionnel, la commission a souligné que les dérogations à la procédure de négociation des tarifs devaient demeurer exceptionnelles et faire l'objet d'une autorisation parlementaire systématique.
Des mécanismes de régulation prix-volume pourraient être étendus à d'autres secteurs.
Il paraît difficilement envisageable de transposer à la médecine de ville les dispositifs existant dans le cas de la biologie, de l'imagerie ou des transports de patients302(*). D'autres mécanismes sont toutefois techniquement concevables, comme le conditionnement des revalorisations conventionnelles à l'atteinte d'objectifs sur les volumes.
Point d'accord n° 7 : Mettre en place une gouvernance effective de l'Ondam, reposant notamment sur des prévisions non biaisées et un renforcement des outils de régulation infra-annuelle.
* 282 « Des risques de dépassement affectent par ailleurs certaines dépenses. En particulier, les dépenses sur le champ de l'Ondam comprennent une provision de seulement 1 milliard d'euros au titre des dépenses de covid 19 sur les achats de vaccins et la campagne de tests. Cette provision, qui suppose notamment une chute massive des dépenses de tests (division par 20 par rapport à 2021), risque de se révéler très insuffisante » (Haut Conseil des finances publiques, avis n° HCFP - 2022 - 4 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l'année 2023, 21 septembre 2022).
* 283 « Le Gouvernement prévoit un net ralentissement de l'Ondam (+ 3,2 % après + 4,8 %), supposant un infléchissement de la tendance spontanée des soins de ville, qui semble optimiste, et un volant d'économies de 3,5 milliards d'euros. Un tel montant d'économies a déjà été atteint par le passé, mais paraît plus difficile à réaliser dans un contexte de tensions, notamment dans le secteur hospitalier et sur l'offre de médicaments » (Haut Conseil des finances publiques, avis n° HCFP - 2023 - 8 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l'année 2024, 22 septembre 2023).
* 284 Article L. 114-4-1 du code de la sécurité sociale. Cette échéance n'est jamais respectée.
* 285 Article L. 114-4-1 du code de la sécurité sociale. Trois avis sont obligatoires, devant être rendus au plus tard le 15 avril, le 1er juin et le 15 octobre.
* 286 L'article L. 114-1 du code de la sécurité sociale prévoit que la CCSS « est assistée par un secrétaire général permanent, nommé par le premier président de la Cour des comptes pour une durée de trois ans qui assure l'organisation de ses travaux ainsi que l'établissement de ses rapports ». Selon son article D. 114-2, « le secrétaire général permanent assure l'organisation des travaux ainsi que l'établissement du rapport [...]. Il fait appel à cette fin aux services du ministre chargé de la sécurité sociale ».
* 287 Selon l'article L. 114-4-1 du code de la sécurité sociale, « le comité est composé du secrétaire général de la Commission des comptes de la sécurité sociale, du directeur général de l'Institut national de la statistique et des études économiques et d'une personnalité qualifiée nommée par le président du Conseil économique, social et environnemental ». L'article D. 114-4-0-18 du même code précise : « Le secrétaire général permanent de la commission des comptes de la sécurité sociale organise les travaux du comité d'alerte. Il fait appel à cette fin aux services du ministre chargé de la sécurité sociale ».
* 288 Le 7 juin 2023.
* 289 Pour mémoire, le second tour des élections législatives s'est tenu le 7 juillet.
* 290 Article 20 de la loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.
* 291 Article 8 de la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.
* 292 Article 20 de la loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.
* 293 Article L.O. 111-4-1 du code de la sécurité sociale.
* 294 Loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013. Les dispositions figuraient alors à l'article L. 162-22-9-1 du code de la sécurité sociale.
* 295 Source : comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie, avis n° 2025-2, 18 juin 2025.
* 296 La LFSS 2024 prévoyait des dépenses supplémentaires et des économies de respectivement 4,5 milliards d'euros et 3,5 milliards d'euros ; pour la LFSS 2025, ces montants étaient de respectivement 6,2 milliards d'euros et 4,3 milliards d'euros (source : comité d'alerte, avis du 18 juin 2025).
* 297 Source : Cnam, MSA, Mesures proposées par les Caisses nationales d'assurance maladie suite à l'avis n° 2025-2 du comité d'alerte relatif au respect de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, 23 juin 2025.
* 298 Par exemple, en 2025, l'avis du comité d'alerte a été publié le 18 juin après-midi, alors que le Placss avait été examiné par l'Assemblée nationale en séance publique le 10 juin et par la commission des affaires sociales du Sénat le 18 juin matin.
* 299 Amendement COM-47 du 26 octobre 2022, article 19 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023-2027.
* 300 Le B est l'unité de base de la tarification.
* 301 Ce dernier ayant été inclus dans le champ du dispositif par un amendement du Gouvernement.
* 302 Selon la direction de la sécurité sociale, « les mécanismes de régulation prix-volume ne peuvent pas s'envisager de la même manière pour tous les professionnels de santé. Ils se sont développés dans des secteurs très concentrés (la biologie et l'imagerie) et sont beaucoup plus difficiles à répliquer pour des professionnels de santé libéraux en exercice isolé, au regard des variations qu'ils font peser sur leurs revenus » (réponse aux rapporteures).